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Rapport Cnesco. Extraits de trois contributions d’experts (sur 22) qui traitent plus directement de l’éducation prioritaire

6 octobre 2016

Contributions des chercheurs

22 équipes de chercheurs mobilisées

Le Cnesco a mobilisé 22 équipes de chercheurs français et étrangers afin de mener des enquêtes distanciées et sans tabou. Sociologues, économistes, didacticiens, psychologues ont travaillé sur des recherches originales pendant deux ans, à partir des données les plus récentes pour dresser un bilan solide de la justice à l’école.

Extrait de cnesco.fr : Inégalités sociales. paroles d’experts

 

Note du QZ : Relevons en particulier les trois contributions suivantes qui concernent plus précisément l’éducation prioritaire (se reporter au texte original pour ouvrir les nombreux liens et pour voir les notes de bas de page))

 

[Inégalités scolaires et politiques d’éducation.
GEORGES FELOUZIS, BARBARA FOUQUET-CHAUPRADE, SAMUEL CHARMILLOT &
LUANA IMPERIALE-AREFAINE
Inégalités scolaires et politiques d’éducation (présentation générale des contributions)

EXTRAIT (pages 33 -34)
Education prioritaire : outil de lutte contre les effets de la ségrégation ?
Les politiques d’éducation prioritaire s’inscrivent plus directement dans les politiques de lutte contre les effets de la ségrégation. Ici, elles ne cherchent pas à empêcher le phénomène ségrégatif et ne visent pas la déségrégation (comme c’est le cas, par exemple, aux États-Unis ou en Afrique du Sud). Elles visent seulement à en atténuer, voire à en supprimer, les conséquences les plus négatives. Nous ne reviendrons pas sur la genèse de cette politique qui a vu le jour en France au début des années 1980, nous nous centrerons sur son évolution durant les 20 dernières années.

Rappelons simplement que le choix qui a été fait en France en termes de discrimination positive" à destination des publics scolaires défavorisés et relégués s’est porté sur un type d’éducation prioritaire territorialisée.
Pierre Merle (2012) montre l’extension numérique de l’éducation prioritaire. En 1997, les zones d’éducation prioritaires (ZEP) scolarisaient 14,3 % des collégiens. À la rentrée 1997-1998, et suite au rapport Moisan et Simon (1997), les ZEP deviennent les réseaux d’enseignement prioritaires (ZEP-REP). Sept ans plus tard, ce sont 20,4 % des élèves qui sont scolarisés dans ces réseaux. Conscient de la dilution des moyens et de la faible pertinence d’un tel dispositif, le ministère de l’Éducation nationale décide en 2006 de la création des réseaux ambition réussite (RAR) qui doivent permettre un recentrage des moyens sur un nombre plus restreint d’établissements et de collégiens : les RAR concernent en effet moins de 5 % des collégiens.
Cependant, les ZEP-REP ne disparaissent pas et deviennent à la même date les réseaux réussite scolaire (RRS) qui regroupent 15 % des élèves. La nouvelle politique de RAR visait à concentrer davantage de moyens sur les établissements qui ne nécessitent le plus. Cependant, la superposition des RAR et des ZEP-REP tend à brouiller le message du fait de la superposition de dispositifs. En 2010, apparaissent
les CLAIR (collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) qui visent plus explicitement des objectifs en termes d’amélioration du climat scolaire, dispositif élargi l’année suivante aux écoles (ECLAIR).

En 2011, la plupart des RAR disparaissent.
L’éducation prioritaire ne cesse de se complexifier et de superposer des dispositifs récents aux plus anciens. De plus, Françoise Lorcerie (2010) rappelle que depuis le début des années 1990, les politiques d’éducation prioritaire s’articulent aux politiques de la ville, ce qui en complexifie encore leur mise en oeuvre, mais donne probablement plus de cohérence à la lutte contre les inégalités scolaires.
La figure 10 montre cependant la complexité des dispositifs (en 2013).
Figure 10. Dispositifs de l’éducation prioritaire et dispositifs qui y interviennent (source CIMAP, 2013)

La politique de 2014 dite de refondation de l’école vise justement à réduire cette superposition de dispositifs et à recentrer les efforts sur un nombre plus restreint d’établissements en révisant profondément la carte scolaire. L’autre objectif affiché est celui d’un "gommage" des effets de seuil. Cette politique institue les REP+ qui se centreront principalement sur l’innovation pédagogique et modifieront le temps de
travail des enseignants en leur accordant des heures hors enseignement devant favoriser le travail collectif, la concertation, etc.
Les bilans qui sont faits de ces dispositifs sont plutôt nuancés, voire négatifs quant à leurs effets (Meuret, 1994 ;Moisan et Simon, 1997 ; Armand et Gille, 2006), en particulier sur les inégalités de compétences, de performances et d’orientations.

