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Le débat sur les cantines scolaires gratuites en Seine-Saint-Denis (dossier)

23 janvier 2007

Extraits de « L’Humanité » du 08.01.07 : Cantines gratuites, vraie ou fausse bonne idée ?

Écoles . Jeudi, les maires de Drancy et du Bourget annonçaient la gratuité des repas dans les cantines de leurs villes. Interpellés, élus et associations émettent des réserves.

La cantine doit-elle être gratuite pour tous ? L’année 2007 démarre sur une question nouvelle, soulevée la semaine dernière par deux édiles de Seine-Saint-Denis (l’Humanité du 4 janvier). Les maires (UDF) du Bourget et de Drancy ont en effet annoncé, jeudi, que la restauration scolaire sera gratuite pour les enfants de leurs villes à compter d’aujourd’hui. Au total, la mesure concernerait près de 3 000 élèves, dont le repas du midi coûtait, jusqu’à présent, entre 0,50 euro et 3,22 euros à leurs parents, selon leur quotient familial.

140 000 enfants privés de déjeuner

Le débat promet de ne pas se cantonner aux deux communes. Mardi, Jean-Christophe Lagarde, député et maire de Drancy, en appelait à une réflexion nationale et déposait une proposition de loi devant l’Assemblée pour « une gratuité pendant toute la durée de la scolarité obligatoire ». Une question essentielle, estime-t-il, quand « beaucoup d’enfants ne vont pas à la cantine faute d’argent ».
Première à saluer l’initiative, l’UNICEF rappelle l’importance du problème, estimant qu’environ 140 000 enfants en France ne mangent pas à la cantine faute de moyens. Président de la FCPE, Farid Hamana pointe, lui, une évolution des besoins. « Aujourd’hui, compte tenu des conditions de vie et de travail des parents, la cantine est quasiment obligatoire pour de nombreuses familles. » La question de sa gratuité sur tout le territoire n’en est que plus pertinente.

Mieux aider les familles ? Le constat semble unanimement partagé. Pas forcément la solution. Ainsi, la Confédération syndicale des familles (CSF), qui dénonce régulièrement la hausse des coûts de la scolarité, nuance-t-elle cette proposition, sans la rejeter résolument. « C’est aussi une question de dignité humaine que de pouvoir participer aux frais, même symboliquement », explique Brigitte Mazure, secrétaire générale adjointe de l’organisation, rappelant que parmi les familles exclues de la restauration scolaire, « certaines le sont parce qu’elles ont honte de demander de l’aide ». Quotients familiaux mieux adaptés à tous les niveaux de l’enseignement (1), mensualisation des paiements, facturation des seuls repas consommés ou hausse du pouvoir d’achat : « Il y a d’autres outils pour que tout le monde soit en mesure de manger... »

Christophe Hébert, président de l’Association nationale des directeurs de restauration municipale (ANDRM), partage l’idée et avance son point de vue de technicien. « Il ne faudrait pas que cette démarche influe sur le travail entamé concernant la qualité des repas. » Une question qui relève autant du plaisir que de la santé publique, estime-t-il, quand la restauration scolaire a pour rôle d’éduquer à l’équilibre alimentaire et pour devoir de garantir le contenu des assiettes. « La traçabilité des aliments, la qualité de la viande, le respect de l’environnement... Tout cela a un coût. »

Inégalités territoriales

Beaucoup d’élus municipaux, enfin, balancent entre intérêt pour la démarche et scepticisme, quand le risque d’accroître les inégalités territoriales est flagrant. « Toutes les villes n’auront pas les moyens d’assurer la gratuité de ce service », alerte Stéphane Gatignon, maire (PCF) de Sevran (Seine-Saint-Denis). « Les revenus de ma ville (impôts locaux, taxe professionnelle...) sont inférieurs de 14 millions d’euros à ceux d’une ville équivalente d’environ 50 000 habitants, et nous dépensons 12 millions de plus, parce que les besoins sont énormes ! » Si gratuité il doit y avoir, estime-t-il, « ce doit être le fait d’une politique nationale, avec des lignes budgétaires ad hoc, et non d’une politique locale ».
Alors que les élections municipales approchent (2008), la visée électoraliste des maires du Bourget et de Drancy est parfois évoquée. Si elle n’est clairement dénoncée, quand, en sus, elle n’est pas celle qu’elle prétend être.

