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Le rapport Cnesco sur les inégalités et l’éducation prioritaire dans la presse nationale écrite et numérique

28 septembre 2016

France-culture
La grande table. 2ème partie
Olivia Gesbert reçoit Nathalie Mons, sociologue et présidente du CNESCO (Conseil national de l’évaluation du système scolaire), à l’occasion de la publication du rapport sur les inégalités sociales dans l’école française

Extrait de franceculture.fr du 27.09.16 : Inégalités scolaires

 

Le compte rendu, hors tableaux, du Café (Véronique Soulé)

Comment l’école française est-elle devenue la plus inégalitaire des pays développés ? Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) a publié le 26 septembre un passionnant rapport sur le sujet. Il en ressort que les premières responsables du creusement des inégalités sont les politiques scolaires elles-mêmes avec, notamment, une politique d’éducation prioritaire qui enfonce aujourd’hui plus qu’elle n’aide les élèves défavorisés. Le CNESCO lance aussi une hypothèse nouvelle : les enfants d’immigrés souffriraient de discrimination négative.

Nathalie Mons, la présidente du CNESCO, et Georges Felouzis, professeur à l’université de Genève, ont présenté ce rapport à deux voix. Ils en ont d’abord souligné la dimension inédite. Vingt-deux équipes de recherche, françaises et étrangères, y ont collaboré, mêlant plusieurs disciplines – sociologues, économistes, psychologues, didacticiens, etc.

Au centre de leurs recherches, l’aggravation des inégalités à l’école française entre 2000 et 2012, ce qui a impliqué de remonter aux sources et de travailler sur les trente dernières années. Enfin, sur le sujet lui-même, a souligné Nathalie Mons, "très peu de recherches avaient jusqu’ici étudié les raisons des inégalités à l’école et comment on en est arrivé là. "

Avant d’en venir aux principaux responsables puis aux préconisations, le CNESCO a dressé un constat saisissant de toutes les inégalités que l’école génère et qui pèsent sur le destin scolaire, puis professionnel, de ceux partant déjà avec le moins d’atouts – pour résumer sommairement : les enfants de milieux défavorisés, avec un faible capital culturel et des parents très éloignés de l’école.

Inégalités de traitement
Il y a d’abord les inégalités sociales de départ, c’est-à-dire le milieu social de l’élève (la CSP de ses parents). A partir de là vont se greffer ce que le CNESCO appelle les " inégalités de traitement ". En France, chaque enfant a droit au même enseignement partout sur le territoire. Dans la réalité, selon qu’il est scolarisé en Seine-Saint-Denis ou dans le centre de Paris, s’il fréquente un collège ghetto ou un établissement d’" élite ", il n’a pas les même conditions d’enseignement.

" Nous avons voulu travailler sans tabous ", a assuré Nathalie Mons. Sur cette question des " inégalités de traitement " – l’une des parties de l’étude les plus intéressantes -, le CNESCO n’y va pas par quatre chemins. " L’école française donne moins à ceux qui ont moins ", assène-t-il , prenant le contrepied des envolées officielles serinées ces dernières années - " Il faut donner plus à ceux qui ont moins ". Formule qui est la raison d’être de la politique d’éducation prioritaire.

Coup de grâce
Le CNESCO donne le coup de grâce à cette politique déjà régulièrement critiquée. " Elle devait être provisoire. Or elle dure depuis plus de trente ans, c’est bien la preuve qu’elle a échoué ", a résumé sa présidente. Créé pour faire de la discrimination positive en faveur des élèves des milieux populaires et pour combler les écarts avec les autres, elle en serait arrivée, selon le rapport, à pratiquer, à l’inverse, de la discrimination négative.

Parmi les critiques formulées, les moyens supplémentaires accordés aux établissements en éducation prioritaire ne sont pas suffisants pour faire la différence. En particulier, le nombre d’élèves par classe reste trop important.

Collèges ghettos
Ensuite, l’enseignement y est " de moins bonne qualité ", déplore le rapport. Le temps d’apprentissage est plus court qu’ailleurs en raison des problèmes de discipline. Les enseignants s’adaptent, revoient leurs exigences et font faire des exercices plus simples. Jeunes et inexpérimentés, ils sont souvent moins assurés et ne restent pas longtemps dans leur établissement.

