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Mise en place d’une 3e de préorientation dans le collège REP de Persan (Val-d’Oise) (Le Monde)

2004

Extrait du « Monde » du 25.06.04 : dans la ZEP de Persan (Val-d’Oise)

Des enseignants de ZEP face au dilemme de la préorientation des élèves.

Ne pas laisser des collégiens en difficulté s’enfermer dans l’illusion qu’ils pourront poursuivre leurs études dans un lycée général. Ne pas, non plus, les préorienter dès la troisième dans une filière d’où ils ne pourront jamais ressortir. C’est le dilemme que tentent de résoudre les enseignants du collège Georges-Brassens de Persan (Val-d’Oise), qui expérimentent depuis un an un assouplissement du principe du "collège unique".

En la matière, les équilibres sont naturellement instables. D’un côté, le principe généreux d’un collège censé accueillir indifféremment tous les élèves, idéal auquel s’accrochent les enseignants. "Les collégiens sont des adolescents qui ont le droit d’aller mal, d’emprunter des chemins dérivés", souligne Laurence Tartarin, professeur d’anglais. "A cet âge, les élèves peuvent être très changeants, et il faut donc absolument prévoir des possibilités de rattrapage", explique Jean-Michel Parcelier, professeur d’éducation physique et sportive.
De l’autre, la réalité d’un public scolaire très hétérogène, pour lequel la voie professionnelle apparaît souvent comme la plus sage. "Pour ceux dont le départ dans le professionnel apparaît probable dès la quatrième, il est important de les aider à préparer cette orientation et à ne pas la subir, explique la principale, Marie-Pascale Offredo. C’est d’autant plus important que, dans notre établissement, un élève sur deux est orienté dans le professionnel", précise-t-elle.

Pour tenter de concilier l’idéal et la réalité, l’établissement, classé en zone d’éducation prioritaire (ZEP), a mis en place une troisième "préparatoire à la voie professionnelle". Ouverte en septembre 2003, elle accueille 21 élèves - tous volontaires -, qui bénéficient d’une formule sur mesure : une demi-journée par semaine, de novembre à avril, ils sont sensibilisés aux métiers proposés à l’issue d’une formation en lycée professionnel.

Même niveau d’exigence

Le premier bilan, après une année de fonctionnement, est positif. D’abord sur le plan de l’orientation. "On a fait depuis longtemps le constat d’un manque d’ambition de nos élèves. Leur objectif ultime est d’aller au lycée de Beaumont, le plus proche. Quelque part, pour eux, on naît à Persan, on vit à Persan, on meurt à Persan", résume la principale. La présentation des filières sert d’ouverture pour ces élèves. "Plutôt que de décider en fonction de critères géographiques, ils privilégient le fond de l’orientation et n’ont plus peur d’aller à Saint-Ouen ou à Pontoise", indique Jean-Michel Parcelier, professeur principal de la classe.

Pour éviter que cette classe ne soit assimilée à un "ghetto", l’établissement s’est imposé de conserver le même niveau d’exigence, le même fonctionnement, la même organisation - autant de "garde-fous". "Le fait que les élèves sont volontaires et que nous gardons les mêmes exigences scolaires limite les risques", note Mazik Ikhlef, professeur de mathématiques. "On avait bien insisté sur le fait qu’il n’y avait pas de différence avec les autres classes. Je l’ai dit aux élèves : "Accrochez-vous parce que je vais maintenir le niveau !"", indique Anne Msaad, professeur de français.

De cette expérience, les enseignants ne veulent pas déduire qu’une généralisation serait automatiquement efficace. Parce que les précédentes tentatives ministérielles ont pu déboucher sur des dérives. "J’ai connu les quatrièmes et troisièmes technologiques pendant quinze ans. Quand ça a démarré, il s’agissait de classes comme les autres, mais, très vite, elles sont devenues des filières à part", se souvient Jean-Paul Zimmermann, professeur de technologie. Les enseignants ne sont pas sûrs de trouver ces garanties dans le projet du ministère. "S’ils décidaient de supprimer des enseignements, comme la seconde langue vivante, ça signifierait que les élèves n’auraient pratiquement plus aucune chance de se réorienter vers une seconde générale", poursuit l’enseignant. Une façon de souligner que, de la simple "préorientation" à la "filière ghetto", l’écart peut être très mince.

Luc Bronner.

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