Ancienne adjointe au maire (PCF), Éliane Assassi s’étonne : « Il y a cinq ans, à Drancy, 5 000 enfants mangeaient à la cantine. Et ils ne sont plus que 3 000 sur les deux villes ? »

De fait, si Drancy peut aujourd’hui se flatter d’avoir une cantine gratuite, elle ne peut prétendre avoir une cantine pour tous. Ainsi, n’ont pas le droit de s’y inscrire, entre autres, les enfants dont aucun des parents ne travaille...

(1) Mis en oeuvre dans la majorité des villes, donc des écoles maternelles et primaires, le quotient familial n’existe pas encore dans de nombreux départements et régions.

Marie-Noëlle Bertrand

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Extrait du site « VousNousIls », le 10.01.07 : Cantines gratuites : la FCPE "d’accord" mais "pas dupe"

La FCPE, principale fédération de parents d’élèves, a assuré mardi être "d’accord" avec la gratuité des cantines scolaires mais "pas dupe d’une telle annonce" faite par les maires de Drancy et du Bourget (Seine-Saint-Denis) "au début d’une année d’élections législatives".

Jeudi, Jean-Christophe Lagarde (UDF) et Vincent Capo-Canellas (UDF), respectivement député-maire de Drancy et maire du Bourget, ont annoncé que les cantines de toutes les écoles primaires de leurs villes seraient gratuites à partir de lundi, évoquant une "mesure sociale juste".
Comme elle relève du "service public", la restauration scolaire doit "rester accessible quelles que soient les situations sociales ou professionnelles de leurs parents", a estimé la FCPE dans un communiqué. "La gratuité est avant tout un choix politique et social", a-t-elle ajouté.

La fédération a rappelé que la généralisation de la gratuité des cantines scolaires, qui fait l’objet d’une proposition de loi de M. Lagarde, causerait "une obligation très lourde financièrement" pour les communes et départements, qu’ils "ne pourront prendre en charge seuls".

Il reviendra à l’Etat de "garantir l’égalité entre les territoires en transférant aux collectivités concernées les sommes correspondantes", a-t-elle constaté en s’exclamant : "chiche !".

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Extraits du « Figaro » du 10.01.07 : La cantine gratuite n’est pas près de faire école

Première en France, la prise en charge du coût du déjeuner des écoliers par deux villes de Seine-Saint-Denis fait débat. L’Association des maires de France craint que la gratuité déresponsabilise les parents.

Dès lundi, jour de la rentrée scolaire, les dix-huit cantines de la ville de Drancy (Seine-Saint-Denis) ont accueilli 120 enfants supplémentaires. L’augmentation du nombre d’élèves inscrits au déjeuner est la conséquence directe de la gratuité de la restauration dans les écoles primaires lancée par le député-maire (UDF) Jean-Christophe Lagarde. « 5 % d’enfants de plus et bientôt 10 %, cela prouve bien qu’il y avait un besoin », assure-t-il.

Pourtant, en quelques jours, cette initiative, une première en France, suscite un tapage dont l’ampleur dépasse largement la santé alimentaire et la lutte contre la pauvreté. La nécessité de fixer les familles en Ile-de-France, la responsabilité des citoyens face à un service gratuit, la liberté de gestion des élus locaux et le risque de démagogie politique se sont prestement invités à la table des écoliers. Rappelant que la France est encore pour deux ans en campagne électorale.

« Drancy est la plus pauvre des communes de plus 50 000 habitants d’Ile-de-France. Pour toute une partie de la population, la fin du mois est le 22 ou le 25 », justifie son maire. Cependant, le revenu moyen d’un couple s’élevant à 1 300 euros, une grande partie des familles ne bénéficient pas de toutes les aides sociales. L’élu défend encore cette décision, prise avec Vincent Capo-Canellas, maire (UDF) du Bourget, par la nécessité d’investir dans le capital santé de la nation. Pour lui, le temps de la cantine est aussi « un temps d’éducation » dans un pays qui a la réputation d’apprécier la qualité de la nourriture. Les Français ne sont, en effet, guère adeptes de la lunch box, ce pique-nique préparé à la maison que de nombreux petits Américains emportent le matin en partant en classe.

