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Une éducation civique efficace suppose plus que la répétition d’un message humaniste (deux chercheuses au CNRS)

28 avril 2015

Une éducation civique efficace suppose plus que la répétition d’un message humaniste (Aggiornamento)

"Parvenir à penser une éducation civique efficace suppose de renoncer au confort d’une illusion. Il ne suffit pas de dire et de répéter le message humaniste tiré des passés violents – de l’esclavage à l’Holocauste – pour que celui-ci s’installe profondément dans les esprits, assez profondément pour se réveiller lorsque les personnes sont confrontées à la tentation de la violence". Dans un plaidoyer publié le 23 avril sur le site internet aggiornamento, les chercheuses Sarah Gensburger et Sandrine Lefranc proposent de repenser l’enseignement de l’éducation civique en France en s’intéressant aux destinataires du message véhiculé par l’éducation civique et à leur environnement social mais aussi à la légitimité de l’école qui le transmet.

En préambule de leur réflexion, les auteures se demandent "pourquoi a-t-il été finalement si facile de basculer dans la violence terroriste et dans l’acte antisémite, à des Français, éduqués par l’école de la République", en perpétrant les attaques contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher. Le constat qu’elles en font est accablant : l’éducation civique, qui a sûrement poussé des millions de Français dans les rues le 11 janvier, a été inefficace pour empêcher cette violence. Et ce, précisent-elles, parce que l’enseignement actuel ne se pose pas certaines questions essentielles.

La première, selon elles, c’est comment faire passer un même message auprès de différents publics. S’appuyant sur l’exemple de l’enseignement des leçons à tirer de l’héritage nazi en Allemagne, les chercheuses contastent que "les bons élèves le répèteront (sans plus de réflexion ?), les’mauvais élève’ le rejetteront, comme une bravade et un acte de résistance, l’expression de leur sentiment d’exclusion du système scolaire."

Le message passe par les pairs

"Les messages civiques sont entendus s’ils sont dits par des éducateurs respectés", expliquent également les deux auteures. Mais l’École - et l’Université - qui "perdent chaque jour un peu plus leur légitimité sociale, produisant des diplômes dévalués et de l’échec scolaire", peuvent-elles encore véhiculer un enseignement qui marquera les esprits ?

Car si l’École doit agir sur les auteurs de violence, elle doit aussi le faire sur leur entourage. "Les personnes n’agissent pas en écoutant d’abord la petite voix de leur conscience", mais prêtent attention aux regards que leur portent leurs pairs, "camarades de tranchée" ou "frères menant le jihad", jugent les chercheuses. Le rôle de l’éducation civique est donc également de "rappeler qu’à tout moment chacun d’entre nous est responsable de son application, c’est-à-dire du regard, approbateur ou désapprobateur, qu’il jette sur celui qui s’apprête à verser dans la violence", notent-elles.

Enfin, le texte pointe des raisons économiques : "aucune politique d’éducation à la tolérance, ni en France ni ailleurs, ne ralliera des populations qui se sentent exclues de l’économie nationale". Des facteurs à prendre en compte rapidement pour repenser l’enseignement de l’éducation civique, sous peine de voir le message se perdre, voire même être contredit.

Sarah Gensburger et Sandrine Lefranc

Cet article a déjà été publié sur le carnet de recherche suivant

Chercheuses au CNRS, auteures de Politiques publiques de la mémoire (Presses de Sciences Po, 2010) et Mobilisations de victimes (dir. avec L. Mathieu, PUR, 2009).

L’article

Extrait de touteduc.fr du 26.04.15 : Une éducation civique efficace...

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