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Grève des enseignants contre la violence dans un collège ZEP de Vaux-en-Velin (Libération)

15 novembre 2004

Extrait de « Libération » du 13.11.04 : dans la ZEP de Vaux-en-Velin (Rhône)

La violence du quartier a rattrapé les Noirettes : les profs d’un collège de Vaulx-en-Velin qui veulent des effectifs (d’assistants d’éducation) ont posé un préavis de grève reconductible.

Un collégien montre le banc, couvert de tags. Des insultes antisémites, des prénoms de filles associés à des insanités. « Dans les toilettes et les couloirs, dit-il, c’est pire. » Lui n’y traîne jamais, pour éviter de se faire frapper ou cracher dessus. Il a débarqué cette année en sixième dans ce collège des Noirettes, à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue est de Lyon. Un établissement croyait-on préservé, mais, il y a huit jours, une pierre a brisé un carreau de la salle des professeurs. Ils ont fait jouer leur droit de retrait, estimant leur sécurité et celle de leurs élèves menacées. L’épisode suivait une longue liste d’incidents, d’agressions. Une montée brutale de la violence, que les enseignants attribuent clairement à la disparition des aides-éducateurs qui participaient à l’encadrement des élèves.

Inacceptable.

Le collège des Noirettes se trouve dans le quartier du Mas-du-Taureau. Il est classé en réseau d’éducation prioritaire (REP) et en zone de prévention de la violence, ce qui lui permet de compter peu d’élèves par classe (une vingtaine en moyenne), et deux conseillers principaux d’éducation, une assistante sociale et une infirmière à plein temps. Jusqu’à l’année dernière, neuf aides-éducateurs assuraient aussi les activités périscolaires et offraient une présence rassurante dans les couloirs. Cinq ont quitté le collège, remplacés par quatre assistants d’éducation à mi-temps. « Dès le retour des vacances de février dernier, nous avons senti monter la pression », dit Marylin Blondeau, professeur de sciences et vie de la Terre (syndiquée CNT). Puis la situation a dégénéré, à la rentrée 2004. « Dans les couloirs, les plus petits sont terrorisés, constate Dominique Laffont, professeur d’allemand (SNES). Ils ne se sentent pas du tout bien et ce climat déborde à présent dans les classes. » Sarah, une élève de troisième, confirme : « Il y en a qui se font agresser, on reçoit plein de projectiles et des professeurs sont menacés. On trouve ça inacceptable. »

Un enseignant a reçu un caillou, un midi, en allant déjeuner. Une pierre a aussi fini dans une salle de cours, avant celle qui a brisé la vitre de la salle des profs, le jeudi 4 novembre. « Ces projectiles venaient de l’extérieur du collège, relativise l’inspecteur d’académie, Bernard Javaudin. Ce sont des faits qui relèvent de l’ordre public, de la sécurisation des abords. » Une réunion du contrat local de sécurité est d’ailleurs prévue mardi soir.

Exclusions

Mais, pour les enseignants, le climat se détériore surtout au sein de l’établissement. Une élève de sixième y a été partiellement déshabillée, dans un couloir, il y a quelques semaines. Et depuis la rentrée, plus d’une centaine de demi-journées d’exclusion ont été prononcées à l’encontre de vingt-deux élèves. « Avant, nous pratiquions des exclusions - inclusions, raconte Marylin Blondeau. Ils devaient venir travailler en permanence. Mais nous n’avons plus les moyens de le faire et cela se transforme en jours de vacances. » Quatre élèves ont aussi été définitivement mis dehors. « Mais quand on prononce une exclusion, soupire un jeune professeur, on nous envoie à la place un autre élève, exclu d’ailleurs. »

Quelques semaines après la rentrée, un élève est ainsi arrivé dans cet établissement sensible, après s’être fait jeter de six collèges ces dernières années. Il a tenu trois semaines, puis a lancé au principal : « Je vais niquer ta grand-mère, fils de pute ! » Bernard Javaudin, l’inspecteur d’académie, promet de tenter, « dans les mois qui viennent, de ne plus mettre d’élèves exclus aux Noirettes ». En attendant, un nouveau arrive lundi dans une classe difficile, dont le professeur principal soupire : « On est tous au service de l’Etat, mais on a l’impression, aux Noirettes, de l’être nettement plus qu’ailleurs. »

Les enseignants ont longtemps tu cette violence, craignant, s’ils en parlaient, de stigmatiser un peu plus le collège et la ville. Mais la situation n’a fait qu’empirer. Après le jet de pierre dans la salle des profs, une cinquantaine de collégiens ont participé à une assemblée générale. « Ils nous ont dit des choses très dures, rapporte Marylin Blondeau. Jusqu’à l’année dernière, le collège était pour eux un endroit protégé où ils trouvaient une justice qui n’existe pas dans leur quartier. Ils disent que, depuis cette année, la loi de l’extérieur est entrée dans l’établissement. » Les professeurs ont déposé pour lundi un préavis de grève reconductible. Ils réclament des postes pour compenser le départ des aides-éducateurs.

Aides

« Mais pour donner des moyens en plus aux Noirettes, il faudrait en retirer ailleurs, réagit l’inspecteur d’académie. Nous verrons cela pour la rentrée 2005. En attendant, il faut trouver des solutions en interne. » Bernard Javaudin rappelle que « les aides-éducateurs ne sont apparus qu’en 1998 » et que le collège « fonctionnait avant eux ». Puis il avance qu’il y a, cette année, « de nombreux nouveaux professeurs ». Quinze, selon lui (les Noirettes comptent 42 enseignants pour 311 élèves). « Il faut, dit-il, aider ces professeurs à mieux se former. » Les enseignants ont mis en place un « atelier d’analyse de la pratique professionnelle », avec une intervenante extérieure, pour s’interroger sur les relations avec les élèves. Mais ils refusent cette culpabilisation. « Au début de l’année, confie Jean-Daniel Collomb, professeur d’anglais titulaire depuis septembre, je me suis dit que j’étais nul. Mais j’ai découvert que les anciens, qui sont là parfois depuis trente ans, ont du mal, cette année. »

Les professeurs attendent désormais les réponses de l’académie. Et se réunissent lundi à 13 heures pour décider de la suite de leur mouvement.

Olivier Bertrand.

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