« La cantine gratuite a le mérite d’apporter une aide qui ne peut pas être détournée », renchérit le maire du Bourget. Comme chez son voisin, cette mesure relève aussi de la bonne gestion. Les deux villes entourant la zone aéroportuaire du Bourget vont, en effet, regrouper une partie de leurs services (outre la restauration scolaire, la collecte des déchets, la future médiathèque, les installations sportives, le conservatoire de musique...) dans une même organisation. Elles en attendent 500 000 euros d’économies chaque année. Cette somme, ajoutée à la moitié de la dotation (1,6 million d’euros par an) que l’État apporte pour encourager le mariage entre communes, permet de financer le déjeuner des trois mille enfants des écoles élémentaires. Une dépense globale de 1,1 million d’euros.

« Une erreur »

Car le calcul est fait : il ne serait pas logique d’abaisser encore le prix du déjeuner (0,50 à 3,30 euros, selon les moyens des familles de Drancy) car le coût des agents responsables de la collecte et du service des impayés renchérit le coût réel du repas, déjà en partie pris en charge par les Villes.

Déjeuner à l’école sans payer est la première décision de la toute nouvelle intercommunalité Le Bourget-Drancy installée fin décembre. Elle a suscité une riposte immédiate. « La gratuité totale est une erreur, une mesure déresponsabilisante. Vivre dans une société où on ne paie plus rien n’apporte aucune incitation à l’insertion économique et au respect des règles de la vie sociale », estime Jacques Pélissard, président (UMP) de l’Association des maires de France (AMF). Sa position est prise « à titre personnel » et en reconnaissant, dit-il, la liberté de gestion des élus.

C’est en fait la proposition de loi du député maire de Drancy de généraliser le déjeuner gratuit à tous les élèves de l’enseignement public qui explique l’inquiétude des maires. Hier, la principale fédération de parents d’élèves (FCPE) a dit « chiche » tout en reconnaissant son poids pour les finances publiques. Aucune ville n’a encore annoncé suivre le mouvement.

Laurence Chavanne

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Extraits du site « VousNousIls », le 10.01.07 : Gratuité de la cantine scolaire : Noisy-le-Sec veut suivre l’exemple

Le maire UDF de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), Nicole Rivoire, a annoncé mercredi son intention de financer un accès gratuit de tous à la cantine dans les écoles élémentaires de sa ville, comme à Drancy et au Bourget.
Mme Rivoire soumettra cette mesure au vote du prochain conseil municipal, prévu le 18 janvier, pour application à la rentrée 2007, a-t-elle précisé dans un communiqué.
Elle argue du constat qu’"un nombre croissant de nos concitoyens peinent à régler les factures pourtant soumises à un calcul savant répondant aux exigences du quotient familial".

"Certains parents mettent en danger la santé de leur enfant en ne les inscrivant plus aux réfectoires de nos cantines et en les alimentant mal ou peu", poursuit Mme Rivoire.

Le taux d’impayés des factures de cantine avoisine les 30% à Noisy-le-Sec, selon son cabinet, et seuls 63% des enfants fréquentent la cantine tous les jours.
La gratuité concernera 2.700 enfants dans 9 écoles élémentaires. Le tarif actuellement acquitté par les familles varie de 0,24% à 4,49%, selon le quotient.
A Drancy et au Bourget, premières villes en France à pratiquer la gratuité pour tous de la cantine au primaire, la mesure est effective depuis lundi et rencontre un réel succès.

Ainsi, à Drancy, où la cantine n’attirait que 65% des enfants scolarisés (2.420), 550 repas supplémentaires ont été servis lundi et mardi, soit 225 enfants de plus chaque jour, a indiqué le cabinet du maire.

Dans ces trois villes, les municipalités centristes misent essentiellement sur des économies de coûts et de frais administratifs pour financer le surcoût à leur charge. Il s’élèvera à 1,1 millions d’euros pour Noisy-le-Sec.

