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Journée OZP 2006. Atelier : "Pratiques de réseaux". L’exemple d’un réseau Internet local à Epinay-sur-Seine

17 juin 2006

Journée nationale OZP : 13 mai 2006

Atelier n°4

Les pratiques de réseaux

l’exemple d’un réseau Internet local

 

Intervenants : Jean-Claude Rolland,
Conseiller pédagogique de la circonscription d’Epinay-sur-Seine (93),
responsable des sites Epinay-sur-Web contact
et Eppée contact

Philippe Rocher ,
coordonnateur de REP contact

Animateur : Jean Rioult ,
IPR-IA honoraire (vie scolaire)

 

En introduction, l’animateur propose un bref rappel historique : « Dès 1981, lors de la création des ZEP, une idée forte s’était installée : travailler en équipe et travailler en réseaux pour bâtir les projets de la ZEP.
Cette idée me semble toujours présente et à deux niveaux :
 celui des réseaux internes : liaison école maternelle/école élémentaire, liaison école/collège,
 celui des réseaux externes, avec les parents, avec les associations, avec les élus...

Les deux collègues d’Epinay-sur-Seine qui vont intervenir ont deux points communs :
 ils développent des réseaux en utilisant systématiquement et massivement Internet
 ils déploient des efforts constants pour que les enseignants aient une démarche réflexive sur leurs pratiques, c’est-à-dire qu’ils soient leurs propres formateurs dans une appropriation collective de ces pratiques et de la réflexion sur ces pratiques. »

Intervention de Jean-Claude Rolland

Je suis conseiller pédagogique à Epinay-sur Seine. Philippe Rocher est coordonnateur du Réseau d’Education Prioritaire sur deux REP à Epinay-sur-Seine, le REP Jean Vigo qui est un des quartiers « Sarkozy » du 93, quartier sensible, et le REP du collège Robespierre. Il y a un troisième collège en REP.

Notre ville est constituée de vingt-huit écoles, quatre collèges dont trois en REP, un lycée professionnel, un lycée général. Trois écoles élémentaires et quatre écoles maternelles ne sont pas en ZEP..Nous avons donc sept écoles hors « éducation prioritaire », mais, à l’exception de trois, les équipes pédagogiques de ces écoles ont intégré le REP et sont particulièrement dynamiques, même sans cette fameuse prime ZEP !

Nous sommes depuis trois ou quatre ans dans une situation particulière : nous changeons d’inspecteur tous les ans, ce qui nous place dans une situation déstabilisante avec un pilotage un peu difficile.

Qu’est-ce qu’un réseau ?
C’est un ensemble de pôles reliés entre eux par des canaux. A Epinay, il comprend le site de la circonscription ; les sites d’écoles et le site Eppée.
Les différents pôles sont constitués également par : - les enseignants dans leur classe - les élèves - les parents - les agents territoriaux, qui jouent également un rôle important . On peut voir, par exemple, sur le site Eppée les forums qui existent entre les ATSEM. 

Les pôles peuvent être aussi de petites structures, une école maternelle ou quelques classes, mais on rencontre également des pôles plus complexes, les réseaux culturels des collèges, l’inspection de l’éducation nationale...

Les sites : Epinay-sur-Web (circonscription et écoles) et Eppée (échanges et pratiques)
Le premier, un site portail, a maintenant un an d’existence officielle mais a une histoire plus ancienne. Il met en réseau l’ensemble des écoles ZEP et hors ZEP d’Epinay-sur-Seine (93). Ces neuf sites d’école sont regroupés avec le site de l’inspection de l’Education Nationale d’Epinay-sur-Seine pour former le portail appelé Epinay-sur-Web, qui est hébergé sur les serveurs de l’académie ac-creteil.

Le second, le site Eppée, fonctionne depuis deux ans de manière évolutive et est complémentaire du réseau d’écoles. Eppée est le réseau « Echanges de Pratiques Pédagogiques des Ecoles d’Epinay-sur-Seine et d’ailleurs » (mais nous recevons également des messages d’ailleurs, par exemple du Canada)..

Le site de la circonscription
Il a été créé en décembre 2003. C’est un site classique de circonscription avec son axe vertical, descendant, hiérarchique, nécessaire pour affirmer la cohérence des actions comme le pilotage des projets nationaux ou académiques.
On y trouve des informations relativement simples : les circulaires, sans commentaires, une rubrique un peu particulière regroupant les informations de partenaires que nous envoie par exemple le conseil municipal pour enfants. Ce site a une fréquentation modeste (une centaine de visites par jour), quoique non négligeable. Mais il n’enregistre aucun message dans les forums alors qu’il y a possibilité pour les visiteurs de répondre à chacun des articles. . .