Cerise sur le gâteau, les élèves en éducation prioritaire pâtissent d’un environnement scolaire plus difficile, indique le CNESCO. Ils fréquentent des établissements très ségrégués – ces collèges ghettos où les " natifs " dans une classe se comptent sur les doigts d’une main. Il souffrent d’un climat scolaire plus dégradé que dans les paisibles écoles de centre-ville.

Chaîne des inégalités
Poursuivant la chaîne des inégalités produites par l’école, le rapport évoque les " inégalités de résultats " - un aspect plus connu. Les écarts de résultats se creusent entre les élèves en éducation prioritaire et les autres, aidés en plus par des petits cours privés. Le fossé s’est accentué ces dernières années, propulsant la France championne des inégalités à l’école : les " élites " sont devenues encore meilleures tandis que les plus faibles s’enfonçaient toujours davantage.

Suivent les " inégalités d’orientation ", bien documentées elles aussi. Un élève aux résultats très moyens et de milieu aisé sera orienté en voie générale car on croit en sa capacité de rebondir. Un élève très moyen de milieu défavorisé atterrira, lui, en professionnel.

En découlent des " inégalités de diplômation " - les élèves les plus modestes décrochent les diplômes les moins côtés -, puis des " inégalités d’insertion " – à diplôme égal, un élève ayant un réseau et des connaissances grâce à sa famille s’insèrera plus facilement sur le marché du travail.

Elèves issus de l’immigration
Une autre partie novatrice, mais guère plus réjouissante, du rapport concerne les élève issus de l’immigration. Jusqu’ici, on imputait très largement leur moindre réussite scolaire – mesurée par les études Pisa de l’OCDE qui, là encore, classe la France parmi les plus mauvais élèves – à leur milieu, au fait qu’ils vivaient dans des foyers ayant des difficultés.

Georges Felouzis et son équipe apportent ici un nouvel éclairage. Les niveaux d’éducation et les catégories socio-professionnelles des parents issus de l’immigration se sont élevés. Or on ne constate pas d’amélioration des performances scolaires de leurs enfants comme pour les " natifs " en pareil cas.

Discrimination
Hypothèse avancée pour l’expliquer : les enfants d’immigrés souffriraient de nouvelles formes de discrimination négative. Ils se retrouveraient, notamment, dans des collèges très ségrégués, entre eux.

Autre phénomène inquiétant. Les familles issues de l’immigration investissent désormais beaucoup dans l’école. Elles sont deux fois plus nombreuses à souhaiter un bac général pour leurs enfants. Or ceux-ci continuent d’aller massivement dans les filières pros où ils sont sur-représentés. Ces différences entre les aspirations et la réalité, écrit le CNESCO, " vont créer des sentiments d’injustice et de discrimination vécue comme ethnoculturelle ".

Briseuse de rêves
Qui sont les grands coupables de cette école toujours plus injuste, briseuse de rêves et génératrice de frustrations ? L’enseignement privé ne joue pas vraiment de rôle, estime le CNESCO. Les cours privés, que les enfants de chefs d’entreprise et de professions libérales sont trois fois plus nombreux à prendre que les enfants d’ouvriers non qualifiés, ne sont guère plus décisifs.

Pour le CNESCO, ce sont les politiques scolaires menées depuis trente ans qui sont les premières responsables. La politique d’éducation prioritaire a échoué. Le label est devenu stigmatisant et fait fuir les classes moyennes. Les moyens distribués pour " compenser " sont bien trop éclatés pour être efficaces.

En marge de la classe
A côté, au fil des ans, on a multiplié les dispositifs – études dirigées, aide individualisée... Sans plus de succès. " A chaque fois, explique Nathalie Mons, on intervient en marge de la classe, on prévoit quelques heures d’accompagnement individualisé des élèves mais ce n’est pas suffisant. Et ceci sans changer la pratique pédagogique et le quotidien des élèves. "

Pire, poursuit la présidente du CNESCO, alors que l’on connaît des " leviers efficaces " et que plusieurs pays ont récemment progressé en matière de justice scolaire, en France on poursuit toujours les mêmes politiques. " Faire de l’éducation prioritaire aujourd’hui, c’est accepter la ségrégation scolaire, assure Nathalie Mons, au lieu de lutter contre, on essaie d’agir sur ses effets. On met plus de moyens, on sait que ça ne marche pas et on continue. "

Préconisations
Face à ce paysage déprimant, le CNESCO formule une série de recommandations. Sur un plan général, il préconise un changement de gouvernance, avec moins de réformes à répétition et plus de confiance aux acteurs de terrain, davantage de transparence, et " une clarification de la vision de la justice à l’école ".

