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Témoignage d’un directeur d’école dans la ZEP d’Epinay-sur-Seine

24 mars 2006

Extrait du site du PS, le 24.03.06 : Une société sans éducation est une société sans avenir

Enseignant depuis 25 ans dans des Zones d’Education Prioritaire, Yannick Trigance constate une dégradation à la fois des conditions d’enseignement et des conditions de vie dans ces quartiers. Face aux difficultés accrues des familles, l’école se retrouve aujourd’hui privée de ses moyens lui permettant de mener à bien ses missions. Enfants sans classe, classes sans professeur, suppression des remplaçants, suppression des formations, la liste est longue des coupes franches faites dans l’éducation en particulier dans ces ZEP pourtant nommée « prioritaires »...

Interview de Yannick Trigance, directeur de l’école élémentaire d’Epinay-sur-Seine (93) classée en Zones d’Education Prioritaire (ZEP).

Vous enseignez depuis 25 ans en Zones d’Education Prioritaire, quelle évolution avez-vous pu observer ?

On assiste incontestablement à une aggravation de la situation dans nos quartiers. Aujourd’hui, dans les ZEP, on retrouve toute la palette des difficultés qui sont avant tout d’ordre socio-économique et rien d’autre. A cette concentration des difficultés s’ajoute également une quasi-absence de brassage et de mixité sociale dans nos quartiers. Or, face à cette paupérisation des familles, l’école publique est complètement privée de ses moyens. Il y a à la fois une dégradation des conditions de vie et une dégradation des conditions d’enseignement. Depuis quatre ans que nous sommes sous ce gouvernement, la situation s’est considérablement dégradée dans les écoles et surtout dans les ZEP.

Par exemple, pour la première année dans mon école à la rentrée 2005, j’avais des classes qui n’avaient pas d’enseignants affectés. De plus, aujourd’hui, lorsqu’un enseignant est absent, il n’est pas remplacé et les enfants n’ont donc pas classe. Sur ma ville, Epinay-sur-Seine, chaque jour environ 15 classes n’ont pas de remplaçant.

Plus globalement, il y a encore 4 ans sur le département de la Seine-Saint-Denis, environ 30% des enfants de moins de 3 ans étaient scolarisés, aujourd’hui on est tombé à 5%, et à Epinay-sur-Seine 0%. Dans certaines écoles de la ville, on est confronté à l’heure actuelle à des enfants de 3 ans révolus qui n’ont pas de places à l’école maternelle. Or on sait qu’en ZEP la scolarisation des enfants de moins de 3 ans devrait être une priorité. Aujourd’hui la maternelle est sacrifiée.

Et concernant plus particulièrement la situation des enseignants ?

Les stages de formation continue des enseignants sont supprimés alors qu’on en a particulièrement besoin dans ces quartiers justement. On a beaucoup de jeunes enseignants qui arrivent chez nous, qui font ce qu’ils peuvent, souvent même d’ailleurs très bien, mais qui sont privés de ce droit. De plus, le gouvernement a supprimé 10% des postes pour les concours de premier degré, 30% en collège, 40% en lycée. C’est une véritable catastrophe.
Pour autant, les familles ne démissionnent pas, il faut vraiment que l’on se batte contre ces clichés-là. Les parents essaient encore d’avoir confiance dans l’école publique car ils savent qu’elle reste un élément déterminant pour la réussite ultérieure de leurs enfants. Les familles s’accrochent à ce service public et veulent y croire, mais franchement la politique actuelle du gouvernement tant à décourager les familles le corps enseignant.

Quelles sont vos principales revendications ?

J’ai peu d’espoir à l’égard du gouvernement actuel. On voit la manière dont il traite les jeunes, actuellement avec le CPE, et plus généralement l’éducation. Il faut décréter une véritable priorité sur l’éducation et sur l’éducation prioritaire. Une société sans éducation est une société sans avenir. On ne peut plus se satisfaire d’un saupoudrage : il faut mettre massivement les moyens dans l’école mais aussi autour de l’école.
En même temps, il n’est pas bon de trop individualiser les mesures comme avec le plan de Borloo. Il faut bien sûr des mesures individuelles, mais il faut aussi conserver la notion de territoires : ceux-ci doivent rester prioritaires et il est nécessaire de concentrer les moyens là où il y a de réelles difficultés.

Au-delà de la question des moyens, il faut également préciser quelles doivent être les missions de l’école, ce que l’on attend d’elle. Cependant l’école ne peut pas tout. Il faut savoir ce que l’on est prêt à faire, à partir de ces missions, en termes de contenu d’enseignement, de formation des enseignants... Il faut absolument entendre les enseignants et travailler avec eux sur la question.

Propos recueillis par Nolwenn Macouin

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