Les sites d’écoles
Ces sites d’écoles ont une dimension horizontale et verticale/ascendante. Il s’agit d’ailleurs de neuf sites de groupes scolaires, et non d’écoles. Les équipes enseignantes se sont partagé les rubriques du site, et ce sont elles qui en ont défini la hiérarchie.
Il s’agissait pour nous de privilégier le fond sur la forme. Il est hors de question que les enseignants, les parents qui voudraient mettre des articles sur le site soient freinés par des problèmes de compétence technique.

Pour les élèves, il s’agissait de mettre à leur disposition un lieu d’expression écrite, de leur fournir une dimension de l’écrit scolaire qui passe par autre chose que l’incitation du maître, de les mettre en position de produire un véritable écrit avec des informations à faire passer. Les élèves sont engagés dans un certain nombre de projets, et là les sites leur permettent de s’exprimer, de rédiger, de donner des avis.

Pour les parents, il nous paraissait que, faisant partie intégrante des équipes éducatives de nos écoles, ils devaient pouvoir s’informer, questionner, interroger les élèves et répondre sur des forums. Ainsi, sur certains sites d’écoles, on trouve des messages envoyés par les parents lors des classes de découverte (parfois même du type : Mon enfant a oublié ses chaussons. Pouvez-vous lui en acheter une paire ?), et cela sans qu’on ait eu besoin d’organiser quelque chose de particulièrement complexe.
Il y a au total 400 réponses de parents à des articles écrits par des élèves depuis un an, alors qu’il n’y en a aucune sur le site de la circonscription, et on compte 270 visites par jour sur le portail des neuf sites (hors circonscription).

Le site Eppée
Il a essentiellement une dimension horizontale : parents/parents, élèves/élèves, enseignants/enseignants et comptabilise environ 800 visites par jour. Comme sur le site des écoles, tout est possible pour le public et cette dimension du possible, qui est aussi un frein, va être pour nous un moteur.

Je suis le webmestre de ce site et Philippe un rédacteur régulier ; Mais je suis aussi conseiller pédagogique de circonscription et donc webmestre du site de la circonscription, et également le webmestre du site des écoles..
Je dois transmettre des informations totalement institutionnelles, descendantes sur le site de la circonscription. Parfois, des circulaires me posent question. Puis-je les critiquer ? Non, bien sûr, mais c’est aussi pour cela qu’a été créé le réseau d’échanges qui a d’abord été un site personnel et qui a ensuite évolué pour devenir un site contributif et coopératif.
Sur Eppée, tout est ouvert, on peut s’inscrire comme rédacteur et proposer un article. Par ailleurs, c’est vrai également pour les deux autres sites, on peut répondre à n’importe quel article. S’il y a plusieurs réponses, cela devient de fait un mini-forum.

On voit donc l’ensemble du réseau :
 le site de circonscription, vertical/descendant,
 le site des écoles, horizontal mais aussi vertical/ascendant puisque, comme dans tout système démocratique, les élèves ont la possibilité de questionner les enseignants,
 le site Eppée avec les trois dimensions, à la fois horizontale, descendante (on publie la circulaire de rentrée avec quelques commentaires, les programmes modifiés, le socle commun, etc. ) mais aussi ascendante, gage d’une vie démocratique.

Débat

Il a surtout été occupé par de nombreuses questions auxquelles ont répondu longuement les deux intervenants. Nous les avons regroupées par thèmes.

Des questions qui ne sont pas seulement techniques
Question : Le système est-il un système SPIP ?
J.-C. R. : Oui, tous les trois sites fonctionnent sous SPIP, comme d’ailleurs également le site de l’OZP..
Ce système SPIP permet aux contributeurs d’écrire des messages pour répondre à n’importe quel article (fonction forum) et de déposer (après s’être inscrit) des articles, des brèves.
L’important pour nous, c’était d’avoir cette liberté d’expression, cette liberté de ton, le droit à l’erreur. Quand c’est le webmestre qui présente un document émanant d’un conseiller pédagogique ou d’un enseignant, par exemple un cahier journal, une analyse de séance, celui-ci prend valeur de modèle.

