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"La carte scolaire, une hypocrisie", par Fadela Amara, présidente du mouvement "Ni putes ni soumises", qui prône le busing

8 septembre 2006

Extrait de « Libération » du 07.09.06 : La carte scolaire, une hypocrisie

La mobilité des enfants des cités vers les écoles du centre-ville est essentielle pour briser les ghettos urbains et assurer l’égalité républicaine

Souvent abordée, rarement traitée sur le fond, voici que surgit en pleine rentrée scolaire (et politique) la question de la carte scolaire. Se voulant l’un et l’autre sur le terrain du pragmatisme, bousculant leur propre camp, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ne se sont pas privés de rentrer frontalement dans le sujet ces derniers jours. L’un voulant une suppression pure et simple de la carte, l’autre préconisant son aménagement ou son assouplissement.

En ce sens, le débat est salvateur, tant la question de la carte scolaire est tout aussi primordiale que teintée, dans son traitement politique, de la plus grande mauvaise foi au nom du dogme et de l’égalité républicaine, battue en brèche par l’inégalité sociale.

A sa création, en 1963, lors de l’instauration des collèges d’enseignement supérieur (CES) [sic], la carte scolaire partait d’un bon sentiment. Il s’agissait de rapprocher les élèves de leur domicile et de lutter contre un enseignement à deux vitesses, avec d’un côté les bahuts pour riches, et de l’autre ceux pour pauvres, et, en conséquence, créer les conditions d’une véritable mixité sociale. Mais cela, c’était en 1963 !

Aujourd’hui, force est de constater que la réalité est inverse. Avec l’échec de la mixité sociale, pour laquelle aucune politique volontariste n’a été engagée, la carte scolaire est devenue l’une des plus grandes hypocrisies de notre système éducatif. En effet, comme le dénonce « Ni putes ni soumises » depuis 2003, elle est un facteur de relégation lorsque l’on habite une cité ghetto où se concentrent la plupart des difficultés sociales et éducatives. Or « cité ghetto » signifie aussi « école ghetto ». Dans les grandes périphéries, cette carte est souvent contournée par ceux-là même qui la défendent, qui ont les moyens ou des relations et qui déploient des stratégies pour inscrire leurs enfants dans les établissements plus réputés. Certains parlent d’un taux d’évitement de la carte scolaire de plus de 35 % pour les collèges.

Libération, dans son édition d’hier, relate comment les parents d’élèves cherchent, via les forums de discussion, à mutualiser leurs expériences pour inscrire leurs enfants dans un établissement autre que celui auquel ils sont affectés : tricher sur l’adresse, faire de fausses promesses d’embauche, sans compter le sacro-saint piston.
Il ne s’agit pas là de blâmer ces parents, car il est, soyons francs, bien normal de vouloir soustraire son enfant à un environnement difficile, voire violent et susceptible de handicaper son épanouissement et son cursus scolaire.

Oui, l’hypocrisie suffit ! Dans les grandes villes, la carte actuelle est génératrice d’inégalités. Pour autant, sa suppression pure et simple n’entraînerait qu’une libéralisation sauvage du système, avec pour conséquence un enseignement à deux vitesses. Son maintien en l’état actuel ne fait que promouvoir la ghettoïsation. Oui ! Une refonte de la carte est nécessaire ! Mais celle-ci ne peut se faire que dans le cadre d’une redéfinition globale de notre politique d’urbanisation, par le respect et le renforcement notamment de la loi SRU, qui oblige les collectivités territoriales à la construction de logements sociaux.

L’école n’est pas un sanctuaire. Elle vit au rythme des villes et de leurs habitants. C’est dans le cadre d’une politique de la ville qui prendrait en compte l’humain et le bâti que cette réforme doit être menée. Nous devons, à l’image du busing aux Etats-Unis, créer les conditions d’une véritable mobilité de nos enfants, de leur domicile vers les écoles du centre-ville. C’est là le seul moyen pour les filles et les garçons d’échapper à l’enfermement de la cité et d’acquérir les bases de leur émancipation.

Ce débat est révélateur de la difficulté qu’ont les Français à vivre ensemble quelles que soient leurs origines sociales.

L’égalité républicaine n’est pas un slogan, une marque que l’on brandit sur les estrades des campagnes électorales. Elle obéit à la nécessité de promouvoir une politique volontariste débarrassée de tous les dogmes et clichés, qui met au coeur le citoyen et qui protège le plus faible.

