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Présidentielle. Cinq partis politiques face à l’éducation prioritaire (Rencontre OZP)

23 mars 2007

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires
www.ozp.fr

n° 65 - mars 2007

Cinq partis politiques face à l’éducation prioritaire

Compte rendu de la réunion publique du 14 mars 2007

Comme avant les présidentielles de 2002, l’OZP a demandé à des représentants de partis politiques de venir s’exprimer sur le dispositif d’éducation prioritaire puis de répondre aux questions des participants.
Le cinq partis invités (nous avons dû limiter leur nombre) étaient représentés par les responsables suivants :
 PCF : José TOVAR, ex- secrétaire parlementaire d’Annie DAVID ( responsable des questions d’éducation au Sénat) ; secrétaire national du "Réseau Ecole" du PCF ;
 PS : Claude ROIRON, secrétaire nationale à l’éducation ;
 UDF : Emmanuel ECHIVARD, membre du Bureau politique ;
 UMP : Pierre-André PERISSOL, ancien ministre, député, spécialiste des questions d’éducation ;
 LES VERTS : Yann FORESTIER, professeur à Saint-Lô (Manche), membre de la Commission nationale Education des Verts.

Après une introduction par Nicolas Renard, président de l’OZP, qui a animé la réunion, les intervenants ont présenté brièvement la position de leur parti sur l’éducation prioritaire.

Intervention de Claude Roiron

Pour le PS, la question de l’éducation prioritaire s’inscrit dans le projet de rendre l’école plus juste. L’inégalité n’existe pas seulement à l’école, elle s’inscrit dans un contexte plus large d’accroissement des inégalités sociales. Il s’agit de remettre de l’égalité républicaine là où il en manque. Pour ce qui concerne l’éducation prioritaire, dispositif conçu comme temporaire à l’origine, deux écueils sont à éviter : une trop grande dilution des politiques d’aide et de zonage et une trop grande concentration.
En effet, les moyens massifs attribués aux 249 collèges Ambition réussite ne sont pas négligeables, mais c’est à l’école maternelle et à l’école élémentaire que se noue le parcours de l’élève. D’autre part, un certain nombre d’établissements ont vu leurs moyens diminuer. Et l’aspect le plus important reste la mise en œuvre de politiques qui puissent articuler les politiques territoriales et les politiques à caractère individuel et collectif.
Le PS propose de doter plus massivement les établissements en éducation prioritaire et de doter les autres établissements en fonction des CSP pour gommer les effets de seuil qui existent dans toute politique de zonage. Il met l’accent sur l’importance de la motivation des personnels plus que sur l’expérience et regrette la disparition du dispositif PEP IV qui présentait l’avantage de stabiliser les équipes.

D’une manière générale, l’amélioration de la relation entre l’équipe éducative et les familles concourt à faire du système scolaire un véritable système éducatif.
Le pilotage de l’éducation prioritaire doit être national et pas laissé seulement aux initiatives académiques ou aux chefs d’établissement. Innovation, qualité et diversité de l’enseignement dispensé, conjugués avec la contribution de la rénovation urbaine, font des zones d’éducation prioritaire des précurseurs de ce que doit être une école de la réussite pour tous les enfants qui vivent sur le sol de France.

Intervention de Pierre-André Perissol

L’UMP affirme qu’il est particulièrement important de réussir dans les territoires les plus difficiles parce que l’Ecole est un moteur de l’égalité et du progrès social. Il faut donc dans ces territoires se fixer une exigence de qualité et une ambition de résultats comparable à ce qu’ils sont ailleurs. L’origine très défavorisée des élèves, la concentration de difficultés ne doivent pas conduire à la résignation.

Il est donc proposé d’assigner à tous les établissements, sur cinq ans, un objectif de plus grande mixité sociale : certains élèves de ZEP, au vu de leurs résultats, doivent pouvoir aller dans l’établissement de leur choix, d’autres doivent pouvoir aller dans des établissements ZEP proposant des options prestigieuses.
Les moyens accordés aux établissements en éducation prioritaire doivent être proportionnels aux nombres d’élèves en difficulté scolaire issus de familles défavorisées et non pas de manière uniforme en fonction du territoire. Les établissement doivent pouvoir décider librement, dans un cadre contractuel et assorti bien sûr d’une évaluation, de l’utilisation de ces moyens.
Pour atteindre ces objectifs ambitieux, il est nécessaire de stabiliser les enseignants, volontaires, expérimentés et motivés, qui sont affectés dans ces établissement par une rémunération qui tienne compte des difficultés rencontrées. C’est librement qu’ils doivent pouvoir décider de leur pédagogie.