Proposer un modèle me semble contradictoire avec cette recherche de professionnalisation des enseignants, cette recherche de l’excellence. Suivre un modèle, c’est se situer dans un métier où l’on suit des prescriptions. Je crois que vont émerger de plus en plus des sites qui vont affirmer le droit à l’erreur, qui vont permettre aux gens de réagir aux documents qui sont proposés parfois par un expert mais aussi par d’autres enseignants, et ainsi d’entrer dans une réflexion sur leurs pratiques.

Eppée présente aussi nos actions militantes, sans que celles-ci aient jamais un caractère politique ou syndical.

Q. : Votre réseau est-il complètement ouvert au public ou faut-il s’inscrire au préalable ?
J.-C. R. : Il est complètement ouvert au public, aux partenaires, directement pour répondre à un article, après inscription comme rédacteur pour proposer un article. Par exemple, après la fermeture du Centre Blumenthal, le CMP, les employés nous ont envoyé régulièrement des articles qui paraissaient dans la tribune libre. Il y a eu un débat très important sur les devoirs à la maison avec des réactions de parents.
Un autre exemple : j’ai mis en ligne la chorale de ma classe chantant le Chant des Partisans, ce qui a provoqué, parfois, des réactions violentes sur le thème : La classe est-elle bien le lieu pour ce chant ?

Q : Est-ce qu’Eppée est hébergé au même endroit que le site de circonscription ?
J.-C. R. : Bien sûr que non ! Le site de circonscription et le site des écoles sont tous les deux hébergés sur « ac-creteil » ; Eppée est hébergé dans une coopérative, ce qui me semble logique. Une coopérative qui s’appelle « ouvaton » et dont on a entendu parler il y a quelques années à propos de tags anti-publicité sur les abris bus. Cette coopérative a eu des ennuis avec la loi sur l’économie numérique.

Q. : Quand une personne a des problèmes avec sa machine, venez-vous l’aider ? Pour moi, je suis obligée de me dominer pour ne pas passer l’ordinateur par la fenêtre. Face à l’informatique et à ses problèmes techniques on est démuni, complètement.
J.-C. R. : Nous avons de plus en plus de matériel fiable et le système SPIP est un système très simple et qui donne satisfaction.

Q. : Toutes les écoles sont-elles équipées d’une salle informatique ?
P. R. : Tous les groupes scolaires sont équipés d’une salle informatique avec chacun une dizaine de machines.
Les écoles maternelles ont un poste pour les directeurs ou les directrices, mais, quand ils en ont besoin, ils doivent utiliser les salles en réseau, quand c’est possible. Il y a donc encore des progrès à faire !

Les contenus
Q. : Vous avez un contrat de réussite, est-il en ligne ? Sur quel site ? Pas un seul contrat parisien n’est en ligne.
J.-C. R. : Oui, il est en ligne, sur le site de la circonscription, ainsi que l’ensemble des fiches actions de la circonscription. C’est important pour les équipes, elles ont ainsi, grâce à cette information descendante, le sentiment de faire partie de ce réseau.

On peut aussi trouver des actions déclinées dans les sites des écoles, comme le défi mathématique sur le REP Robespierre. Le défi mathématique est une action qui va de la GS à la classe de 5ème et qui consiste à résoudre la même situation problème de la maternelle au collège. Sur cette action, nous nous avons utilisé les trois sites. Sur le site de la circonscription évidemment puisque le défi a été lancé par un REP. Sur le site des écoles, on trouve des travaux d’élèves et sur le site Eppée une analyse, une réflexion sur le défi mathématique en termes d’arguments, de démonstration et de réflexion d’enseignants. On trouve aussi d’autres actions sur les trois sites, le rallye lecture, les travaux en liaison avec les 6ème.

Avec les collèges, nous avons un questionnement particulier. Certains sites de collèges sont peu vivants, l’un d’entre eux n’est même plus alimenté. On va dans une prochaine réunion tenter de faire revivre ces sites et voir comment ils peuvent être associés à l’initiative « Epinay-sur-Web », ou à l’action « liaison CM2/6ème » pour que celle-ci devienne visible et vivante.
Cette action liaison CM2/6ème se retrouve certes par exemple à travers le défi mathématique et les activités communes mais il n’y a pas d’échanges véritables entre les écoles, entre les élèves et les professeurs de collèges, lesquels ne sont pas encore impliqués dans ce type de relations.

