Le ramadan dans un collège REP à Paris (Le Parisien)

26 octobre 2004

Extrait du « Parisien » du 14.10.04 : le ramadan dans un collège ZEP de Paris
Comment l’école vit pendant le ramadan ? Demain matin, les musulmans de France débutent le ramadan. Un mois de jeûne pour des milliers d’enfants ou d’adolescents scolarisés. Profs, élèves, établissements doivent s’adapter à cette fête de plus en plus pratiquée par les jeunes.

Ramadan ou pas, le drapeau bleu blanc rouge flotte en permanence au-dessus de l’entrée du collège Edmond-Michelet, qui accueille 850 élèves à Paris XIXème. Un symbole républicain auquel Daniel Lamy, le principal de cet établissement classé en zone d’éducation prioritaire (ZEP), est particulièrement attaché.

Fort de trente-sept ans d’expérience en Seine-Saint-Denis (93), celui qui se présente volontiers comme un « héritier de la Troisième République », martèle sa devise avec fermeté : « Ecole républicaine, laïcité dans le respect absolu des croyances, des philosophies, des élèves et des familles ».

Rester attentif à la santé des collégiens.

Comme dans bon nombre de collèges et lycées publics, une proportion de jeunes musulmans entament demain le ramadan. Ici, au nord-est de Paris, sur 850 élèves, 340 devraient observer à partir de demain le jeûne, parmi lesquels 40 demi-pensionnaires qui rejoindront le domicile familial à l’heure du déjeuner. Chef de cuisine, Guy Genebault observe « qu’ici, on respecte la religion des musulmans tous les jours en proposant par exemple à ceux qui le souhaitent un steak haché à la place d’une côte de porc ».

Tout en estimant que « la pratique du ramadan est liée à une crise d’identité des jeunes qui n’ont plus de repères », Daniel Lamy remarque que l’observation de ce rite, parfois erratique à l’adolescence, « a augmenté d’environ un tiers au cours des dix dernières années ». Sans transiger sur le règlement (« toute absence doit être justifiée, même s’il y a une tolérance pour le dernier jour de jeûne »), le principal explique que les enseignants se montrent particulièrement vigilants pendant cette période pour la santé des collégiens : « Certains donnent des signes de fatigue, éprouvent des maux de tête.

« Le jeûne, c’est une épreuve »

Alors ils vont voir l’infirmière, qui leur propose éventuellement une petite collation (des gâteaux, un verre de lait...) en accord avec les parents ». L’an dernier, parmi les trente-deux élèves reçus par l’infirmière pendant le jeûne, douze ont accepté la collation.

Née il y a quinze ans dans le XXème de parents maliens, Dia Traoré, dont la mère est femme de ménage, observera demain le ramadan pour la troisième fois : « Il m’arrive parfois de boire de l’eau sans faire exprès alors que c’est interdit. C’est un réflexe. » Tout en veillant à faire ses cinq prières quotidiennes « que je rattrape le soir à la maison les jours où j’ai cours », la jeune fille aux cheveux tressés, actuellement en troisième, confie : « Le ramadan, c’est trop dur ! Surtout en fin de journée... Et quand on voit les autres manger, ça nous donne trop envie. »

Jean Baggy dernier cri et baskets roses, sa copine Hanane Zinbi, née à Maubeuge de parents marocains, ajoute : « Le jeûne que je suivrai à partir de demain, c’est une épreuve. C’est pourquoi j’aimerais que pendant cette période, les profs ne soient pas trop exigeants. Mais s’abstenir de manger permet de ressentir ce que les pauvres ressentent eux-mêmes. » Né à Paris de parents maliens, Fousseni Diabate, âgé de 13 ans, déclare souffrir de la soif « surtout quand on bouge beaucoup ». Mais le jeune homme, qui veut devenir cariste, sait pourquoi il s’astreint au jeûne : « Le ramadan permet de se faire pardonner les péchés qu’on a commis. »

Plus terre à terre, certains enseignants qui ne croient pas toujours au ciel observent, à l’instar de Rosy Chaignon, professeur d’arts plastiques, « qu’il est très difficile en fin de journée de faire classe à des élèves affamés qui regardent sans arrêt la pendule ».

Le plus dur, selon elle, étant lorsque le cours a lieu pendant la rupture du jeûne, ce qui arrive en période hivernale : « Il y a deux ans, je les avais autorisés à apporter des fruits secs. Ils sont arrivés avec des biscuits et des paquets emballés d’aluminium. Résultat : la salle de cours était devenue un restaurant ! »

Philippe Baverel

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