S’agissant du climat scolaire, les évaluations qui sont faites sont encore contradictoires. De plus, les "effets d’étiquetage" sont loin d’être anecdotiques, le dispositif conduisant en effet à tout un processus de stigmatisation des établissements et des élèves qui y sont scolarisés (Fouquet-Chauprade et Dutrévis, 2015), Merle (2012).
Conscient de ces effets pervers, le législateur a voulu créer en 2000 des pôles d’excellence qui devaient servir à valoriser l’image des ZEP-REP à partir du développement de projets pédagogiques de "haut niveau".
Ces politiques d’éducation prioritaire butent sur plusieurs difficultés. Elles visent à rétablir une égalité entre les élèves alors même que la nature et les sources des inégalités sur lesquelles elles veulent agir sont très disparates (Fouquet-Chauprade et Dutrévis, 2015 ). Ces disparités conduisent à une profusion des
objectifs et des mesures qui nuisent à leur efficacité : veut-on agir sur la taille des classes, sur la construction de projets pédagogiques innovants, sur la mise au travail collectif, sur les relations école-famille, ou sur l’amélioration du climat scolaire ?
Par ailleurs, Bénédicte Robert (2009) montre bien la confusion entre les
objectifs de cette politique et les moyens par lesquels les atteindre. Enfin, bon nombre des objectifs posés dans le cadre de l’éducation prioritaire sont flous et diversement mesurables. Un rapport d’évaluation de la DEPP (CIMAP, 2013) note ainsi que "l’éducation prioritaire s’est-elle progressivement vue assigner des
objectifs opérationnels très divers tant en ce qui concerne les élèves que leurs familles (objectifs sociaux, de santé, culturels, éducatifs, pédagogiques, d’orientation, d’insertion professionnelle,) sans que ceux-ci aient été vraiment formalisés, ni toujours suivis dans leur mise en oeuvre, ni véritablement évalués quant à leurs résultats " (p. 16).

Finalement, loin d’être une politique de lutte contre la ségrégation, l’éducation prioritaire finit même par être une "source de ségrégation sociale et académique" (Merle, 2012, p.63). Ces établissements sont évités
et contournés par les familles qui en ont les moyens (van Zanten, 2012), les élèves qui y sont scolarisés sont stigmatisés (Fouquet-Chauprade, 2014 ; Merle, 2012), les attentes scolaires sont revues à la baisse (effets pygmalion etc.), les climats scolaires sont souvent tendus, voire violents (Debarbieux, 1996).

 

Education prioritaire
MANON GARROUSTE ET CORINNE PROST
PSE, Université Paris 1, Crest, Insee
manon.garrouste@ensae.fr
corinne.prost@ensae.fr

Education prioritaire (13 p.)

EXTRAIT (page 9)

II. La mobilité

1 Les élèves
L’enjeu des évaluations est de contrôler autant que possible des effets de contexte. Néanmoins, cela nécessite souvent de supposer que ce contexte ne se modifie pas trop ou, a minima, pas trop vite. Les mêmes méthodes qui cherchent à évaluer l’effet sur les résultats scolaires peuvent être "décentrées" et utilisées pour évaluer l’effet sur le contexte. Il s’agit de mesurer l’effet de l’éducation prioritaire sur les
comportements de mobilité.
De fait, Benabou et al. (2004) constatent une baisse du nombre d’élèves dans les établissements ZEP après l’obtention de leur statut. Cette baisse s’accompagne au début des années quatre-vingt d’une légère hausse de la proportion d’élèves provenant de familles dont le revenu est faible. Cette baisse du nombre d’élèves peut s’expliquer par différents phénomènes, une stratégie d’évitement de la part de certains parents, mais également plus largement un dépeuplement de certains quartiers défavorisés.

