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Fillon parle du rapport Thélot (Le Figaro)

26 octobre 2004

Extrait du « Figaro » du 14.10.04 : Fillon parle des ZEP, enfin !

Le ministre de l’Education réserve un accueil plutôt tiède au rapport de la Commission Thélot et présente les grandes lignes de sa future loi d’orientation.

François Fillon : « Le gouvernement est libre vis-à-vis du rapport Thélot »
Passer en quelques semaines du rapport Thélot au projet de loi Fillon. L’enjeu est là pour le ministre de l’Education nationale qui va désormais s’atteler à la rédaction de la loi d’orientation et de programmation pour l’école. Le calendrier est serré. Le texte doit être présenté en Conseil des ministres en décembre ou janvier prochain pour un examen au Parlement au printemps et une mise en application à la rentrée 2006.
En attendant, Claude Thélot et la plupart des membres de la commission qu’il présidait tenaient hier la vedette dans les salons de Matignon où ils ont remis leur rapport au premier ministre qui a affirmé : « Cette nouvelle loi doit donner des perspectives claires pour l’école des quinze ans à venir, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce sera une loi d’orientation mais aussi de programmation. » Quelle utilisation le ministre de l’Education va-t-il faire du rapport Thélot ? François Fillon annonce déjà les pistes qu’il souhaite explorer et celles qu’il a d’ores et déjà écartées (voir l’interview ci-dessous).

Un nouveau processus de consultation est lancé auprès des partenaires sociaux, ainsi que des formations politiques. Au regard des premières réactions publiées hier, aucune opinion majoritaire ne se dégage. Des propositions de réformes, lancées par Claude Allègre lorsqu’il occupait le ministère de la rue de Grenelle, refont surface. Ainsi, la CFDT ou l’Unsa-éducation, deux syndicats d’enseignants, et la PEEP, la FCPE et l’Unapel pour les parents d’élèves se déclarent-ils plutôt favorables au contenu du rapport tout comme le syndicat majoritaire des chefs d’établissement.

D’un autre côté, les syndicats d’enseignants membres de la FSU (majoritaire) ainsi que le SNALC convergent dans la critique. Ils sont rejoints par d’autres mouvances comme Sauver les lettres. Quant au Parti socialiste, il s’est exprimé par la voix de Jack Lang, ancien ministre de l’Education, qui redoute que les propositions Thélot ne servent à « asphyxier un peu plus l’école de la République ». Cette cacophonie n’est pas pour déranger le ministre. Elle lui offre même une vaste marge manœuvre. Il est vrai qu’à la différence de ses lois sur les retraites ou la formation professionnelle, il n’a pas à s’assurer de la signature des partenaires sociaux. Hier, le ministre a annoncé un premier texte pour la mi-novembre.

Le Figaro. Que pensez-vous du rapport élaboré par la commission Thélot ?
François Fillon. Il y a d’abord eu le miroir du débat, source exceptionnelle de réflexions et de propositions, qui souligne les attentes de la société française. Le rapport quant à lui n’est pas banal. Il fait des propositions cohérentes. Il va naturellement peser dans l’élaboration de la loi, même si le gouvernement reste entièrement libre par rapport à ce document.

Quelle est la priorité de la future loi d’orientation ?

La toute première question à se poser est celle des missions de l’école. Depuis quinze ans, on n’a eu de cesse d’ajouter des obligations aux enseignants, ce qui explique aujourd’hui leur essoufflement. Ils doivent assumer des responsabilités qui dépassent ce qu’ils sont en mesure d’apporter aux élèves.

Quelles sont ces missions ?

L’école doit d’abord transmettre des connaissances. Elle porte également en elle une dimension sociale et morale. Elle doit être également un gage d’une qualification pour l’emploi. Perdre de vue cette dernière orientation serait une grossière erreur. Il s’agit de trouver un juste équilibre entre ces trois missions comme il s’agit de trouver un nouvel équilibre entre l’élévation du niveau général et la formation des élites.

Le président de la République veut une école juste et efficace. Cela signifie que l’égalité des chances ne peut rester un principe abstrait et qu’il faut mettre en œuvre tous les moyens pour y arriver. Cela signifie aussi qu’il est indispensable de mieux gérer et motiver le personnel.
Le rapport Thélot propose l’élaboration d’un socle commun de connaissances.

Allez-vous reprendre cette recommandation ?

Le débat sur le socle sera difficile, mais chacun sait bien que c’est une question cruciale. Est-ce que définir un socle, c’est resserrer les exigences de l’école ou bien est-ce l’instauration d’une obligation de résultats qui bénéficie à tous ? L’acquisition d’un socle ne doit pas être une fin en soi mais le moyen de s’engager sur un parcours plus ambitieux.

Faut-il une autorité indépendante pour définir ce socle ?

Une autorité peut émettre des suggestions et éclairer un arbitrage. Pour autant, il n’est pas question que l’Etat abandonne sa responsabilité au motif qu’il n’aurait pas su, jusqu’à présent, mener à bien cette réflexion et trancher. Le pouvoir de décider ce qu’il faut enseigner aux jeunes Français ne peut revenir à une autorité indépendante, c’est contraire à ma conception républicaine de l’Education nationale.

Autre suggestion du rapport, augmenter le temps de présence des enseignants dans les établissements...

