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La coéducation existe-t-elle vraiment ? ("École : les vrais défis", Les Cahiers pédagogiques )

29 janvier 2019

École : les vrais défis.
La coéducation existe-t-elle vraiment ?

Marie-Claude Cortial

Alors que Jean-Michel Blanquer a présenté au gouvernement, le 5 décembre 2018, son projet de loi « Pour une école de la confiance », il est utile de revenir sur la notion de coéducation entre les acteurs éducatifs : école, parents et collectivités. La loi de refondation de 2013 avait favorisé leur rapprochement, mais le projet de loi de Jean-Michel Blanquer ne mentionne par exemple les familles que pour les appeler au « respect de l’institution scolaire, dans ses principes comme dans son fonctionnement ».

L’article 2 de la loi de refondation de 2013 précise : « Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s’enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative. » Dont acte !

En réalité cette coéducation affirmée par la loi, revendiquée ou critiquée, existe-t-elle vraiment ?

Si on s’attache à la vie de l’enfant, les premiers éducateurs sont les parents qui vont très vite partager l’activité d’éducation avec les personnes extérieures qui prennent en charge leurs enfants : personnels des crèches, assistantes maternelles, nourrices... Très souvent, les parents vont manifester quelques craintes : « Cette personne s’occupera-t-elle bien de mon enfant ? » Cela sous-tend que le concept de coéducation n’est pas inné, il correspond à une volonté de plusieurs acteurs. On pourrait même dire que cette notion vient du monde éducatif (école, éducation populaire) et qu’elle est proposée aux autres acteurs éducatifs : parents, collectivités.
La famille attache, l’école émancipe

On ne peut et on ne doit pas négliger le rôle primordial des parents. Un enfant grandit entouré, au minimum, de trois types d’acteurs éducatifs : la famille, l’école comme espace institutionnel, les espaces organisés (ou pas) sur le territoire (loisirs, artistiques, sportifs, mais aussi aide aux devoirs, soutien scolaire).

La famille situe l’enfant dans une histoire et un territoire ; elle lui fournit de quoi vivre, elle lui permet de se nommer et de se projeter dans l’avenir. Mais la famille « attache » également : des liens affectif, national, social, culturel, religieux, etc. Des attachements légitimes et nécessaires, mais qui peuvent aussi empêcher de prendre sa place dans la société, voire d’en changer.

C’est pourquoi l’École remplit une fonction de séparation, d’émancipation, car elle permet de découvrir d’autres histoires familiales, d’autres systèmes de valeurs et de croyances et de savoirs qui ouvrent l’horizon et élargissent la vision du monde. Parfois il y a des tensions entre la famille et l’école, et l’enfant se retrouve tiraillé par ces deux milieux.

Il est aussi important que l’enfant rencontre des adultes dans d’autres espaces qui n’ont avec lui aucun pouvoir d’autorité familiale ou institutionnelle. Des lieux où il peut faire des choix en fonction de ses goûts personnels, sans craindre de déplaire à ses parents ou de ne pas être dans les objectifs des programmes scolaires ; des lieux qui lui permettent d’affirmer ses compétences et de se mobiliser aussi bien avec ses pairs qu’avec des adultes.

Écouter et accompagner les parents

Dans la mesure où toutes les familles souhaitent que leurs enfants apprennent, progressent et trouvent leur place dans la société, la prise en compte de tous les parents, sans aucune discrimination, est nécessaire. On leur doit écoute et accompagnement, même si leur projet éducatif semble éloigné des attentes de l’école, de l’éducation populaire ou de la société.

Autrement dit, compréhension, respect de l’autre, altérité, valorisation et accompagnement constituent les bases de la réflexion. Pense-t-on suffisamment à inviter les parents au lieu de les « convoquer » ? À prévoir et aménager avec eux des espaces spécifiques ? À leur permettre de passer du stade d’acteur éducatif au stade d’auteur éducatif ?

