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Une étude australienne met en garde contre les évaluations récurrentes des premiers apprentissages (The Conversation, traduit de l’anglais par ToutEduc)

26 novembre 2021

Evaluations récurrentes, focalisation sur les données.. Peut-on être un raté à 6 ans ? (The conversation)
“Peut-on être un raté à 6 ans ?“ une interrogation choc soumise par Martina Tassone, maîtresse de conférence à l’université de Melbourne dans un article diffusé sur le site de nos confrères de The Conversation mardi 23 novembre.

Une analyse de travaux de recherche de 2015 portait sur les meilleures pratiques des professeurs durant les premières années d’apprentissage de l’enfant. Elle a identifié des facteurs clés pour leur réussite, comme une transition douce entre l’éducation “pré-scolaire“ et l’école obligatoire, un apprentissage basé sur le jeu, l’importance de considérer les enfants comme capables et dotés d’une capacité d’agir dans leurs apprentissages, ou encore celle de “concevoir des interactions en forme de dialogues impliquant des discussions riches pour les enfants entre eux et pour les enfants avec les professeurs".

En Australie cependant, l’éducation pendant les premières années est divisée. Elle s’opère en deux temps, une période pré-obligatoire, souvent nommée l’éducation à la petite enfance, et les trois premières années d’école obligatoire. Récemment, une grande importance a été accordée aux évaluations qui produisent des données chiffrées. Les enseignants des trois premières années d’enseignement obligatoire doivent apporter la démonstration que les enfants atteignent les niveaux requis. A l’inverse, pendant les années pré-élémentaires l’attention est portée sur l’observation et les interactions avec l’enfant, les pratiques sont basées sur le sentiment que tous les enfants ont la capacité d’agir et d’apprendre. Un gouffre s’est ainsi creusé entre ces deux visions distinctes de l’éducation. Les enfants passent d’une période ludique à celle de l’évaluation en un clin d’oeil, “changement brutal“ dans l’éducation des jeunes enfants que la chercheuse considère comme problématique.

Résultat, un fossé entre éducation non-obligatoire et obligatoire dans l’Etat de Victoria. Les enseignants doivent faire attention aux besoins des enfants de la naissance à ses huit ans, mais pour les 5-12 ans le programme d’études officiel veut que les enseignants évaluent et notent suivant des niveaux requis. Dès lors, “la focalisation sur une évaluation formelle (...) signifie que les enfants peuvent être caractérisés comme en échec“, explique Martina Tassone.

Alors que dans des pays identifiés comme très performants comme la Finlande ou Singapour, les enfants ne commencent pas l’école proprement dite avant l’âge de six ou sept ans, à l’inverse, une étude décrit les “premières années“ dans des pays comme l’Angleterre, les USA ou l’Australie comme “étant à la merci des politiques de développement descendantes, conduisant à des premières années marquées par un climat à la fois normatif et les mécanismes de l’évaluation“. Des chercheurs anglais ont identifié ce qu’ils appellent la “datafication“ des premières années d’éducation et ses impacts sur les enfants et les enseignants. Les chercheurs australiens ont même utilisé le terme “adultification“ pour décrire les attentes irréalistes placées sur les jeunes enfants.

La chercheuse s’est rapprochée de plus de 100 professeurs des écoles pour explorer leurs méthodes d’alphabétisation et leurs pratiques d’évaluation. De façon récurrente est revenue l’idée qu’on attendait de ces enseignants qu’ils évaluent régulièrement les jeunes enfants avec des méthodes formelles produisant des données numériques. Elle constate de la frustration, l’un d’entre eux décrivant ces premières années comme une “mort par évaluation“. “Ils avaient, poursuit-elle ce sentiment accablant qu’on leur demandait d’utiliser une série d’outils d’évaluation conçus commercialement.

Elle détaille le travail d’apprentissage “premières années“ de l’Etat de Victoria (VEYLDF), un cadre conçu pour amener les enseignants débutants à travailler avec les enfants et les familles qui se base sur la recherche actuelle autour des meilleurs pratiques. Son principe est que les enfants ont les plus grandes opportunités pour développer les chemins neuronaux pour apprendre mais sont aussi plus vulnérables face aux expériences négatives de la naissance à leurs huit ans. Le département d’éducation de Victoria encourage les enseignants à utiliser ce cadre de travail, mais “on sait peu de choses sur combien d’entre eux utilisent ce cadre pour mettre en place l’enseignement et les apprentissages".

Aussi, le rendre officiel pour atteindre les niveaux requis dès le moment où les enfants débutent les évaluations scolaires “définit des limites sur la façon dont beaucoup d’enseignants travaillent“, explique la chercheuse car “il est difficile d’avoir un pied dans chaque camp, quand utiliser ces standards est obligatoire, et quand tu as le devoir de préparer les enfants à ce qui suivra –et qui inclut NAPLAN, le programme d’évaluation national".

Malgré tout, certaines écoles se détournent des perpétuelles mesures des objectifs à atteindre pour les jeunes enfants, comme St John, une école élémentaire multiculturelle du centre-ouest de Melbourne, et qui s’inspire de l’apprentissage et l’enseignement d’écoles de la région d’Emilie-Romagne en Italie. Pour son ancienne directrice, les enfants ne viennent pas à l’école pour être “corrigés“, et les professeurs les intéressent en leur proposant des expériences d’apprentissage contextualisées et pleines d’intérêt. “Et oui, à travers leur focalisation sur la richesse des apprentissages ils ont de très bons résultats, sans tests à répétition.“

“Il est temps, conclut Martina Tassone, de revisiter les premières années d’apprentissage pour s’assurer que les professeurs ont les compétences et la compréhension nécessaires pour soutenir les apprenants dans cette phase. Ces années devraient être une période où les enfants sont impliqués et enthousiastes à l’idée d’apprendre, une période de grande joie, et surtout une période où les enfants sont autorisés à être des enfants.“

L’article (en anglais) ici

Extrait de touteduc.fr du 25.11.21

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