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Séminaire OZP 2016. Le cycle 3 (intervention de Marc Bablet, chef du bureau de l’éducation prioritaire à la Dgesco)

15 décembre 2016

Séminaire OZP : Le cycle 3
Paris, 10 décembre 2016

Intervention de Marc Bablet, chef du bureau de l’éducation prioritaire à la Dgesco

Je tiens à vous remercier de m’avoir invité. J’ai été très intéressé par la présentation de Marie-Hélène Leloup et par ce qui s’est travaillé dans les ateliers et je crains d’être un peu redondant avec ce qu’a été dit. Je pense que je vais aussi répéter des éléments que certains d’entre vous ont lus ou entendus des rapports récents des inspections générales sur le champ pédagogique et sur le pilotage de l’éducation prioritaire en académie.
En revanche je ne travaillerai pas sur la base du rapport du CNESCO car il ne nous apporte rien sur ce type de question, même si les textes des chercheurs qui le fondent sont bien plus riches pour notre travail que le rapport lui-même et surtout que ce qui a pu en être dit dans les médias.

Vous le savez, les composantes de la réussite scolaire sont non scolaires (les déterminismes sociaux, la plus ou moins grande mixité sociale, les pratiques éducatives et culturelles des familles, les ressources locales) mais elles sont aussi scolaires (les groupements d’élèves, la plus ou moins grande hétérogénéité des classes, la plus ou moins grande pertinence des partenariats mobilisés, les locaux scolaires). Elles sont aussi pédagogiques (la plus ou moins grande bienveillance, la plus ou moins bonne compréhension de ce que les élèves ne comprennent pas, la plus ou moins bonne explicitation des attentes des enseignants et des procédures de travail).

Le pari que nous avons fait ensemble en nous donnant un référentiel, qui a été élaboré en 2013 grâce aux assises, c’est qu’il convient de travailler dans un même mouvement sur l’ensemble des composantes en sachant que certaines nous appartiennent davantage, tandis que d’autres sont plus partagées avec des partenaires.
Cette perspective systémique vaut pour les mises en œuvre du cycle 3 comme pour le reste de ce que nous faisons. Je vais commencer par un retour en arrière pour situer les enjeux du cycle 3 puis repartir du référentiel pour voir les enjeux du cycle 3 en éducation prioritaire comme vous me l’avez demandé.

Rappelons d’abord que le collège unique où vont tous les élèves après l’école n’a pas toujours existé. À la fin de l’école, il a existé un véritable palier d’orientation avant 1975. Certains aujourd’hui peuvent parfois encore dire que tous les élèves ne sont pas « faits pour » le collège. On peut penser qu’ils ont en tête ce temps passé, même si, au fond, le collège n’a jamais été parfaitement unique avec ses SEGPA et ses classes pré professionnelles, d’aide et de soutien (des dénominations qui ont varié au cours du temps).

Cela situe un premier enjeu du cycle 3  : assurer une continuité et une cohérence pédagogique et éducative pour une meilleure prise en compte de tous dans leur diversité.
La question de cette continuité : doit-elle être seulement pédagogique ? Ou doit-on aussi parler de continuité éducative ?
Faire que le climat scolaire, le travail sur la bienveillance, la conception des modes de relation entre les enfants et entre adultes et enfants soient aussi mieux partagés me semble aussi relever du besoin de continuité et cohérence pour offrir un visage pédagogique et éducatif rassurant. Je parlerai donc volontiers de continuité et cohérence pédagogique et éducative.
Rappelons aussi qu’entre l’école et le collège on a toujours indiqué cette différence structurelle constitutive : on a d’un côté le maître unique qui assure la cohérence des apprentissages et d’un autre côté la multiplicité des disciplines et de professeurs. Disons tout de même que, dans la réalité des classes, ce n’est pas si simple : certains professeurs du collège font volontiers des ponts entre les savoirs relevant des différents champs disciplinaires tandis que des professeurs d’école peuvent parfois cloisonner les disciplines, au CM1 et au CM2 notamment. Toutefois cette différence structurelle donne toujours lieu à un débat sur qui doit enseigner au début du collège. Il y a eu les PEGC. On parle encore souvent d’y revenir, avec les débats que cela suscite…

Cela situe un second enjeu du cycle 3 : assurer le rapprochement de ces structures, les faire dialoguer pour éviter les décrochages liés aux différences d’organisation. Avec un enjeu particulier pour la SEGPA qui est un reste du palier d’orientation dont on a parlé antérieurement.