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Extraits du site « VousNousIls », le 22.01.07 : FCPE, FSU et CGT dénoncent "des dysfonctionnements" des cantines gratuites

La FCPE, la FSU et la CGT de Seine-Saint-Denis ont dénoncé vendredi "le dysfonctionnement" des cantines des écoles primaires de Drancy après la mise en place de la gratuité de la cantine pour laquelle ils auraient souhaité "une concertation générale".
"Il n’y a eu aucune concertation avec les parents d’élèves sur la gratuité de la cantine", alors que "nous savions qu’il y allait avoir un afflux supplémentaire d’élèves qui allait entraîner des dysfonctionnements", a expliqué a l’AFP Thierry Begasse, vice-président FCPE, principale fédération de parents d’élèves à Drancy.
Après deux semaines, "nous constatons des problèmes d’organisation" dans certaines cantines de Drancy où "les enfants finissent de déjeuner à 13H45", ce qui "perturbe leur enseignement car il faut du temps après le repas pour se mettre au travail", a-t-il ajouté.
Jean-Christophe Lagarde, député-maire UDF de Drancy, qui a mis en place la gratuité des cantines dans toutes les écoles primaires de la ville, a expliqué à l’AFP qu’il fallait un "temps d’adaptation" pour régler tous les problèmes "matériels", l’essentiel étant que "900 enfants supplémentaires aient aujourd’hui des repas équilibrés".
"Nous avons recruté 22 personnes supplémentaires" et "nous attendons lundi la livraison des plateaux et des verres que nous avons commandés il y a deux semaines", a ajouté M. Lagarde.
Selon le maire de Drancy, "des travaux seront effectués" dans l’école Dewerpe de la ville "durant les vacances de février" afin "d’agrandir la salle de restauration".
"Les parents d’éléves avaient demandé à la mairie de Drancy" dans un courrier du 11 janvier, d’organiser "une réunion d’urgence" afin "d’apporter des réponses à leurs questions", mais "il n’y a pas eu de suite", a ajouté Thierry Begasse.

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Extraits de « L’Humanité » du 20.01.07 : Grosse pagaille dans les cantines de Drancy

La gratuité des repas, décidée sans concertation, a conduit à une nette dégradation du service, fustigent enseignants et parents d’élève.

Réfectoires bondés, files d’attente à rallonge, vaisselle insuffisante, personnels débordés... La mise en place, sans aucune concertation préalable ni mesures d’accompagnement dignes de ce nom, de la gratuité dans les cantines scolaires à Drancy (Seine-Saint-Denis), provoque depuis la dernière rentrée une sacrée pagaille dans les écoles de la ville. Car si le maire (UDF), Jean-Christophe Lagarde, peut se vanter d’avoir réussi son coup médiatique, il n’a semble-t-il guère anticipé l’afflux pourtant hautement prévisible de bambins dans les réfectoires. « Mardi, on comptait à peu près 1 000 enfants supplémentaires dans les cantines, a évalué Thierry Begasse, responsable FCPE. Or, rien n’a été prévu pour faire face à cet afflux. La plupart des écoles manquent de personnels, de places, de vaisselle aussi. Résultat : les files s’allongent et les reprises de cours, à 14 heures, sont souvent perturbées. »

Sur les dents, les agents de cantines ont donc décidé d’une grève, le 29 janvier prochain, qui prendra la forme d’un grand charivari, avec tambours et trompettes, sur la place de la mairie. « Depuis 2001 et l’arrivée du maire actuel, la ville a supprimé 250 postes de fonctionnaires, pointe Henri Tamar, secrétaire général CGT des agents territoriaux. Et les conditions de travail n’ont cessé de se dégrader. » Enseignant au groupe scolaire Salengro-Voltaire, François Chelers, responsable FSU-SNUipp, fustige lui aussi la dégradation du service de restauration. « C’est bien simple : j’ai décidé de ne plus y envoyer ma fille de huit ans », témoigne-t-il.

Sur le fond, enseignants et parents d’élèves se félicitent pourtant que certaines familles modestes puissent désormais envoyer leur(s) enfant(s) à la cantine. Mais regrettent le choix de la gratuité pour tous, qui profite plus encore aux ménages aisés. « Les trois quarts de la population à Drancy payaient le plein tarif, à savoir 3,80 euros par repas, et étaient prêts à continuer de le faire, assure François Chelers. On aurait préféré que cet argent soit réinvesti, par exemple pour améliorer la qualité des repas ou encore étoffer l’encadrement. » Dans un communiqué commun, enseignants et parents d’élèves appellent donc la mairie à mettre en oeuvre « de vraies décisions réfléchies et concertées (...) et non des effets d’annonce qui désorganisent les services publics mis à la disposition des enfants ».

Alexandre Fache

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