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Conférence de presse de rentrée 2019. Les réactions dans la presse spécialisée : le Café, ToutEduc, les Cahiers...

28 août 2019

Rentrée : JM Blanquer à l’Ecole : " Chérie et si on recommençait tout à zéro ?"
Peace and Love. Le 27 août, à l’occasion de la conférence de presse de rentrée, le ministre de l’éducation nationale a montré une nouvelle facette de sa personnalité. En ce début d’année, après des mois de graves tensions, JM Blanquer baigne dans la conciliation. Les affrontements de l’année dernière ? "Tournons la page". Ses objectifs pour 2020 : le bonheur des profs et l’environnement durable. Fini le ministre droit dans ses bottes. Fini le pourfendeur des médias et des "bobards". Fini le libéral à tout crin. Blanquer est social et bienveillant. L’exercice de communication a quand même ses limites. Et elles concernent en priorité les professeurs des écoles... Car un nouveau Blanquer est-il possible ?

Pas d’annonces importantes

Décor exceptionnel pour cette conférence de rentrée. La mise en scène est d’autant plus remarquable que, on le verra, le ministre a très peu d’annonces concrètes à faire pour cette rentrée. Alors JM Blanquer réunit la presse dans le jardin du ministère, sous un célèbre tilleul. A coté il y a un gicko. Et à coté ceci, puis cela : Jean-Michel le jardinier énumère les plantations du jardin en raccord avec le discours écologique qu’il va tenir. Autre changement : le ministre est entouré de toute son équipe. S Dehaene et le cabinet sont là, ce qui est devenu habituel. Mais cette année il y a aussi les directeurs du ministère. Et la conseillère du Premier ministre est aussi venu observer la prestation ministérielle... Ca tombe bien : le ministre cite longuement les propos du président et du 1er ministre.

Parce que le message de cette rentrée tient dans la forme. Sur le fond le ministre n’a pas grand chose à déclarer. L’instruction obligatoire à 3 ans, instituée par la loi Blanquer, ne change rien si ce n’est le financement du privé et la lourdeur de gestion des enfants de petite section (il faut attendre 15 jours l’avis de l’IEN pour aménager l’emploi du temps des 3 ans). Les dédoublements lancés au début du quinquennat sont achevés. A cette rentrée cela concerne 700 classes de Ce1 Rep+ et 3200 Ce1 de Rep. Quant à la nouvelle vague de limitation des effectifs au primaire (dédoublements des GS de maternelle de l’éducation prioritaire et limitation à 24 élèves de la GS au CE1 pour toutes les classes) ce ne sera mis en oeuvre qu’à partir de 2020.

Si le ministre évoque ses discussions sur la revalorisation des enseignants, en lien avec la réforme de la retraite, les effets ne seront visibles qu’après 2020. Pour 2020, JM Blanquer annonce 300 millions pour la mise en oeuvre du PPCR (lancé en 2016 par le précédent gouvernement) et 700 millions de "tendanciel", c’est à dire de glissement vieillesse technicité et sans doute le dernier volet de la prime Rep+, la prise en charge des AESH dans le budget EN et le SNU. Ca fait un milliard c’est à dire justement la hausse annoncée du budget. On retrouve là des évaluations données par le Café début juillet. Résultat : il ne reste rien, que des paroles, pour améliorer les conditions de travail des professeurs et des élèves.

Comités de suivi et plan sécurité

Les annonces concrètes de la rentrée concernent d’abord les comités de suivi des réformes des lycées et des Inspe. Le ministre promet que les syndicats y seront associés. Le comité de suivi sur la réforme du lycée général est confié à Marie Pierre Luigi (IG). Celui sur le lycée professionnel à Marc Foucault (IG également).

Ensuite il y a le plan sécurité, promis depuis octobre 2018. Finalement les discours gouvernementaux sur la responsabilisation des familles débouchent sur pas grand chose. Dans chaque département une convention éducation nationale - justice - intérieur - agriculture précisera les roles des uns et des autres dans le traitement des infractions. Il y aura un référent violence auprès de chaque Dasen, comme si rien n’avait été fait en ce domaine depuis 2011...