Il évoque aussi une série de mesures plus concrètes Parmi celles-ci : rendre obligatoire la formation continue des enseignants et encourager les expérimentations pédagogiques en primaire ; relancer la scolarisation des moins de 3 ans, prévue par la Refondation mais encore trop modeste, et expérimenter un "professeur des apprentissages fondamentaux" pour prévenir la difficulté en primaire.

Dans le secondaire, le rapport préconise encore de renforcer la mixité sociale dans les 100 collèges les plus ségrégués, ce qui signifie aller bien au delà des quelques expérimentations de mixité sociale annoncées par la ministre Najat Vallaud-Belkacem ; d’accompagner davantage les familles les plus éloignées de l’école dans le dédale de l’orientation ; de rénover l’enseignement professionnel dans un sens d’équité ; enfin d’aider davantage les élèves les plus démunis en augmentant les fonds sociaux.

Tout un programme pour une école que le pouvoir avait promis de totalement" refonder " mais qui s’est arrêté en chemin, et qui, demain, pourrait faire un bond en arrière.
Véronique Soulé

Extrait de cafepedagogique.net du 27.09.16 : Le CNESCO aux sources d’une école championne des inégalités

 

Editorial du Café pédagogique

La Refondation va-t-elle se clore avec les questions sur laquelle elle s’est ouverte en 2012 ? Le rapport publié par le Cnesco le 26 septembre adresse à l’Education nationale un triple défi. Trois questions fondamentales que le ministère a fui en 2012 et qui lui reviennent au moment où la Refondation se clôt. Trois questions pour un futur programme de la gauche ?

Une question faussement tranchée en 2012

Le plus important défi c’est celui de l’éducation prioritaire. La rapport du Cnesco a beau jeu de montrer le poids des inégalités sociales dans l’école française. Il montre aussi que cet écart entre favorisés et défavorisés va croissant.

Le plus important c’est que le rapport montre aussi que la politique suivie est un leurre. L’éducation prioritaire ne bénéficie pas de moyens réellement supplémentaires même si la récente réforme menée par le gouvernement n’est pas nulle. Au contraire, les jeunes des établissements prioritaires ont des conditions d’enseignement qui restent dégradées par rapport à celles des quartiers favorisées. Et , plus grave, cela a à voir avec la labellisation "prioritaire".

Sur ce point, le rapport revient sur un débat qui a eu lieu au début de la Refondation et dont Nathalie Mons a été un des principaux acteurs. Le 9 octobre 2012 c’est elle qui présente le rapport de la Concertation sur l’Ecole, en Sorbonne, au président de la République. Et ce rapport invite à supprimer le label "éducation prioritaire".

La réflexion de la Concertation c’est qu’à la place du label, qui fait fuir les classes moyennes des établissements, il faut mettre en place une gestion des moyens des établissements qui prenne en compte les difficultés scolaires et les inégalités sociales. On obtiendrait ainsi une gestion souple de la réalité des inégalités.

Ce 9 octobre 2012, François Hollande promet « l’aide personnalisée aux établissements ». Mais les arbitrages finaux vont dans un autre sens sous la pression de syndicats et d’associations, comme l’OZP. Et l’éducation prioritaire est finalement maintenue au prix d’une restructuration.

Des certitudes jamais évaluées
Le second défi concerne la façon de conduire les réformes de l’Education nationale. Le Cnesco a beau jeu là aussi de montrer que les mêmes politiques, actionnées par les mêmes bureaux, sont instillées depuis plus de 20 ans sans jamais donner de résultats et sans jamais être évaluées dans une totale irresponsabilité.

"C’est, à la fois, la méthode sous-jacente aux réformes et la forte croyance dans des orientations politiques, non étayées scientifiquement qui expliquent la faible efficacité de l’action publique éducative en France, en matière de justice sociale à l’école", écrit N Mons. "La méthode de réforme devient de plus en plus singulière en France alors que les compétences en conduite du changement politique progressent à l’étranger.
Une analyse synthétique des réformes conduites depuis trente ans montre qu’elles présentent de nombreux points communs : une faible autorité scientifique des mesures proposées..., ce qui favorise leur contestation par les acteurs de terrain peu convaincus ; peu d’expérimentations des réformes fondées sur des protocoles scientifiques solides et conduites à des dimensions territoriales significatives avant de les étendre à l’échelle nationale ; quasiment aucune évaluation scientifique des effets des dispositifs mis en place ; des formations continues des enseignants centrées étroitement sur des dispositifs précis plutôt qu’une formation large à des compétences en pédagogie et en didactique ; un cumul des dispositifs et des mesures qui conduit dans le temps à une action publique illisible pour les acteurs de terrain, les parents et les élèves eux-mêmes".

