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Nouvelle déclaration de Nicolas Sarkozy après l’annonce du plan Robien pour les ZEP

16 décembre 2005

Extrait de « Libération » du 15.12.05 : Donner la priorité aux élèves, par Nicolas Sarkozy

Censées garantir l’égalité des chances, les ZEP n’ont pas permis de lutter contre l’échec scolaire.

Créées en 1982, les ZEP (zones d’éducation prioritaires) sont nées d’une idée généreuse, inspirée d’une politique mise en oeuvre par la Grande-Bretagne, ce pays que l’on m’accuse si souvent de vouloir copier. Elles devaient durer quatre ans. Vingt-trois ans plus tard, il existe plus de 700 ZEP.

Le niveau des élèves scolarisés en ZEP est très inférieur à celui des autres établissements. C’est en soi un échec, même si les ZEP scolarisent des élèves qui ont plus de difficultés. Mais la réalité est encore pire : l’écart de niveau s’accroît avec le temps. Censées garantir l’égalité des chances, les ZEP n’ont pas permis de lutter efficacement contre l’échec scolaire des enfants les plus défavorisés. Les enseignants de ZEP, qui ne ménagent pas leur peine, sont les premiers à s’en désespérer.

Les raisons de ce revers sont triples. D’abord, les moyens supplémentaires accordés aux ZEP ont été insuffisants, notamment parce qu’ils ont été saupoudrés sur trop d’établissements. Contrairement à ce que l’on a pu dire, je ne pense pas que l’on a dépensé trop d’argent en faveur des enfants défavorisés, je pense que l’on n’en a pas dépensé assez. Quand une politique est prioritaire, qu’elle vise presque 20 % des élèves, on doit y consacrer davantage que 1,2 % du budget de l’Education nationale.
Ensuite, ces moyens supplémentaires servent quasi exclusivement à réduire le nombre d’élèves par classe. Cette réduction est toutefois très insuffisante (vingt-deux élèves en moyenne en ZEP contre vingt-quatre dans les établissements hors ZEP) et reste sans influence sur les facteurs de la réussite scolaire que l’on sait aujourd’hui être les plus importants : environnement familial ; chambre individuelle ; mixité sociale ; qualités pédagogiques. Le taux de rotation des enseignants est très élevé. Le dire ne discrédite en rien leur compétence et leur dévouement, qui sont grands, mais confirme que nos ZEP sont devenues un problème lourd. Les moyens alloués aux ZEP devaient d’ailleurs, à l’origine, financer principalement des projets innovants en lien avec le milieu local. Les établissements de ZEP qui réussissent, car il y en a aussi, sont ceux qui ont su mettre en oeuvre de tels projets. Ils sont malheureusement peu nombreux.

Enfin, les ZEP aggravent la ségrégation sociale. Elles regroupent ensemble les enfants défavorisés alors qu’il faudrait au contraire les répartir sur tous les établissements, tandis que les enfants favorisés rejoignent les établissements de centre ville ou l’enseignement privé. Le pourcentage d’enfants défavorisés dans les ZEP est supérieur à leur présence dans l’habitat du quartier. La carte scolaire n’existe plus aujourd’hui que pour ceux qui ignorent comment la contourner. Quelle que soit la qualité de leur travail, les enseignants de ZEP et leurs chefs d’établissement ne peuvent rien contre ce phénomène de ségrégation scolaire dont les études montrent qu’il a un impact majeur sur la réussite des élèves ; pas plus que ne le pourra, je le crains, la seule concentration des moyens sur les établissements les plus difficiles, à supposer que l’on y parvienne.

Le bilan des ZEP a été déposé depuis longtemps... dans les cartons du ministère de l’Education nationale. Pour évaluer les établissements, celle-ci en compare les résultats, non pas aux objectifs fixés par la nation, mais à des « résultats attendus » calculés en fonction de l’origine des élèves et des catégories socioprofessionnelles des parents. Je conteste radicalement cette méthode qui est l’inverse même du principe d’égalité républicaine.

