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Samy Johsua pour les ZEP dans le journal de la LCR

3 mars 2007

Extraits du site de la LCR, le 02.02.07 : Pour un droit égalitaire

L’école doit être un vecteur d’égalité sociale. Des mesures et des moyens sont pour cela nécessaires.

C’est sous le couvert du slogan mensonger de « l’égalité des chances » que s’engage le débat sur l’éducation dans la campagne présidentielle.

D’égalité, il n’en est question que sur les tribunes électorales. Sur le simple plan comptable, l’effort financier s’élève à 235 euros par an pour un élève en ZEP, bien loin de compenser les difficultés d’encadrement dans ces zones dues à l’insuffisance du personnel de surveillance et à l’instabilité des effectifs enseignants, lesquels se composent en général des plus jeunes et, donc, des moins « chers ». Quelle est donc cette « égalité » qui conduit à ce que les employés et les ouvriers constituent 60 % de la population, mais que leurs enfants ne représentent que 3,4 % des étudiants dans les écoles de commerce et 6,1 % dans les écoles d’ingénieur, alors que 85 % des élèves de ces deux filières sont enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures ?
Plus fondamentalement, ce slogan, qui emporte si facilement l’adhésion, traite l’éducation comme « une chance » octroyée d’en haut. Toi, enfant de pauvre, tu saisis cette chance, ou tant pis pour toi ! Refusons ce chantage : l’éducation n’est pas « une chance », c’est un droit, et l’un des plus fondamentaux. Or, il est attaqué de toutes parts.

Ségrégation scolaire

Haro sur la carte scolaire ! Abandonner le principe de la carte scolaire, c’est confirmer officiellement l’une des discriminations les plus graves. Dans de vastes zones rurales ou des villes moyennes, elle ne pose guère de problème. Mais on ne doit pas se voiler la face : dans les plus grandes villes, le principe correspond de moins en moins aux réalités. La première question, décisive, est hors l’école. S’il n’y a pas de mixité sociale dans la zone, il ne peut pas y en avoir dans l’école. De la même manière que les individus qui le peuvent quittent le quartier, ils quitteront son école.

Mais il n’y a aucune fatalité à ce que les choses aillent de plus en plus mal dans l’école. Le principe « donner plus à ceux qui ont moins » ne doit pas se traduire, en pratique, par « donner moins à ceux qui ont moins » ! Ainsi, selon la richesse des villes, l’écart des crédits alloués par les collectivités locales va de un à sept pour les écoles primaires. L’économiste Thomas Piketty l’a montré : réduire l’effectif des classes à un ma¬ximum de dix-huit élèves diminuerait de 40 % l’écart de performances avec les jeunes « hors ZEP ».

On pourrait aussi concentrer des moyens exceptionnels sur les 100 établissements secondaires les plus en difficulté. Des mesures prioritaires, comme le passage général à vingt élèves par classe en ZEP et à dix-huit dans les 100 établissements les plus difficiles du secon¬daire, la réduction d’un tiers du temps de service des enseignants en présence des élèves dans 10 % des établissements primaires et secondaires en ZEP (le reste du temps étant consacré à la concertation), coûteraient 500 millions d’euros, soit le doublement de la somme dérisoire attribuée aux ZEP - à peine 0,9 % du budget de l’Éducation nationale.

Là encore, le trouble est jeté dans le débat public par les pressions combinées des libéraux de droite et de gauche. Un exemple significatif de la manière dont cette pression s’exerce sur les contenus, par-delà le statut juridique des établissements, est la généralisation de « l’entrée par les compétences », prônée avec constance par les institutions internationales. On peut, pour s’en convaincre, se référer à l’idée de la Commission européenne : « Dans la société cognitive, l’individu doit pouvoir faire valider des compétences fondamentales techniques ou professionnelles, indépendamment du fait qu’il passe ou non par une formation diplômante, pratique que l’on observe par exemple, pour le permis de conduire [...]. Cela peut concerner certains savoirs fondamentaux, dont la décomposition en niveaux est aisée (les langues, les mathématiques...), cela peut concerner aussi des savoirs techniques qui sont évalués dans les entreprises [...] et même des savoirs plus transversaux. »

Formation du personnel

Cela ouvre, bien entendu, le brûlant problème des certifications et de la nature des organismes aptes à les délivrer. Par ailleurs il ne s’agit pas principalement, comme l’avancent de nombreux analystes, de la concurrence que subit l’école de la part d’autres sources de diffusion des savoirs. Celle-ci a toujours été présente (sous des formes bien entendu différentes). Mais, confrontée à cette concurrence, l’école pouvait compter sur un consensus autour de ce qu’elle seule enseignait, et qui était fortement valorisé par une majorité de la société.

Certes, l’école est aujourd’hui confrontée à l’influence, souvent dénoncée, des médias de masse. Mais cette dénonciation, la plupart du temps trop générale, ne doit pas conduire à négliger de défendre la possibilité théorique et l’intérêt social à ce que cohabitent plusieurs sources de connaissances, sans que cela remette en cause la nécessité des apports spécifiques des formes scolaires. Ce qui est plus spécialement en cause dans l’influence nouvelle des médias, c’est la manière d’appréhender les savoirs. Ceux-ci se donnent et s’acquièrent dans l’immédiateté de la consommation, pour autant que « l’intérêt » soit capté. Le passage par l’étude systématique, qui fait la force des approches scolarisées, est alors considéré comme improductif, voire nuisible.

La demande « d’ordre » est constante concernant l’éducation, à droite et à gauche. Ségolène Royal est même allée jusqu’à proposer la présence de policiers dans les classes ! Les thèmes du « retour des blouses » ou de « l’uniforme scolaire » ont un gros succès. Le film Les Choristes rappelle pourtant bien que le port de la blouse et la discipline militarisée n’empêchent pas les violences, allant jusqu’à l’incendie des locaux et l’atteinte aux personnes. La discipline, entendue comme la possibilité d’étudier dans la tranquillité, est indispensable. Toutes les enquêtes nous disent comment il faut procéder : un encadrement administratif cohérent et ferme (contrôle des absences, respect des décisions collectives, constance dans le suivi), des profs remplacés rapidement, un contact construit avec les parents, des pédagogies adaptées. Ceci nécessite que les moyens appropriés en personnel formé à ces tâches soient garantis. C’est le problème principal.

Mais la discipline n’est pas une valeur en soi. On est à l’école pour apprendre (c’est l’essentiel). Le calme doit le permettre et le faciliter. C’est une condition nécessaire, mais jamais suffisante. Que gagnerait-on à transformer l’école en une immense garderie militarisée ? On doit y apprendre non la soumission générale et irraisonnée, mais à distinguer ce qui est indispensable pour vivre ensemble et pour étudier de ce qu’on peut et qu’on doit contester. On est aussi à l’école pour distinguer l’ordre juste de l’ordre injuste. Mais combien de temps un peuple qui serait formé à cette distinction accepterait-il la domination capitaliste et les discriminations ?

Samy Johsua

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