Le défi ethnique
Enfin le Cnesco met l’Education nationale devant un nouveau défi qui croit sous nos yeux : le défi ethnique. Les travaux de G Felouzis ont beaucoup fait avancer la réflexion sur ce point. Le rapport montre que le fait de ne pas être natif est déterminant pour l’orientation et l’avenir scolaire d’un enfant. L’inégalité de résultat n’est plus liée directement à la situation sociale de l’enfant non natif. Celle ci peut s’améliorer sans que pour autant la situation scolaire suivre.

G Felouzis a montré que cette situation est systémique. C’est le fonctionnement même de la machine scolaire qui produit ce résultat qui la prend à rebours de ses valeurs.

Alors que la ministre et F Hollande testent des éléments d’un futur programme, le rapport du Cnesco inscrit dans ce débat des questions qui interrogent le bilan de la gauche mais qui aussi vont peser sur un nouveau programme pour l’après 2017.
François Jarraud

9 octobre 2012

P Merle il faut supprimer le label prioritaire

Le rapport de 2012

Félouzis : Face aux inégalités il faut une autre politique

Extrait de cafepedagogique.net du 27.09.16 : Edito. Cnesco : Trois défis pour un retour aux sources de la refondation

 

Note du QZ : Complétons le dossier du Café sur la concertation de 2012 en ajoutant le point de vue de l’OZP sur cet épisode controversé (communiqué OZP du 8 octobre 2012)

Extrait de ozp.fr du 08.10.12 : La refondation de l’Ecole ne peut pas passer par la liquidation de l’éducation prioritaire

 

ToutEduc

"La déségrégation sociale à l’école est l’angle aveugle des politiques scolaires depuis 30 ans" (Rapport du Cnesco)

[...] Les effets pervers de l’éducation prioritaire
Premier constat : "les inégalités ont progressé en France depuis 15 ans parce que dans un premier temps les élèves les plus défavorisés socialement voyaient leur niveau baisser et que très récemment les résultats de l’élite scolaire sont, eux, à la hausse". Première cause, les élèves subissent une inégalité de traitement. Certes, les effectifs sont un peu moins lourds en éducation prioritaire, 2 élèves de moins par classe, "ce qui est insuffisant pour avoir un impact significatif sur les apprentissages". Mais une partie des heures de cours étant dévolues à des problèmes de discipline, le temps utile est plus court. Les enseignants sont moins expérimentés, moins diplômés, plus jeunes. Les élèves n’ont pas accès aux méthodes pédagogiques les plus efficaces, par exemple ils ont moins accès aux mathématiques formelles. Enfin ils sont dans des établissements fortement ségrégués, certains collèges comptant 2/3 d’élèves défavorisés. Certes, les relations entre les enseignants et les élèves se sont améliorées, mais elles se sont améliorées davantage pour les élèves favorisés que pour les élèves défavorisés. Au total, les effets pervers des politiques d’éducation prioritaire l’emportent, au point que Nathalie Mons parle d’une discrimination positive, "donner plus à ceux qui ont moins", "devenue négative".

A ces inégalités de traitement s’ajoutent des inégalités de résultats. En ce qui concerne la compréhension de l’écrit, et en se fondant sur les résultats de l’enquête PISA, que le Cnesco juge pertinente, le niveau des élèves les plus défavorisés a baissé en compréhension de l’écrit (tandis qu’il progressait en moyenne OCDE) et il s’est élevé pour les élèves les plus favorisés. Ces inégalités des acquis provoquent des inégalités en termes d’orientation, inégalités accrues du fait de l’auto-censure des familles défavorisées, ou de leur mauvaise information sur les filières, mais aussi du fait d’une moindre confiance des enseignants lorsqu’un élève a un niveau un peu juste. Ces inégalités en provoquent d’autres en termes de diplomation, les élèves défavorisés ayant plus souvent un bac professionnel qu’un bac général, puis en termes d’insertion professionnelle.

