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B* Réorganiser le temps scolaire pour insérer des pratiques artistiques au collège Eclair des Escholliers de la Mosson à Montpellier (Café pédagogique)

12 avril 2013

Réussir en collège Eclair avec les pratiques artistiques
Au Collège Eclair des Escholliers de la Mosson, à Montpellier, le pari de la réussite scolaire passe par une initiative audacieuse : intégrer les pratiques artistiques et culturelles à l’enseignement général, pour des élèves en grande difficulté scolaire (problèmes sociaux, linguistiques, déficits culturels). Sur une proposition de l’Association Hérault Musique Danse, avec l’accompagnement d’une équipe de chercheurs en sciences de l’éducation de Lyon II, une douzaine d’enseignants du collège des Escholliers, rassemblés par Lionel Rouzier, professeur de Lettres Modernes, et soutenus par Laurent Thieffaine, Principal du collège, poursuit depuis maintenant 3 ans cette singulière aventure.

Pour ce collège placé successivement en ZEP, puis en zone prévention violence, enfin en réseau ambition réussite, qui a choisi d’ouvrir sa classe expérimentale de sixième sans aucune sélection des élèves en septembre 2010, c’est aussi une manière d’explorer des solutions alternatives au problème de l’échec scolaire. Le projet, distingué pour sa cohérence, sa continuité et la complémentarité des partenaires impliqués, a reçu les Lauriers 2012 de la Fondation de France.

La rencontre de volontés d’agir autrement
A l’origine du projet, les intervenants de l’Association Hérault Danse Musique, désireux de prolonger l’expérience auprès des scolaires au-delà du temps imparti aux scolaires ponctuels, et leur rencontre avec un professeur de lettres, Lionel Rouzier, à la recherche de nouvelles pratiques pédagogiques adaptées au public de son collège. Après un temps de concertation, de réflexion et de conception, avec l’appui de l’équipe de recherche d’Alain Kerlan de l’Université Lyon II, la classe expérimentale de Sixième artistique a pu ouvrir ses portes. « Nous tenions à quelques principes, comme le fait de travailler avec des élèves non volontaires, précise Lionel Rouzier, de ne pas alourdir le volume horaire des élèves, et d’intégrer les pratiques artistiques à l’enseignement sans les instrumentaliser. Pas question, par exemple, d’étudier les parallèles en danse pour avancer le programme de maths ! »

Réorganiser le temps scolaire pour insérer les pratiques artistiques
Pour tenir ces engagements, l’équipe pédagogique devait inventer de nouvelles solutions d’organisation. « Chaque discipline a donné un peu de son volume horaire, explique Laurent Thieffaine, Principal du collège, au prorata de son poids dans l’emploi du temps. » Un prélèvement d’environ 20% pour faire place aux 6h de pratiques artistiques réparties en demi-journées. En contrepartie, le collège a choisi de changer la durée des cours : les séances sont passées de 1h à 1h30. « Le bénéfice de ce changement a dépassé nos attentes, estime Laurent Thieffaine. En réduisant le temps d’installation de désinstallation, avec des temps de séquences plus en phase avec les rythmes du Primaire auxquels les élèves de Sixième étaient encore habitués, on a obtenu une bien meilleure qualité d’attention et de comportement des élèves. » A tel point que cette innovation annexe a été étendue à l’ensemble des classes avec succès : évitant l’effet « zapping » des cours d’1h et sans l’effet « tunnel » de celles de deux heures, ce fractionnement a permis de diminuer par exemple le nombre d’exclusions de cours dans toutes les classes.

Pour la classe artistique, le gain de temps (dégagé à titre dérogatoire du temps réglementaire) a permis aux professeurs de s’impliquer pleinement dans les activités artistiques des élèves, de « partager avec eux des moments d’expérience sensible et esthétique, qui a changé leur regard sur les élèves et le regard des élèves sur eux », explique Lionel Rouzier.