De même, il est vraisemblable que la mise en place du dispositif ait conduit certaines familles à éviter les établissements labellisés RAR. C’est ce que montre l’étude proposée par Davezies et Garrouste (2014), en déplaçant l’analyse au niveau des élèves. En observant le statut de l’établissement fréquenté en sixième, les auteurs montrent que les élèves résidant à proximité d’un collège RAR ont une probabilité plus élevée de contourner l’établissement de leur zone pour se scolariser dans un collège privé. Ils trouvent également que cet effet est essentiellement dû aux familles de catégories socioprofessionnelles favorisées (c’est-à-dire dont le référent n’est ni ouvrier, ni retraité ancien ouvrier ou employé, ni inactif).
En tenant compte de ces effets d’évitement, l’étude de Caille et al. (2016) montre que le dispositif RAR n’a globalement pas d’effet sur les résultats scolaires au brevet pour les élèves scolarisés en RAR.
L’absence d’effet moyen pourrait cependant provenir d’effets différenciés sur des sous-populations d’élèves ; dans certains collèges, la probabilité d’obtention du brevet tend par exemple à augmenter pour les filles et à diminuer pour les garçons. La scolarisation en RAR aurait également des effets négatifs pour certains élèves les plus favorisés socialement. Il semble donc bien que les résultats négatifs observés au niveau des collèges soient en réalité due à des stratégies d’évitement des établissements RAR par les familles les plus socialement favorisées. Puisque les élèves issus de ces familles ont en moyenne également de meilleurs résultats scolaires, la réussite moyenne estimée au niveau des collèges diminue suite à la mise en place du dispositif RAR. En contrôlant cette mobilité, le résultat n’est pas pour autant positif : les RAR n’auraient pas amélioré le niveau des élèves.

2 Les enseignants
L’autre population qui peut avoir une stratégie d’évitement, ce sont les enseignants. La désaffection de certains élèves et le manque de mixité scolaire peut rendre leurs conditions de travail plus difficiles, et les conduire à éviter ou à quitter les établissements d’éducation prioritaire. À l’inverse, les différentes réformes de l’éducation prioritaire ont justement cherché à motiver les équipes éducatives, en mettant les enseignants au c÷ur de nouvelles dynamiques, en stimulant les projets pédagogiques. La mise en place d’une prime spécifique a aussi pu compenser les conditions de travail plus exigeantes.

Malheureusement, ce sont apparemment plutôt les raisons de la mobilité qui l’ont emporté. La mise en place des ZEP s’est ainsi accompagnée d’une hausse de la proportion de jeunes enseignants dans les collèges ZEP, suggérant que les enseignants expérimentés ont choisi d’autres établissements. En 1987,
les ZEP rassemblaient une part plus forte de jeunes : 19 % de professeurs de moins de 30 ans contre 12 % en moyenne dans l’ensemble des établissements

. Cet écart a continué à s’accroître dans les années quatre-vingt-dix.
Il semble d’ailleurs que la difficulté des ZEP à retenir ses équipes éducatives ait été perçue. Deux mesures différentes ont été prises après la relance de l’éducation prioritaire en 1990 : une prime et des bonifications de points. À partir de septembre 1991, les personnels des ZEP reçoivent une prime spécifique ("l’indemnité de sujétion spéciale"). En outre, à partir de 1992, une boni-cation de points, dans le barème qui sert pour la mobilité, est accordée pour tout poste en ZEP. Le nombre de points accordés est au départ assez faible ; devenu, dans les années suivantes, plus conséquent, il doit avoir eu un réel effet sur les mobilités. Toutefois, les conséquences de ce système d’incitation sont ambiguës : il incite à rester quelques années puis à partir ensuite. Ces bonifications sont en effet accordées après 5 années passées dans ce type d’établissement ; elles sont encore plus élevées après 8 années. Elles incitent donc les débutants qui sont affectés à ce type d’établissement à rester au moins 5 ans ; ce délai étant passé, les enseignants ont accumulé suffisamment de points pour obtenir un poste là où ils le souhaitent. Le système de prime, en revanche, si l’incitation est efficace, est moins ambigu.

