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L’évaluation d’une ZEP. L’exemple de la ZEP de Brest (Rencontre OZP)

21 février 2006

LES RENCONTRES DE L’OZP

Observatoire des zones prioritaires
www.ozp.fr

n° 56 - décembre 2005

L’EVALUATION D’UNE ZEP

L’exemple d’une ZEP de Bretagne

Compte rendu de la réunion publique du 7 décembre 2005

François Dontenwille, chargé de mission à l’inspection générale de l’Education nationale et de la recherche, a remis en juin 2005 au ministre de l’Education nationale un rapport sur le fonctionnement de la ZEP de Brest (Finistère). Cette 86ème réunion de l’OZP est l’occasion de prendre connaissance de ce travail et de sa méthodologie, à un moment où l’Inspection générale rencontre de nombreux acteurs de l’éducation prioritaire dans une perspective de bilan.

Intervention de François Dontenwille

Préambule

L’exposé ci-dessous n’engage que son auteur, la méthode retenue différant de celle traditionnellement appliquée par les deux corps d’Inspection générale. La ZEP de Brest a été examinée en ayant à l’esprit la conjoncture observée auparavant dans les ZEP de l’académie de Toulouse.
L’analyse des deux situations, très contrastées, la difficulté pour l’observateur de faire le partage entre ce qu’il a ressenti comme citoyen et ce qu’il a vécu comme fonctionnaire a permis cette lecture singulière.

La méthode

Le travail a été effectué dans le cadre du suivi des EPLE étendu aux écoles, en dehors d’une saisine du cabinet et sans contrainte temporelle. Il a été conduit par une seule personne (M. Dontenwille) qui s’est entouré de conseillers pédagogiques, d’IEN et d’inspecteurs pédagogiques régionaux.
Trois questions se sont immédiatement posées à l’auteur : comment évaluer une ZEP ? Quels éléments doit-on analyser ? Quelles personnes faut-il rencontrer ?

Comment évaluer une ZEP ?

a) La constitution de la ZEP
La ZEP de Brest est très différente des ZEP de l’académie de Toulouse, en particulier de celle du Mirail.
Brest est une grande ville et la ZEP est éclatée, ce qui dans un premier temps ne facilite pas la compréhension de son fonctionnement. Cela induit un questionnement sur la façon dont elle a été constituée et sur ce que cela signifie. Il a été nécessaire d’effectuer une lecture de la constitution de la ZEP à partir d’éléments relevant à la fois de la géographie et de l’histoire de la ville, lecture éclairée par les lectures du rapport Moisan-Simon, de la revue Esprit (numéro de mars-avril 2004) et des écrits de J. Donzelot et de F. Dubet.

b) Les résultats aux évaluations et aux examens
Le travail a été effectué à partir des résultats bruts et non à partir de la valeur ajoutée, qui semble une notion technocratique.
Seuls les résultats à l’écrit du brevet des collèges a été pris en compte car travailler à partir des résultats finaux édulcore la réalité.
Une difficulté majeure est très vite apparue : en l’absence de suivi de cohortes, il est difficile de savoir si les résultats des élèves en CE2 correspondront à la même population trois ans plus tard, en 6ème .

c) Le taux d’évitement
C’est un élément très important à prendre en compte lors d’un travail comme celui-là. Il est dommage que l’on n’ait pas pu rencontrer les parents d’élèves ayant fui la ZEP, ce qui aurait permis d’analyser les raisons de l’évitement.

d) Le contrat de réussite
Sa lecture a amené à répondre à de nombreuses questions : quels en sont les grands axes ? De quels projets est-il porteur ? Sur quoi travaille-t-on réellement ? Est-ce un projet vécu ? Par qui ?
Les réponses ont été analysées en référence à l’expérience toulousaine et toujours en lien avec le vécu local, en particulier avec le regard porté sur les gens et les choses.