L’expression des élèves et leur usage de l’écrit :
J.-C. R. :La difficulté tient davantage à la censure ou plutôt à l’autocensure que les élèves exercent sur leurs forums (qui sont constitués, je le rappelle, par les réponses que chacun peut écrire au dessous d’un article).J.-C. R. : Ils questionnent les autres élèves sur ce qu’ils ont écrit, comparent.
Ce qui est alors essentiel, c’est que les élèves développent leur formation citoyenne autour d’une réflexion sur le statut de l’écrit : Qu’est-ce que c’est qu’écrire dans un forum ? Ecrire dans un forum, ce n’est pas écrire dans un MSN, ce n’est pas envoyer un Texto, il y a une persistance de l’écrit.

P. R. : Les écrits scolaires mis en ligne sont dans un premier temps destinés au maître, qui les évalue, mais, dans la mesure où ils ont mis en ligne, ils ont des destinataires multiples : les parents, d’autres élèves.
Ce qui est intéressant, c’est l’usage de l’écrit que font les élèves qui ont Internet chez eux. Ils associent assez vite l’écrit Internet à un type d’écrit du type MSN ou blog, avec une orthographe complètement « dingue ».
L’intérêt d’Internet à l’école, c’est de réintroduire un usage de l’écrit un peu plus normé qui répond aux attentes de l’école. Concilier Internet avec les écrits scolaires permet aux élèves de distinguer les différents types d’écrits.

Q. : Quand les enfants font des productions d’écrits, c’est souvent incompréhensible à cause de l’orthographe ou même de la syntaxe. Il faut les lire oralement. Est-ce que, dans les forums, vous corrigez l’orthographe ou la syntaxe ou les laissez tels quels ?
J.-C. R. : À partir du moment où ne sont pas utilisés les systèmes Texto ou SMS, on laisse tels quels les textes des élèves. En même temps, il y a toute une éducation à l’orthographe à faire, une réflexion sur le statut conventionnel de l’orthographe. Connaître le destinataire oblige les élèves à être vigilants sur ce point quand ils mettent en ligne leur propre texte ou quand ils participent aux forums.

Un participant approuve totalement la démarche : l’enfant apprend par imitation et progressivement. Au fur et à mesure que des réponses au texte proposé parviennent, il va faire de plus en plus attention.
J.-C. R. : Il a lui aussi des pratiques réflexives sur son propre écrit qui joue le rôle de miroir. De plus, l’élève a conscience d’appartenir à un réseau. Je reprends l’exemple du défi mathématique : l’élève de GS sait que, dans l’école élémentaire d’à côté ainsi qu’au collège, les élèves font la même chose. Il a lui-même conscience de son parcours scolaire, ce qui est important en ZEP plus qu’ailleurs. Pour un maître, se projeter, c’est mettre ses progressions en ligne sur le site de sa classe, dans son espace numérique de travail, de telle sorte que l’élève puisse lui aussi se projeter.
A quoi sert vraiment une progression si ce n’est qu’un bout de papier collé derrière une porte sans destinataire ? Si elle est affichée, elle est alors destinée aux élèves, cela me paraît essentiel.

Un(e) participant(e) : Certaines difficultés rencontrées avec les élèves de SEGPA, de la 6ème à la 3ème, ont provoqué des choses intéressantes pédagogiquement. L’élève se met à écrire parce qu’il a le droit de revenir sur son texte et de le modifier et cela entraîne un changement de regard des parents sur les gamins. On est alors mieux équipé pour se parler et à partir de là on peut agir sur la fracture numérique en proposant des pistes de travail avec les associations.
A Paris, dans le 17ème, on travaille avec beaucoup de monde, avec le centre social, avec l’espace public numérique, qui est un espace de première formation pour les habitants. Grâce au travail de « réseautage », on parvient à impliquer les associations pour qu’elles s’équipent, pour qu’elles créent des réseaux dans leurs locaux pour les parents, pour les enfants. Les enfants peuvent ainsi être accompagnés pour pouvoir accéder aux ressources qui ont été travaillées en classe et donc poursuivre le travail déjà engagé.

La communication avec les parents : une fracture numérique ?
J.-C.R. : Sur le site du réseau d’écoles, on trouve, à destination des parents, des comptes rendus de conseils d’école, la valorisation des projets d’école... L’idée est de renforcer l’axe école/famille qui constitue un axe de plusieurs REP. Il s’agit de passer de la simple valorisation des actions d’école à une co-éducation, qu’il y ait non seulement information mais également réactions des parents apportant quelque chose à ces actions.
On peut même envisager de mettre en ligne le projet d’école. Cette année tombe bien puisque c’est une année de rédaction des projets sur la circonscription. Le projet d’école est questionnant : est-ce un document administratif ou un document destiné d’abord et avant tout aux familles et aux élèves ?