Les élèves issus de l’immigration
En 10 ans, toujours d’après PISA, "l’écart de performances scolaires entre les élèves issus de l’immigration et les natifs s’est accru" ; c’est ainsi qu’en 2012, 43 % des élèves nés en France mais dont les parents sont nés à l’étranger "n’atteignent pas le niveau 2 en mathématiques". Quand le niveau des "natifs" (deux parents nés en France) baissait de 13 points, celui des "2ème génération" baissait de 24 points. On aurait pu espérer l’inverse, puisque le niveau d’éducation de leurs parents est en forte progression, et que ce niveau avait une influence sur les résultats de leurs enfants. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, malgré leur forte mobilisation. "Les familles issues de l’immigration maghrébine ont des aspirations scolaires deux fois plus élevées, pour un baccalauréat général que celles des familles françaises" et leurs enfants ont deux fois plus de chances de prendre des cours privés. Mais seuls les enfants venus de Chine et d’Asie du Sud-Est ont des résultats supérieurs à ceux de leurs homologues "natifs" ; ceux des enfants Turcs sont nettement plus faibles. Si l’école primaire tend à corriger un peu ces inégalités, le collège les voit s’accentuer. Les chercheurs s’interrogent : "Le statut d’immigré serait-il associé à des formes nouvelles de discrimination négative ?". C’est en tout cas le sentiment qu’ont les familles, et "un gouffre se creuse".

Plus généralement, qui est responsable de l’accroissement des inégalités à l’Ecole ? Les travaux montrent "un impact limité des évolutions économiques et sociales". De même, la responsabilité de l’enseignement privé comme des cours particuliers serait limitée. En revanche, "le fait de faire des devoirs à la maison est corrélé positivement aux résultats scolaires."

Les politiques scolaires sont en cause
Ce sont donc les politiques scolaires qu’il faut incriminer. La scolarisation des moins de 3 ans pourrait être un facteur positif, mais "faute d’un travail de fond mené en collaboration avec les collectivités locales et d’une politique de communication efficace en direction des familles défavorisées", l’objectif n’a, "pour l’instant", pas été atteint.

Les diverses formes d’aide personnalisée ont toutes les mêmes défauts, elles ne concernent, au mieux, que quelques heures et celles-ci sont "en marge" des autres heures de classe, donc sans impact sur la pédagogie en général. De plus, les enseignants n’ont pas d’outils de diagnostic des besoins des élèves.
Certes, le "plus de maîtres que de classes" va dans le bon sens, mais la différenciation de la pédagogie supposerait des moyens, et surtout des maîtres formés. Or, pour ce qui est de la formation continue, "la France décroche". Quant à l’éducation prioritaire, dont la réforme récente n’a pas permis de mieux définir les objectifs, et qui a pour défaut de ne pas lutter contre les ségrégations, mais de tenter d’en réparer les effets, le Cnesco hésite à préconiser sa disparition, bien que la plupart des pays y aient renoncé.

Les coulisses de la cuisine scolaire
Pour les auteurs du rapport, "la déségrégation sociale à l’école est l’angle aveugle des politiques scolaires depuis 30 ans". Toutes les politiques, tous les budgets resteront peu efficaces si les collèges les plus ségrégués ne font pas l’objet d’une politique volontariste de mixité sociale. Même si cet objectif est présent dans la loi de Refondation, les chercheurs considèrent que "la mixité sociale n’aura donné lieu lors de ce quinquennat qu’à une expérimentation à très faible échelle", sans protocole scientifique connu. Et pendant ce temps-là, "dans les coulisses de la cuisine scolaire, le séparatisme social au cœur des collèges a tranquillement poursuivi son cours (SEGPA, 3e technologiques, 3e d’insertion, option découverte professionnelle de 6 heures en 3e… (...) Une histoire qui se poursuit aujourd’hui avec l’institutionnalisation de la 3e préparatoire à l’enseignement professionnel".

