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Grève au lycée d’Aubervilliers (93) (L’Humanité)

10 septembre 2004

Extrait de « L’Humanité » du 09.09.04 : grève au lycée d’Aubervilliers (93)

Classes surchargées, lycée bloqué.

Le lycée Le-Corbusier d’Aubervilliers est resté fermé hier matin. Colère des enseignants, dont les élèves, en seconde, sont plus de trente-cinq par classe.

Six années que l’accord tenait bon. Les profs l’avaient négocié, à l’issue d’une lutte, en 1998, et l’inspection académique, depuis, avait respecté le marché. Non, l’établissement ne serait classé ni ZEP, ni zone sensible, avait maintenu l’administration. En contrepartie, elle avait garanti que les effectifs n’iraient jamais au-delà de trente élèves par classe. Un tien vaut mieux que deux tu l’auras. Mais le traité vient d’être rompu. En finesse, histoire d’éviter que le schisme ne ternisse l’image d’une rentrée sans accroc. La veille, le recteur nous avait dit : Une classe supplémentaire ? Pourquoi pas, j’étudie la question. Nous devions recevoir une réponse sous peu ", raconte Philippe Chartier, prof de génie mécanique. Chose promise, chose due. "Elle nous est parvenue lundi : c’était non."

Non à une dixième classe de seconde pour le lycée Le-Corbusier d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, dont les profs ont cadenassé l’entrée, hier matin, en signe de protestation. Et où les élèves sont désormais 35, voire 37 par classe. "Lundi, nous avons passé notre temps à trimbaler des chaises d’une salle à l’autre parce que nous n’en avions pas assez", raconte Jalila, dix-sept ans, en seconde. Adossée à la grille du lycée, elle patiente, avec d’autres, ne sachant à quoi s’attendre. Grève ou pas grève ? Certains élèves s’inquiètent. Comme Mohamed, dix-neuf ans, en terminale, déjà la tête dans le bac, qui craint de prendre du retard. " L’an dernier, nous avons perdu du temps ", explique-t-il. À cause du déménagement du lycée, dont les locaux sont neufs, et des absences de profs. Karim, dix-sept ans, partage et relève : "Dès le début d’année, on nous prévient qu’on n’aura pas le temps de couvrir tout le programme. Qu’est-ce que ce sera s’il y a une grève ?" Angoissés, donc. Compréhensifs, aussi. "S’ils gagnent, ça vaut le coup. Trente-sept dans une classe, c’est beaucoup trop."

Pragmatique, Jalila continue de raconter sa rentrée. Dans certaines salles, les tables ont dû être collées les unes aux autres. "Il n’y a plus qu’une seule allée pour circuler. À chaque cours, on perd dix bonnes minutes, le temps de s’installer et de sortir. " Près d’elle, Francia, seize ans, jauge, à vue de nez, ce que cela peut donner à la longue. " Ce n’est pas faisable. Les profs ne pourront jamais s’attarder avec chacun de nous."

Marine Lafargue, enseignante de sciences éco, ne dit pas autre chose. La trentaine, le teint clair et les cheveux roux, elle dit son amertume. "À longueur de discours, on nous parle de discrimination positive et de pédagogie différenciée. Mais où sont-ils, les discriminés positifs, si ce n’est pas nous ?" Près d’elle, cigarette à la main, Philippe Chartier illustre le propos. Et parle du nombre élevé d’élèves boursiers et d’un taux de réussite au bac qui reste en dessous de la moyenne académique. "Et il faudrait répondre à ses besoins sans aucun moyen ?" Tous les deux s’apprêtent à rejoindre d’autres profs, qui travaillent à résoudre le casse-tête. "Nous cherchons à optimiser nos ressources. Nous allons revoir la répartition des élèves dans les cours, pour tenter de dégager des heures. Nous espérons que l’inspection académique acceptera de compléter, pour que l’on parvienne enfin à ouvrir cette dixième classe." La chose peut fonctionner, pensent-ils. L’inspecteur attend leur projet aujourd’hui. Pour l’étudier, il l’a promis. Juré, craché.

Marie-Noëlle Bertrand.

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