Bien sûr, de telles comparaisons sont utiles pour évaluer le travail des enseignants et mettre en évidence leur mérite lorsque les résultats réels sont supérieurs aux résultats escomptés. Mais les ériger en système et s’en satisfaire est profondément inique. Notre objectif, fixé par la loi Fillon du 23 avril 2005, est la réussite de 100 % des élèves, pas de 100 % en centre ville et 50 % en ZEP.
Les ZEP sont devenues un exemple typique des injustices que produit notre modèle social. La générosité qui sous-tend la politique des ZEP est incontestable et nécessaire. Mais elle nous empêche de voir les effets pervers induits par cette politique, et de concevoir une politique alternative, tout autant généreuse, mais plus efficace.

C’est pourquoi j’ai proposé que l’on passe d’une politique où les zones sont prioritaires à une politique où ce sont les élèves qui sont prioritaires. Je me réjouis que le ministre de l’Education nationale ait repris le même principe dans les propositions qu’il vient de faire au sujet des ZEP, ce qui n’empêche pas les établissements les plus difficiles de bénéficier de beaucoup de moyens puisqu’ils accueillent beaucoup d’élèves prioritaires.
Au lieu de réduire uniformément la taille des classes de deux élèves, les moyens supplémentaires devraient servir à mieux accompagner individuellement les enfants : prise en charge précoce et renforcée des tout-petits susceptibles d’avoir plus tard des difficultés et accompagnement de leur famille, car c’est entre 18 mois et 4 ans que se joue une bonne partie des capacités scolaires ; soutien scolaire au primaire pour éviter à tout prix que des enfants décrochent ; possibilités réelles de rattrapage au collège pour les enfants ayant des lacunes ; création de classes à très petits effectifs pour ceux qui en ont besoin ; tutorat pour les élèves issus de quartiers et/ou de familles peu favorisés ; possibilité d’être accueilli dans une étude surveillée ou dans un internat pour être plus au calme le soir...

Plutôt que d’envoyer les meilleurs collégiens de ZEP dans les lycées de centre ville, ce qui aggravera la situation des établissements défavorisés, il faut fermer les établissements où se concentre un pourcentage très élevé d’élèves en difficulté, et répartir ceux-ci dans les établissements environnants. C’est la seule solution pour rétablir la mixité sociale et donner à tous les enfants les mêmes chances. La République n’a pas le droit d’imposer une carte scolaire si elle n’est pas capable de garantir que tous les établissements se valent.

Enfin, tout en conservant l’uniformité des programmes et l’égalité des diplômes sur tout le territoire, et à condition de développer l’évaluation, il faut donner de l’autonomie aux établissements scolaires afin que ceux-ci puissent mettre en oeuvre des projets innovants adaptés à la situation spécifique des élèves qu’ils accueillent.

Commençons par le faire à titre expérimental. C’est une condition pour donner à chaque élève la chance d’une scolarité lui permettant de réussir et pour mieux soutenir les enseignants et les chefs d’établissement qui se consacrent aux enfants défavorisés. Et c’est peut-être une piste pour faire revenir dans les établissements de banlieue les élèves qui les ont désertés et qui trouveront un intérêt nouveau à fréquenter ces établissements d’excellence.

J’ai été l’un des premiers hommes politiques à soutenir la politique de discrimination positive mise en oeuvre par Sciences-Po. Aujourd’hui, le modèle de l’Essec suscite plus de faveur parce qu’il est fondé sur une aide à certains élèves pour réussir un concours commun plutôt que sur une voie spécifique d’accès. Mais il faut reconnaître à Sciences-Po le mérite d’avoir soulevé le premier la chape de plomb qui pesait jusqu’alors sur le système français de reproduction des élites. Je pense qu’il faut donner aux élèves de ZEP la possibilité de rejoindre des classes prépas, des grandes écoles et des filières universitaires d’excellence et je soutiens toute initiative en ce sens.

Mais tous les élèves de ZEP, pas plus que ceux des autres établissements, ne rejoindront les grandes écoles et les meilleures universités. Le premier objectif, c’est de donner à tous les enfants la formation indispensable à leur épanouissement et à l’exercice de leurs responsabilités professionnelles et de citoyen. Cela suppose de mettre fin rapidement aux ghettos scolaires que sont devenus certains de nos établissements de ZEP.