Nous allons poser la question de l’évolution du métier d’enseignant. Le rapport de la commission a le mérite de rappeler que le métier ne se limite pas à la classe. Les textes d’ailleurs n’ont jamais dit que le temps des enseignants dans les établissements était limité aux seuls cours. Ils doivent le même service que tous les fonctionnaires. Faut-il, dès lors, que la loi précise le nombre d’heures qu’ils doivent passer dans les établissements ? N’est-ce pas prendre le risque de rigidifier des situations qui font l’objet de comportements très différents ? Sans doute faudra-t-il trouver des méthodes plus incitatives que contraignantes.

La mixité sociale doit-elle s’accompagner de « discrimination positive » ou de « différenciation maîtrisée » comme l’appellent les rapporteurs ?

Nous ne sommes pas allés assez loin dans la différenciation des moyens au bénéfice des élèves en difficulté. C’est une des raisons du faible succès des ZEP (zones d’éducation prioritaire). Je vais proposer une forte concentration d’aides pour que les établissements apportent réellement davantage à ceux qui en ont le plus besoin.
L’idée du rapport selon laquelle il faut des dispositifs d’accompagnements particuliers pour certains élèves est très intéressante. La nouvelle troisième que nous mettons en place répond en partie à cette idée de parcours à la carte. Mais on doit effectivement se demander si le périmètre de la classe est encore pertinent. En langue par exemple, tous les élèves doivent-ils systématiquement suivre le même cours, selon les mêmes méthodes ?

Quelles sont les autres propositions que vous retenez ou au contraire que vous écartez ?

L’apprentissage dès le primaire d’un anglais de communication internationale est une proposition intéressante, tout comme la nécessaire banalisation de l’usage des nouvelles technologies. En revanche, je m’interroge sur l’utilité de créer un statut rémunéré pour les lycéens de l’enseignement professionnel : n’est-ce pas risquer de voir les jeunes, en particulier des milieux défavorisés, s’y engouffrer pour un gain immédiat au détriment de toute tentative dans les filières générales ? De même, j’estime qu’il faut prendre garde au maintien de l’ambition nationale lorsqu’on envisage de donner plus d’autonomie aux établissements.

Quelles sont les autres thèmes indispensables à la future loi ?

Celui de la formation des enseignants. La formation initiale dans les IUFM (Instituts de formation des maîtres) bien sûr mais également la formation continue. Sur ce point, il faut se poser la question du temps de formation. La nouvelle loi que j’ai défendue et fait voter au Parlement permet aux salariés du privé de se former en partie en dehors de leur temps de travail en bénéficiant d’une indemnité. On peut tout à fait s’inspirer de cet accord interprofessionnel signé par l’ensemble des syndicats du privé. Actuellement, faire fonctionner un système de formation pour 800 000 enseignants avec des remplaçants est beaucoup trop lourd.
Et les emplois du temps des élèves ?
Nous devrons aborder la question du temps de travail des élèves. Dans certaines classes, la charge de travail dépasse ce qu’il est raisonnable de demander à un jeune. Au lycée, des élèves ont un nombre d’heures de cours supérieur au temps de travail de n’importe quel salarié. Et s’y ajoute le travail personnel à la maison. On leur demande parfois bien plus de 40 heures hebdomadaires ! Des limites sont absolument nécessaires.

En évoquant un retour de l’autorité, en prônant dictées et récitations, vous êtes accusé de regarder en arrière...

On ne construit pas l’avenir sur la nostalgie d’un prétendu « âge d’or ». On ne revient jamais en arrière. Mais prôner la modernité pour la modernité est tout aussi stupide.
Certaines méthodes ont échoué, d’autres ont montré leur efficacité. Dire qu’il faut que des enfants fassent des exercices répétés, c’est peut-être une évidence mais ce n’est pas parce que la terre est ronde qu’il ne faut pas l’apprendre ! Par ailleurs, le nombre des enseignants qui critiquent eux-mêmes certaines méthodes peu concluantes ne cesse d’augmenter. On ne peut pas ne pas s’interroger et rechercher avec pragmatisme un meilleur fonctionnement pédagogique de la classe, y compris avec des méthodes innovantes.

Une loi est-elle indispensable à vos réformes ?

Pour donner un CAP à 15 ans, cela me paraît indispensable. C’est d’ailleurs ce qui se fait depuis 1959. Et cette loi ne sera pas seulement une loi d’orientation mais également de programmation. Nous devons afficher notre ambition quant à l’élévation du niveau général et de qualification de nos jeunes. Depuis 1995, la France a marqué un palier. Reprendre cette marche est une question de survie pour 60 millions de Français au milieu de 6 milliards d’individus. Le haut niveau de formation de notre jeunesse est la seule réponse à la mondialisation.

Maintenez-vous que cette loi ne doit pas être un texte de rupture ?

Ce ne sera pas une loi de rupture mais pas, non plus, de continuité. Il y a dans la précédente loi de 1989 des dispositions à amender. Mais surtout d’autres à concevoir pour répondre aux défis de demain pour notre système scolaire. L’enjeu de cette réforme, c’est de bâtir une éducation de masse qui rompe avec un égalitarisme de façade au profit de la justice et de la qualité. Ma seule inquiétude serait de ne pas réussir à améliorer significativement les performances du système éducatif.

Propos recueillis par Marielle Court

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