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Les professeurs remplaçants dans les ZEP de La Réunion

26 janvier 2006

Extrait du « Clicanoo », le 26.01.06 : Les intermittents de l’Education nationale

Une enseignante contractuelle voudrait bien enseigner plus et gagner un salaire décent. Comme plusieurs centaines d’autres profs, elle déplore le manque de postes de titulaires, alors que les besoins pédagogiques sont énormes. Moins médiatiques que les Tos, les enseignants précaires se sentent aussi oubliés.

En temps normal, elle gagne 1500 euros nets par mois. Mais depuis le 20 août 2005, cette mère de trois enfants, 35 ans, n’a travaillé que deux semaines. Un seul remplacement dans un collège en septembre, qui lui a été rémunéré 450 euros. Depuis, c’est le chômage, car cette enseignante contractuelle fait partie des quelque 700 enseignants précaires de l’académie de La Réunion, moins médiatiques mais tout aussi réels que les Tos. Indispensables au fonctionnement de l’Éducation nationale, ces remplaçants illustrent bien malgré eux l’évolution du service public. On est loin du salaire de 3000 euros nets, perçu par un enseignant titulaire du même âge... “Je suis constamment à découvert sur mon compte bancaire, on est dans la précarité la plus totale”. Son chômage a été indemnisé tardivement, puisqu’elle a reçu, en janvier seulement, la somme de 1031 euros. Ces déboires financiers ne forment qu’une facette de la médaille de la précarité dans l’enseignement. Le revers, c’est ce sentiment d’être réduit à du personnel jetable, taillable et corvéable à merci. “Ils (au rectorat) nous appellent quand ils veulent, nous envoient n’importe où. Et lorsque je travaille dans deux collèges différents dans la même journée, je ne perçois pas d’indemnité de déplacement”. Pas de prime ZEP pour les contractuels qui remplacent en zone d’éducation prioritaire... “Et on ne peut pas se permettre de dire non, car on risque de ne plus avoir de travail”. C’est la raison pour laquelle nous ne citerons pas le nom de cette enseignante, tombée amoureuse de son métier après l’avoir exercé d’abord en école privée, puis dans le public. “Ce que je fais dans le public, je l’aime à la folie. Je travaille dans les hauts, avec les gamins défavorisés. Par le biais de l’éducation, on leur ouvre une porte”.L’enseignante insiste sur la nécessité de maintenir un service public gratuit de qualité à côté d’un secteur privé : “Il faut que les gens aient le choix, et aussi que les enfants défavorisés aient droit à un bon enseignement”.

Pas payés pour leur travail

Cela lui semble mal parti : l’Éducation nationale ne crée pas suffisamment de postes de titulaires. Et avec les conditions imposées aux précaires, craint-elle, “certains ne seront contractuels qu’en attendant d’avoir un autre emploi mieux payé”. Au détriment de l’amour de la matière enseignée : “Il faut aimer les maths pour bien les enseigner, et transmettre aux enfants l’envie d’apprendre. Même si un élève n’aime une matière que pendant un an, ce sera une année de gagnée. Il va travailler pour faire plaisir à ses parents et à ses profs”. La jeune femme ne s’est évidemment pas contentée de sa licence et a préparé le Capes, le concours qui lui permettra d’être titularisée un jour. “Mais il y a de moins en moins de places en interne”. Selon elle, la politique est de privilégier le recrutement “externe” des emplois-jeunes, ce qui permet de faire baisser les statistiques du chômage. Demander l’aide des syndicats ? Elle s’est adressée à deux organisations. L’accueil tiède lui laisse le vague sentiment que les responsables préfèrent défendre les emplois-jeunes. Un peu comme si la situation forçait les syndicats à établir un classement des urgences de la précarité. Seule, elle se tait, craignant des représailles. “Pendant les mouvements de 2003, nous avions surveillé les épreuves du bac et du brevet. Pour apprendre par la suite que nous ne serions pas payés, puisque le rectorat avait interrompu nos contrats dès le 14 mai, sans nous avertir.” Facile : la plupart des contrats n’avaient pas encore été signés.

Dossier : Véronique Hummel Photos : Stéphan et Ludovic Laï-Yu, Valérie Rubis,Richel Ponapin

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