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Maternelle avant trois ans ou structure petite enfance ? Tout Educ rappelle le débat des dernières années en rendant compte longuement des journées de l’IREA

8 novembre 2012

L’institut de recherche du SGEN-CFDT organise deux jours de colloque sur la petite enfance, à partir de demain 8 novembre. L’initiative peut surprendre : depuis quand les organisations d’enseignants s’intéressent-elles à la petite enfance ? Comme nous le rappelait la présidente de leur association, l’AGEEM, les enseignants de maternelle ont toujours refusé que des personnels "petite enfance", notamment les EJE (éducateur-trices de jeunes enfants) viennent dans les écoles. Ils redoutent une mise en concurrence des professions et que la maternelle perde son statut d’ "école", qu’elle cesse d’être un lieu d’apprentissage, pour devenir un espace de garderie et de soins. Mais les lignes ont un peu bougé ces dernières années.

En septembre 2009, Xavier Darcos qui voulait mettre fin à la scolarisation des "moins de 3 ans", et Nadine Morano, qui voulait modifier les normes d’encadrement dans les structures petite enfance, donc le prix de revient des crèches, ont réussi à faire l’unanimité... contre eux. Enseignants et les professionnels de la petite enfance se sont retrouvés, pour la première fois, autour de la même table et ont créé un collectif, "Pas de bébé à la consigne". L’inspectrice générale Viviane Bouysse, qui connaît bien cet univers, peut briser, un peu timidement encore, un tabou, en demandant si les communes, qui financent déjà les ATSEM et parfois des interventions artistiques dans les écoles, ne pourraient pas financer la présence d’un(e) EJE par école, pas forcément pour la classe des tout-petits (les moins de trois ans), mais pour des activités avec toutes les sections.

La Gauche en campagne avait évoqué "un grand service public de la petite enfance", avant d’y renoncer quand elle a dû chiffrer ses propositions. Il n’en reste pas moins que manquent cruellement les places de crèches, comme nous le rappelle le collectif "Crèchequisepasse ?" Pour sa part, le "Journal de l’action sociale" se demande si les normes d’encadrement des enfants des crèches ne sont pas trop strictes, trop sévères, et si leur assouplissement ne permettrait pas d’augmenter, à budget constant, le nombre des places. De son côté, Dominique Bertinotti vient de confirmer les propos rapportés par ToutEduc cet été (ici) et a lancé la réflexion sur "une offre de solutions" plutôt que la "création brute de places d’accueil". Dans quatre Régions (Pays de la Loire, Nord Pas de Calais, Bourgogne, Midi-Pyrénées), une consultation "citoyenne" sur les besoins des familles sera conduite avec des parents tirés au sort.

L’époque n’est plus à "l’union sacrée" contre l’action gouvernementale, mais il serait dommage que se perde le dialogue amorcé entre tous les professionnels de la petite enfance, ceux qui sont du côté de l’enseignement et ceux qui sont davantage du côté du soin. La relance de la scolarisation des "moins de 3 ans" est évidemment l’occasion de s’interroger sur le rôle de l’école maternelle en ZEP et ailleurs, sur le sens même de cette scolarisation, sur les moyens spécifiques qui doivent l’accompagner.

L’initiative de l’IREA est donc bienvenue. Quel qu’en soit le contenu, et les conclusions, elle nous rappelle que la petite enfance n’est pas seulement une question de moyens, de nombre de places, elle est aussi, et peut-être d’abord une question d’éducation.