Avis aux intéressés ! Nos enfants valent bien mieux que des postures préélectorales et pseudorépublicaines, auxquelles on tourne le dos une fois élu !

Fadela Amara, présidente du mouvement Ni putes ni soumises

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Carte scolaire : de quoi s’agit-il ?

Extrait de « Ouest-France » du 07.09.06 : Pourquoi tant de haine contre la carte scolaire...

Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal veulent la supprimer. Les Français ont pris l’habitude de la critiquer et de la contourner. Explications.

• Qu’est-ce que la carte scolaire ?

Créée en 1963, elle définit un « secteur » géographique autour de chaque établissement public. Théoriquement, les parents qui habitent ce secteur sont obligés d’y scolariser leurs enfants.

• Qui décide ?

Les mairies pilotent la carte scolaire des écoles, mais elles ne sont pas obligées d’en créer une. Pour les lycées, le dossier est géré par les inspections académiques. C’est plus compliqué pour les collèges : depuis janvier 2005, les conseils généraux tracent la carte, mais ce sont les inspections académiques qui accordent les dérogations.

• Elle sert à quoi ?

La carte scolaire simplifie la gestion des effectifs. Surtout, elle vise à garantir la mixité sociale. C’est-à-dire à empêcher que se créent des « écoles de riches » et des « écoles de pauvres », en forçant les habitants d’un même territoire à se mélanger.

• L’objectif est-il atteint ?

De moins en moins. À tel point que des chercheurs ont prouvé, l’an passé, que 10 % des collèges français accueillaient 40 % des élèves issus de l’immigration. Leur livre, L’Apartheid scolaire, a fait grand bruit. L’an passé encore, une étude retentissante de l’Insee a montré que l’écart de niveau entre les élèves des Zep (zones d’éducation prioritaire) et ceux des beaux quartiers ne se comblaient pas, malgré les moyens engagés. Principal motif invoqué : la disparition de la mixité sociale ! Les classes moyennes fuient les Zep de banlieue. Paradoxalement, la « carte » aboutit parfois à créer des ghettos scolaires.

• Comment les parents contournent-ils la carte scolaire ?

Principalement en allant vers l’enseignement privé. Ensuite, en obtenant des dérogations pour des motifs tout à fait sérieux : raison de santé, rapprochement de frères et soeurs scolarisés dans des écoles différentes, proximité du lieu de travail des parents... Plus inquiétant, depuis quelques années, la triche à la carte scolaire est devenue un sport national.

Moyen courant : demander une option très rare, pour changer d’établissement. En témoigne le succès récent de l’enseignement du chinois. Autre méthode : présenter un justificatif d’adresse bidon... L’an passé, à Paris, 40 % des élèves de 6e se sont inscrits ailleurs que dans leur collège de rattachement. Contre 29 %, cinq ans plus tôt.

• Qu’en dit-on, dans l’Éducation nationale ?

D’une main, les syndicats d’enseignants défendent mordicus la carte scolaire. De l’autre, les professeurs sont les premiers à la contourner. À Paris, 30 % des élèves inscrits hors secteurs sont des enfants d’enseignants. Les lycées prestigieux ouvrent une voie royale vers les meilleures écoles. Les parents le savent. En dépit de quelques expériences récentes de discrimination positive pour placer des élèves de Zep dans les établissements cotés, le système reste élitiste. Le sera-t-il davantage si on supprime la carte scolaire ? C’est tout le débat.

François Chrétien

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Extrait du site « VousNousIls », le 08.09.06 : Le débat sur la carte scolaire continue d’agiter la classe politique

Le débat sur la carte scolaire, lancé par Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, ne cesse de rebondir dans la classe politique, Dominique de Villepin s’affichant jeudi pour son maintien mais son "assouplissement.
"Nous avons collectivement intérêt à garder la carte scolaire", a déclaré le Premier ministre. La "supprimer, c’est se retrouver sans règles, sans repères", a-t-il affirmé.

M. de Villepin a néanmoins envisagé de "l’assouplir de façon à corriger certaines insuffisances du système".
La question de la carte scolaire - qui détermine dans quel établissement écoliers ou collègiens doivent s’inscrire - avait été soulevée par Nicolas Sarkozy le 22 février dernier, lors d’une convention de l’UMP sur l’éducation.
"Je veux que les parents aient le libre choix de l’école pour leurs enfants", avait déclaré le président de l’UMP, en estimant que la carte scolaire constituait "un privilège pour les uns, une fatalité pour les autres".
Dimanche, à Florac (Lozère), Ségolène Royal a estimé devant des journalistes que la suppression de la carte scolaire "serait l’idéal", suggérant à tout le moins d’en "desserrer la contrainte" en laissant "le choix entre deux ou trois établissements".