Q. : Quand on fait des choses comme celles que vous faites, ne risque-t-on pas de renforcer la fracture numérique ? Pas seulement sur le plan financier, mais aussi par la façon dont les familles vont utiliser l’ordinateur. La manière dont un parent sûr de son orthographe va pouvoir s’exposer, prendre la liberté offerte par l’outil proposé, alors qu’à l’inverse un parent qui écrit mal va avoir honte ou ne va pas écrire du tout parce qu’il se sent en difficulté par rapport à l’outil proposé. Comment dans ce problème complexe prendre en compte cette fracture numérique ?
Q. : Dans les ZEP, je suis à la Goutte d’Or, j’ai énormément de parents qui ne parlent pas le français. Comment faites-vous avec eux ?

Suit un échange touffu entre les participants sur l’importance de l’outil, sur la nécessité d’associer les parents, sur la possibilité de combler par l’outil les écarts entre les familles. L’outil apparaît à certains comme vraiment complémentaire des moyens d’apprentissage.

J.-C. R. : Un des critères de bon fonctionnement, c’est à nos yeux le fait que des enfants, par l’utilisation quotidienne de l’outil dans un réseau, sont un relais auprès des familles, y compris des enfants qui sont en difficulté. Je pense aux poèmes mis en ligne par une CLIS de l’école Victor Hugo et aux réactions des élèves de l’IME. Je crois que nous avons là le nœud du réseau qui est l’élève, lui-même dans sa famille.

Il faut reconnaître que ce n’est pas un outil largement utilisé par les familles, même par celles qui sont intéressées. Par ailleurs, tous les enfants ne sont pas favorables à ce que leurs parents interviennent : « Pourquoi t’interviens sur le site de mon école, c’est la honte ! », même si le parent sait parfaitement écrire.
Mais, malgré ces obstacles, je me demande si la fracture numérique pose tant de problèmes qu’on le dit, et même si elle existe. C’est d’abord une barrière linguistique.
Je constate en tout cas que le niveau d’équipement des familles en informatique en ZEP progresse très rapidement. Les achats augmentent beaucoup en raison de la baisse du prix des ordinateurs et des nombreuses promotions.

Il faut d’abord gagner la confiance des parents, c’est important. «  Comment j’écris mon message ? » Il ne faut pas hésiter à travailler avec eux les textes qu’ils veulent mettre en ligne sur les sites des écoles. N’oublions pas la dimension alphabétisation des familles dans nos quartiers. C’est un autre réseau sur lequel nous devrions travailler.

Notons cependant que, dans les collèges, si les élèves sont accompagnés dans leur formation, il y a par contre peu de relations avec les familles ; les blocages demeurent.

La participation des associations locales de parents
Q. : Je souhaiterais que l’on parle de la participation des associations locales en ZEP.
J.-C. R. : Sur le site des écoles, nous avons des brèves et des contributions venant de parents d’élèves. On peut lire également deux articles complets (et non pas des brèves ou des réponses à des forums), écrits par des parents appartenant à des associations liées à deux écoles.

Je pense qu’il va nous falloir développer cette dimension associations de parents, à la fois sur le site des école et sur Eppée, de telle sorte que les parents aient en ligne non seulement les comptes rendus des conseils d’écoles ou les invitations mais aussi des rubriques thématiques sur la façon dont ils peuvent aider leurs enfants à faire leurs devoirs ou des informations sur des questions sanitaires et sociales.

P. R. : C’est un axe fort pour les années qui viennent. D’ailleurs, nous sommes en ce moment, avant la fin de l’année scolaire, en train de lancer une enquête auprès des parents sur leur utilisation des sites des groupes scolaires. L’enquête va permettre de savoir combien de familles possèdent un ordinateur à la maison, combien sont connectées à Internet et quelles connaissances précises elles ont des sites d’écoles et ce qu’elles aimeraient y trouver (des informations sur l’école, des comptes rendus, des dossiers thématiques, un agenda, des informations des associations de parents d’élèves, des travaux d’élèves...).
On va centraliser ces informations et essayer de répondre aux résultats de cette enquête pour que les familles soient complètement informées, associées à cette enquête et puissent interagir réellement. Cela se pratique déjà au moment des classes de découverte puisqu’au quotidien il y a un suivi, un bilan des journées dont les familles peuvent prendre connaissance en se connectant sur les sites pour savoir comment vont les enfants, ce qu’ils ont fait.