Intervention de José Tovar

Le PCF estime que la question de l’éducation prioritaire n’est que la partie visible de l’iceberg d’un système éducatif qui va mal, y compris pour les élèves des classes qui ne sont pas défavorisées. Les propositions pour l’éducation prioritaire ne peuvent donc pas être séparées des propositions pour le système éducatif tout entier.

Le bilan des ZEP est connu : insuffisance budgétaire chronique, manque de formation des enseignants... Les politiques menées depuis leur création sont très insuffisantes sur le plan des moyens mais aussi sur le plan de la réflexion théorique ; la question de fond qui explique l’échec des milieux populaires n’a jamais été prise en considération par le système, toujours indifférent aux différences. C’est dès la maternelle que les difficultés apparaissent, produisant de l’échec scolaire par la suite ; il faut donc rendre l’école obligatoire dès trois ans, et de droit pour qui la demande dès deux ans.
José Tovar tient à marquer son accord global avec le Manifeste publié par l’OZP, sauf sur quelques points :
 les professeurs référents : il ne souhaite pas de « superprofs » ;
 le rôle des collectivités territoriales : l’éducation prioritaire doit rester de la responsabilité de l’Etat, ce qui n’exclut pas un partenariat actif avec collectivités territoriales et associations ;
 enfin, les dispositifs dérogatoires sont à éviter parce que l’expérience prouve qu’ils se transforment rapidement en filières de relégation : il faut encourager l’expérimentation des dispositifs proposés pour transformer l’ensemble du système, avec plus de moyens qu’ailleurs.

Intervention de Yann Forestier

Les Verts voient dans les problèmes de l’éducation prioritaire la manifestation de la partie visible d’une crise de l’école plus générale. Leurs propositions concernent donc l’ensemble du système scolaire.
Les problèmes sont criants en ZEP, vingt-cinq années après leur création, parce qu’on n’y pas assez affirmé la logique de discrimination positive et qu’on n’est pas allé au bout de l’éducation prioritaire ; et pourtant un établissement en ZEP, avec ses professeurs débutants, coûte beaucoup moins cher qu’un établissement de centre ville.
Des effets pervers se sont développés : les classes moyennes fuient ces établissements, les personnels débutants y sont affectés contre leur gré. Plusieurs propositions sont avancées pour sortir de cette logique.
A la scolarisation dès deux ans, qui selon les Verts est actuellement surtout utilisée comme un mode de garde plus économique, est préférée la création d’établissements publics de l’enfance qui regrouperaient tout ce qui concerne ce domaine : PMI, maison de la parentalité... L’école doit être intégrée dans son environnement en développant des partenariats avec l’éducation populaire comme avec des entreprises. Elle doit favoriser la valorisation des différences culturelles.

Dans les ZEP en priorité, la réflexion sur les pratiques pédagogiques diversifiées, sur la pédagogie du projet, sur la pédagogie du chef d’œuvre, doit être développée. On peut utiliser comme un levier un « mitage alternatif » d’expériences innovantes menées au plus près du terrain et pilotées en fonction d’objectifs nationaux en mettant en valeur ces innovations.
On doit responsabiliser les élèves, notamment par des formations à la non-violence.

Ces propositions appellent une redéfinition du statut, du service et du système d’affectation des enseignants..

Intervention de Emmanuel Echivard

Pour l’UDF, le vrai problème est celui des établissements qui ne sont pas en ZEP alors qu’ils devraient l’être. Deux cent quarante-neuf établissements sont en Ambition réussite, que fait-on des autres ?
Deux problèmes sont posés : le nombre de sorties sans qualification et la mixité sociale. Pour les résoudre, il convient de fixer deux objectifs : lutter contre l’illettrisme et développer l’excellence dans les établissements.
Il faut lutter contre l’illettrisme dès le primaire en développant une pédagogie différenciée et un travail par petits groupes, de manière que personne n’entre en sixième sans savoir lire. Une véritable mixité sociale sera mise en place dans les lycées et les collèges en développant l’innovation ; des classes pilotes auront pour objectif d’endiguer la fuite des bons élèves. Les dotations seront proportionnelles aux CSP et les budgets seront pluriannuels. Une nouvelle loi sur dix ans fixera des objectifs vérifiables : tous les élèves qui entreront en sixième sauront lire, le nombre de sorties sans qualification sera réduit de moitié.