Cette position, qui tranche avec le programme de son parti pour 2007, a provoqué un tollé chez les socialistes. Le texte du PS parle de la carte scolaire en ces termes : "Nous veillerons à ce que la carte scolaire permette la mixité sociale".

L’ancien Premier ministre Lionel Jospin s’était lundi déclaré "surpris" par les propos de Mme Royal.
François Hollande a de son côté rappelé que "dans le projet socialiste, il n’est pas question et il ne peut être question de supprimer la carte scolaire".
Le premier secrétaire avait toutefois reconnu qu’il y avait "un problème de contournement, que personne ne peut nier, de mouvement vers l’école privée".

"Qu’on dise, au lieu de casser les ghettos, qu’il faut casser la carte scolaire (...), que l’on supprime finalement la fonction d’égalité de l’éducation nationale, je suis contre", a également réagi Laurent Fabius, candidat à la candidature pour 2007, comme Mme Royal.
Même fermeté chez Dominique Strauss-Kahn, autre candidat. "Il faut faire respecter la carte scolaire. Son assouplissement conduirait à une forme de ségrégation sociale", a-t-il fait valoir.

Devant cette salve de critiques, l’un des porte-parole de Ségolène Royal, le député européen Gilles Savary, a tenu à nuancer les propos de la favorite des sondages pour l’investiture socialiste : "Jamais Ségolène Royal n’a souhaité (la) suppression" de la carte scolaire mais "l’adapter aux défis de notre époque".

Il est rejoint sur ce point par François Bayrou, président de l’UDF. L’ancien ministre de l’Education nationale s’est déclaré jeudi opposé à la suppression de la carte mais "complètement d’accord" avec l’idée d’instaurer "des marges de souplesse" dans la sectorisation scolaire.
L’actuel ministre de l’Education nationale, Gilles de Robien, a lui aussi estimé que la carte scolaire avait "un petit côté privatif de liberté, qu’il faut, le cas échéant, assouplir".

Le Parti radical, associé à l’UMP, souhaite "un aménagement profond de la carte scolaire" mais ne souhaite toutefois pas aller "jusqu’à une suppression totale de ce dispositif qui conduirait alors à la création d’une éducation à deux vitesses".

En revanche, le Centre national des indépendants et paysans (CNI), également associé à l’UMP, demande "la suppression" pure et simple de la carte scolaire.

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Extrait du site « VousNousIls », le 08.09.06 : Villepin veut "garder" la carte scolaire mais l’"assouplir"

Le Premier ministre Dominique de Villepin a estimé jeudi qu’il fallait "garder la carte scolaire" tout en prenant des mesures pour l’"assouplir", dans l’émission "Questions d’infos" de LCP-AN/France Info/Le Monde.
"Nous avons collectivement intérêt à garder la carte scolaire", a-t-il déclaré, en précisant : "supprimer la carte scolaire, c’est se retrouver sans règles, sans repères".
Il a néanmoins envisagé de "l’assouplir de façon à corriger certaines insuffisances du système".
"La carte scolaire correspond à un objectif tout à fait nécessaire de mixité sociale, il faut prendre en compte les insuffisances", a-t-il expliqué, en citant le renforcement des moyens pour les établissements les plus difficiles, le développement du tutorat ou la possibilité de dérogation offerte aux meilleurs élèves de ZEP pour s’inscrire au lycée.

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Extrait du site « VousNousIls », le 08.09.06 : Le Parti radical pour un "aménagement profond" de la carte scolaire

Le Parti radical, associé à l’UMP, "réfléchit à un aménagement profond de la carte scolaire" afin "d’assumer l’égalité des chances de chaque élève", indique-t-il jeudi dans un communiqué.
Le parti co-présidé par Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale, et André Rossinot, maire de Nancy, ne veut pas aller "jusqu’à une suppression totale de ce dispositif qui conduirait alors à la création d’une éducation à deux vitesses".
Pour réfléchir à cette question, le Parti radical "propose l’ouverture urgente d’états-généraux de l’Education afin de réaffirmer les grands principes éducatifs d’égalité et de justice pour garantir une République laïque et sociale".
Dans un autre communiqué, le Centre national des indépendants et paysans (CNI), également associé à l’UMP, "s’oppose à l’enfermement généré par la carte scolaire aujourd’hui et demande sa suppression".
"Il est important de laisser aux familles le libre choix des établissements en fonction du projet éducatif", écrit le CNI.

