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Rapport des Inspections générales sur l’ouverture sociale et la diversité dans les classes préparatoires aux grandes écoles (juillet 2010, publié en juin 2012)

13 juin 2012

Contrôle de l’ouverture sociale
et de la diversité dans les classes
préparatoires aux grandes écoles

Rapport n° 2010-100 - juillet 2010
48 pages
Rapporteurs : Brigitte Bajou, Josée Kamoun, Norbert Perrot, Jean-Michel Schmitt, Alain Séré, Inspecteurs généraux de l’Éducation nationale ; Jacques Fattet, Chargé de mission à l’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche

Sommaire

INTRODUCTION.

1. L’OUVERTURE SOCIALE DES CPGE : UNE VOLONTÉ POLITIQUE QUI
RÉPOND À DES IMPÉRATIFS DÉMOGRAPHIQUES, ÉCONOMIQUES ET
SOCIAUX

  • 1.1. De nouvelles attentes de la démocratisation scolaire
  • 1.2. Une impulsion qui s’affirme
  • 1.3. L’accueil des boursiers en CPGE : une conception systémique

2. UN PREMIER BILAN.

  • 2.1. Des chiffres nationaux en hausse.
    • 2.1.1. Un contexte global d’augmentation du nombre de boursiers de l’enseignement supérieur
  • 2.1.2. Une augmentation continue du nombre de boursiers en CPGE
    • 2.1.3. Le poids des boursiers à l’échelon zéro
  • 2.2. Une situation qui reste très hétérogène
    • 2.2.1. Pourquoi et comment certaines académies ont d’ores et déjà relevé le défi de l’ouverture sociale ?
    • 2.2.2. Un terrain d’exception : l’Île-de-France
    • 2.2.3. Une hétérogénéité par établissement et par filière
    • 2.2.4. Le cas particulier de la filière littéraire
  • 2.3. Un pilotage à améliorer
    • 2.3.1. APB, un outil national de mesure et de pilotage en émergence
    • 2.3.2. L’avis conditionnel de bourse (ACB), un instrument délicat à manier
    • 2.3.3. Un pilotage académique qui doit mieux s’organiser
  • 2.4. Des étudiants moins sécurisés
    • 2.4.1. Un effritement du taux de boursiers entre la première et la deuxième année
    • 2.4.2. Le problème du logement et des conditions d’études
    • 2.4.3. Quelles réponses pédagogiques ?
    • 2.4.4. Le coût des inscriptions aux concours

3. LES FREINS À L’OUVERTURE SOCIALE DES CPGE

  • 3.1. Le poids des déterminismes sociaux
    • 3.1.1. L’origine sociale et la réussite scolaire
    • 3.1.2. L’importance de l’information donnée aux élèves du cycle terminal
    • 3.1.3. Les effets de l’autocensure
  • 3.2. La crainte de la remise en cause du principe d’égalité républicaine devant la sélection et devant les concours
    • 3.2.1. Entre convergence des objectifs et tensions sur les méthodes à utiliser

4. UNE DÉMARCHE VOLONTARISTE DES ACTEURS DE TERRAIN

  • 4.1. La généralisation de la mise en réseau
    • 4.1.1. État des lieux des cordées de la réussite
    • 4.1.2. L’intervention d’acteurs socio-économiques
  • 4.2. Les dispositifs expérimentaux
    • 4.2.1. Les CPES (Classes Préparatoires aux Études Supérieures)
    • 4.2.2. Des expériences de classes préparatoires universitaires
    • 4.2.3. Les premiers pas de classes préparatoires « voies professionnelles »

5. LES OPPORTUNITÉS DU RENFORCEMENT DE LA VOIE
TECHNOLOGIQUE EN CPGE

  • 5.1. Dans la filière scientifique
  • 5.2. Dans la filière économique et commerciale
    • 5.2.1. Situation générale des CPGE ECT
    • 5.2.2. Les résultats et leur interprétation
    • 5.2.3. Le positionnement actuel et les perspectives

6. CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS

Même si la mission peut avoir quelques doutes sur leur précision car elles ne semblent pas
distinguer clairement les différents types de lycées (militaire, public et privé), les statistiques
officielles montrent clairement que l’objectif fixé par le Président de la République n’est pas
encore atteint. L’augmentation du nombre de boursiers est liée essentiellement à la création de
l’échelon à taux zéro, le pourcentage d’élèves aux taux cinq et six restant toujours extrêmement
faible. Il apparaît clairement que l’objectif fixé n’est pas facile à atteindre en raison notamment
d’habitudes culturelles fortes et anciennes de la part des chefs d’établissement et de leurs équipes
pédagogiques, mais aussi des populations concernées.