Pour ce qui concerne les ZEP, les innovations doivent être encouragées. La gestion des ressources humaines doit être personnalisée : c’est tout l’encadrement intermédiaire, chef d’établissement, IA-IPR, qui doit soutenir les professeurs.
La marge d’autonomie des établissements doit être développée en proposant l’individualisation des enseignements et un droit consultatif des principaux sur l’équipe administrative avec laquelle ils travaillent. Les enseignants doivent être affectés sur la base du volontariat et de l’intérêt porté au projet pédagogique plus que sur l’attrait d’une bonification salariale qui existe déjà.
Enfin l’école, qui est souvent le seul lieu de culture dans la commune, doit être ouverte à la collectivité dans laquelle elle se trouve. On doit rendre possible les cours du soir à l’intérieur des établissements en s’appuyant sur les associations.

Débat

Le débat a été particulièrement riche et de nombreux thèmes ont été abordés sans pouvoir être développées dans le temps de la réunion : nous présentons ici les principaux.

Les contenus
Un secrétaire national du SGEN-CFDT estime qu’il faudrait reprendre le débat sur le socle commun des connaissances et des compétences instauré par la loi d’orientation et de programmation, dite « loi Fillon ». Il faut par ailleurs établir une pleine cohérence et continuité entre les niveaux d’enseignement et entre l’intérieur et l’extérieur.
Jean-Michel Zakhartchouk, ancien rédacteur en chef des Cahiers pédagogiques, s’étonne que le titre de la brochure ministérielle se réduise à « Socle commun des connaissances » au lieu de « Socle commun des connaissances et des compétences » ; il s’étonne aussi de la contradiction entre l’idée d’ « ambition réussite » et la suppression de dispositifs qui favorisaient cette réussite.

Pierre-André Périssol déplore la disparition du terme « compétences » dans le titre de la brochure ; il rappelle par ailleurs qu’il parle d’abord au nom du candidat.
Il estime qu’il ne faut pas refaire une loi mais commencer par exploiter le sillon tracé dans le cadre du Débat National pour l’Avenir de l’Ecole, qui a fait remonter plus d’un million de réponses et dont les conclusions ont été reprises dans la loi Fillon, après avoir été approuvées par une mission parlementaire constituée de tous les groupes politiques, commission qu’il a présidée.

Claude Roiron souligne que Ségolène Royal s’est engagée à organiser des Etats généraux de la réussite éducative avec tous les acteurs du système éducatif et de la nation.

Les personnels
Une remarque est faite par un professeur des écoles sur le décalage entre le milieu social d’où sont généralement issus les enseignants et le milieu dans lequel évoluent les élèves de ZEP ; ce décalage est tel que la communication est difficile et que la simple transmission des connaissances pose problème.
Le responsable syndical du SGEN-CFDT déplore le peu de propositions précises dans les déclarations préalables des intervenants et souhaite une redéfinition du métier d’enseignant qui inclurait dans les obligations de service du soutien individualisé, du tutorat, du travail en partenariat, autre chose que le face à face ; il avance qu’une politique prioritaire ne peut reposer sur la seule motivation.

José Tovar estime qu’on ne peut pas faire reposer toute une carrière d’enseignant sur la seule motivation personnelle : il existe au bout d’un certain nombre d’années de travail avec des publics en difficulté un véritable phénomène d’usure. Plutôt que de nommer des professeurs chevronnés dans les ZEP, il préfèrerait que l’on donne à tous des outils pour une excellence au quotidien : un conseil scientifique et pédagogique pourrait exister au sein de l’établissement et travailler les questions difficiles, en relation avec la recherche dans le cadre de la formation continue.

Claude Roiron, répondant aux critiques sur l’absence de propositions concrètes, fait remarquer que le temps qui était imparti au départ à chaque intervenant n’a pas permis d’aborder tous les aspects de la question ; elle souligne que le PS est avancé dans la réflexion sur une meilleure prise en compte des missions des enseignants.
Il faut revoir les IUFM parce que les jeunes enseignants ne se sentent pas armés pour travailler en ZEP ; le temps de présence ne peut se limiter au seul face à face , le travail en équipe est indispensable : encadrement pédagogique des études dirigées, relation parents-enfants, remédiation individuelle. Elle souligne que les mesures de Robien qui ont supprimé tout ce qui pouvait apporter de la souplesse sont un réel obstacle à ce travail.