Pour le Cnesco, les politiques pourraient pourtant s’appuyer beaucoup plus qu’ils ne le pensent sur les acteurs de terrain et miser sur leur expertise. Il propose aussi de développer l’expérimentation du "professeur des apprentissages fondamentaux", qui suivrait un même groupe d’élèves sur l’ensemble du cycle 2 et qui aurait été formé en conséquence. Il faudrait également renforcer l’évaluation pour donner "aux équipes pédagogiques les moyens de repérer les résultats scolaires de leurs élèves face aux objectifs nationaux", accompagner davantage les familles les plus éloignées de l’école au moment de l’orientation de leurs enfants, et ramener les fonds sociaux dont disposent les établissements pour venir en aide aux élèves "à un niveau proche de celui du début des années 2000".
Colette Pâris et Pascal Bouchard

Extrait de touteduc.fr du 26.09.16 : La déségrégation sociale à l’école est l’angle aveugle des politques scolaires depuis 30 ans (rapport du Cnesco)

 

C’est pour ainsi dire un réquisitoire complet contre l’école française que dresse le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) dans le rapport qu’il vient de rendre public et intitulé « Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ? ». Fondé sur le travail d’enquête de 22 équipes de chercheurs (consultables en ligne), son originalité repose cependant moins sur les nouvelles connaissances qu’il contient que sur la perspective d’ensemble qu’il développe, qui se veut « un bilan solide de la justice à l’école ».

Extrait de [alterecoplus.fr du 28.09.16 : Ecole : la longue chaîne des inégalités

 

La politique des ZEp en cause
[...] Voilà pour le diagnostic. Mais le Cnesco va au-delà en interrogeant les responsabilités. En premier lieu, la politique des ZEP en prend un coup. Fondée en 1981 sur le principe de la discrimination positive – « donner plus à ceux qui ont moins » –, l’éducation prioritaire aboutit, aujourd’hui, à produire de la discrimination négative : on donne moins à ceux qui ont moins. « Au départ pensé comme temporaire, le dispositif s’est étendu, les moyens se sont dilués, avec des effets de stigmatisation assez forts : dès lors qu’un établissement passe en éducation prioritaire, il y a une désertion des familles pour scolariser leur enfant dans un autre collège », résume Georges Felouzis, sociologue à l’université de Genève.
[...] En éducation prioritaire, la taille des classes n’est pas suffisamment réduite pour avoir un impact : seulement 1,4 élève en moins au primaire ; 2,5 élèves de moins au collège. Les enseignants y sont moins expérimentés : 17 % ont moins de 30 ans dans le secondaire, contre 9 % hors éducation prioritaire. Et beaucoup ne font qu’y passer.

Réquisitoire sévère
Mais là où un tabou tombe, c’est sur la qualité et le temps d’enseignement dispensés. Ainsi, au collège, les enseignants de ZEP estiment consacrer 21 % du temps de classe à « l’instauration et au maintien d’un climat favorable », contre 16 % hors de l’éducation prioritaire et 12 % dans le privé. C’est autant de temps en moins consacré à l’enseignement. Les 4 heures de français par semaine programmées en 3e deviendraient 2 h 30 en ZEP, 2 h 45 hors ZEP et 3 heures dans le privé. Problèmes de discipline mais aussi exclusions, absences d’élèves et d’enseignants pèsent sur les emplois du temps.

Extrait de lemonde.fr du 27.09.16 : Comment le système français aggrave inéluctablement les inégalités scolaires

 

[...] L’éducation prioritaire en échec
[...] Dès sa conception, les auteurs de la politique d’éducation prioritaire miss en place il y a plus de trente-cinq ans alertaient sur la nécessité qu’elle ne soit que temporaire au risque d’entraîner une stigmatisation des établisements du fait du label "éducation prioritaire".
Depuis, la recherche n’a pas mis en évidence l’efficacité de ce système. L’éducation prioritaire est de fait associée à la dégradation du niveau des élèves. Les enfants d’immigrés de deuxième génération, notamment, s’y enlisent,, m^me si leurs parents ont progressé socialement. La dilution des effets bénéfiques serait notamment due à l’élargissement du public de l’éducation prioritaire qui concerne de plus en plus d’élèves

Extrait de lefigaro.fr du 27.09.16 : [Un rapport juge l’école "trop inégalitaire"]

 

[...] Le Cnesco ne réclame pas l’arrêt de cette politique, du moins pas tant que la mixité sociale au sein des établissements reste aussi faible. Une expérimentation en France a vu le jour à la rentrée 2016, dans quelques territoires pilotes. Le rapport rappelle que des politiques volontaristes ont été menées, par exemple dans l’Etat du Massachusetts aux Etats-Unis, où le choix des parents est encadré afin qu’aucune école ne dépasse plus de 15% de taux d’élèves défavorisés.

En réaction, la ministre de l’Education nationale voit dans ce rapport une "confirmation" des diagnostics de son gouvernement et des mesures engagées depuis 2013. Selon Najat Vallaud-Belkacem, le document est même "un réquisitoire contre dix ans de politiques de la droite".

