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Twictée, la dictée collaborative et active en 140 caractères : un reportage de VousNousils avec des expériences en ZEP et un article des Cahiers pédagogiques

3 mars 2015

Twictée : la dictée collaborative et active en 140 caractères

De plus en plus de professeurs du primaire et du secondaire se lancent dans les twictées, des dictées en ligne, collaboratives et actives, qui reposent sur le réseau social Twitter.

En 2010, Bruno Mallet, enseignant à l’école publique [RRS] Fenez, au Mée-sur-Seine, lance une Twittclasse. Il s’agit, pour sa classe de CE2, d’utiliser le réseau social Twitter dans ses travaux quotidiens.
“Mes élèves utilisaient surtout Twitter pour réinvestir ce qu’ils avaient appris dans la classe en matière de conjugaison, à travers de petits jeux d’écriture”, explique le professeur des écoles.

La plupart des Twittclasses respectent une “charte d’utilisation”. Parmi les grands principes à respecter, “il y a l’obligation d’envoyer des tweets correctement orthographiés, sans fautes. C’est le fil conducteur de notre Twittclasse”, indique Bruno Mallet.
Un jour, l’enseignant découvre les Twictées, lancées par deux enseignants, Régis Forgione et Fabien Hobart. “Tout de suite, ça m’a parlé. C’était exactement ce que je voulais faire dans ma classe : travailler l’orthographe via Twitter”, se souvient-il.

Mais qu’est-ce qu’une Twictée, au juste ? “Pendant une quinzaine de jours, une classe réalise une dictée en ligne, et corrige celle d’une autre classe, sur Twitter, en 140 caractères, le format du réseau social”, explique Bruno Mallet, qui en est aujourd’hui à sa cinquième Twictée.

Dictées traditionnelles et négociées

“Les twictées, organisées sur Twitter toutes les deux semaines par un groupe d’enseignants, peuvent être utilisées jusqu’en 3e, mais elles s’adressent le plus souvent aux CE2, aux CM1-CM2 et aux 6e”, indique Véronique Brun.

Membre de l’équipe mobile académique de liaison et d’animation (EMALA) des Alpes de Haute-Provence, cette enseignante intervient auprès des professeurs de son département pour accompagner des projets autour du numérique. Elle suit deux Twittclasses, qui se sont lancées dans les Twictées : les CM1-CM2 de Dabisse, aux Mées [RRS], et les CM1 de l’école de Riez.

“Avant toute chose, les classes intéressées s’inscrivent auprès du compte Twitter référent (tenu par Regis Forgione et Fabien Hobart), qui organise les twictées : TwictéeOfficiel. Puis des groupes de 3 twittclasses sont mis en place. Il y a la #TeamCycle2CE2, la #TeamCM2, la #TeamCollege… Ces équipes regroupent des classes francophones, situées en France, mais aussi en Belgique ou au Québec”, explique Véronique Brun.

Pendant leur temps libre, souvent pendant les vacances scolaires, les enseignants des différents groupes se retrouvent en ligne, autour d’un document Google Doc. “On se met d’accord, tous ensemble, sur les difficultés orthographiques à mettre en avant dans la Twictée. Tout le monde met la main à la pâte, pendant une bonne semaine. A la fin de ce travail collaboratif, une phrase en 140 caractères est retenue”, décrit la membre de l’EMALA 04.

La Twictée commence le lundi matin par une dictée individuelle, “traditionnelle”. L’élève “est à sa place, avec une feuille de papier, et je dicte la phrase en 140 caractères, qu’il écrira tout seul”, explique Bruno Mallet.

Puis 8 groupes de 3-4 élèves sont créés. C’est le moment de la dictée négociée. Les élèves tentent alors de produire, ensemble, en négociant, en confrontant leurs dictées individuelles, un texte le plus correct possible.

Classe miroir et classe scribe

Les 8 “twictées de groupe” sont ensuite envoyées, par messages privés Twitter, à une autre classe participante. Cette “classe miroir”, qui peut se trouver aux quatre coins de la France, voire de l’autre côté de l’Atlantique, est chargée de corriger les dictées qui lui ont été envoyées.

