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Témoignages de profs de ZEP sur TF1 (2005)

2005

Extrait du site « TF1.fr », le 20.12.05 : Paroles de ZEP (1/2)

Violences, menaces de mort, stress, difficultés avec la hiérarchie... Mais aussi amour du métier, relation de confiance établie avec les élèves mais minée par les émeutes urbaines : des enseignants témoignent auprès de tf1.fr de leur quotidien en ZEP.

Jean-Jacques (pseudonyme), professeur de sciences dans un collège classé en ZEP des quartiers nord de Marseille

"Je vis assez péniblement ma vie en ZEP. Vous ne verrez jamais un surveillant dans les couloirs : ils ont peur d’y aller. Couloirs et escaliers sont devenus des zones de non-droit.

Des moyens, on nous en a donnés. Mais ils ont été mal exploités. On nous a donné plus de conseillers d’éducation, alors qu’il nous faudrait des enseignants chevronnés. Or, ce sont en majorité des jeunes sans expérience. Certains n’ont pas d’autorité dans leur classe, mais ils en ont honte, ils essaient de le cacher, ça devient un enfer. Et dès qu’ils ont assez d’ancienneté, ils partent. Chaque année, les 2/3 des enseignants changent : comment voulez-vous établir un projet éducatif cohérent ?

Il faudrait aussi des chefs d’établissement chevronnés. Or, ils ne restent pas plus que les profs, sachant qu’ils sont constamment agressés verbalement, voire physiquement. Lors d’un conseil de discipline, il a fallu appeler la police à cause de parents violents. Du coup, on se retrouve avec des chefs d’établissement qui n’ont jamais enseigné, qui ne savent pas ce que c’est et ne nous soutiennent pas. Il y a quelques années, j’enseignais dans un lycée, qui était aussi en ZEP. J’avais reçu des menaces de mort de parents : mon chef d’établissement a refusé de soutenir ma plainte. Et le pire est que, lorsque des profs nous arrivent de Seine-Saint-Denis, ils trouvent qu’ici, c’est un havre de paix !"

"Il y a la Seine-Saint-Denis... et le reste"

"On se rend bien compte, lorsqu’on est enseignant, qu’il y a la Seine-Saint-Denis... et le reste. Les inégalités financières sont monstrueuses. Il y a moins de profs par élèves dans les écoles de ce département que partout ailleurs en France. ZEP ou pas, on a plutôt le sentiment d’être au-dessous de la moyenne nationale côté moyens.
Avec des locaux vétustes, des profs jeunes et déjà désespérés, pas d’argent, le sentiment général était que le passage en ZEP permettrait de rétablir l’équilibre. Mais il était aussi très controversé. Les syndicalistes le voulaient avec acharnement ; mais lorsqu’un établissement est classé en ZEP, les parents des meilleurs élèves s’efforcent de retirer leurs enfants pour les inscrire ailleurs.

La plupart des élèves sont gentils. S’ils étaient dans un établissement "normal", ils auraient sûrement les mêmes notes que partout ailleurs. Le problème est que l’ambiance n’est pas au travail : dès qu’il y en a un qui fait ses devoirs, il se fait huer par les autres."

Valérie Ruette, professeur de physique, a enseigné un an au lycée Marcel Cachin de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), avant son classement en ZEP lors de l’année scolaire 1998-99.

"Les émeutes urbaines ont balayé des années de travail"
Jacques Rusin, professeur d’histoire-géographie dans un collège ZEP d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne)
Je suis un prof de ZEP heureux, mais épuisé. Ce qui nous manque le plus, c’est du temps pour réfléchir, pour nous poser. Pour nous, les émeutes urbaines ont balayé des années de travail. En ZEP, il faut arriver à nouer le contact avec les élèves, établir des relations de confiance. Or, la manière dont ces événements ont été relatés dans les médias les a rejetés dans le camp de l’autre, dans une altérité absolue.

Même si notre commune n’a pas été trop touchée, aujourd’hui, la nervosité des gamins, leur méfiance, ont quelque chose d’effrayant. Rien ne leur plaît tant que de jouer à faire peur. Quand on leur en donne la possibilité, ils s’en saisissent avec ravissement. Et ils finissent par faire vraiment peur...

Quand on a l’impression que la France entière part en insurrection - du moins, quand les événements sont ainsi présentés - je comprends le besoin de réagir. Mais il y a des mots qui ont été prononcés, qui sont graves. Avant les émeutes, la culture politique de mes élèves était à peu près égale à zéro. Aujourd’hui, s’il y a un homme politique qu’ils connaissent, c’est Nicolas Sarkozy. S’il devient un jour président de la République, il partira avec un handicap certain dans leur esprit.

Depuis ces événements, j’ai la sensation d’un grand brouillage. Il y a beaucoup de bagarres, une montée des tensions, une attitude beaucoup plus frondeuse des gamins, avec des remarques du style : "Vous avez qu’à nous envoyer les CRS !". Pendant mes cours d’éducation civique, lorsque j’aborde les valeurs de la République, j’ai l’impression de parler dans le vide."

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1 Message

  • Parents violents, enfants méfiants, professeurs heureux mais épuisés... la fin d’une utopie, celle de l’éducation pour tous ? J’ai la désagréable impression d’être manipulé, dans ce pays où un citoyen sur quatre avoue des sympathie pour l’extrême droite, et où l’amalgame entre pauvreté, couleur de peau et échec scolaire court les rues.

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