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"L’école maternelle". Rapport des inspections générales, octobre 2011, 202 p. (avec de larges extraits sur l’accueil des 2 à 3 ans)

30 mai 2012

L’école maternelle
octobre 2011, 202 p.

Auteurs
Inspection générale de l’éducation nationale
de l’éducation nationale et de la recherche
Viviane Bouysse
Philippe Claus

Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et dela recherche
Christine Szymankiewicz

GROUPE DE TRAVAIL :
IGEN : Jean-Pierre Delaubier, Pascal Jardin, Christian Loarer, Gilles Pétreault
IGAENR :Martine Caraglio, Marie-Hélène Granier-Fauquert, Anne-Marie Grosmaire, Jean-René Genty, François Louis

Lire le rapport intégral

 

De ce rapport très dense, nous extrayons un long passage (sans les notes) [pp. 40-46] qui touche de près les ZEP mais également le volet "petite enfance" de la politique de la Ville.

[p. 40] L’accueil des enfants de deux à trois ans : des débats depuis près de trente ans, un enjeu politique toujours d’actualité

Malgré ce rapport rassurant [le rapport IG de 1982] bien que lucide sur les faiblesses de cette scolarisation précoce et sans
doute parce qu’aucune des préconisations n’a été mise en oeuvre pour les corriger, depuis les années 1980, les alertes se sont renouvelées. La défenseure des enfants, dans le rapport annuel au
Président de la République et au Parlement en 200335, sonne à nouveau la charge. Reconnaissant les bonnes intentions qui ont présidé à la promotion d’une scolarisation précoce, elle dénonce « les effets imprévus mais reconnaissables d’un parcours scolaire entamé dès deux ans » en relayant les inquiétudes de spécialistes divers de la petite enfance qui se rapportent à quatre domaines :

  • le non-respect des rythmes biologiques des jeunes enfants, en particulier de leur besoin de repos ; le caractère individuel des rythmes est difficile à prendre en compte en milieu collectif et ce
    d’autant plus que, souvent, les jeunes enfants sont mêlés à d’autres, plus grands, qui ont d’autres besoins sur lesquels l’école se focalise toujours en priorité ;
  • le manque d’interactions langagières adaptées du fait du rapport entre nombre d’adultes et nombre d’enfants ;
  • le malmenage psychologique : d’une part, la sécurité affective des petits n’est pas suffisamment assurée dans des grands groupes sans individualisation, l’insécurité ressentie entraînant soumission de l’enfant au groupe (fusion dans le groupe) ou opposition exacerbée ;
  • d’autre part, l‘acquisition de la propreté pour permettre l’entrée à l’école se fait souvent sous une contrainte qui n’est pas sans dommage. Les pédopsychiatres décrivent des enfants plus anxieux et plus agressifs qu’il n’est normal de le voir, colériques et hypersensibles aux séparations ;
  • les acquisitions cognitives imposées de manière prématurée et souvent inefficace, ce, d’autant plus que l’école maternelle dérive vers une conception plus scolaire depuis que la grande section
    est rattachée au cycle 2.

Le rapport [celui de 2003] s’achève sur une double recommandation : arrêter l’extension de cette scolarisation et
mettre en place une conférence nationale de consensus avec des spécialistes divers pour définir une politique d’accueil adaptée à ces enfants.

2.1.3.2. L’expérimentation de solutions alternatives
 Des classes-passerelles en 1999
À la fin des années 1990, des « classes-passerelles », unités d’accueil d’enfants de deux à trois ans, le plus souvent implantées dans des écoles maternelles ont été développées, avec une vocation plurielle : créer les conditions d’une première socialisation, favoriser une séparation progressive avec
la famille, soutenir les parents dans l’exercice de la fonction parentale.
Un rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’éducation nationale, signal d’un intérêt partagé des deux ministères, établit un premier bilan en novembre 2000.