Nicolas Sarkozy

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Extrait du « Figaro » du 14.12.05 : Le ministère rebat les cartes de l’éducation prioritaire

Les 250 collèges les plus difficiles bénéficieront de moyens supplémentaires et 500 autres établissements sortiront du dispositif d’aides spécifiques
Finis les sigles peu compréhensibles pour le profane de ZEP ou de REP et les connotations péjoratives qui les accompagnent lorsque sont évoqués les établissements scolaires difficiles. Pour redorer leur blason, le ministre de l’Éducation nationale préfère parler d’« éducation prioritaire » répartie en trois niveaux (EP 1, EP 2, EP 3).

Le plan qu’il a présenté hier ne se borne cependant pas à un simple changement de vocabulaire, mais à une réforme sans précédent de la carte de l’éducation prioritaire. Lors de leur création, il y a vingt-cinq ans, les ZEP étaient censées donner plus à ceux qui ont moins. « Aujourd’hui, on donne trop peu à trop de monde », a résumé Gilles de Robien. A la rentrée 2005, 911 établissements scolaires étaient classés en ZEP, contre 363 en 1982. « Nous allons rendre plus ciblé le système actuel », a-t-il expliqué.

Dès la rentrée 2006, le niveau 1 correspondra aux 200 à 250 établissements qui concentrent le maximum de difficultés. Seront notamment pris en compte la situation sociale des familles, la part des élèves ayant un retard de plus de deux ans et les non-francophones. Ces établissements bénéficieront de quelque 1 000 enseignants expérimentés recrutés sur des « postes à profil » pour renforcer les équipes pédagogiques. Après cinq ans passés dans l’un de ces collèges, ils bénéficieront d’une accélération de leur carrière. Trois mille assistants pédagogiques seront par ailleurs nommés pour faire du soutien scolaire.

Dans ces collèges, a précisé le ministre, « on ne redoublera pas ». Les parcours scolaires et la progression des élèves seront individualisés « par groupe de compétences », afin de supprimer tout redoublement. Des études encadrées y seront mises en place quatre soirs par semaine. L’enseignement de découverte professionnelle de trois heures sera par ailleurs dispensé dès la 4e et non en 3e. Enfin, les élèves ayant obtenu une mention « bien » ou « très bien » au brevet dans ces collèges auront le droit de s’affranchir de la carte scolaire et de choisir leur lycée.

Des mesures qui « résulteront d’économies internes »
Le niveau 2 regroupe environ 300 établissements également considérés comme « difficiles », mais qui comportent plus de mixité sociale que les premiers. Ils continueront à bénéficier comme dans toute ZEP de quelque 10% de moyens supplémentaires par rapport au reste du système éducatif. Comme les établissements de niveau 1, les enseignants y bénéficieront de bonus dans leur carrière et quelque 2 000 assistants pédagogiques vont y être nommés.

En revanche les quelque 500 établissements classés en niveau 3 - dont 200 actuellement en ZEP et 300 en REP - ont vocation à sortir progressivement du dispositif de l’éducation prioritaire d’ici à trois ans. Pendant ce laps de temps, les enseignants actuellement en fonction conserveront les indemnités liées aux ZEP.

La réforme sera mise en place à budget constant, par redéploiement dans le cadre du projet de budget 2006. Ces mesures « résulteront d’économies internes », a souligné le ministre. Cette précision n’a pas manqué d’être soulignée par les syndicats d’enseignants comme le Snes-FSU, premier syndicat des collèges et lycées qui considère en outre que le droit de dérogation à la carte scolaire pour les bons élèves « ne pourra qu’accentuer la ghettoïsation des lycées de banlieue ». L’Unsa-Education se félicite en revanche de « propositions qui se démarquent des formules à l’emporte-pièce », mais a prévenu qu’elle s’opposerait à « une politique visant à réduire considérablement le nombre de ZEP ».

M.-E. P

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