Commence alors la phase 2 de la twictée. “Une autre classe, la ‘classe scribe’, nous envoie ses propres twictées de groupe. Et nous sommes nous aussi chargés de les corriger”, indique Bruno Mallet. Les élèves doivent désormais, toujours par petits groupes, rechercher les erreurs orthographiques.

Une fois les fautes d’orthographes surlignées, les élèves de chaque mini-groupe conçoivent, à destination de leur “classe scribe”, des “twoutils”, des tweets qui “expliquent les erreurs”. Ainsi “ces petites justifications orthographiques en 140 caractères aideront la classe scribe à corriger leurs dictées”, explique Véronique Brun.

Créer des twoutils

“La conception des twoutils permet aux enfants de réinvestir tout ce qu’ils ont vu en classe, en grammaire et en conjugaison. Ils vont chercher les règles de français correspondant aux erreurs dans leurs cahiers, dans des manuels d’orthographe… Les élèves sont à la fois acteurs et actifs”, constate Bruno Mallet.

Les dictées de groupe que les élèves doivent corriger sont les mêmes que celles qu’ils ont réalisées eux-mêmes, quelques jours plus tôt. “La distanciation, le fait qu’affectivement, on change de rôle, que l’on passe du scripteur à celui du correcteur, qu’une autre classe compte sur nous, les pousse à repérer les erreurs qu’ils ont souvent commises dans leurs propres twictées. Ils corrigent leurs propres erreurs sans s’en rendre compte”, ajoute Véronique Brun.

Dans leurs twoutils, les élèves ajoutent des “balises” (ou “hashtag”), afin de “catégoriser” les erreurs orthographiques et la règle associée. Par exemple, #accordSV signifie “accord sujet-verbe”, quand #accordhomophonie concerne les homophones. “Cette catégorisation les oblige à décortiquer la langue, à se mettre en position de chercheurs”, sourit Véronique Brun.

Une fois terminés, les twoutils sont validés par le professeur, puis envoyés, en message public sur le compte de la Twittclasse, à la classe scribe. “Parallèlement, la classe miroir nous envoie ses propres twoutils, basés sur nos propres erreurs à la dictée. Par groupes, puis seuls, les élèves corrigent leurs propres twictées (de groupe, puis individuelles)… en utilisant les twoutils des copains de la classe miroir”, note Bruno Mallet.

‘“Notre record : 0 faute de la part de 9 élèves”

Dernière étape de la twictée : la dictée de transfert. Une semaine passe, “le temps que les informations mobilisées se décantent un peu”, puis les élèves réalisent à nouveau une dictée individuelle, sur papier.

La dictée (identique à celle de la twictée, ou nouvelle, mais avec les mêmes règles de français abordées) est évaluée, en pourcentages de réussite, ce qui permet d’apprécier la progression de l’élève. “Nous sommes là dans une forme d’évaluation positive : on ne note pas en fonction des erreurs, mais de la progression de l’élève”, constate Véronique Brun.

Les résultats sont impressionnants : “notre record, c’est un 0 faute de la part de 9 élèves”, indique Bruno Mallet. “Au bout de 5 twictées, en janvier-février, je commence à voir, lors de dictées “classiques”, des élèves entourer le verbe, le sujet, les déterminants au crayon, et faire de petites flèches… De petites habitudes, des automatismes se mettent en place, les élèves commencent à intégrer une certaine méthodologie. Ils repensent à la twictée et appliquent ce qu’ils ont appris en réalisant des twoutils”, ajoute l’enseignant.

Une vigilance orthographique “plus élevée”

“Au terme des twictées, on remarque une vigilance orthographique plus élevée. On note aussi chez les élèves une nouvelle habitude, celle d’aller rechercher où se trouve l’erreur… et aussi une plus grande coopération entre eux. Avec la dictée négociée et l’élaboration des twoutils en groupe, ils ont appris à travailler ensemble”, explique de son côté Véronique Brun.