Les mesures les plus importantes s’éloignent des principes du droit et de la justice ce qui pourrait bien augmenter les problèmes et non les résoudre. Les délais de convocation des conseils de discipline sont réduits ainsi que celui de prise de décision du chef d’établissement seul. Le Dasen pourra décider seul , sans l’accord des familles, le placement des jeunes "perturbateurs" et "poly exclus" en classe relais pour 6 mois. Cette mesure particulièrement grave, car elle déscolarise l’élève, particulièrement longue (jusque là on ne restait pas 6 mois en classe relais) laisse tomber les enfants à problèmes . Quant aux enseignants des classes relais, leur role maintenant pourrait bien devenir celui de surveillant de centre éducatif ouvert à bas prix. Après avoir déresponsabilisé la famille, on passe au volet "responsabilisation" :les parents de ces enfants devront se plier à un "protocole d’accompagnement et de responsabilisation" imposé par le Dasen à partir de deux exclusions définitives dans la même année scolaire. Chacun jugera de l’efficacité et de la dimension sociale de ces mesures. Le gouvernement envisageait d’ouvrir des centres éducatifs fermés. Mais chaque centre nécessite 26 adultes pour 12 jeunes...

Un éco délégué dans chaque classe

Les autres grandes annonces concernent l’éducation au développement durable. Le ministère avait été pris de court par la vague Youth for Climate. Le changement climatique avait été largement oublié des nouveaux programmes de 2de et de 1ère. Le ministère a eu le temps de les glisser dans ceux de terminale. Pour JM Blanquer, à cette rentrée, l’éducation nationale peut beaucoup pour le combat écologique. Il annonce l’élection d’un éco délégué dans chaque classe du collège et du lycée. Et la volonté ministérielle d’augmenter le nombre d’écoles et d’établissements labellisés EDD. Mais cette partie là revient aux collectivités locales...

Pression maintenue sur les PE

Les dernières décisions concrètes du ministre viennent un peu contrarier l’image donnée tout au long de la journée. Le ministre est tout ouverture sur tout sauf sur la pédagogie au primaire. Les évaluations nationales sont maintenues et leurs résultats déclarés "encourageants" ce qui est fortement contesté par des spécialistes comme R Goigoux. Le ministre annonce de nouvelles publications de son conseil scientifique, souvent rédigées d’ailleurs par seulement quelques membres de ce conseil, pour le primaire. JM Blanquer attend de la réforme des INSPE une uniformisation de la formation initiale avec l’accent mis sur les fondamentaux et les conceptions de son conseil scientifique. Comment cela pourra t il s’imposer dans des instituts universitaires sans violer les libertés historiques des universitaires ?

On notera aussi l’importance accordée aux étudiants en pré professionnalisation. On en était resté à 1600 jeunes pays 693 € par mois pour faire du soutien scolaire dès L2 puis intervenir en classe dès la L3 et enfin prendre en charge une classe en M1. Mais le ministère annonce 9000 étudiants "à terme" soit la moitié des recrutements annuels d’enseignants.

Quand le ministre reconnait la faible efficacité des dédoublements

Le concret est mince. Mais gouverner c’est aussi parler. Et sur ce terrain là on a assisté à des nouveautés intéressantes.

On observe une nette évolution du discours sur les dédoublements. JM Blanquer continue à vanter la mesure qui amènerait en Ce2 des élèves différents "qui savent lire écrire et compter". Ce qui est nouveau c’est que le ministre déclare que "le dédoublement à lui seul ne suffit pas. Il faut aussi une évolution pédagogique".

Après avoir promis une efficacité record (amélioration des performances de 30%), puis constaté dans une étude nationale leur inefficacité tout en proclamant le contraire, après avoir consacré 10 000 emplois à une mesure dont une étude internationale démontre aussi le faible rendement, le ministre reconnait que la mesure a de sérieuses limites. Cela n’empêchera pas le ministre de continuer sur cette voie...

Redémarrer à zéro ?

Mais on retiendra aussi de la journée tous les propos apaisants après des mois de véhémence. "La réussite des élèves passe par le bonheur professionnel des personnels", affirme JM Blanquer. Concernant les professeurs qui ont fait la grève du bac et perturbé son déroulement et qui avaient été menacés de sanction notamment à la télévision, JM BLanquer évoque "tout le droit rien que le droit" mais lâche "qu’il est largement temps de tourner la page". Sur les EPSF, alors qu’il a publié il y a quelques jours deux études qui les remettent en selle, JM Blanquer affirme "qu’on ne fera pas ça".