Si donc on ajoute à ce travail avec les associations l’augmentation du taux d’équipement des familles (d’après l’enquête de territoire, il est passé de 10% en 2003 à 50% en 2006), on comprend pourquoi la fracture numérique n’est pas vraiment notre problème.

Le développement des liens dans le réseau et avec l’extérieur
Q. : En quoi ce que vous faites ajoute du lien dans le réseau ? Qu’apporte en plus votre ouverture, notamment vers les mouvements pédagogiques ? Quel est votre premier bilan ?
J.-C. R. : Le fait que les sites d’école soient visibles par les différentes équipes permet aux enseignants de faire des constats : « Tiens, toi aussi tu fais le rallye lecture ! Toi aussi tu travailles en partenariat avec le théâtre ! Et si nos élèves communiquaient et si on échangeait et si on pouvait également travailler ensemble et si on pouvait réfléchir ensemble ! »
C’est ce genre de réflexions avec leur visibilité qui est le plus encourageant, le fait que les enseignants connaissent le système qui va les faire entrer en réseau et qu’ils vont de plus en plus travailler ensemble. Je crois que cette mise en réseau par Internet permet alors aux enseignants, par exemple, de prendre leur téléphone pour dire : « ton projet m’intéresse ».

P. R. : L’an prochain, sur le REP Robespierre, on va mettre en place un groupe permanent de référents-école, un par école maternelle et élémentaire, qui sera chargé d’évaluer l’utilisation des sites d’écoles et de voir s’il n’y a pas moyen d’en améliorer le fonctionnement. Ce groupe se réunira une fois par mois et constituera le comité de rédaction du journal télématique du REP ; la version papier ne disparaîtra pas pour autant, tout le monde n’a pas Internet.

D’autre part, un quatre pages papier sur le REP, à destination des familles, est toujours utile ; du reste certains articles peuvent figurer sur l’un et l’autre support. Par la suite, je compte étendre ce même travail à l’ensemble des REP de la ville. Ce serait bien qu’il y ait un référent sites (ou référent-réseau), de la même façon qu’il existe un référent pour le conseil municipal d’enfants ou un délégué EPS. Au REP Robespierre, le référent site pourra travailler avec le CDI, avec les professeurs de collège. Ils feront vivre réellement le réseau.

Q. : Quelles relations avez-vous avec les élus ?
J.-C. R. : Avec les élus mais aussi avec les partenaires de l’éducation nationale, par exemple, la direction des affaires culturelles. Les idées que nous vous avons exposées sont nées avec la convention de la mairie avec l’inspection académique, convention relative à l’informatisation des écoles. « Qu’est-ce qu’on va faire des machines dans les classes ? » On a proposé de s’ouvrir sur les possibles, ce qui me paraissait essentiel. L’appui de la mairie a été acquis dès qu’on a décidé d’installer SPIP sur l’ensemble des machines pour développer le réseau entre les écoles et la ville.

Le positionnement du webmestre sur les trois sites et la fonction de modérateur
Q. : Je voudrais savoir comment vous vivez votre fonction de modérateur.
J.-C. R. : Cette fonction de modérateur de forum ne me pose pas de problème à partir du moment où il y a des lois. En revanche, je suis conseiller pédagogique de circonscription, ce qui veut dire que je suis le bras droit et reconnu comme tel de l’inspecteur. C’est une drôle de fonction où je suis au plus près des équipes et des jeunes débutants qui sont nombreux dans les ZEP et, dans le même temps, je suis au plus près du « grand patron ». Qui on est ? L’œil de Moscou ? Le Darvador ? C’est un positionnement à adapter au quotidien.

Pour moi, il s’agit de tutoyer les équipes, d’être très proche d’elles, de les accompagner dans leurs projets, de ne pas hésiter à prendre la classe avec l’enseignant s’il y a un moment délicat où il n’arrive pas à articuler telle ou telle séance.