Au delà de la lecture des statistiques, la mission s’est efforcée d’identifier sur le terrain les
facteurs favorisant l’intégration dans les classes préparatoires de jeunes issus des milieux
défavorisés ainsi que les freins à cette intégration. La mission a constaté une prise de conscience
générale et un ressenti de légitimité vis-à-vis de la demande impérative du Président de la
République, demande reçue et traitée de façons très diverses selon la localisation géographique,
le type d’établissement et de filière, l’engagement du chef d’établissement et le comportement
des équipes pédagogiques.

La mission a pris beaucoup de plaisir à rencontrer certains chefs d’établissements très impliqués
dans la mission d’ouverture sociale ainsi que des élèves de classes préparatoires, boursiers ou
non, très matures et proposant souvent des analyses lucides de la situation. Les points forts
retenus par la mission concernent l’information, les conditions d’hébergement, la question du
classement des lycées au regard des résultats aux concours prestigieux et le risque d’une
perception négative des jeunes vis-à-vis d’un objectif d’ouverture sociale ambitieux mais
risquant d’être mal interprété. La question de l’information est tout à fait centrale, et non
spécifique à l’orientation en CPGE. Elle interroge fortement sur les moyens de transmission et
pointe clairement, dans ce domaine aussi, la difficulté des enseignants à apporter des réponses
pertinentes concernant les poursuites d’études au-delà du baccalauréat. Il n’est pas certain que la
réponse passe seulement par la formation ou la sensibilisation des enseignants à ces questions.

Le problème de l’hébergement n’est pas nouveau mais doit nettement être traité de façon globale
pour des jeunes socialement fragilisés, en incluant des considérations autres que celles d’un
confort pratique immédiat. La poursuite d’études suppose également des supports techniques, un
contexte social favorable et une ouverture culturelle.

Enfin, la logique des classements des lycées, fondés sur des critères contestables, est l’un des
freins les plus puissants à l’évolution des pratiques pédagogiques de nombre d’enseignants de
classes préparatoires, ces derniers considérant qu’ils doivent avant tout alimenter leurs élèves en
savoirs académiques. La mission considère qu’une réflexion approfondie devrait être menée à ce
sujet afin de permettre, en particulier, de valoriser les établissements à forte valeur ajoutée au
regard de l’ouverture sociale et des belles réussites offertes aux jeunes issus des milieux
défavorisés.

Plus globalement, la mission n’a pas constaté de véritables impulsions académiques, fortes et
portées, qui accompagneraient les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques dans
l’appropriation et la mise en oeuvre de l’objectif des 30 % de boursiers en CPGE.

S’appuyant sur les analyses et les constats formulés lors des visites et rencontres effectuées en
académies et consignées dans ce rapport, la mission retient essentiellement six axes de
propositions qui sont présentés ci-dessous. Ces propositions se situent dans le contexte actuel du
collège et du lycée, qui est déjà discriminant socialement. La mission ne fait aucune proposition
concernant la situation des collèges et lycées, domaine non concerné par l’étude menée.