Après les échecs avalés de la loi Blanquer, après avoir abouti à une grève du bac ce qui ne s’était pas vu depuis 1968, alors que sa politique semble largement rejetée par ses fonctionnaires, JM Blanquer souhaite un redémarrage à zéro et une rentrée apaisée. A quelques kilomètres, dans une université d’été, des enseignants n’ont peut-être rien oublié...

François Jarraud

Extrait de cafepedagogique.net du 28.08.19

 

Loi Blanquer : l’ICEM invite à la résistance collective et aux sabotages des nouvelles directives

"Nous appelons à la résistance collective, aux sabotages pour refuser ces nouvelles directives : non aux réformes Blanquer et à l’accroissement des inégalités sociales ; non au fichage des enfants, non à la répression des élèves et des enseignants qui résistent ; oui à l’école publique gratuite qui est un conquis social des enfants, de la maternelle à l’Université". Telle est l’essence d’une motion approuvée le 21 août 2019 par l’assemblée générale de l’ICEM-pédagogie Freinet. Cette motion a été rédigée et validée par le comité d’animation mais également, sans être soumis au vote, par l’ensemble des congressistes réunis du 20 au 23 août 2019 à Sainte-Gemmes-sur-Loire (à côté d’Angers), pour le Congrès de l’ICEM organisé autour de la thématique "Pour une méthode naturelle à l’école publique", soit environ 700 personnes. Marguerite Gomez, l’une des sept membres du comité d’animation de l’ICEM est revenue pour ToutEduc sur les enjeux, motivations et revendications portées par cette motion.

ToutEduc : Qu’est-ce qui a motivé la rédaction de cette motion ?

Marguerite Gomez : À l’occasion de notre assemblée générale institutionnelle qui s’est tenue en mai dernier, nous avons exprimé le besoin d’échanger pour parler de notre positionnement politique. D’où l’organisation d’une soirée d’échanges à l’occasion de notre Congrès, qui a réuni quelque 400 personnes. Le lendemain, une vingtaine de militants ont rédigé cette motion validée par le CA et les différents groupes de congressistes répartis en ateliers. Le positionnement politique est une préoccupation constante depuis l’émergence de la pédagogie Freinet et lorsque nous adhérons au mouvement, nous adhérons également à sa charte de l’école moderne dont l’un des articles stipule que l’on ne peut pas être en dehors des mouvements sociaux et politiques de notre société ("L’éducation est un élément mais n’est qu’un élément d’une révolution sociale indispensable. Le contexte social et politique, les conditions de travail et de vie des parents comme des enfants influencent d’une façon décisive la formation des jeunes générations", ndlr). Six ans auparavant, à Talmont-Saint-Hilaire (Vendée), nous avions également réaffirmé notre positionnement politique, ainsi que dans le cadre d’une motion rédigée en mai 2018, dans laquelle nous réaffirmons notamment la nécessité de garantir notre liberté pédagogique et nous nous opposons au fichage instauré avec le livret scolaire numérique unique. Nous nous sommes aussi associés à divers mouvements, dont le SNUIPP et la FSU, pour soutenir un autre concept de la lecture et de l’écriture que celui que défend M. Blanquer ! Et nous sommes en train de rédiger un manifeste pour une école populaire, en travaillant avec les différents groupes répartis en France.

ToutEduc : Vous parlez de "résistance collective", de "sabotages". À quelles formes d’actions renvoient ces termes ?

Marguerite Gomez : L’appel à la résistance n’est pas nouveau même si le terme de sabotage est certes un peu fort. Chacun peut faire ce qu’il veut ou ce qu’il peut, sachant évidemment que cela peut être plus difficile pour quelqu’un qui n’est pas dans un groupe Freinet ou isolé dans une équipe éducative qui n’est pas mobilisée. Ce que nous voulons, c’est enrayer cette machine à broyer les enfants et les enseignants, plutôt par des actes de désobéissance civile. Soit une résistance active, comme ne pas remonter les résultats d’évaluations, comme cela s’est fait aussi pour les notes au bac, soit par une résistance passive, des actes de contournement, de boycottage, comme ne pas tout remplir par exemple sur les évaluations à remonter.

ToutEduc : Vous écrivez "l’ICEM soutient tous les enseignants qui refuseront de faire passer les évaluations, d’en remonter les résultats et de participer à la mise en concurrence des écoles et des enseignants entre eux". Comment allez-vous les soutenir ?