L’évaluation effectuée met en évidence un flou dans l’initiative et le pilotage qui va jusqu’aux conflits d’influence voire de pouvoirs, une insuffisance de formation spécifique pour les enseignants et de
formations communes aux divers professionnels impliqués dans ces structures. Le bilan indique clairement que la généralisation n’est pas envisageable pour plusieurs raisons. En premier lieu, la
pertinence de la scolarisation précoce est mise en doute ; objet de débats voire de controverses, la question n’est pas tranchée de savoir si jeunes enfants ont vraiment leur place dans une école, fût-ce dans un service aménagé. Ensuite, il persiste un flou juridique : comment traiter cette « extension facultative au seuil d’une scolarisation elle-même non obligatoire avant l’âge de six ans » ? Enfin, l’argument essentiel renvoie au réalisme, les moyens humains et matériels à rassembler étant « hors
de portée des financeurs ».

Mais les rapporteurs considèrent qu’il est souhaitable de « soutenir et développer les classes passerelles » : un soutien encadré avec un cahier des charges pour « garantir et protéger la qualité du
dispositif », des priorités plus claires (dont celles qui président à l’élaboration de la carte scolaire), un encouragement à l’association de professionnels différents et, localement, la mise en place d’un groupe de coordination de la petite enfance qui assurerait, entre autres attributions, le recensement et
le suivi des dispositifs passerelles.
Ces dispositifs ont périclité ou subsisté, d’autres sont nés : on n’en connaît pas aujourd’hui le nombre exact – ni la typologie – au niveau national, aucune enquête n’ayant prolongé l’étude de 2000.

  … aux jardins d’éveil en 2009
Les classes-passerelles ont servi de modèle à la proposition récente de création de « jardins d’éveil » : le rapport cité plus haut (cf. supra 2.1.3.1.) fait au Sénat en 2008 préconise de « promouvoir de nouvelles structures d’accueil éducatif pour les jeunes enfants âgés de deux ans et plus » et de n’accueillir en école maternelle que les enfants « à partir de trois ans révolus dans l’année civile ».
Cette solution qui constituerait un mode d’accueil supplémentaire pour les enfants de deux à trois ans, est explicitement présentée comme s’inspirant des jardins d’enfants et des « classes-passerelles » ; la possibilité en est inscrite dans l’article 25 du décret 2010-613 du 7 juin 2010.
L’expérimentation a commencé, fondée sur un cahier des charges établi en juin 2009 qui définit les
jardins d’éveil comme des dispositifs de prise en charge d’enfants de deux à trois ans en vue de faciliter leur intégration à l’école maternelle. Les effectifs envisagés sont de 12 à 24 enfants ;
l’encadrement doit être d’un professionnel pour 12 enfants, l’ouverture d’au moins 10 heures par jour et 200 jours par an. Les porteurs de projets peuvent être les communes ou communautés de communes, les administrations, des établissements publics, des entreprises, associations, mutuelles, etc.

Les jardins d’éveil sont de fait des formules qui créent des passerelles entre les deux systèmes. Selon
le cahier des charges initial, « L’expertise de l’inspecteur d’académie sera sollicitée pour assurer le
lien avec les classes maternelles et contribuer au suivi et à l’évaluation de l’expérimentation. »
L’orientation serait moins scolaire qu’elle ne l’est à l’école maternelle : « À la différence de l’école
maternelle, il y aurait plus de séances de jeux et moins de séances d’activités. Les enfants y auraient
encore le droit de rêver, de ne pas respecter une consigne, de ne pas être propres. »

Les objectifs de développement n’ont pas été atteints ; les obstacles à leur création sont encore mal
élucidés (questions de coûts, idéologie, blocages autres).

2.1.3.3. Les enfants de moins de trois ans à l’école maternelle : une variable d’ajustement plus qu’une politique
Un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale de 2000, non rendu public, avait consacré un chapitre important à ce sujet. Si les effectifs d’enfants de moins de trois ans ont décru
ces dernières années sous l’effet de plusieurs contraintes (démographiques d’abord puis budgétaires), ce qui était écrit en 2000 reste entièrement valable.
Le rapport présentait une analyse du flou subsistant dans les règles relatives à la scolarisation des très jeunes enfants : « L’ambiguïté de ces textes est triple : d’une part, aucun texte de nature réglementaire ne confirme (ni n’infirme) la possibilité d’accueillir des enfants atteignant deux ans en cours d’année ; d’autre part, aucun texte de même nature ne précise le sens de l’expression « dans la limite des places disponibles » ; enfin, aucun texte n’indique la date (d’inscription ou d’admission) à
laquelle doivent être pris en compte, notamment pour la carte scolaire, les enfants admis entre la rentrée scolaire et le 31 décembre. » Rien n’a été clarifié depuis.

