Le SNPI-FSU, dans un long communiqué, estime que les contrats d’objectifs de circonscription envisagés par la circulaire de rentrée entre l’IEN et une école ou un réseau, notamment en Eclair, n’ont pas de fondement juridique

20 avril 2012

[...] Mais à l’heure actuelle, il n’existe aucune disposition législative ni règlementaire introduisant quelque contrat d’objectifs que ce soit à l’échelon de l’école primaire. C’est un fait. Et ce n’est pas anodin. On le verra.

Malgré ce fait, depuis l’arrivée au pouvoir du président de la République Nicolas Sarkozy, le ministère de l’Éducation nationale n’a eu de cesse de tenter d’imposer cette disposition dans le premier degré au niveau des circonscriptions. [...]
Enfin, elle est apparue à l’occasion de la publication le 29 mars 2012 de la circulaire de préparation de la rentrée scolaire 2012 : le mot « contrat » y apparaît 10 fois et notamment ici : « Les contrats de circonscription du premier degré seront encouragés pour faire progresser les résultats des élèves, en s’appuyant tout particulièrement sur les évaluations des élèves de CE1 et CM2 en français et en mathématiques de la circonscription. Il peut être également envisagé la passation de contrats regroupant un collège et les écoles du secteur, notamment en Éclair. L’ensemble de ces contrats doit contribuer à l’optimisation des moyens qui sont mis à disposition de chaque responsable. »

Si dans les années 1980 et 1990, le terme de « contrat » a été associé à une technique pédagogique proche de la pédagogie du projet (« La pédagogie de contrat est une pédagogie qui organise des situations d’apprentissage où il y a un accord négocié mutuel entre partenaires qui se reconnaissent comme tels. »), il n’en demeure pas moins que sur le plan des institutions, un contrat demeure un objet juridique dont le champ conceptuel est intangible.
C’est une convention juridique avec une particularité que n’ont pas les conventions simples. À l’issue d’une négociation non faussée, elle engage particulièrement ses signataires reconnus comme étant de même niveau de liberté au moment de la signature du contrat, à payer un dédommagement pour les autres contractants en cas de rupture du contrat. C’est bien d’ailleurs en raison de cette spécificité juridique que le ministère de l’Éducation nationale ne signe pratiquement que des conventions avec ses interlocuteurs extérieurs et exceptionnellement des contrats : la rupture d’une convention n’implique pas de dédommagement, mais le simple arrêt de l’accord.

Du fait de la notion de préjudice en cas de rupture, les contrats relèvent d’abord du droit civil et accessoirement du droit administratif. Ils impliquent des personnes morales et des faits matériels objectivables et non des principes et des finalités. Or en matière d’éducation, on a affaire à des élèves, à des citoyens, à des principes, à des finalités et à des dynamiques difficilement objectivables. C’est par ailleurs toutes les limites de la LOLF dans ce domaine, avec ses piètres indicateurs et ses cibles chiffrées souvent irréelles ou caricaturales.

La volonté d’introduire les contrats d’objectifs au niveau des circonscriptions du premier degré de notre système scolaire public se heurte à une réalité juridique implacable : ni les inspecteurs de l’éducation nationale chargés de circonscription, ni les directeurs d’école, ni les circonscriptions, ni les écoles ne disposent ès qualités de la personnalité morale indispensable à la signature d’un contrat (ils n’ont d’ailleurs pas cette capacité juridique pour signer des conventions comme chacun le sait). Et quand bien même changerait-on leurs statuts, où se trouverait l’égalité juridique de départ entre l’école et son inspecteur, entre l’inspecteur et son recteur ? Quel dédommagement serait prévu pour l’un ou pour l’autre des contractants en cas de rupture du contrat ? Et quelle liberté de négociation peut bien avoir une école avec son inspecteur et un inspecteur avec son recteur ?

[...] En conséquence, on ne peut que mettre en garde les inspecteurs chargés de circonscription qui croient entrer dans la modernité en s’engageant sans réfléchir dans ces fameux contrats d’objectifs de circonscription. Ces contrats douteux à tout point de vue (conceptuel comme juridique) ne sont en rien gages d’une meilleure efficacité de l’enseignement. Leurs promoteurs seraient d’ailleurs bien en peine de montrer une seule étude scientifique validant cette théorie. Au contraire, plusieurs études ont montré les limites du New Public Management appliqué au champ scolaire avec une baisse sensible des résultats scolaires : l’exemple anglais et ses faillites devrait faire réfléchir les idéologues aveuglés par leurs ambitions.

Tout ceci n’est qu’un phénomène passager en France et non une entrée inéluctable dans la modernité. Juridiquement, tout cela n’a aucun fondement sérieux opposable aux acteurs de l’école, sinon celui de la pression hiérarchique autoritaire et unilatérale. La République et l’esprit républicain de nos institutions peuvent et doivent résister à ces assauts idéologiques.

Extrait du site du SNPI-FSU du 18.04.12 : Pourquoi peut-on nourrir les plus grandes réserves sur les dispositifs de contrats de circonscription ?

 

Lire la circulaire de rentrée 2012
Le passage sur les contrats de circonscription se trouve à l’intérieur du 2.3 dans le paragraphe "Outils d’auto-évaluation et de pilotage des établissements (OAPE) (au dessus de la CONCLUSION).

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1 Message

  • Bien dit : les "contrats" n’ont rien à faire dans l’Education nationale qui est une institution hiérarchique.

    Que peut signifier un "contrat" quand une partie dépend de l’autre ? Quand les "Projets de zone" ont été remplacés par les CZ (Contrats de zone) puis, en 2003, par les CRS ! (Contrats de réussite scolaire) il y a eu des protestations qui se sont exprimées, notamment, dans une "Rencontre de l’OZP". Pourquoi ce thème ressort-il aujourd’hui ? Mystère ! Mais c’est un bon moment puisqu’on parle de refondation (ou de disparition) de l’éducation prioritaire.

    On peut objecter que ce terme est pris dans un sens symbolique et non judiciaire. Certes. Alors, il faut le dire, ce qui ne s’est jamais fait, et il faut qu’existe la négociation qui doit aboutir à l’établissement du contrat symobolique. Or, et c’est là vrai pour le premier comme pour le second degré, on ne constate pas de négociation, le site de l’OZP, au long des années, en offre mille exemples.

    Profitons de ce commentaire pour observer qu’on ne parle plus de "Contrats" pour l’inscription d’élèves turbulents de CM2 au collège. Espérons que ces contrats scandaleux ont vraiment disparu. Ils obligeaient parents et élève à signer un contrat de soumission au réglement intérieur (RI) du collège pour pouvoir s’y inscrire. Dans ce cas, l’inscription ne provoquait pas un nécessaire accord pour l’application du RI, mais celle-ci en devenait un préalable à l’ouverture d’un droit qui ne prévoit aucune condition. Contraires au droit fondamental à la scolarisation ils furent, à l’époque de l’arrivée des contrats de zone, une autre mode désastreuse.

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