Dans le dispositif des twictées, Bruno Mallet ne perçoit que des avantages. “Les twoutils sont courts (140 caractères), ils poussent les élèves à synthétiser leurs pensées. C’est aussi ludique : ils adorent le fait de corriger un autre groupe. Ils travaillent en autonomie, je n’interviens pratiquement pas pendant la twictée. Au final, ils réinvestissent tout ce qu’ils ont vu en classe pour créer les twoutils, et au-delà, ce qu’ils ont fait lors de la twictée a des répercussions concrètes sur les apprentissages ultérieurs”, affirme le professeur des écoles.

Qu’en pensent les élèves ? “Ils sont très motivés par les twictées, parce qu’ils apprennent des mots de façon ludique, en travaillant en groupe, et qu’il n’y a pas d’évaluation, sauf à la fin, ce qui dédramatise l’exercice. Ils aiment aussi le fait de réaliser des twoutils pour d’autres enfants, et de devoir relever un défi : avoir un meilleur score que la classe miroir ou scribe”, indique Véronique Brun.

La communauté des twictonautes

Pour mettre en place une twictée, le professeur doit au préalable s’être familiarisé avec Twitter. “La classe doit aussi pouvoir disposer de plusieurs ordinateurs, ou tablettes, une par groupe”, explique la membre de l’EMALA 04. “En général, participer à une twictée n’est pas compliqué, car il existe une véritable communauté d’enseignants, qui s’entraident et échangent sur leurs pratiques : les twictonautes”, ajoute-t-elle.

Pour les enseignants, la twictée possède même un rôle d’auto-formation. “Cela nous fait même progresser. Un professeur va tenter des choses, utiliser Prezi ou Piktochart pour concevoir des présentations ou des outils, créer des twoutils sous forme vidéo ou audio, et il va en parler à ses collègues twictonautes : ainsi, ils se perfectionnent”, décrit Véronique Brun.

Pour l’enseignante, la collaboration entre plusieurs classes géographiquement éloignées n’est pas bénéfique que pour les élèves : “c’est aussi pour nous, professeurs, une ouverture sur le monde. Nous pouvons par exemple échanger instantanément avec des enseignants québecois… et cela peut déboucher sur des projets entre classes, au-delà de la twictée”, conclut-elle.

Extrait de vousnousil du 20.02.2015 : Twictée : la dictée collaborative et active en 140 caractères

 

Enseigner en primaire avec le numérique
Cahiers pédagogiques, Hors-série numérique 38
Dossier coordonné par Armelle Legars et Ostiane Mathon

Un article du dossier :

La twictée, une dictée à l’heure numérique, par Régis Forgione et Fabien Hobart
Comme tout dispositif pédagogique, la twictée part d’un besoin : rappeler aux élèves que l’orthographe, l’écriture servent à communiquer avec d’autres, à l’heure des publications très larges sur internet et les réseaux. Le faire de façon motivante et structurée en articulant l’objectif et l’outil, c’est tout le pari de la twictée. On souhaite que les élèves y développent leur vigilance orthographique, leur capacité à réviser leurs écrits et se sentent sécurisés dans cet apprentissage à priori long et complexe. D’accord, mais concrètement, qu’est-ce que la twictée ? Et quels sont ses liens avec le numérique ?

Dans Twictée il y a dictée
La twictée est une dictée formative et négociée, collaborative et ritualisée. Tout commence par une dictée individuelle, traditionnelle, sur laquelle chacun peut apposer des « signes de doute » aux endroits où il hésite. Puis, par groupes, les élèves passent à une phase de commentaires sur l’orthographe, parfois appelée « dictée négociée ». Ils confrontent leurs versions, leurs questionnements : « Pourquoi telle terminaison ? », « Ah bon, tu as fait cet accord », « J’avais un doute sur ce mot, mais maintenant que je le vois écrit comme ça... ». Échanges passionnants à observer pour l’enseignant qui relance, pointe des pistes, favorise et valorise les échanges.

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Extrait de cahiers-pedagogiques.com : Enseigner en primaire avec le numérique

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