Une troisième différence est davantage inscrite dans des représentations et dans des pratiques pédagogiques et éducatives : les modes d’agir pédagogiques et éducatifs ne sont pas les mêmes à l’école et au collège : les objets de travail, les savoirs ne sont pas conçus de la même manière, les formes de travail et de relations présentent des différences. Cela peut faire rupture pour les élèves.
C’est un troisième enjeu pour le cycle 3. Rapprocher les cultures professionnelles, assurer un partage des représentations, des connaissances, compétences et culture du socle commun pour développer une véritable continuité et cohérence des apprentissages et constituer progressivement une culture partagée du socle commun.

Jusque-là, avec les liaisons cm2/sixième, on avait pour ambition d’aider les élèves à faire le pas d’un système vers un autre système.
On voit bien qu’aujourd’hui l’ambition est plus grande : il s’agit de transformer le système et l’objet de cette transformation n’est pas tant le travail de l’élève que le travail du collectif professionnel pour constituer une nouvelle culture partagée. Ce n’est plus « mieux adapter l’élève au système », c’est « mieux adapter le système à l’élève ».

En éducation prioritaire nous sommes sans doute les mieux placés pour faire ce saut qualitatif car le travail en réseau, les liens historiques entre l’école et le collège, les interrogations pédagogiques partagées constituent un fonds commun, des fondations sur lesquelles on peut construire. Toutefois comme le pointe le rapport de l’IGEN sur le champ pédagogique en éducation prioritaire de Marie-Laure Lepetit et Monique Dupuis, dont vous avez récemment entendu parler, ce travail est encore à construire dans l’interdegrés.
Au regard des orientations du référentiel et du sens de la politique des cycles, je vais explorer avec vous ce que l’on peut se donner comme perspectives pour consolider notre travail.

Le cycle 3 est appelé cycle de consolidation. Que s’agit-il de consolider au regard de ce que nous savons de nos élèves et des pratiques pédagogiques de l’éducation prioritaire mais aussi à la suite du cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux.
Ce qu’il s’agit de consolider :
- « les langages pour penser », « les méthodes pour apprendre » dit le socle,
- « les apprentissages fondamentaux » dit le cycle précédent,
- « lire, écrire, parler pour apprendre », « les connaissances et compétences qui donnent lieu à de fortes inégalités », « les démarches d’apprentissage pour comprendre le sens des enseignements » dit l’axe 1 du référentiel.
On voit bien se dessiner les objets de travail pour les équipes enseignantes : ce qu’il s’agit de consolider ensemble CM1 – CM2 – 6ème en faisant attention à bien impliquer le CM1 :
+ la maîtrise des langages, les usages de la langue scolaire – l’enseignement explicite de la compréhension ;
+ la capacité à résoudre des problèmes dans toutes les disciplines ; entrer dans l’abstraction, construire des outils pour penser et apprendre ;
+ la capacité à entrer dans les spécificités des champs disciplinaires tout en les reliant entre eux ;
+ la consolidation de repères essentiels dans les différents champs du savoir pour donner une base solide aux approfondissements.

Pour mener à bien cela, le référentiel invite au travail collectif, à la formation, au lien avec la recherche. On peut recommander quelques pratiques qui font leurs preuves dans les réseaux. Travailler ensemble à établir :
+ des progressions,
+ des échelles descriptives de compétences,
+ des évaluations communes,
+ des séquences de classes communes à essayer chacun de son côté ou en cointervention.

