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Loi égalité des chances : les ZEP en débat à l’Assemblée nationale

7 février 2006

Extrait du site de l’Assemblée nationale, le 07.02.06 : Discussion du projet de loi sur l’égalité des chances

Séance du 31 janvier 2006

ÉGALITÉ DES CHANCES

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

(...)

M. Yves Durand. L’éducation prioritaire est la dernière - mais non la moindre - des victimes de votre politique : malgré les discours et les promesses, les ZEP sont laissées à l’abandon depuis quatre ans. L’éducation prioritaire était d’ailleurs déjà totalement absente de la loi pour l’avenir de l’école, malgré les nombreux amendements que le groupe socialiste avait déposés pour l’y réintroduire.

Elle est également absente de votre projet de loi, puisqu’en ce domaine, vous vous en tenez pour l’essentiel aux maigres annonces du ministre de l’éducation nationale qui ne consistent qu’en une refonte de la carte des zones d’éducation prioritaire. L’attribution de quelques moyens supplémentaires à un nombre restreint de collèges se fera au détriment de tous les autres qui apporteront, de ce fait, moins d’aides et de soutiens à leurs élèves. Du même coup, certaines zones d’éducation prioritaire perdront les faibles moyens qui leur étaient octroyés. Cependant, une dépêche de l’AFP nous apprend ce soir (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) que le ministre de l’éducation nationale renonçait heureusement...

M. Christian Paul. Dans sa grande mansuétude !

M. Yves Durand. ... - grâce à la mobilisation des enseignants et des parents contre cette mesure -...

M. Christian Paul. Qu’ils continuent !

M. Yves Durand. ... à retirer le classement en ZEP à certains établissements scolaires. Le nombre de ZEP est donc maintenu. Dont acte ! Et ne convient-il pas de profiter de l’examen de ce projet de loi pour évaluer véritablement les ZEP, ce qui n’a jamais été fait...

M. Marc Francina. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait quand vous étiez au pouvoir ?

M. Yves Durand. ...et pour mener une réflexion sur la nature de l’éducation prioritaire ? C’est ce à quoi j’engage M. le ministre de l’emploi et M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Christian Paul. M. de Robien recule, donc il va dans le bon sens !

M. Yves Durand. L’éducation prioritaire est au cœur de la lutte contre les inégalités, bien que le ministre de l’intérieur ait envisagé, voici quelques semaines, contre l’avis du Premier ministre, d’en signer l’acte de décès. L’éducation prioritaire a plus de vingt ans. Il est donc temps de lui redonner le souffle qu’elle avait à l’origine en en redéfinissant les conditions de fonctionnement et de réussite. Il faut, pour cela, avoir la volonté politique de poser clairement les moyens d’une véritable éducation prioritaire, ce que votre projet ignore totalement.
Pour atteindre cet objectif, quatre conditions doivent être réunies. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Premièrement, les zones d’éducation prioritaire ne doivent pas se transformer en ghettos où le niveau d’exigence scolaire serait moins élevé qu’ailleurs. L’ambition ne doit pas être de permettre aux meilleurs élèves de ZEP de fréquenter des lycées prestigieux (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) mais de faire entrer l’excellence dans les ZEP.

M. Guy Teissier. Ah bon !

M. Yves Durand. Pour y parvenir, il est indispensable de donner plus et surtout autrement à ceux qui en ont le plus besoin. Ne pas dépasser quinze élèves par classe en ZEP est une nécessité, mais cela ne suffira pas si on leur applique les mêmes méthodes pédagogiques qu’aux enfants dont le milieu familial est propice à la culture. Les enseignants doivent donc être formés et volontaires, intégrés à des équipes stables pour permettre un suivi personnalisé des élèves.