2 - Quels éléments doit-on analyser ?

a) Les résultats scolaires
Il faut les analyser en tenant compte de toutes les difficultés méthodologiques inhérentes à ce type d’analyse. Ils n’en demeurent pas moins l’expression directe du travail conduit.
Globalement, les résultats à l’évaluation CE2 sont, au pire, stagnants. En revanche, la situation des différentes groupes scolaires de la ZEP est contrastée. Si une école est très proche de la moyenne nationale, une autre en est très éloignée.
Les évaluations à l’entrée en 6ème se traduisent par un écart négatif d’une dizaine de points entre les collèges brestois de la ZEP et les autres.
Les taux d’orientation ont été difficiles à mesurer en l’absence de suivi de cohortes.
Le pourcentage des élèves redoublant en seconde ou sortant prématurément du lycée ou admis en terminale S a été pris en compte .

b) L’image de l’établissement
Bien que ce soit un élément subjectif, à manier avec précaution, il est tout aussi important que les résultats scolaires. La qualité des locaux (insertion dans le quartier, entretien) comme le regard social qui est porté sur l’établissement (sentiment ou non d’insécurité) sont deux critères dont il est difficile de quantifier tous les paramètres. En particulier, les résultats sociaux et éducatifs à moyen terme d’un établissement ne sont pas disponibles (par exemple nombre d’anciens élèves du collège X actuellement incarcérés).

c) Le suivi des cours
Il est évident que la qualité de l’enseignement comme le respect des horaires et la présence effective des élèves sont des facteurs importants de la réussite.

3 - Quelles personnes doit-on rencontrer ?

Le travail a débuté par une réunion, sollicitée auprès de l’inspection académique, qui a regroupé l’équipe ZEP dans son ensemble (responsable, coordinatrice, principaux de collège, IEN et proviseurs des lycées de débouché), les représentants des partenaires (mairie, communauté urbaine, services d’urbanisme, acteurs du contrat local de sécurité, procureur, sous-préfet, etc.). Le regard était donc à la fois pédagogique, éducatif et sociologique.

Tous les niveaux de classes ont été visités en présence de l’IEN ou du conseiller pédagogique dans les écoles et d’un IPR dans les collèges, et la coordinatrice de la ZEP a été très souvent sollicitée.

Les conclusions

Si la ZEP de Brest a réussi, c’est parce que son urbanisme n’est pas celui du Mirail. Il n’y a pas d’effet de masse, les cités qui la constituent se situant dans des zones différentes.
Les établissements scolaires sont bien entretenus, l’équipe municipale est à l’écoute et le personnel de service de qualité.
L’osmose entre l’Education nationale et ses partenaires est très bonne. Cela est loin d’être neutre dans les résultats du travail conduit par la ZEP.
Si les collèges se situent en dehors des Zones Urbaines Sensibles, quatre des cinq écoles sont dans la ZUS : il est intéressant de noter que la cinquième école n’a pas les mêmes résultats ni ne rencontre les mêmes phénomènes d’évitement que les quatre autres. Cela permet d’affirmer que l’on peut obtenir des résultats positifs lorsque la ZEP est en dehors de la ZUS.
Il existe des cartes mettant en évidence les données sociales, cartes réalisées localement par un très bon observatoire regroupant les différents acteurs (mairie, communauté urbaine, éducation nationale, etc.). L’absence de suivi de cohortes par l’Education nationale empêche un repérage systématique des élèves issus de la ZEP au niveau des lycées. Le point positif en est l’absence de stigmatisation, mais le point négatif est que ces élèves, souvent les plus en difficulté en seconde, ne sont pas pris en charge dès le début de l’année scolaire.
Si les enseignements sont dans leur très grande majorité de bon niveau, il est à noter que leur organisation ne permet pas de consacrer un temps suffisant à la maîtrise de la langue. La différence des pédagogies à l’école primaire et au collège conduit à se demander si un niveau d’exigence insuffisant n’aboutit pas à conforter le retard des élèves les plus en difficulté.

Les relations avec la mairie, la communauté urbaine, la police, le sous-préfet, le procureur et de façon générale avec les partenaires sont régulières.
Le suivi de cohortes et d’éléments statistiques doit être mis en place, le travail pédagogique (en particulier la liaison CM2/6ème) doit être poursuivi.
Le recueil des données sociales dans le second degré, établi le plus souvent par la secrétariat du principal de l’établissement, est sujet à de forts taux d’erreur pouvant aller de 18 à 36% en fonction de la manière d’appliquer la codification. De plus, seule la profession du chef de famille est prise en compte.