Mais c’est vrai aussi qu’être webmestre des trois sites pose des problèmes. Par exemple arrive un jour sur un des forums de l’inspection de l’Education nationale d’Epinay le message suivant : « Non ! Je ne veux pas mettre en place les PPRE parce que, pour moi, c’est ficher les élèves, qu’est-ce qu’on va faire des dossiers des élèves, qui va les suivre, jusqu’à quand ? J’aimerais le savoir ». Voilà une question plus qu’intéressante. Moi, en tant que modérateur du forum et que conseiller pédagogique de circonscription, que vais-je faire ? Le soir, j’ai envoyé un courrier électronique à l’enseignant en lui disant de mettre son message sur Eppée. Ensuite on a discuté sur Eppée et non sur le site de la circonscription où était parue la circulaire à laquelle l’enseignant répondait.

Q. : Est-ce qu’il est arrivé qu’un personnel d’autorité intervienne sur Eppée, un inspecteur ou un inspecteur d’académie ou un recteur ?
J.-C.R. : Le turn-over des inspecteurs et la stabilité de l’équipe de circonscription sont une donnée. L’équipe des conseillers n’a pas changé depuis quatre ans. Nous sommes les mêmes, Philippe est arrivé cette année. Nous sommes proches des préoccupations pédagogiques des collègues, avec des questions sur Eppée du genre : «  Moi, j’ai du mal à organiser les cahiers et les classeurs de mes élèves ». Je réponds en disant ce que je faisais en tant que maître dans ma classe et je demande qu’on me dise ce qu’on en pense. « Descendez-moi, critiquez-moi, c’est fait pour cela ! » A ce moment-là, la relation change.

Sur Eppée, les problèmes de positionnement existent même s’ils se sont peu à peu éclaircis. Le jour où un IEN viendra me dire «  Jean-Claude, tes prises de position sur Eppée ne vont plus », il y aura un problème car je vis au quotidien avec lui ! Je pourrais très bien lui répondre : « Sur Eppée, je fais ce que je veux », mais alors la vie au quotidien risque d’être difficile. J’irais plutôt me réfugier dans les écoles avec l’idée de faire du réseau d’échanges pédagogiques une association.
Pour l’instant, c’est un groupe de collègues complètement ouverts, avec des rédacteurs un peu experts. Mais ouvrir au maximum et en faire une association reste possible.

Eppée est un site militant, pourquoi le cacher ? Une association permettrait de capitaliser les expériences, les résultats. Sans trop caricaturer, j’ai pour l’instant plus entendu le « je » du pauvre animateur que le « nous » des membres du réseau qui s’inscrirait dans une dynamique d’échanges, qui capitaliserait ces échanges.

Les enseignants et la culture TICE : les blocages
J.-C.R. : La difficulté pour les enseignants, c’est leur absence de culture TICE et leur méconnaissance des possibilités offertes par ces TICE. « Qu’est-ce qu’on peut faire en interaction ? Comment créer des liens hypertextes ».
Il y a en même temps chez eux (c’est surtout ce qui est arrivé au début) la crainte que s’établissent des comparaisons entre écoles. Il m’a paru essentiel donc de créer non pas des sites d’écoles mais des sites de groupes scolaires pour qu’il y ait d’abord un consensus dans ce mini réseau qu’est le groupe scolaire et qu’on évite des conflits de proximité.

Toujours au sujet du fonctionnement des sites, les relations au sein de l’équipe pédagogique sont un élément important dans la recherche de l’excellence pédagogique et pour la professionnalisation des enseignants.
Etre enseignant en ZEP n’est pas facile tous les jours. Philippe a été « brigade de formation continue » (pour le remplacement des stagiaires) et j’ai été enseignant très longtemps dans les ZEP. On est tout seul d&an sune classe et il est important de rompre cet isolement, d’avoir des projets communs au sein de l’équipe, et, dans l’idéal, au sein des cycles, même si ceux-ci ont été peu mis en place à l’école.

A ce propos, des problèmes nouveaux apparaissent, comme les redoublements d’élèves à chaque étape du cycle (ce n’est donc plus un cycle). Je mets donc la circulaire sur les redoublements sur le site de la circonscription, et je précise que les maîtres du conseil de cycle peuvent faire redoubler chaque année du cycle, ce qui change un peu les données admises jusqu’à maintenant. Mais que puis-je dire de la circulaire ? C’est sur Eppée que je lance le débat.

Q. : Les difficultés des familles à entrer dans l’univers de la communication s’imposent aux familles mais aussi aux collègues. Comment font-ils pour intégrer ces pratiques ?
P. R. : Je vais apporter un premier élément de réponse. Sur Eppée, la dimension de l’échange et de la prise en main par un grand nombre d’enseignants ne s’est pas encore faite. C’est un site militant sans être le site d’un mouvement pédagogique quelconque.
A l’origine, c’est un site personnel avec des réflexions pédagogiques autour de pratiques quotidiennes. Comment se faire connaître ? On commence à l’être, la preuve c’est qu’on est là ! On est maintenant référencé sur un certain nombre de sites, mais comment élargir notre audience et surtout le nombre de contributeurs ? Où se situent les obstacles ?