Extrait de lejdd.fr (avec l’Afp) du 27.09.16 : L’éducation prioritaire a des effet pervers

 

 

Najat Vallaud-Belkacem "se félicite que le rapport (du Cnesco sur les inégalités à l’école) souligne les ’orientations positives encourageantes’ de la refondation de l’école" et elle y voit "un réquisitoire contre dix ans de politiques de la droite". La ministre de l’Education nationale estime, en ce qui concerne l’éducation prioritaire, que la nouvelle carte "a permis de mieux cibler les élèves les plus fragiles socialement" tandis qu’ "une mobilisation pédagogique a été engagée" et qu’a été mise en place "une politique indemnitaire extrêmement attractive" pour les enseignants, laquelle porte ses premiers effets : "le niveau de demandes de sorties de l’éducation prioritaire apparaît en régression cette année". La ministre évoque encore la mise en place des parcours d’excellence dans les établissements de l’éducation prioritaire.

Au total donc, Najat Vallaud-Belkacem estime que l’éducation prioritaire telle qu’elle est réformée constitue "un levier efficace de lutte contre les inégalités", et s’oppose donc implicitement à ce qu’écrit le Cnesco qui ne prend pas en compte ces nouvelles données et dont les conclusions ont été largement reprises par les médias.

Quant à la "démarche volontariste" pour davantage de mixité sociale, que le Cnesco juge trop limitée, la ministre affirme que "le nombre de territoires pilotes sera au minimum doublé" à la rentrée 2017 et passera donc à au moins 50, "avec un suivi scientifique permettant de déployer à large échelle les solutions les plus efficaces".
Enfin, "le montant des crédits dédiés aux fonds sociaux a été porté à 49,3 M€ à la rentrée 2016 et les mesures visant à réduire le non-recours aux bourses de l’Education nationale renforcées", ajoute la ministre alors que le rapport, en se fondant sur les chiffres 2014, calculait que le fonds était loin d’avoir retrouvé son niveau des années 2000, quelque 70 millions d’euros.

Extrait de touteduc.fr du 27.09.16 : Inégalités scolaires. Najat Vallaud-Belkhacem répond au Cnesco

 

[...] Les ZEP sont ici pointées du doigt comme générant une « discrimination négative » : « Au départ pensé comme temporaire, le dispositif s’est étendu, les moyens se sont dilués, avec des effets de stigmatisation assez forts : dès lors qu’un établissement passe en éducation prioritaire, il y a une désertion des familles pour scolariser leur enfant dans un autre collège », analyse auprès de l’AFP Georges Felouzis, sociologue à l’université de Genève, qui a participé à l’étude.

Les moyens accordés à ces établissements ne seraient pas suffisants pour créer une différence. De plus, les enseignants en collège ZEP consacreraient 21 % du temps de classe à « l’instauration et au maintien d’un climat favorable », contre 16 % hors de l’éducation prioritaire et 12 % dans le privé.

Le pourcentage d’enseignants peu expérimentés (moins de 30 ans) est également très fort en enseignement prioritaire : 17 % contre 9 % dans le seconde degré. Dans le premier degré, leur part a augmenté, passant de 22 % en 2008 à 26 % en 2015.
L’absence d’une véritable égalité des chances

Le rapport indique qu’avec l’éducation prioritaire actuelle, « on est loin du mythe de l’égalité des chances (…) et plus encore de la promesse de 1982 de « donner plus à ceux qui ont moins » ». Georges Felouzis ajoute : « On a plutôt des preuves que ça ne marche pas mais on continue. Les pays qui avaient adopté ce dispositif l’ont tous abandonné, car ses effets pervers sont plus nombreux que les effets positifs ».

Face à ce constat accablant, le Cnesco somme la France de réagir « en urgence » afin de réduire les inégalités sociales à l’école. Le Conseil préconise entre autres une confiance accrue aux acteurs de terrain et une « clarification de la vision de la justice à l’école ». Il recommande également de renforcer la scolarité des moins de 3 ans et de rendre obligatoire la formation continue des enseignants.
Antoine Desprez

Extrait de vousnousils ;fr du 27.09.16 : [http://www.vousnousils.fr/2016/09/27/inegalites-ecole-cnesco-593356]

 

Voir aussi

La revue de presse des cahiers pédagogiques du 27.09.16

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