Mais au delà de ses parents, tout enfant vit sur un territoire qu’il parcourt de la maternelle au collège et où il va croiser un certain nombre d’acteurs éducatifs : ses amis, ses enseignants, les animateurs des centres de loisirs, le personnel municipal... Tout ce monde « fait » de l’éducation avec les parents. La loi de refondation de 2013 a tenté de réduire les distances entre les uns et les autres : reconnaissance du rôle des parents, réforme des temps éducatifs - appelée réforme des rythmes scolaires - avec pour corollaire la mise en place du PEDT (projet éducatif territorial), création des ESPE (écoles supérieures des professeurs et éducateurs).

La belle aventure du projet éducatif territorial

Où en est-on en 2019 ? Les liens école-parents se sont progressivement renforcés, grâce à la volonté des enseignants, mais aussi des parents fortement investis auprès de leurs enfants. L’école maternelle et l’école primaire sont les lieux où ces liens s’installent. Ils dépendent d’ailleurs très souvent de la volonté des enseignants d’aller vers les parents, sans attendre que ces derniers viennent vers eux. Par la suite, la coéducation tend à disparaître, en particulier pour les familles éloignées de l’école : complexité de l’organisation de l’enseignement secondaire, pluralité des interlocuteurs pour les parents, incompréhension par rapport aux demandes formulées de manière souvent trop abstraites.

Mais la coéducation, c’est aussi la coéducation sur un territoire : la loi de 2013 la facilitait, avec la réforme des temps éducatifs et la mise en place progressive des PEDT. Cette expérience reste une belle aventure, même si elle a été parfois difficile ou conflictuelle. Se sont retrouvés autour d’une table tous les acteurs éducatifs, qui ont pu échanger, discuter, proposer dans l’intérêt de l’enfant. Les débuts furent complexes, mais progressivement, de nouvelles postures furent adoptées : meilleure connaissance des uns et des autres, intérêt commun pour l’enfant, projets élaborés en partenariat, formation des uns et des autres à des notions jusqu’alors peu appréhendées, reconnaissance de compétences partagées, habitude du dialogue, de la coopération.

Du côté des collectivités locales, fortement concernées par l’éducation (avec la gestion des bâtiments et du personnel municipal), et souvent considérées comme de simples financeurs, un début de reconnaissance s’était installé. Le rituel conseil d’école formaté pour les enseignants faisait place à des réunions d’échange, de projets, où l’on s’intéressait enfin à l’enfant et à ses besoins. Certains personnels municipaux, les ATSEM (Agent territorial spécialisé des écoles maternelles) par exemple, ont alors bénéficié de formations très pertinentes et qui valorisaient leur fonction.

La coéducation, un défi encore à relever

Tout ceci a disparu. Chacun est rentré chez soi, et l’enfant est resté au milieu du gué ! Plus de coéducation volontaire, plus de partage et de mise en commun, mais des fonctions assignées aux uns et aux autres. Aux enseignants, la transmission des savoirs et un peu d’éducation, aux parents le rôle de parents, aux collectivités municipales le souci de trouver de la place dans les locaux scolaires pour répondre aux directives ministérielles, aux centres de loisirs d’animer. Le partenariat avec les associations d’éducation populaire a disparu des écrans, malgré le Plan mercredi->https://laligue.org/plan-mercredi-une-nouvelle-etape-commence/annoncé en juin 2018 et prévoyant l’organisation d’accueils de loisirs le mercredi et leur inscription dans un projet éducatif territorial.

La coéducation est en fait une nécessité plus qu’un défi, mais ce dernier est encore à relever.

Marie-Claude Cortial
Enseignante, membre de l’association Éducation & Devenir

Extrait de cahierspedagogiques.com du 22.01.19 : La coéducation existe-t-elle vraiment ?

Sur le site OZP,
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Pedt, Contrat Ville, Pel, Cucs (gr 5)/
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