Marguerite Gomez : Nous invitons les enseignants à organiser tout cela en lien avec les syndicats et les intersyndicales qui, eux, ont les moyens de défendre les personnels. Des actions qui se sont déjà déroulées avec l’appui également de parents, peuvent servir de modèle. Comme celles qui se sont déroulées en mars pour dénoncer le projet de loi pour une École de la confiance, les méthodes d’apprentissage, les évaluations, les injonctions..., dont nous avons eu des témoignages lors du Congrès, par exemple dans le 49, le 31, le 75. Dans ce dernier département, il y a eu par endroits de très fortes mobilisations avec les parents qui ont refusé d’envoyer leurs enfants à l’école lors d’évaluations. Dans certains établissements, cela a pu concerner jusqu’à 55 % des enfants. Et nous nous sommes rendu compte que lorsqu’il y a de la mobilisation, on trouve beaucoup d’inventivité.

ToutEduc : Vous évoquez aussi des "convergences" avec les gilets jaunes et les personnels en lutte "dans tous les services publics contre les réformes qui le détruisent", quelles sont-elles ?

Marguerite Gomez : Il nous semble que la situation est grave : le fichage, les évaluations, un resserrement surtout de l’espace donné à l’enseignant-concepteur, la privatisation progressive, comme c’est le cas avec les EPLEI (établissements publics locaux d’enseignement international) qui pourront obtenir des subventions du privé et seront réservés, de fait, à des populations favorisées. Mais on se dit que nous ne sommes pas seuls et que notre opposition à ces dérives se rapproche de positions prises par d’autres mouvements, les personnels en lutte dans les hôpitaux, par exemple, ou encore les gilets jaunes. Nous avons d’ailleurs constaté que dans notre assemblée de congressistes, de nombreuses personnes se sont rassemblées avec eux car elles estiment que c’est un mouvement de protestation qu’il faut entendre !

Propos recueillis par Camille Pons

Extrait de touteduc.fr du 27.08.19

 

Tribune
Tous ensemble contre Blanquer ? Oui, mais...
Philippe Watrelot

On a senti l’exaspération monter au cours de l’année scolaire passée contre le ministre de l’Éducation nationale, on la retrouve dès cette fin d’été dans des rassemblements qui revendiquent la « convergence des luttes ». Pour l’auteur de cette tribune, il convient déjà de clarifier les revendications des uns et des autres afin de voir si elles peuvent vraiment être unitaires.

[...]

Le deuxième clivage porte sur l’analyse des inégalités sociales au sein de l’école.
Là aussi, il y a des positions différentes que l’on peut résumer (et caricaturer...? ) ici.
Pour les uns, les inégalités préexistent à l’école. Et finalement, l’école n’en est que le réceptacle. Ce n’est donc pas à celle ci de changer. Il suffit d’agir sur la société (en attendant le « grand soir » ?) pour que l’école ne change pas...

Pour d’autres, dont je suis, les inégalités sociales sont amplifiées par l’école. Et il importe donc de s’interroger sur le fonctionnement de l’institution mais aussi sur nos pratiques pour avoir une pédagogie qui permette d’aller vers moins d’inégalités. Ce qui n’exclut évidemment pas d’agir pour lutter contre les inégalités au sein de la société. Pour reprendre le slogan d’un mouvement pédagogique bien connu : « changer la société pour changer l’école, changer l’’école pour changer la société »... La difficulté de ce deuxième clivage, c’est qu’il est jugé comme culpabilisant par bon nombre d’enseignants. Ceux-ci y voient une remise en cause de leurs pratiques et considèrent la critique du système comme une critique d’eux-mêmes. Cette difficulté à dissocier ses gestes professionnels de sa propre personne est une des difficultés majeures de la conduite du changement dans l’éducation en France. Cela est évidemment renforcé par le sentiment de déclassement et la faible considération du métier.

Le rôle des syndicats devrait être de parvenir à faire dépasser cette confusion et à objectiver les revendications plutôt que de la renforcer en parlant sans cesse de « mépris » et de « souffrance » et en voyant tout sous le prisme du ressenti. C’est une dérive que je ressens très vivement aujourd’hui.

Extrait de cahierspedagogiques.com du 27.08.19

 

Voir la revue de presse des cahierspedagogiques.com du 27.08.19

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