Extrait de touteduc.fr du 07.11.12 : la Lettre de Tout Educ

 

Voir aussi le compte rendu de Touteduc.fr du 10.11.12 : Petite enfance et maternelle : quelle politique nationale, quelles cohérences territoriales, quels financements ? (colloque de l’IREA)

Avons-nous besoin d’un "service public de la petite enfance", avec une administration nationale et des cohérences à créer au niveau territorial, ou faut-il militer pour "une politique publique nationale de la petite enfance", qui s’articule avec les politiques familiale, sociale, fiscale, de santé, d’éducation ? Jean-Claude Emin (ancien secrétaire général du Haut conseil d’évaluation de l’école), chargé de la synthèse du colloque organisé par l’IREA (l’institut de recherche du SGEN-CFDT) sur la petite enfance, a posé cette question centrale hier, 9 novembre. Il se demande de plus s’il ne faudrait pas imaginer l’équivalent d’une "loi LRU" pour la petite enfance, avec des obligations qui s’imposeraient aussi bien aux collectivités qu’à l’Education nationale, et qui porte des valeurs communes, par exemple sur la place des femmes et leur travail. Il plaide aussi pour une "charte de qualité".

Yves Fournel, président du RFVE (réseau français des villes éducatrices) ajoute qu’il s’agit d’un enjeu de société, et demande "qu’on tire le bilan des 12 dernières années" en la matière et il considère qu’il faudrait "faire un choix, le service public ou le marché". Il calcule d’ailleurs que le marché revient plus cher que le service public, que les crèches privées ne sont rentables que parce qu’elles ne respectent pas les mêmes normes que les structures municipales. Mais l’opinion publique est-elle prête à accepter que les aides individuelles que reçoivent les parents pour couvrir leurs frais de garde soient réorientées pour financer des structures publiques ? Il ne demande pas une réorientation brutale et immédiate, mais un processus qui serait amorcé avec le retour de la scolarisation des moins de 3 ans, qui libérera autant de berceaux.
Il y a toutefois deux urgences, que l’Europe accepte une exception éducative à la directive service, laquelle impose la mise en concurrence des structures, et que la COG (Convention d’objectifs et de gestion) de la CNAF soit négociée en ce sens, avec une augmentation de 4,5 % du budget consacré aux crèches. Il se demande aussi s’il faut vraiment conserver la norme d’un adulte pour huit enfants, mais reconnaît que le contexte créé par la précédente mandature ne permet pas un débat serein sur les normes d’encadrement. Agnès Florin constate pour sa part que "la France dépense autant que les pays d’Europe du nord", mais sans avoir les mêmes résultats.

Frédéric Jesu, pédopsychiatre, fait remarquer qu’aujourd’hui en France, "25 % des enfants seulement sont dans un collectif d’enfants." Pour lui, le PEL (projet éducatif local) devrait également aider les parents "à reprendre le pouvoir" et promouvoir leur entrée dans les conseils d’établissement des structures d’accueil petite enfance, comme c’est déjà le cas dans les conseils d’école. Pour lui, les PEL doivent prendre en compte les enfants dès la naissance et redonner une égalité d’accès aux places d’accueil à tous les enfants. Ils devraient également promouvoir les initiatives favorisant continuité et cohérence entre les structures d’accueil petite enfance et les écoles.
Sur la place des parents, Jean-Jacques Hazan (FCPE) ajoute qu’ "on l’évoque souvent, puis on oublie", qu’on y pense pour leur expliquer ce que l’école attend d’eux, mais pas pour leur demander ce qu’ils en attendent.

Ces expérimentations pourraient être autant de recherches-actions. L’ensemble des participants considère d’ailleurs que nous manquons de recherches sur le domaine de la petite enfance, alors que "les enfants ont changé", que leur développement, "biscornu", comme l’a qualifié Agnès Florin, ne se laisse pas appréhender facilement, que les enjeux et les contraintes sont multiples, tout comme les intervenants. S’intéresse-t-on d’ailleurs à tous ? Demande-t-on son avis à l’adjoint de sécurité qui fait traverser les enfants à la sortie de l’école, et avec qui ils parlent ? S’intéresse-t-on au point de vue des enfants ?

Voir aussi Le Café pédagogique publie un compte rendu détaillé des journées de l’IREA sur la maternelle et la petite enfance (une quinzaine d’interventions à la tribune)

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