Deuxièmement, il faut reconnaître qu’il n’existe pas de bonnes et de mauvaises filières. La culture technologique et professionnelle doit être ouverte à tous les élèves et non pas uniquement à ceux qui ne peuvent réussir dans l’enseignement traditionnel - académique, pour reprendre votre terme -, enseignement trop souvent considéré par tout le monde, et d’abord par les parents, comme la seule voie de la réussite. Pourquoi, ne pas demander à des professeurs de lycées professionnels de venir enseigner en collège - plutôt que sortir les élèves des collèges - pour apporter la connaissance de la culture technologique et professionnelle ? La diversification de voies de la réussite doit aller de pair avec l’égalité des chances.
Troisièmement, il faut mobiliser tous les acteurs publics autour de l’éducation. Là où, malgré les efforts consentis, l’institution scolaire n’est plus en mesure d’assurer sa mission à elle seule, un partenariat fort entre les équipes pédagogiques, les travailleurs sociaux, les élus, les psychologues et les professionnels du logement doit être créé et la dynamique des contrats éducatifs locaux, totalement abandonnée, doit être retrouvée.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Yves Durand. Il faut mettre « le paquet » dans ces quartiers, mais pas au détriment du reste du territoire.
Cette politique prioritaire restera nécessaire tant que des ghettos urbains subsisteront. Il ne peut donc pas y avoir de politique éducative permettant la réussite pour tous, sans une politique de la ville volontariste, elle aussi abandonnée.

Quatrièmement, enfin, l’éducation, pour être véritablement prioritaire, doit être exceptionnelle dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, parce que le premier objectif d’une zone d’éducation prioritaire est d’en sortir - ce qui exige un travail d’auto-évaluation rigoureux par les enseignants eux-mêmes. Dans l’espace, car l’effort d’éducation est vain s’il n’est pas accompagné d’une reconquête de la ville et des territoires.
Les zones d’éducation prioritaire ne peuvent pas constituer la seule réponse à la demande d’égalité des chances...

M. Patrick Lemasle. Bien sûr que non !

M. Yves Durand. ...que l’État doit apporter à chaque Français : elles sont l’appui exceptionnel - et j’insiste - que la République doit consentir à des territoires dont elle a, en fait, disparu.

M. Patrick Lemasle. Bien sûr !

M. Yves Durand. Elles ne peuvent donc pas se substituer au traitement inégalitaire des moyens donnés à l’école, laquelle doit tenir compte des inégalités sociales et culturelles sur l’ensemble du territoire national.

M. Patrick Lemasle. Il a raison !

M. Yves Durand. Pour cela, il faut ainsi mettre en place une nouvelle gestion des moyens de l’éducation nationale plus proche des réalités sociales de chaque territoire, à partir d’un dialogue constructif entre les rectorats et les établissements, qui devraient bâtir leurs projets pédagogiques en réseau.

C’est par l’action conjuguée d’une gestion inégalitaire des moyens sur l’ensemble du territoire et d’une politique d’éducation prioritaire là où elle est nécessaire, parce que ciblée sur les seuls territoires qui en ont besoin, que l’école retrouvera sa mission républicaine. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Il s’agit de donner à chaque enfant les mêmes chances de réussite, quelle que soit son origine sociale, ethnique, culturelle ou territoriale. Alors, la conquête d’une réelle égalité des chances par l’inégalité de traitement des moyens - j’insiste sur ce terme - ...

M. Guy Teissier. On a compris !

M. Yves Durand. ...aura supprimé la discrimination, même positive. Pour répondre à l’inégalité des situations économiques, sociales et culturelles, la République, pour être égalitaire, doit appliquer des politiques elles-mêmes inégalitaires.

M. Alain Néri. Très bien !

M. Guy Teissier. Bis repetita...

M. Yves Durand. Nous proposons ainsi aux Français, notamment aux plus fragiles d’entre eux, une conception radicalement différente de l’égalité des chances.
Si le ministre de l’éducation nationale accepte de participer à nos débats, nous lui proposerons d’établir, en concertation avec tous les acteurs de l’éducation - enseignants, associations de parents, élus - une vraie charte de l’éducation prioritaire afin de définir les critères d’intervention de l’État et d’assurer un véritable pilotage national de l’éducation prioritaire.
Chaque académie devrait organiser des réseaux éducatifs entre écoles, collèges et lycées, permettant d’appliquer la continuité éducative pour l’ensemble du parcours scolaire du jeune, et ce jusqu’à seize ans, âge maintenu, confirmé pour tous, de la scolarité obligatoire - et non en l’interrompant à quatorze ans ! C’est avec ces réseaux d’établissements et à partir de leur projet pédagogique et de leur environnement économique et social que les moyens pourraient être attribués. Nous proposons, je le répète, un traitement inégalitaire pour l’égalité des chances.

M. Maurice Giro. Inégalitaire pour l’égalité ! Curieux !

M. Yves Durand. Eh oui, cette conception vous est effectivement étrangère ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

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