Si l’on considère une ZEP comme une structure pourvoyeuse de moyens, attentive à sa mission, à ce qu’elle fait pour les élèves, alors la ZEP apporte un cadre positif.
Mais, sémantiquement, le terme de zone renvoie à l’histoire sociale des marges de la ville et des marginaux qui y habitent et la création des ZEP a été souvent conçue ou comprise dans le sens de zonage.
Pour les parents qui savent jouer avec la sectorisation, la connotation négative du vocable de ZEP existe bel et bien. Il est donc judicieux dans une démarche d’évaluation de travailler à partir de deux critères : les phénomènes d’évitement de certaines écoles et collèges et l’implantation à l’intérieur ou à l’extérieur des Zones Urbaines Sensibles (ZUS). La carte des établissements scolaires implantés en ZUS est en effet celle du non-choix et de l’absence de mixité sociale.
Le croisement des données urbanistiques et sociales et des données scolaires conduit à proposer un théorème : plus on s’approche d’une ZUS et plus celle-ci est massive, moins la mixité sociale est possible et plus l’éducation prioritaire est indispensable ; plus on s’éloigne de la ZUS, plus la mixité sociale existe et moins l’éducation prioritaire est nécessaire.


Les propositions

Le théorème énoncé ci-dessus conduit à proposer une carte de l’éducation prioritaire à trois niveaux : ZEP 1 : très difficile ; ZEP 2 : difficulté moyenne ; ZEP 3 : difficulté moindre. Le classement des établissements dans l’une ou l’autre catégorie doit être temporaire et réversible car la sociologie d’un quartier et son urbanisme évoluent. Les moyens accordés le seraient alors en fonction du classement ou non en ZUS et en fonction de la taille de celle-ci.
Il s’agirait aussi :
 d’examiner avec la DIV le cas des collèges situés à l’intérieur des ZUS et la possibilité de leur transfert à l’extérieur de celles-ci ;
 d’intégrer les données relatives à l’urbanisme et aux ZUS parmi les indicateurs ministériels ;
 de vérifier la pertinence et la fiabilité des renseignements relatifs aux PCS ;
 d’examiner l’efficience des RASED ;
 d’assurer le suivi plus direct des effectifs et des emplois du temps des écoles maternelles ;
 d’inciter à un suivi particulier des maîtres de GS (maternelles) et CP des écoles classées en ZEP ;
 de réexaminer la carte des ZEP sur la base d’une différenciation plus poussée en fonction des évolutions de l’urbanisme, d’inclure dans cette réflexion les écoles classées en zone sensible et de reprendre cette réflexion périodiquement ;
 de mettre en place un suivi de cohortes d’élèves de ZEP ;
 d’appliquer la circulaire relative aux risques majeurs.

DEBAT

La discussion a porté sur :
a) le travail du coordonnateur qui à Brest glisse peu à peu vers le plan pédagogique ;
b) l’équilibre nécessaire entre les temps d’apprentissage et les temps informels en maternelle, ceux-ci restant cependant importants pour la maîtrise de la langue ;
c) le rôle et la fonction des RASED, CMPP... ;
d) la possibilité et l’intérêt de faire sortir des établissements des ZUS ;
e) l’accompagnement à la scolarité et l’importance du lien qui doit exister entre l’Ecole et le tissu associatif ;
f) la difficulté pour les acteurs de ZEP de connaître et d’identifier les possibilités d’attribution de moyens supplémentaires.

Compte rendu rédigé par Claude Vollkringer

Ci-dessous une version PDF à la mise en page plus élaborée.

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1 Message

  • Pour connaitre Monsieur Dontenville, pour bien connaitre le Mirail,http://www.ozp.fr/smileys/lunettes.png
    smiley pour connaitre le travail de la Ville de Brest (PEL) je trouve cette analyse très pertinente et apprécie encore une fois la rigueur du propos. Je trouve particulièrement intéressantes les propositions pour le travail à mener en maternelle et la place que le coordonnateur doit prendre au plan pédagogique.je reste sceptique sur le travail du Rased ! en revanche sur l’accompagnement à la scolarité et la prise en compte du temps social bien évidemment ! et plus encore mais cela est un autre ...projet !
    Il y a à Toulouse, non plus le Mirail mais le GRAND MIRAIL soit 4 ZEP dans une même circonscription ! Que dire de ce choix ? Pourquoi un ghetto géant ? 4 collèges... et un évitement, non une fuite éperdue... Pourquoi cela a été accepté après le rapport de F.Dontenville ? S’il pouvait répondre comme il sait le faire, honnêtement.
    Et une petite ZEP, EMPALOT ... en plein centre
    à suivre !http://www.ozp.fr/smileys/sourire.png
    smiley
    si Monsieur Dontenville voulait bien venir faire l’évaluation avec l’OZP sur celle -ci , vous seriez les bienvenus...pour que ce quartier sorte de ZEP comme Alain SAVARY (Grand Ministre et grand commis de l’Etat) l’avait intelligemment prévu, ainsi que Moisan et Simon non ?

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