Ce type de travail est l’occasion de partager la réflexion sur ce que les élèves comprennent et ne comprennent pas, ce qui appelle une vigilance partagée, les orientations pédagogiques et didactiques à partager entre l’école et le collège. On n’avancera pas si on ne partage pas en profondeur sur didactique et pédagogie.
Mais on peut aussi recommander aux professionnels :
- les coobservations,
- les observations croisées,
qui portent sur les élèves au travail, sur le travail des élèves pour mettre en évidence l’effet de l’enseignement sur les apprentissages. Nous pensons très intéressant le travail conduit à cet égard par « apprenance » dans l’académie de Grenoble. Les formateurs Education prioritaire ont été formés dans l’esprit de ce type de travail d’accompagnement d’équipes au travail.
On recommande également un travail d’expérimentation de pratiques nouvelles en lien avec la recherche, comme le propose le rapport de l’IGEN sur le champ pédagogique.
Il semble en particulier que l’articulation formation / concertation soit particulièrement propice au développement professionnel :
- un apport de recherche qui peut être mené par un chercheur ou un formateur,
- un travail collectif de transposition didactique et pédagogique pour la classe,
- la mise en œuvre outillée et contrôlée avec un processus d’observation prévu,
- l’analyse des résultats obtenus et l’adaptation de l’action pédagogique en conséquence avec l’accompagnement des formateurs.

Aller ainsi vers des répertoires de ressources locales, vers des formes de travail partageables semble tout à fait souhaitable. Le centre Alain Savary et la DGESCO, chacun en ce qui les concerne, capitalisent des ressources.
Peut-on aller plus loin dans ce travail des professionnels pour faire évoluer le système éducatif ? Sans aucun doute sur deux autres perspectives de travail : le parcours de l’élève et le parcours professionnel des personnels.
La perspective de suivi du parcours de l’élève. Celle que nous voulons porter avec les parcours et notamment avec les parcours d’excellence qui visent un accompagnement dans la durée jusqu’à l’entrée dans le supérieur. Mais cela vaut avant et dès la maternelle. Les orientations collectives que nous proposons ne sont pas exclusives de la prise en compte des situations individuelles des plus en difficulté, même si la première orientation c’est la prévention dans le collectif. Il est aussi pertinent que les professionnels, notamment du cycle 3, à l’articulation école collège, partagent des analyses sur des parcours individuels d’élèves au sein d’équipes éducatives dans le premier degré et des GPDS dans le second degré et c’est un des rôles importants du conseil école-collège que d’assurer ce suivi des parcours, des PPRE notamment dits « passerelles », des PPS en lien avec les commissions.
Comme c’est son rôle aussi à ce conseil école-collège de bien articuler les procédures d’évaluation des élèves entre les bilans annuels et le bilan de fin de cycle. On peut analyser cette matière ensemble pour réguler les prises de décisions au sein du cycle.

Cette continuité-là appartient aux enseignants mais pas seulement et c’est pour cela que nous avons voulu expérimenter la présence des assistantes sociales dans le premier degré en REP+. Pour qu’il soit clair que c’est le travail d’un collectif où sont aussi associées les infirmières et la vie scolaire. Ce partage pluriprofessionnel est essentiel et peut aussi trouver l’appui du PRE là où il existe. Il ne vous aura pas échappé que la nouvelle circulaire du 10 octobre a été réécrite en fonction des études qui ont été demandées par le CGET et qui ont notamment proposé de renforcer le lien entre les équipes des PRE et les équipes enseignantes.
Vous voyez ainsi ce que l’on peut tirer de ce que je dis pour la conception des parcours artistique, culturel, citoyen, avenir, de santé.
Ils doivent s’élaborer dans cette continuité du suivi du groupe d’élèves au sein du cycle.
L’idée d’un parcours du professionnel pour accompagner ce mouvement collectif est sans doute également à travailler encore.
Ce parcours du professionnel comprend les perspectives indispensables à la refondation.