Une chargée de mission ZEP dans l’Essonne s’élève contre l’absence d’intérêt, hormis à l’OZP, suscité par la question du rôle des coordonnateurs de ZEP.

Le pilotage
A des degrés divers, les intervenants estiment qu’un pilotage est nécessaire. Mais, faute de temps sans doute, les modalités du pilotage ne sont pas développées lors de la réunion.

Pour l’UMP, un contrat doit lier les établissements pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés en fonction d’un cadre national ; en contrepartie de la liberté qui leur est laissée, ils seront tenus d’évaluer leurs résultats.

L’UDF avance qu’on ne peut séparer l’attribution de moyens supplémentaires d’une évaluation.

Claude Roiron, pour le PS, estime que des outils comme le projet d’établissement existent et qu’il ne faut pas aller plus loin dans l’autonomie des établissements, sous peine d’arriver à une école à deux vitesses ; laquelle se met toujours en place au détriment de celui qui ne peut attraper la première vitesse.

Les Verts pensent que c’est aux établissements de décider des manières d’atteindre les objectifs dans le cadre de leur autonomie.

La territorialisation de la politique éducative
Plusieurs participants remarquent que l’aspect territorial de l’éducation prioritaire est remis en cause : on s’achemine vers une politique d’aide individuelle.

Pierre-André Perissol estime que ce qui différencie essentiellement un établissement en ZEP aujourd’hui c’est seulement deux élèves en moins par classe. On ne peut se satisfaire de la manière uniforme dont la question a été traitée au niveau du territoire : une politique centrée sur une aide aux établissements et modulée en fonction du nombre d’élèves en difficulté sociale et culturelle permet beaucoup plus de souplesse et d’efficacité dans l’action.

Pour le PS, il est important d’articuler et de conjuguer les actions individualisées et les actions liées au territoire. Si l’on veut conduire l’ensemble d’une classe d’âge à la réussite, il faut assurer la continuité de l’école maternelle à la fin du collège et donc ne pas traiter d’une façon segmentée l’école maternelle, l’école élémentaire, le collège, le lycée professionnel ; il faut mettre en cohérence, dans le cadre d’un projet, ce qui se passe à l’école et ce qui se passe en dehors de l’école.

Un directeur d’école en ZEP souhaiterait simplement pouvoir travailler avec ce qui existe dans le cadre de la loi : avec les RASED (« actuellement dans un état délabré »), avec la médecine scolaire, avec les assistants sociaux...

La sectorisation et la mixité sociale à l’école
Pour l’UDF, la mixité sociale sera favorisée par des pratiques innovantes ; des classes pilotes rassembleront les bons élèves. Une classe d’excellence peut être une locomotive pour l’établissement.
Ce parti s’oppose à la remise en cause de la carte scolaire qui ferait exploser la mixité sociale. Par ailleurs, il souhaite aller au-delà de loi SRU sur le plan qualitatif avec 25 % de logement social pour tout nouveau programme immobilier.

Pour l’UMP, la mixité sociale est un objectif a atteindre dans un délai de cinq ans.

Les Verts estiment qu’il faut développer des débats préalables sur le terrain. Les classes de niveau dans les établissements ou les classes d’excellence en ZEP n’obéissent qu’à la logique d’y conserver les bons élèves. Il faut surtout, comme le proposait le rapport Legrand, sortir de la logique « une heure, un lieu, un élève ».

Un participant fait remarquer que ce n’est pas l’école qui peut à elle seule instaurer la mixité sociale ; un autre insiste sur l’importance de mettre de la mixité sociale d’abord dans l’urbanisme et rappelle les obligations de la loi SRU sur le logement social.

Pour le PS, la définition du périmètre scolaire n’est pas mineure dans la question de la ghettoïsation en général. Les élus, les Conseils généraux, qui sont chargés de la sectorisation des collèges, doivent prendre leur responsabilité. La carte scolaire et la sectorisation sont un outil dont on doit se servir pour ramener un peu de mixité scolaire là où la mixité sociale ne l’assure pas. De même l’implantation de zones d’excellence dans les zones difficiles ne sont que des outils pour desserrer le ghetto scolaire.

***

Selon l’expression de certains intervenants, le problème de l’éducation prioritaire est la partie émergée de l’iceberg : aussi le débat a-t-il largement dépassé le cadre strict de l’éducation prioritaire.

Compte rendu rédigé par Lucienne Siuda

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