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Extrait du « Figaro » du 07.09.06 : Un tiers des parents contourne la carte scolaire

Dérogations, départs vers le privé, astuces en tous genres, les Parisiens sont des champions de l’évitement de la carte scolaire.

Les parents n’ont pas attendu les politiques pour desserrer le carcan rigide de la carte scolaire. Créée en 1963 pour favoriser la mixité sociale, cette obligation de scolariser ses enfants dans le quartier où l’on vit ne répond plus au désir de « consumérisme scolaire » des familles. A Paris, une étude publiée par la revue Éducation et formations en juin 2005, ne cache pas l’ampleur du phénomène : pas moins de 40% des élèves parisiens inscrits en sixième éviteraient le collège public auquel la carte scolaire les rattache. Et les profs sont deux fois plus nombreux que la moyenne à pratiquer ce sport national ! En province, les études remontent à 2001. Elles montrent que 30% des parents réussissent à inscrire leurs enfants dans un collège hors de leur secteur.

Comment font ces petits malins qui se jouent de la contrainte ? Certains choisissent d’inscrire leurs enfants dans des collèges privés ou demandent le plus légalement du monde des dérogations. Mais comme celles-ci sont désormais accordées au compte-gouttes, les parents rivalisent d’imagination pour arriver à leurs fins.

C’est le cas de Dominique, 30 ans, architecte, père de deux enfants qui auraient dû être scolarisés dans un collège difficile d’un quartier sensible de Bagnolet. « Je ne voulais pas que mes enfants aillent dans ce collège réputé très moyen. J’ai loué une chambre de bonne dans un beau quartier parisien et proposé à d’autres parents d’ouvrir un compteur EDF ou une ligne de téléphone chez moi. Nous partageons le montant de la location. » Le succès a été immédiat : pas moins de quatre couples avec sept enfants vivent officiellement dans 12 m2 !

Moins audacieux mais tout aussi têtu pour le bien-être scolaire de ses enfants : Nicolas, qui réside dans un quartier sensible d’Ivry. Au moment de l’inscription en primaire de ses trois enfants, il s’est fait domicilier chez une amie dans le centre-ville bourgeois de Charenton. « A la mairie, nous avons expliqué que nous élevions ensemble mes enfants, je n’ai pas eu le moindre souci, il y a tellement de familles éclatées. »

Le système D

D’autres domicilient leurs enfants chez la nounou, les grands-parents ou l’oncle Arthur. Plus classique, certaines familles sont passés maîtres dans l’art de dénicher les options rares et poussent leurs enfants à faire du chinois ou du japonais pour décrocher des collèges ou lycées d’élite. Quand on n’y arrive pas, on change d’adresse. Les agents immobiliers sont intarissables. « Cette contrainte influe sur les prix », confie un agent immobilier parisien.

Pour tenter d’enrayer l’hémorragie annoncée des cadres et des classes moyennes, les principaux de certains collèges proposent des classes européennes, artistiques ou musicales. « C’est à cause de toutes ces options que le phénomène de contournement est difficilement quantifiable, prévient Daniel Robin, chargé des statistiques au SNES. Comment distinguer une manoeuvre d’évitement d’un choix pédagogique mûrement réfléchi ? »

Une enquête récente de la Peep montre que 25% des parents veulent supprimer la carte scolaire tandis que 50% pensent qu’il faut l’assouplir. Autant dire l’enterrer... C’est qui se passe à Moulin, où le maire UMP, Pierre-André Périssol qui gère une douzaine d’écoles primaires et plusieurs collèges dont certains classés en ZEP. « Pour que les parents ne fuient pas un établissement au profit d’un autre, il faut veiller à ce que les performances des écoles et collèges de la ville soient comparables, explique-t-il. Si elles ne le sont pas, il faut réagir très vite avec des moyens supplémentaires, de nouveaux enseignants, motivés par des incitations financières. » Une initiative locale difficile à mettre en place sur une grande échelle.