L’indemnité de sujétion spéciale a-t-elle permis de stabiliser le personnel enseignant de ces établissements ? L’effet de cette prime sur la mobilité des enseignants peut être évalué de façon similaire à l’effet des ZEP sur la réussite scolaire des élèves. À partir de données administratives recensant l’ensemble des professeurs du secteur public qui enseignent dans le secondaire, il est possible d’estimer la probabilité de
quitter un établissement du secondaire en fonction des caractéristiques des professeurs et de celles des établissements. La mobilité des enseignants qui se trouvent dans une zone prioritaire évolue dans le temps, sous l’effet de tendances globales liées aux évolutions démographiques qui ouvrent ou ferment des postes dans certaines zones, et sous l’effet des primes. La comparer à celle des enseignants qui ne sont pas en ZEP permet alors d’identifier le seul effet des primes.

Selon Prost (2013), la prime ZEP n’aurait pas eu d’effet sur la mobilité en 1991 et 1992 : la mobilité est restée aussi forte ces années-là. Ce résultat montre que le montant de la prime accordée aux enseignants en ZEP n’a pas été suffisamment incitatif. D’autres expériences de ce type ont pourtant fonctionné. Ainsi, en Caroline du Nord, une prime de 1 800 dollars a été attribuée aux enseignants de mathématiques et de sciences de certains établissements concentrant beaucoup d’enfants de familles à faible revenu.

. Elle a permis de significativement diminuer la mobilité de ces enseignants.
Néanmoins, est-ce qu’avoir des jeunes enseignants est pénalisant pour les élèves ? On peut noter tout d’abord qu’une forte rotation des personnels est probablement négative pour la mise en place de projets éducatifs spécifiques. C’est ce que note le rapport Moisan et Simon (1997) : une des conditions de réussite des ZEP serait la stabilité du personnel éducatif.

La littérature en économie de l’éducation tente en outre de mesurer la "productivité" des enseignants en considérant que le service principal rendu par les écoles est l’apprentissage scolaire des enfants. On peut alors mesurer la "productivité" des enseignants par le biais de la progression des élèves en termes de tests scolaires, en tenant compte de tout ce qui n’est pas du ressort de l’enseignant. À partir de tels modèles, l’économiste peut évaluer si, en moyenne, la productivité des enseignants est liée à leur expérience du métier.
A priori, on peut s’attendre à différents effets ; d’une part, ce métier ne s’apprend probablement pas entièrement de façon théorique et nécessite de faire ses armes sur le terrain, face aux élèves ; d’autre part, il est fatiguant nerveusement et il peut être difficile de maintenir une motivation élevée pendant de nombreuses années.
Les résultats obtenus sur les données par les économistes montrent que la capacité des enseignants à améliorer le niveau de leurs élèves progresse au cours des toutes premières années d’expérience. Il semble que cette capacité atteigne ensuite un palier et ne redescende pas en fin de carrière.

. On observe ainsi un effet d’apprentissage, les enseignants sortant de formation n’étant pas tout de suite aussi performants pour enseigner leur matière aux élèves qu’ils le seront après quelques années d’expérience. En revanche, les estimations ne détectent pas d’effet d’usure.
Par conséquent, le rajeunissement des enseignants en ZEP n’est pas neutre ; il pourrait diminuer le niveau scolaire des élèves. La réforme de 2006 a toutefois pu contribuer à limiter le rajeunissement des personnels éducatifs en éducation prioritaire. Cette réforme a défini le réseau comme la structure centrale de la nouvelle organisation de l’éducation prioritaire. Chaque réseau ambition réussite était constitué d’un collège et des écoles maternelles et élémentaires de son secteur ; à l’intérieur, le collège constitue le centre du dispositif. L’objectif était de renforcer les relations entre les équipes pédagogiques des établissements du réseau pour améliorer le suivi des élèves. Pour cela, chaque réseau devait définir un projet pédagogique dans le cadre d’un "contrat ambition réussite" pour une durée de 4 à 5 ans et les collèges RAR bénéficiaient de moyens supplémentaires qui devaient permettre de financer 1 000 postes d’enseignants supplémentaires et 3 000 postes d’assistants pédagogiques.

