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Des enfants qui ont faim : témoignages d’un mère et d’éducateurs sur la pauvreté extrême (France culture, juillet 2022)

2 août 2022

Le ventre vide, le cœur gros et deux euros
Emission "Les pieds sur terre"

Résumé
Une mère et ses trois enfants, une puéricultrice et un professeur des écoles ont dû faire face au manque de nourriture et à la précarité extrême. Qu’elle ait duré un jour, qu’elle survienne à la fin du mois ou à répétition, qu’elle soit côtoyée, constatée ou subie, ils racontent la faim.

En savoir plus
En France, une personne sur cinq ne mange pas à sa faim. 21% des Français ont du mal à prendre trois repas par jour, faute de moyens financiers. L’INSEE qui nous rappelait en 2017 que 14,2 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, soit 9 millions de personnes. Au-delà des chiffres alarmants, il est question, ici de l’expérience de la faim, ce que cela fait au corps, et de comment on en sort.
"Elle a volé mon goûter parce qu’elle avait faim"
A Marseille, un jeune professeur chargé d’une classe de SEGPA s’aperçoit que son encas, soigneusement rangé dans le tiroir de son bureau, a disparu. C’est une élève de sa classe, turbulente et compliquée, qui le lui a volé. Quand il va lui parler, il est surpris par son attitude : "Je la sens vraiment tourmentée, comme s’il y avait quelque chose dont elle avait honte de parler." Son professeur comprend alors que cette élève de 13 ans ne reçoit pas l’alimentation dont elle a besoin.
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"On a découvert petit à petit que son quotidien était très difficile, en en parlant avec les éducateurs de son foyer. Le week-end, elle allait dans un foyer d’urgence, elle mangeait pas et elle dormait pas assez. Mais elle laissait rien transparaître."
Désemparé, son professeur ne sait comment venir en aide à cette élève abandonnée à elle-même. Il décide alors de remplir son tiroir de nourriture destinée à l’adolescente… "Lui réserver quelque chose à manger, c’était aussi lui montrer qu’elle comptait pour nous." Néanmoins, son professeur sait que ce geste est loin d’être suffisant pour réellement améliorer la situation de son élève.
"Ce qui est encore plus triste, c’est que mon quotidien est fait d’élèves qui ne remplissent pas les besoins les plus élémentaires pour vivre. C’est une élève parmi tant d’autres et ça me déprime. Je n’ai pas de solution face à ça".

8 min
"Quand j’ouvre le frigo, il n’y a rien et mes enfants réclament à manger"
Sans emploi et logée dans un hôtel social, une mère parvient à peine à nourrir suffisamment ses trois enfants. Depuis son divorce, elle avait trouvé un travail en CDI, mais s’étant vue refuser le renouvellement de ses papiers, elle a été licenciée. Alors elle subsiste avec 372 euros par mois. Tous les jeudis, elle se rend aux Restos du Cœur.
"Je n’ai pas les moyens d’acheter des trucs équilibrés. A midi, j’ai fait des pâtes avec de la sauce tomate et le soir, des frites avec du pain et de la mayonnaise. Je fais avec les moyens du bord. Si j’ai du pain, je mange du pain, si j’ai que des pâtes, je leur fait tous les jours des pâtes."
Parfois, elle n’a plus rien. Alors, elle est obligée de se priver pour nourrir ses enfants. "Une fois, on est restés trois jours sans manger." Pour elle, le pire n’est pas la faim qui la taraude, mais les pleurs de ses enfants.
"Franchement, j’arrive plus à vivre comme ça. Je voudrais une cuisine, une salle à manger. Je tiens debout pour mes enfants. Je voudrais vivre comme avant."
À lire aussi : Être pauvre en France en 2018 : de qui et de quoi parle-t-on ?

"Elle reçoit 2 euros par jour et par enfant"
Jocelyne est puéricultrice et doit régulièrement faire face à des cas d’extrême précarité. Pour venir en aide à une mère en détresse, elle en vient à dépasser le cadre de sa profession.
"Elle n’a pas d’argent pour nourrir ses enfants. J’ai décidé de leur acheter des gâteaux, des jus de fruits, des compotes. Je lui ai donné 5 euros pour acheter du pain. A ce moment, j’agissais moins en puéricultrice qu’en maman".
La faim est telle que parfois, la mère n’ose pas sortir avec ses enfants pour ne pas qu’ils souffrent de voir des gaufres et des crêpes dans la rue. Pour Jocelyne, c’est trop difficile de voir ces enfants affamés. Elle doit les aider.

Des nouvelles
La jeune femme qui témoigne en premier va mieux, mais son moral est en "dents de scie". Elle est hébergée dans une structure collective avec ses trois enfants, toujours accompagnée de son assistante sociale et d’une puéricultrice. Elle a obtenu le renouvellement de son titre de séjour le 4 janvier 2022 mais attend encore que sa situation administrative se débloque. Elle pourra prétendre au RSA, mais elle est, pour le moment, limitée aux allocations familiales. Aujourd’hui, elle touche environ 600 euros par mois. Elle espérait pouvoir travailler comme agent dans les cantines et au sein de services périscolaires, mais elle peine à trouver un mode de garde pour sa dernière fille qui s’apprête à rentrer à l’école en septembre prochain. Elle s’accroche mais l’attente et les procédures sont longues.
Jocelyne est toujours puéricultrice en PMI. Le Covid a rendu son travail plus complexe, elle doit faire face à davantage de situations dégradées, notamment des cas de violences conjugales et des placements en hébergements mère-enfant.

Extrait de radiofrance.fr du 19.07.22 (32 mn)

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