Concertation, formation et leur articulation en premier lieu.
Mais aussi observations croisées et échanges de service. Comme le rappelle le rapport des inspections générales, s’il n’y a pas de mécanismes institutionnels qui favorisent les échanges de service, rien ne les interdit et il suffit d’une lettre de mission qui donne un cadre. Il me semble que l’accord d’un IEN et d’un chef d’établissement doit suffire.
L’expérience des professeurs référents a permis d’en entrevoir la possibilité. On peut aujourd’hui aller plus loin et concevoir dans un réseau des projets structurés d’échanges de service au sein du cycle 3 qui ont favorisé l’émergence de cette culture commune du métier d’enseignant. Les cointerventions ou les regroupements d’élèves du cycle comme cela nous a été présenté ce matin vont dans le même sens.
L’ensemble de ce que nous travaillons a bien pour but :
- d’une part, d’asseoir l’école obligatoire fondée sur le socle commun,
- d’autre part, de consolider le professionnalisme du métier d’enseignant. Ainsi peut on espérer que la reconnaissance du besoin de formation initiale et continue sera largement partagée.
L’éducation prioritaire doit être en première ligne sur ces perspectives. Elle doit montrer que c’est possible dès lors que les conditions sont réunies. Il pèse de ce point de vue une lourde responsabilité sur les REP+ qui doivent pouvoir montrer que des nouveaux mécanismes de travail permettent des avancées dans les résultats obtenus.

Pour finir je peux évoquer la question du pilotage. Le rapport des inspections générales sur ce thème parle davantage du pilotage académique que de celui du réseau. Toutefois, il donne des indications et préconise plus une validation du projet de réseau par le réseau lui-même, que le réseau devienne un niveau de gestion incluant école et collège, que la formation mette l’accent sur l’interdegrés et associe davantage les ESPE en donnant toute leur place aux formateurs éducation prioritaire.

Ce rapport plaide pour un projet qui soit vraiment en appui sur l’ordinaire du travail. C’est un point sur lequel nous pouvons clairement encore progresser. On a du mal à simplement dire le travail pédagogique nécessaire, on continue encore de mettre l’accent sur les sous projets ou les actions « extra ordinaires », sans assez prendre le temps de faire connaître et reconnaître le travail pédagogique réel de la classe.
La question qui se pose actuellement souvent sur le terrain est celle de l’articulation des instances du travail collectif. La place du trio de pilotage/du coordonnateur est essentielle dans la conception de l’articulation des instances, de leur bon usage : conseil des maîtres, conseil de cycle, conseil pédagogique, conseil école collège, comité de pilotage, CESC. Sans compter ce qui se pose avec le PRE, le contrat de ville.
On voit bien qu’en la matière, la fonction doit gouverner la forme et pas l’inverse. La question pour un réseau est donc : de quelles instances collectives avons-nous besoin pour faire ce que nous avons à faire et comment les utilisons-nous : Il y a une grande importance des stratégies de préparation. Cela a été très bien dit dans un des ateliers.

Avant dernier point sur le pilotage. La question de l’évaluation du projet de réseau qui doit être une auto évaluation armée. Il y a au fond deux choses à faire mais qu’il faut bien distinguer car sinon on risque de ne pas bien percevoir ce qui fonctionne réellement :
- d’abord décrire les mises en œuvre pour bien savoir ce que l’on fait, ce que l’on a fait. Décrire les résultats que l’on observe.
- Ensuite estimer les effets des mises en œuvre. De ce point de vue les suivis de cohortes sont précieux. Ils attirent d’ailleurs souvent l’attention en éducation prioritaire sur le fait que les élèves qui restent dans les écoles et établissements ont de meilleurs résultats et que ceux qui bougent beaucoup et vont d’une école à une autre sont souvent des enfants en plus grande difficulté qui requièrent un accueil et un suivi renforcés.
Pour terminer sur le pilotage, il est clair que les pilotes doivent créer ensemble un climat de travail, un cadre de valeurs, qui soit propice au travail partagé…

 

Pour conclure, j’aimerais dire que si nous avons encore du chemin à parcourir pour que l’action pédagogique en classe soit bien au cœur des projets et notamment dans l’interdegrés au cycle trois, nous avons de bonnes raisons d’espérer :
- parce que les réalités parfois difficiles des réseaux sont reconnues,
- parce que l’OCDE et les chercheurs reconnaissent nos pistes de travail comme pertinentes,
- parce que la formation initiale est remise en place et que la formation continue se développe,
- parce que le travail collectif se structure de mieux en mieux.
Je vous remercie de vos apports précieux à la refondation de l’éducation prioritaire et de votre attention.

Marc Bablet
chef du bureau de l’éducation prioritaire

 

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