Quelles activités culturelles pour quels effets scolaires ?
Le projet prévoyait de consacrer la première année à des activités de danse, avec de jeunes élèves encore peu inhibés dans leur rapport au corps, l’année de cinquième était consacrée au théâtre et l’écriture, la quatrième est l’occasion de découvrir l’univers de l’improvisation sonore et musicale, tandis que la Troisième permettra d’explorer les arts plastiques. Des pratiques dont les effets scolaires ne sont pas toujours quantifiables et mesurables avec précision. « Ce qui est assuré, affirme Lionel Rouzier, c’est l’autonomie, la capacité à s’organiser en activités de groupe, qui se répercute dans toutes les matières. Autre aspect, dans un contexte social et culturel extrêmement difficile, nous avons pu les amener à découvrir des formes d’art très éloignées de leur quotidien, et on constate qu’ils manifestent une familiarité et une ouverture d’esprit face à ces propositions qui ne sont pas du tout habituels chez ces élèves. »
Quant aux résultats et aux compétences scolaires mesurables, Lionel Rouzier et Laurent Thieffaine s’accordent à reconnaître qu’aucun changement notable n’est à signaler. « Tout au moins, précise le professeur de Lettres, si les meilleurs élèves progressent bien et les élèves moyens, correctement, l’action n’a pas eu d’effets sur les élèves en très grande détresse scolaire. » Pour ceux-ci, dont les profils sont parfois très problématiques dès leur arrivée en Sixième, même s’ils se sont assez bien intégrés aux activités artistiques, la transposition scolaire ne parvient pas à se faire. Le Principal est attentif à un effet « cocotte-minute » dans le groupe d’élèves, qui n’a pas connu les brassages habituels d’une année sur l’autre, pratiqués dans les autres classes, et que l’équipe pédagogique surveille de près, d’autant que la classe de quatrième est généralement la plus problématique dans les années collège.

Le rôle de la Fondation de France

Matériellement, le projet de classe artistique s’est élaboré avec le soutien de la Fondation de France, sollicitée par l’Association Hérault Musique et Danse, qui s’est jointe au Conseil Général de l’Hérault et à l’Éducation nationale. La Fondation a permis le financement de l’accompagnement scientifique par une équipe de chercheurs de l’Université Lyon II, sous la direction d’Alain Kerlan, philosophe et chercheur en sciences de l’éducation, spécialiste de la question de l’art dans l’éducation. Des modules FAR (Formation Action Recherche) ont accompagné la conception et le pilotage du projet au long de ses étapes successives. Pour le philosophe, l’intérêt de la démarche n’est pas de prouver que l’intérêt évident d’intégrer la pratique artistique dans l’enseignement mais d’’observer ce qui se passe dans le triangle formé par l’artiste, avec sa trajectoire et ses propositions qui ne sont pas entièrement au service d’une attente scolaire, le professeur impliqué dans l’atelier, et l’élève sollicité dans sa subjectivité personnelle de sujet. C’est l’analyse de ce processus qui peut permettre de comprendre les résultats obtenus. Cette complémentarité et cette continuité entre recherche, pratique pédagogique et activité artistique a retenu l’attention de la Fondation de France qui a distingué le projet des Lauriers de la Fondation 2012, parmi les 4300 projets nationaux qu’elle soutient sur le thème « Développer la connaissance ».

Et la suite ? D’autres idées, d’autres pratiques...

L’année 2013-2014 verra la clôture du projet avec le parachèvement du cycle en classe Troisième. Pour Lionel Rouzier, hors de question de pérenniser l’expérience avec un autre groupe et moins encore de l’étendre à d’autres classes : en pionnier de l’innovation, il sait bien que le projet en lui-même n’est pas transférable. Mais il espère en faire un laboratoire d’idées pour d’autres projets et d’autres enseignants, qui pourront y trouver des pistes et des sources d’inspiration pour leurs propres démarches de création dans d’autres contextes. Le travail de recherche et d’études mené par Alain Kerlan devrait permettre de porter au jour les éléments théoriques susceptibles d’éclairer les pratiques pédagogiques de terrain. Lionel Rouzier préfère ne pas se prononce pas sur ses projets à venir, « encore en gestation et indécis » dit-il. Mais pour lui comme pour l’équipe d’enseignants et d’intervenants artistiques qui partage son initiative, l’essentiel reste de « se former soi-même, de trouver des idées nouvelles pour transformer nos pratiques pédagogiques », afin de répondre aux défis complexes et parfois presque insolubles de l’enseignement scolaire pour tous.

Jeanne-Claire Fumet

 

Présentation du projet sur le site de l’Association Hérault Musique Danse (avec vidéo)
- Le projet pédagogique (avril 2010) (10 pages)

Les lauréats 2012 sur le site de la Fondation de France

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