Au delà des textes, étaient soulignés le caractère équivoque de la notion même d’enfant de deux ans (dans l’année civile ? à la rentrée ?), le gros écart de développement entre un enfant de deux ans et un enfant de deux ans et neuf mois, l’organisation variable de l’école maternelle en sections conduisant le plus souvent à accueillir des enfants de deux ans avec des plus grands et rendant très délicate l’étude de leur spécificité.
Ce rapport disait les enseignants « désarmés devant l’accueil et la scolarisation des plus petits » pour des raisons multiples. Il soulignait l’insuffisance des réponses institutionnelles en matière de formation initiale aussi bien que continue des enseignants du premier degré, celle-ci étant « à peu près muette
sur la question ». Il dénonçait la faiblesse de la fréquentation et le flou des exigences de l’institution en
la matière.
Il reconnaissait quelques succès, notamment dans le domaine de l’accueil où « la réflexion et les réalisations pédagogiques sont les plus avancées », « avec le souci de prendre en compte la fragilité
affective des ces petits et d’apaiser le traumatisme que peut représenter la rupture avec le milieu familial ou nourricier ».
Il pointait le caractère très limité des relations entre l’éducation nationale et ses partenaires au niveau des institutions comme au niveau des professionnels sur le terrain et posait la question qui réapparaît sans cesse plus ou moins explicitement : « À qui "appartiennent" les enfants de deux ans ? »

Dix ans après, le problème subsiste et s’est sans doute accru. La tentation face aux difficultés pourrait être de renoncer mais les attentes exprimées vis-à-vis de l’école maternelle restent plurielles : celle des parents qui la voient aussi – et parfois d’abord – comme une structure d’accueil gratuite, celle des
élus qui font face à la pression familiale et la perçoivent comme une solution moins onéreuse pour les finances municipales que d’autres services, celle de militants de l’école qui la considèrent comme apte à répondre aux besoins des plus défavorisés malgré les difficultés qu’ils éprouvent par ailleurs pour assumer cette position.

La demande d’accueil collectif (qui n’est pas spécifique à notre pays, on l’a vu au chapitre 1) se heurte aux contraintes budgétaires ; celles-ci ont des conséquences directes sur l’accueil des plus jeunes à l’école qui est doublement facultatif (pas d’engagement généralisé d’accueil pour les enfants de moins
de trois ans, instruction non obligatoire avant six ans), l’obligation de moyens de l’État vis-à-vis de l’école maternelle n’étant pas identique à celle qu’il assume pour la scolarité obligatoire.
L’enseignement catholique, quant à lui, a trouvé depuis peu une solution au problème ainsi créé : il ouvre des classes hors contrat dans des établissements sous contrat pour accueillir les enfants les
plus jeunes, moyennant une participation financière des familles.

L’éviction des plus jeunes enfants de l’école vers d’autres institutions n’est pas sans conséquence financière : « le reflux de la scolarisation à deux ans a conduit à transférer le financement de l’accueil des jeunes enfants concernés sur les collectivités territoriales, les caisses d’allocations familiales (CAF), ainsi que les ménages. », conclut en 2008 la Cour des comptes en analysant l’effet du transfert de 63 000 enfants entre 2003-2004 et 2007-2008 vers d’autres modes d’accueil.

L’avis du Haut Conseil de la famille (HCF), pour lequel le recul de la prise en charge des enfants de moins de trois ans par l’école ternit le bilan de création de places dans les structures d’éducation et d’accueil des tout jeunes enfants, va dans le même sens. Alors qu’il est fréquent d’entendre que le coût de la scolarisation précoce est moindre pour la collectivité nationale que celui des autres solutions d’accueil collectif, pour le HCF, l’analyse comparée de ces coûts est délicate du fait de difficultés méthodologiques objectives portant sur ce qui doit être pris en compte (dépense en personnels, coûts matériels et d’équipement, etc. ; incidence du crédit d’impôt) et sur la mesure (à l’enfant ou l’élève ? à l’heure par élève ? de quelle façon tenir compte de la fréquentation scolaire moindre l’après-midi ?
etc.).

