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Difficultés dans le 93 pour la réforme des ZEP

26 octobre 2006

Extrait du « Monde » du 26.10.06 : Bataille pour la réforme des ZEP

La mise en oeuvre des collèges « ambition réussite » provoque la colère des enseignants du SNES-93. Ils y voient « un plan de dynamitage de la politique des zones d’éducation prioritaire »

249 collèges et 1 600 écoles primaires, jugés les plus défavorisés, ont été labellisés « ambition réussite »

Seine-Saint-Denis, fief de l’éducation prioritaire, la mise en place des collèges« ambition réussite », réforme-phare de l’éducation nationale, ne plaît pas à tout le monde. Dans ce département, les représentants du principal syndicat des enseignants du second degré, le SNES, sont partis en campagne, dès le début de l’année, contre ce qu’ils considéraient comme des ZEP », les zones d’éducation prioritaire. En février, une quinzaine de collèges ont été occupés.

Dans toute la France, 249 collèges et les 1 600 écoles primaires qui s’y rattachent, jugés les plus défavorisés, ont été labellisés « ambition réussite ». Ils ont bénéficié à ce titre, à la rentrée 2006, de quelque 1 000 professeurs « référents » de plus et de 3 000 assistants d’éducation dans le cadre de la réforme des ZEP,annoncée par Dominique de Villepin au lendemain de la crise des banlieues.

Une manne, certes, mais les opposants dénoncent le fait que, pour donner davantage de moyens aux collèges « ambition réussite », le gouvernement en a pris aux autres. Ils s’inquiètent aussi d’une prochaine étape de la réforme, qui prévoit de retirer le label ZEP - et les moyens qui vont avec-aux collèges dont la situation scolaire et sociale ne le justifie plus. Le recteur de l’académiede Créteil, dont fait partie la Seine- Saint-Denis, a pourtant assuré que celle-ci ne serait pas concernée.

Enfin, les adversaires de la réforme contestent le principe de professeurs référents. Ces enseignants - quatre en moyenne par collège « ambition réussite » - ne sont tenus d’assurer qu’un mi-temps de cours, le reste étant consacré à la mise en place de projets pour les élèves les plus en difficulté, à l’encadrement des assistants d’éducation ou à épauler leurs collègues en classe.

Sans que cela corresponde à une consigne nationale de ce syndicat, le SNES-93 a appelé à boycotter la réforme. « A aucun moment, nous n’étions demandeurs de professeurs référents, explique Goulven Kerien, du SNES-93. Ce que nous voulions, ce sont des heures en plus pour dédoubler les classes et du temps pour que les équipes pédagogiques puissent se concerter. »

Au collège Robert- Doisneau, de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où les opposants sont venus présenter leurs arguments en mai, on est passé outre et on a décidé de jouer le jeu. « Nous avons eu une grande discussion avec l’équipe, explique Marie-Christine Culioli, la principale. J’ai expliqué que si on ne prenait pas ce dispositif, on n’aurait plus rien avant longtemps. Alors, soit on prend et on se bat, soit on s’en mord les doigts. »

Avec près de 80 % d’élèves issus de familles défavorisées, seulement 58 % de réussite au brevet, 29 nationalités représentées, le collège Robert-Doisneau de Clichy- sous-Bois fait partie des établissements scolaires qui concentrent, en France, le plus de difficultés. C’est là qu’étaient scolarisés les deux adolescents électrocutés dans un transformateur EDF le 27 octobre 2005. Depuis la rentrée, l’établissement bénéficie de quatre professeurs en plus et d’autant d’assistants d’éducation.

Pas question d’accréditer l’idée qu’il y aurait des « superprofs »et les autres. On a banni le terme de professeurs référents, rebaptisés « professeurs supplémentaires ». Deux d’entre eux, professeurs d’anglais et de mathématiques, ont été recrutés en interne. Un enseignant du primaire, qui travaillait déjà avec le collège, a été intégré à l’équipe. Seul un jeune professeur de français a été recruté à l’extérieur. Pour être prête à la rentrée de septembre, l’équipe de direction de Robert-Doisneau a planché sur le dispositif, dès le mois de mai, avec les enseignants. « On a réfléchi à une façon d’enseigner différente du modèle classique “frontal”, c’est-à-dire avec un professeur seul devant sa classe », explique Mme Culioli. A chaque niveau (6ème, 5ème, 4ème, 3ème), une organisation spéciale a été mise en place, au plus près des besoins des élèves, en mathématiques, anglais et français.

En anglais, par exemple, dès la sixième, les élèves ont une heure de cours en plus par semaine et sont répartis dans différents groupes selon leur niveau. « En langue, il faut intervenir très tôt pour ne pas laisser couler les élèves », explique Sylvie Jégo, l’enseignante supplémentaire d’anglais.

La « co-intervention », qui prévoit deux enseignants en même temps dans une classe ou dans un groupe, fait également partie des innovations. « Quand on fait un cours classique, on a au moins la moitié de la classe qui est passive, explique Tamas Hegedus, professeur supplémentaire de mathématiques. A deux, on peut appliquer une pédagogie différente. »

Des études surveillées ont été mises en place pour les élèves qui le souhaitent, avec une attention particulière pour les plus en difficulté. Et, désormais, le collège est ouvert jusqu’à 19 heures. « C’est un vrai défi, assure la chef d’établissement. De ces nouvelles pratiques peut émerger une autre manière de penser l’éducation nationale. » Encore faut-il que les enseignants l’acceptent. Début octobre, le recteur de Créteil estimait que des tensions subsistaient dans quatre collèges de Seine-Saint-Denis. Au SNES-93, on parlait de « pagaille » dans une dizaine d’établissements.

Martine Laronche

Sur le « site du Monde » : une thématique : « Zones d’éducation prioritaire : l’heure du bilan »

Le supplément du « Monde » sur les banlieues

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