Localement (puisque Epinay-sur-Web a d’abord été un site local), les enseignants ne proposent pratiquement pas d’articles, ils s’impliquent plus volontiers sur les forums et les brèves. Cette faiblesse des contributions s’explique peut-être par le fait que Jean-Claude, conseiller de circonscription, est perçu comme un expert, le « pédago » de service. Pour ma part, comme les gens connaissent un peu mon parcours universitaire, ils me perçoivent aussi comme celui qui écrit.
Les collègues mettent en œuvre beaucoup de choses intéressantes, mais de là à aller raconter ce qu’ils font ! Ils n’osent pas. Ainsi des directrices n’ont pas osé raconter leurs expériences parce qu’elles avaient un blocage par rapport à l’écrit et pas seulement par rapport à Internet, aussi paradoxal que cela puisse paraître venant d’enseignants.

L’idéal serait que ce site ait une audience plus large, au niveau national ou plus, et que les enseignants qui le connaissent se disent : « C’est un site où on peut intervenir puisqu’il n’appartient pas à une chapelle pédagogique ». La formation des enseignants devrait les préparer à raconter ce qu’ils font et à prendre de la distance par rapport à leurs pratiques.

En ce sens, le site des écoles pourrait être une étape importante puisque les enseignants ont l possibilité, avec SPIP, de mettre directement en ligne des textes ou des fichiers sons ou images. On pourrait même créer une radio. Ce serait une étape intéressante car, quand un enseignant prend la peine d’utiliser Internet et le site de son école pour valoriser les productions de ses élèves, c’est déjà un premier pas vers une réflexion pédagogique collective et une marque de recul, du recul nécessaire pour pouvoir parler ensemble du même contenu.

Du temps pour l’accompagnement
J.-C. R. : On nous a demandé clairement de fonctionner en réseau, mais on ne nous a pas donné le temps institutionnel nécessaire, y compris dans la formation continue des enseignants. Comment, quand on est formateur d’enseignants, mettre en place des groupes d’échange et d’analyse de situations éducatives dans une circonscription ? Comment faire venir les enseignants pour simplement exposer une situation éducative et pouvoir en parler ensemble ? Comment disposer du temps nécessaire ?
Si on veut que les enseignants soient de vrais professionnels, qu’ils aient une réflexion sur leurs actions, qu’ils aient une part d’autonomie, une liberté d’opinion, de ton et d’action, il faut qu’ils aient du temps institutionnel. Pour l’instant, Eppée permet de façon concrète de pallier ce manque de temps institutionnel.

De la même façon, accompagner une équipe, accompagner un rédacteur potentiel d’Eppée, ne peut se faire que le soir, par courrier électronique. Comment accompagner tel collègue qui a réalisé un travail magnifique exposé dans les sites d’écoles, par exemple la rencontre avec un déporté survivant ? Quelle démarche a-t-il adoptée ? Comment a-t-il établi ses contacts ? Quelles difficultés a-t-il rencontrées ? Comment a-t-il abordé des détails délicats et sensibles avec ses élèves ? Toutes ces questions intéressantes, à quel moment peut-on les lui poser ? Comment l’amener à franchir cette barrière de l’écrit et à réfléchir sur sa pratique de l’écrit ? C’est mon rôle de conseiller pédagogique mais c’est aussi mon rôle de rédacteur militant. Les deux fonctions se rejoignent alors complètement pour aller vers cette professionnalisation.

Q. : Les réunions une fois par mois relatives au futur réseau de référents [voir ci-dessous] se tiennent-elle sur le temps institutionnel ou en « off » ?
P. R. : C’est du « off ». Les gens vraiment intéressés par le réseau fonctionnent en « off ».

Compte rendu rédigé par Jean Rioult

Ci-dessous une version PDF à la mise en page plus élaborée.

Note de l’OZP : Cet atelier, comme les autres de la Journée, prévoyait seulement un court exposé préalable des intervenants.
On trouvera sur le site Eppée un texte de présentation du réseau beaucoup plus complet, le texte que les intervenants auraient aimé développer oralement s’ils avaient disposé de davantage de temps.

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