Christine Ducros

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Extrait du « Figaro » du 07.09.06 : Carte scolaire : d’un tabou à l’autre

Contrairement à ce que l’on entend ici et là, la course des candidats à la présidentielle ne se réduit pas à une campagne de communication, habillée d’un zeste de show-biz et d’une touche de marketing. Temps de travail, fiscalité, sécurité, éducation et bien d’autres sujets sont abordés sans complexe ni tabou, ou presque, par au moins deux des prétendants : Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Le premier revendique la « rupture », la seconde la prône sans le dire. Signe de l’époque, les propos de celle-ci s’adressent davantage à l’individu dans sa vie quotidienne qu’à la nation pour un projet d’avenir collectif. C’est une nouvelle tendance de la politique, version « près de chez vous ».

Dernier exemple de ce penchant pour la proximité : la carte scolaire. La sectorisation des enfants en fonction du lieu d’habitation familiale a été instaurée en 1963 afin de garantir la mixité sociale. Chacun sent aujourd’hui que le dispositif a fait long feu. Les astuces et passe-droits ne manquent pas pour contourner le système : 40% des collégiens parisiens en profiteraient. Les enseignants, mieux informés que les autres, seraient même parmi les premiers à déroger pour leur progéniture.

Bref, « l’apartheid scolaire » va s’accentuant. Les agents immobiliers en savent quelque chose, qui ajustent leurs tarifs sur la réputation des écoles environnantes. Les établissements privés également, toutes confessions confondues, qui débordent de demandes. Et, aussi généreux et ouverts soient-ils, bien peu de parents acceptent de voir leur enfant entrer dans une classe où le français est quasiment une langue étrangère. Le nier serait une hypocrisie.

Contre vents et marées - la carte scolaire compte d’ardents défenseurs -, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont favorables à l’aménagement, voire à la suppression, de la sectorisation. Mais sa disparition pure et simple reviendrait à aggraver la situation. Alors, par quoi la remplacer ?

Aucune réponse évidente ne s’impose si l’on souhaite préserver un semblant d’égalité des chances devant la réussite scolaire. Sans doute parce que la solution dépasse le seul cadre de l’Éducation nationale : inutile de se le cacher, les flux massifs d’immigration de ces trente dernières années ont bouleversé l’équilibre du paysage urbain et social de notre pays. Et l’école n’y était pas plus préparée que les agglomérations n’étaient « pensées » pour l’accueil des nouveaux venus. D’où la faillite des traditionnels leviers de l’intégration, la ghettoïsation progressive de nombreux quartiers.

Le vieux modèle républicain de l’école a vécu. Le statu quo n’est plus possible, sauf à sacrifier une partie de la jeunesse. L’avenir commande donc d’accorder davantage d’autonomie aux établissements pour les forcer, chacun, à se remettre toujours en question et à faire valoir le meilleur d’eux-mêmes. Malheureusement, si la carte scolaire n’est plus un tabou depuis peu, l’esprit de compétition, lui, l’est encore dans le corps enseignant.

Yves Thréard

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Extrait du « Figaro » du 07.09.06 : Pour la Peep, « il faut une plus grande autonomie des établissements »

Favorable à la fin de la sectorisation, Annick Dumont, secrétaire générale de la Peep, l’une des fédérations de parents d’élèves du public, explique comment elle peut être supprimée.

LE FIGARO. - Pourquoi êtes-vous pour une profonde remise en question de la carte scolaire ?

Annick Dumont - Le contournement est devenu un sport national. De toute évidence, la sectorisation des collèges est un outil complètement dévoyé. À Paris, on ne compte plus les fausses adresses et les « faits du prince » avec appui de ministres ou de parlementaires. À partir du moment où, par le jeu de dérogations accordées à certains et pas à tous, tout le monde n’a pas droit à la même qualité d’enseignement, pourquoi ne pas dire honnêtement que les parents ont toute latitude de choisir où inscrire leur enfant ?

Mais comment casser la carte scolaire ?

On peut se préparer à deux ans de bazar incroyable. Car si tout le monde peut choisir, tout le monde va choisir, y compris ceux qui, jusque-là, ne comprenaient pas le système de dérogation ou ne parvenaient pas à en profiter. Tous les parents vont vouloir aller dans « le » bon collège. On aura certainement des classes surpeuplées dans certains établissements et à moitié vides dans d’autres.

