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La suspension des allocations familiales pour absentéisme était déjà jugée "obsolète" par un rapport des IG inédit de 2012 (ToutEduc)

19 avril 2021

Absentéisme scolaire et suspension des allocations familiales, une mesure qui était déjà obsolète en 2012 (rapport d’inspection générale, EXCLUSIF)

Les sénateurs ont ajouté au projet de loi "Principes de la république" un article 24 quindecies qui prévoit "la suspension totale ou partielle des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire" en cas de défaut d’assiduité". C’était déjà le propos de la "loi Ciotti" de 2010, abrogée en 2012. Mais est-ce une mesure efficace ? ToutEduc a pu se procurer un rapport d’inspection générale resté inédit et daté de juillet 2012.

Au cours de l’année scolaire 2011-2012, les DASEN ont reçu 69 616 "premiers signalements" et ils leur ont donné une première suite en adressant 54 216 avertissements aux familles. Ils ont ensuite reçu 17 242 "deuxièmes signalements" et ils ont adressé aux CAF 1 179 demandes de suspension. Le nombre de suspensions effectives a été de 607, et le nombre de demandes de rétablissement, donc le nombre d’élèves qui ont mis fin à l’absentéisme est de 78.

Une épée de Damoclès sans tranchant

De ces chiffres, les inspecteurs généraux concluent que la suspension des allocations familiales n’intervient qu’en dernier recours, "conformément à l’esprit de la loi", mais qu’à ce stade, "l’absentéisme est tellement ancré dans le comportement de l’élève et de sa famille" qu’il "résiste largement à la coercition, puisque le taux de retour à l’école des élèves concernés par cette ultime mesure demeure marginal" (13 %, ndlr). Les auteurs du rapport ajoutent que la plupart des responsables entendus par la mission, recteurs, DASEN, personnels de direction, sont attachés à la dimension "Epée de Damoclès" du dispositif, mais que "l’intérêt de cette loi repose sur la menace qu’elle brandit et beaucoup moins sur l’exécution de sa phase ultime. Il semble à cet égard exister un consensus implicite (...) selon lequel cette loi est destinée à ne pas être totalement appliquée…" Les responsables sont en effet "sans illusion sur l’effet réel de l’application de la mesure sur des familles confrontées à d’inextricables difficultés de tous ordres".

La mission constatait en outre que le "talon d’Achille" de la loi Ciotti est "l’articulation et la coordination des interventions des différentes institutions concernées par cette question" : "La mission d’inspection a observé que le pilotage de la lutte contre l’absentéisme par le DASEN était véritablement efficace lorsque celui-ci prenait l’initiative de coordonner lui-même au sein de formations ’ad hoc’, les différents partenaires et leurs interventions. Il en va ainsi dans les Yvelines, par exemple, où le DASEN a créé un ’comité départemental pour la prévention de l’absentéisme scolaire’ réunissant le procureur de la République, le directeur de l’association des maires, le directeur de l’enfance du conseil général, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la caisse d’allocation familiale et les associations de parents d’élèves."

Les bourses scolaires plutôt que les allocations familiales

Elle plaide donc pour remplacer la menace de suspension des allocations familiales par la suspension des bourses scolaires, qui peut être décidée par le seul DASEN et qui est déjà prévue dans le code de l’éducation (articles D 531-12 et R 531-31), mais elle plaide aussi pour "la création de commissions départementales de l’absentéisme, présidée par le DASEN et réunissant l’ensemble des partenaires de l’école".

La mission fonde également ses préconisations sur l’histoire de la lutte contre l’absentéisme, très chaotique, la loi de 1936 durcit le régime des sanctions pénales en cas d’absences injustifiées puisque le juge de paix peut prononcer "l’interdiction des droits civils, civiques et de famille" ; une ordonnance de 1959 évoque "la suspension ou la suppression du versement aux parents des prestations familiales". Mais en 2004 Jean-Pierre Raffarin et Luc Ferry abrogent "les dispositions du décret 66-104 relatives à la suspension des prestations familiales", laquelle est rétablie par la loi du 31 mars 2006 "qui instaure diverses mesures relatives à l’emploi et à l’éducation, mais sans que personne y prenne garde. "L’ensemble de ce dispositif est remis à plat par la loi dite Ciotti."

Une tolérance accrue

La mission constate de plus "une tolérance accrue dans l’appréciation des absences non justifiées. Dans la pratique, le seuil des 4 demi-journées est devenu virtuel voire symbolique" et "suivant la taille, la situation géographique et les types d’établissements concernés, la mission a pu mesurer des seuils de tolérance variant de 4 à 14 demi-journées" d’absences injustifiées comme seuil d’alerte. Elle constate aussi la faible implication des maires qui disposent pourtant de la faculté, dans les villes de plus de 50 000 habitants, d’intervenir dans le champ de l’absentéisme scolaire : la mission avait constaté que "la transmission trimestrielle par le DASEN aux maires de la liste des absentéistes n’ (était) que rarement assurée et, dans le cas contraire, le retour des mairies (était) quasi nul."

A noter encore que ces préconisations avaient reçu de la part de tous les acteurs de l’éducation "un accueil favorable", les responsables territoriaux et locaux du système éducatif étant prêts à "se voir confier la responsabilité de la gestion administrative des sanctions liées à l’absentéisme scolaire" mais le choix de brandir comme une épée de Damoclès la suspension des allocations familiales leur avait semblé "obsolète".

Extrait de touteduc.fr du 18.04.21

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