Propositions

  • Intégration de l’objectif des 30% dans les stratégies académique et d’établissement
    • Introduire et formaliser un axe politique d’ouverture sociale des CPGE dans chacun des projets académiques.
    • Systématiser la référence à l’ouverture sociale dans un contrat trisannuel d’objectifs de chaque établissement et fixer dans le cadre de ce contrat, les objectifs attendus, les moyens engagés et les indicateurs de mesure d’efficacité.
    • Inscrire dans les dialogues stratégiques des académies avec la centrale, la prise en compte de l’objectif des 30 % de boursiers en CPGE.
    • Confier aux inspections générales une mission permanente de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des politiques académiques et d’établissement.
  • Hébergement des boursiers
    • Engager le dialogue avec les collectivités territoriales sur les enjeux et les modalités de l’ouverture des internats tout au long de l’année scolaire.
    • Mettre à disposition des étudiants boursiers en CPGE des résidences gérées par le CROUS.
    • Rechercher dans le cadre d’un dialogue avec la région Île-de-France, des solutions pour permettre l’accès réservé aux candidats boursiers à quelques internats en région parisienne pendant la période des épreuves d’admission aux concours.
    • Inciter les chefs d’établissements à s’impliquer dans la recherche d’hébergement pour les boursiers en CPGE, et en particulier à s’approprier la politique des internats d’excellence.
  • Information et accompagnement des élèves du second degré
    • Développer les liens directs avec les élèves en :
      • organisant des rencontres systématiques des élèves de lycée (1re et Terminale) avec des élèves de classes préparatoires et des étudiants des Grandes Ėcoles ;
      • adaptant et accompagnant l’information disponible sur le web ;
      • incitant l’organisation de réunions d’explication pour l’utilisation des sites de l’ONISEP et du CROUS ;
      • concevant et organisant des rendez-vous réguliers d’information et de débats sur l’orientation dans tous les établissements.
    • Concevoir et conduire des actions prescriptives, dès la classe de première, en direction des élèves de milieux défavorisés.
    • Établir un classement des établissements mettant en évidence leur valeur ajoutée notamment dans le domaine de l’ouverture sociale et la sécurisation des parcours.
  • Accompagnement culturel des élèves boursiers
    • Sensibiliser les chefs d’établissements et les équipes pédagogiques sur la nécessité d’offrir aux élèves volontaires des actions d’enrichissement culturel, dans le cadre même de la scolarité en CPGE.
  • Les Grandes Écoles
  • S’assurer que les Grandes Écoles prennent toutes les mesures pour équilibrer leurs profils de recrutement.
  • Engager un dialogue avec les Grandes Écoles afin de diminuer le coût des inscriptions à leur concours d’entrée, mais surtout le coût induit par la participation aux épreuves d’admission.
  • Les cordées de la réussite
  • Ėvaluer l’impact des cordées de la réussite.
  • Systématiser la reconnaissance universitaire de l’engagement des étudiants dans l’accompagnement et le tutorat des publics scolaires.

Le rapport intégral

 

CPGE : La fausse ouverture sociale

[...] En 2010, le rapport de Brigitte Bajou et Jacques Fattet établit que seulement 22% des élèves de CPGE perçoivent une bourse. Un taux deux fois plus faible qu’en STS (42%) et nettement inférieur à celui des universités (31%). Encore ce taux est-il faussé par la redéfinition des bourses en 2008. " Le déplafonnement des revenus donnant droit à l’obtention du statut de boursier a provoqué entre 2007 et 2008 une augmentation mécanique du nombre total de boursiers de l’enseignement supérieur de 50 000 nouveaux étudiants. Cette hausse du nombre de boursiers touche l’ensemble des échelons de bourses, mais principalement les échelons zéro (+66 %)". Avec cette réforme une famille disposant un revenu de 32 440 € est déclarée boursière au taux zéro. Le rapport ne cache pas que la hausse du taux de boursiers (de 19 à 22%) " est essentiellement due à la création de l’échelon zéro".

Il est intéressant de voir que pour l’Inspection générale le manque d’ouverture de la filière CPGE résulte principalement des boursiers eux-mêmes. Les inspecteurs évoquent la fameuse autocensure des lycéens de milieu modeste. Cette thèse est pourtant contestée par le sociologue Sylvain Broccolichi. Dans un entretien publié le 8 décembre 2011, il nous confiait que ce "manque d’ambition" est en fait justifié par les résultats finaux de ces orientations. Ainsi en CPGE, "ils ont de bonnes raisons d’hésiter à y aller ! On peut le dire quand on regarde le résultat final et leurs chances réelles de réussite compte tenu de leurs conditions d’apprentissage. Ce sont elles qui sont fondamentalement en jeu. Apparemment il y a beaucoup de raisons de se boucher les yeux et d’éviter de se demander ce qui conditionne les apprentissages des élèves, ce qui se joue dans la classe. " [...]

Mais de toutes façons c’est l’élitisme du système qui fait piétiner l’ouverture. "Plus globalement, la mission n’a pas constaté de véritables impulsions académiques, fortes et portées, qui accompagneraient les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques dans l’appropriation et la mise en oeuvre de l’objectif des 30 % de boursiers en CPGE".

Entretien avec Sylvain Broccolichi

Extrait de L’Expresso du 08.06.2012 : CPGE : La fausse ouverture sociale

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