Les enseignants supplémentaires sont recrutés sur profil et leur service d’enseignement en classe entière ne peut excéder un mi-temps. Ils animent la vie pédagogique du réseau, assurent les relations avec les familles et les partenaires extérieurs, coordonnent les interventions des assistants pédagogiques et organisent le suivi individualisé des élèves. Les assistants pédagogiques interviennent aussi bien dans la classe qu’en dehors de celle-ci pour apporter un soutien scolaire aux élèves, individuellement ou en groupe. Afin d’améliorer l’ambition scolaire des élèves et de créer un environnement d’excellence, chaque réseau doit également mettre en place un partenariat avec une institution culturelle ou sportive ou un organisme de recherche. Beffy et Davezies (2013) observent une diminution de la proportion d’enseignants agrégés ainsi qu’une augmentation de la proportion d’enseignants de plus de 55 ans. Les enseignants supplémentaires seraient, en moyenne, plutôt âgés. Ceci s’explique vraisemblablement par le fait que ce sont des enseignants expérimentés du premier degré qui ont été recrutés sur ces postes particuliers dans les collèges RAR.

 

La politique française d’éducation prioritaire (1981-2015) : les ambivalences d’un consensus (30 p.)
PHILIPPE BONGRAND & JEAN-YVES ROCHEX, Université de Cergy-Pontoise, Université de Paris 8 Saint-Denis
philippe@bongrand.eu
jyrochex@gmail.com

EXTRAIT (page 25)
Conclusion
Sans objectif d’exhaustivité, la présente contribution au rapport du Cnesco a pour objectif d’apporter des éléments susceptibles de compléter, mais aussi de nuancer, les jugements les plus répandus au sujet de la politique d’éducation prioritaire. Tout en connaissant des réussites locales, cette politique a manifestement donné lieu à l’échelle nationale à une mise en oeuvre insatisfaisante (avortée, hétérogène, intermittente ou artificielle) dont il ne faut pas occulter une implication : ce défaut de mise en oeuvre obère la plupart des évaluations de son efficacité, à l’échelle nationale, en matière de lutte contre les inégalités sociales à l’école.

Faut-il considérer pour autant que la PEP, parce qu’elle a été mise en oeuvre de manière insuffisante, est un échec ? L’hypothèse retenue ici envisageait l’entretien durable de la préoccupation politique pour la lutte contre les inégalités sociales à l’école comme une forme de résultat positif : la politique d’éducation prioritaire a sans doute contribué à asseoir le diagnostic d’un système éducatif souffrant d’inégalités sociales et scolaires illégitimes. Ce résultat positif mérite d’être rappelé et mis au crédit de l’engagement d’acteurs qui, à différents échelons de cette politique, se sont mobilisés et continuent de se mobiliser, de manière souvent intense et parfois dans des contextes institutionnels peu favorables, pour lutter contre les inégalités sociales à l’école. Il se paye cependant de contreparties. L’institutionnalisation de l’éducation prioritaire a en particulier, procédé en agrégeant les conceptions et des pratiques qui sont parfois confuses, hétérogènes, voire incompatibles. Ce constat soulève alors le problème, décisif, de savoir si cette hétérogénéité préjudicielle mine la mise en oeuvre de la PEP et, partant, son efficacité. Fruit d’une histoire complexe et traversée d’hésitations, la politique française d’éducation prioritaire est-elle condamnée à encourager la dispersion et
les contradictions, donc la mise en oeuvre insatisfaisante et l’efficacité illusoire, dans les territoires où elle est introduite ?
À Cette question, il n’y a pas de réponse simple, car la cohérence n’est pas nécessairement une condition nécessaire d’efficacité, et une politique publique peut sans doute s’accommoder de flous constructifs. Une fois ce constat établi, l’évaluation de la PEP débouche sur des problèmes éminemment politiques, relatifs à la teneur des accords possibles et souhaitables en régime démocratique. Une politique d’éducation prioritaire "forte", cohérente et stable dans le temps est-elle possible et souhaitée dans une société démocratique marquée par des changements de majorité gouvernementale relativement fréquents, l’enchevêtrement de légitimités territoriales différentes ainsi que par des clivages encore vifs concernant les finalités de son système éducatif et, plus fondamentalement, son rapport aux inégalités ?

 

Voir aussi sur le site OZP les extraits du rapport de synthèse et du rapport intégral

 

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