Mais je pense que la situation se régulera d’elle-même rapidement pour des raisons de bon sens. Les parents se rendront compte que leur enfant ne peut pas trouver son compte dans une classe de 40 élèves ou à une heure de transport de chez lui. Il faut un critère limitatif, qui continuera probablement à être en partie géographique. Quant aux collèges difficiles, que tout le monde souhaite fuir, il faut les rendre attractifs.

Cela implique-t-il une mise en concurrence ?

À partir du moment où l’on prend le risque d’autoriser les familles à aller voir ailleurs, il faut une plus grande autonomie des établissements scolaires. Il s’agit de donner les moyens à chaque établissement de valoriser son propre projet et d’attirer les parents. Le chef d’établissement devrait signer des « contrats d’objectifs » avec ses enseignants. Chacun devrait développer un « pôle d’excellence » avec des options en langue ou des filières introuvables ailleurs, par exemple.

Et le recrutement des enseignants ?

Cette question est bien sûr capitale. Mais elle relève du ministère de l’Éducation...

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Extrait du « Figaro » du 07.09.06 : Sarkozy et Royal d’accord pour mettre fin au dogme de la sectorisation

Les deux favoris des sondages pour la présidentielle divergent sur l’objectif : liberté contre mixité sociale

Qui veut encore de la carte scolaire ? Si l’on en croit Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, ni la droite, ni la gauche, ni les familles.

En pleine rentrée scolaire, la candidate à la candidature socialiste s’est attaquée à cette épineuse question, en proposant que la carte soit « assouplie ». Les parents, notamment lorsqu’ils résident près d’un collège dit difficile, pourraient avoir le choix entre deux ou trois établissements, comme c’est le cas pour les lycées. Ce faisant, l’ancien ministre délégué à l’Enseignement scolaire a provoqué l’ire du Parti socialiste qui a inscrit noir sur blanc dans son programme que le parti « veillerait à ce que la carte scolaire permette la mixité sociale » (Le Figaro du 6 septembre 2006). Au nom d’un certain pragmatisme - il ne « faut pas défendre le statu quo avec dogmatisme », a abondé son porte-parole Arnaud Montebourg, hier - elle a aussi largement chassé sur une terre de droite.

En février 2006, lors de la convention thématique de l’UMP sur l’éducation, Nicolas Sarkozy avait en effet clairement pris position contre la carte scolaire, en proposant sa suppression pure et simple. L’abandon du système, au nom de « la liberté », s’accompagnerait de « l’autonomie des établissements ainsi que la garantie de la liberté pédagogique des enseignants ». « Notre électorat est attaché à une notion de choix : il est d’ailleurs le premier à mettre ses enfants dans le privé », explique Roger Karoutchi, sénateur UMP des Hauts-de-Seine et secrétaire national du parti. À l’instar de beaucoup, cet élu a cependant vu progressivement, dans sa permanence, « des parents de toutes origines réclamer des dérogations ».

Toutes les couches de la population concernées

L’écrasant pourcentage de parents insatisfaits montre, si besoin était, que toutes les couches de la population sont désormais touchées. Les parents des quartiers aisés réclament le droit de ne pas être soumis à ce qu’ils considèrent comme un « diktat » du corps enseignant. Les classes moyennes ou populaires, qui n’ont pas les moyens de déménager ou de décrocher des pistons, n’en sont pas moins désireuses que leurs enfants réussissent leurs études. « Les familles des quartiers difficiles ont un sentiment d’enfermement : Ségolène Royal l’a compris », affirme Gilbert Roger, maire PS de Bondy et « ségoliste » patenté.

Les deux candidats putatifs à la présidentielle auront tout loisir de débattre sur le fond de leur proposition. « Assouplir, cela ne veut rien dire : il y a une carte ou il n’y en a pas », lance l’UMP Roger Karoutchi. « La supprimer, cela ne changera rien : les parents du quartier de Bondy Nord n’enverront pas d’avantage leurs enfants à Louis-le-Grand, à Paris. Ce qu’il faut, c’est mettre plus de moyens sur les établissements difficiles pour donner les mêmes chances à tous », rétorque le socialiste Gilbert Roger.

François Bayrou, le président de l’UDF, ne disait pas autre chose il y a à peine six mois : « La logique de concurrence entre les établissements prônée par Nicolas Sarkozy ne combat pas la ségrégation mais l’accentue », estimait alors l’ancien ministre de l’Éducation nationale.

Claire Bommelaer

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