Le contexte actuel, dans lequel on doit articuler les besoins des familles38 et la volonté de notre ministère d’amplifier les actions préventives de l’échec scolaire en les mettant en place le plus tôt
possible, nous impose de réfléchir de manière non cloisonnée, interministérielle et avec les élus locaux. Pour aller plus loin, il conviendrait de créer des outils institutionnels adaptés au contexte d’aujourd’hui comme celui dont on a pu disposer avec le protocole d’accord interministériel de 1990 qui, non pleinement exploité, est tombé en désuétude. L’annexe 6 rend compte d’une expérience partenariale au niveau local qui pourrait représenter le prototype d’une bonne pratique, sous réserve d’évaluation, le manque de recul empêchant à cette date de statuer sur la relation coût - bénéfices.

Mais plusieurs questions de fond doivent être traitées. Lesquels des tout-petits faut-il accueillir de préférence à l’école, et à partir de quel âge (deux ans ou deux ans et demi) ? Les enfants qui y
seraient le moins malmenés sont sans doute ceux dont le développement est déjà avancé, mais sont-ce ceux qui en ont le plus besoin ? L’accès à l’école maternelle doit-il être, dès deux ans, universel ou, alors, ciblé ?
Mais, dans ce cas, quels critères univoques faudrait-il retenir pour assurer une réelle égalité des familles face au service public ? Dans quelles conditions accueille-t-on ces tout-petits pour que leur prise en charge respecte leurs besoins propres et crée des conditions de stimulations adaptées ? Peut-on, par exemple, continuer à en admettre dans des classes rurales multi-sections qui comptent parfois le cours préparatoire associé à toutes les sections de la maternelle ? Si ces enfants sont accueillis à l’école, leur faut-il un enseignant à plein temps ? Et s’ils ne sont pas accueillis à l’école, l’éducation nationale ne peut-elle pas contribuer à temps partiel à leur prise en charge pour des activités directement liées à des finalités scolaires ?
Ce sont là des questions auxquelles divers spécialistes – experts de la recherche et experts d’expérience – peuvent apporter des réponses qui doivent être croisées pour mettre de la rigueur dans les débats.

 

 

Dans la presse

[...] Le rapport sur la maternelle [...] invite à un effort de formation des enseignants. "Ce serait un paradoxe que de continuer à entretenir à grands frais une école maternelle sans lui accorder les clés de la qualité que tous les référentiels internationaux reconnaissent : une formation adaptée de ses professionnels". Le rapport montre que la maternelle a un effet bénéfique pour les enfants de milieu défavorisé mais ne dénonce pas l’éradication de la scolarisation à deux ans en zone prioritaire.

Extrait de cafepédagogique.net du 25.05.12 : Le ministère publie 17 rapports de l’Inspection générale

 

On comprend vite pourquoi ce rapport n’est publié qu’aujourd’hui, alors qu’il est daté d’octobre 2011. Ce sont « les enfants les plus défavorisés, les plus vulnérables, qui ont le plus à pâtir d’exigences prématurées ». C’est à partir de ce diagnostic, à la fois sévère et exigeant que le récent rapport des inspections générales invite à une profonde transformation de l’école maternelle, à une « remobilisation » devant les doutes actuels sur l’avenir de la maternelle, renforcés par le manque de pilotage...

Extrait de cafepedagogique.net du 29.05.12 : http://www.cafepedagogique.net/LEXP...

 

La maternelle : Darcos (les couches…) puis Chatel n’ont eu de cesse de dévaloriser la maternelle, avec dans les malles l’alternative des « jardins d’éveil » moins coûteux parce qu’ils permettraient de supprimer des postes et de la qualification. Le rapport sur la maternelle, qui s’inspire entre autres du travail fait en Suède, tend au contraire à valoriser la maternelle et à renforcer son statut d’école à part entière. Le rapport montre notamment que l’école maternelle a un effet bénéfique pour les enfants défavorisés. Enfin il pointe le besoin urgent d’une formation spécifique aux profs de maternelle…

Extrait de lexpress.fr] du 26.05.12 : Sous le tapis de Chatel

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