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Anne-Marie Gioux (IGEN) pour la maternelle (Fenêtres sur cours)

6 décembre 2004

Extrait de « Fenêtres sur cours » du 22.11.04 : Anne-Marie Gioux pour la maternelle

« On apprend pour soi, mais jamais seul ». Anne-Marie Gioux est inspectrice générale de l’Education nationale. Elle intervient au colloque du SNUipp sur le thème « L’école maternelle : une école pour apprendre à vivre ensemble ».

Ecole à part entière ? Y a-t-il des apprentissages spécifiques à l’école maternelle ?
Il existe des apprentissages spécifiques qui donnent à l’école maternelle son statut d’école. Le premier d’entre eux est de faire comprendre à l’enfant qu’il existe des interlocuteurs autres que les parents pour construire des savoirs différents de ceux de la famille. L’enfant élabore trois savoirs de base à l’école : je suis une personne à part entière, indépendante de ma famille ; il existe dans le monde des choses à apprendre par l’expérience ou l’échange langagier ; il y a un lieu pour cela, c’est l’école.

L’enfant a son mot à dire dans l’appropriation des savoirs dans la mesure où il apprend qu’il existe des savoirs, mais il doit d’abord construire sa personne d’une façon indépendante, dans un monde social porté par le langage. Ces savoirs seraient plutôt des préalables à d’autres contenus, des savoirs transverses. L’enfant va construire l’idée qu’il est le premier sujet apprenant.

Au-delà de ces préalables, y a-t-il des savoirs propres à l’école maternelle ?

Oui. Il y a des savoirs essentiels qui sont la structuration du langage, la structuration de l’espace et du temps qui sont corrélés à l’évolution de la personne elle-même. C’est dans l’espace et le temps que vont s’inscrire les relations avec les autres. Adulte, copain, adversaire, etc. ; la figure de l’autre s’inscrit dans l’espace et dans le temps comme partenaire des apprentissages. On apprend pour soi, mais jamais seul. On apprend par, avec et... malgré les autres.

Les quatre années d’école maternelle sont-elles indispensables les unes aux autres ?

Il y a des réponses historiques, stratégiques et politiques à cette question. J’apporterai une réponse pédagogique. L’école maternelle fut conçue pour mettre les enfants de la classe ouvrière à l’abri du besoin, de la mort même, puisque ceux dont les mères partaient à la manufacture étaient livrés à eux-mêmes. Elle est devenue progressivement une école de l’éveil, de la sensibilité et les couches les plus favorisées de la société ont vite compris l’intérêt d’en faire bénéficier leurs enfants.
Elle a alors acquis ses lettres de noblesse en terme d’apprentissages premiers et a constitué ensuite sa propre théorie didactique. Dans les années 80, elle retrouve sa vocation de prévention des difficultés scolaires d’origine psychosociale, pour les enfants les plus maltraités par la vie. C’est à partir de 1982 que sont repris les principes d’une scolarisation précoce à 2 ans dans les ZEP.

Scolarisation toujours discutée dans son principe ?

Dans le débat actuel apparaissent des différences dans le rôle qu’on fait jouer à cet accueil, qu’on soit enseignant, maire, parent d’élève ou responsable institutionnel. Notre société s’interroge : « une école oui, pour qui, à quelles conditions, pour quels apprentissages » ? Oui, il y a des apprentissages sur 4 ans pour des enfants non francophones ou qui n’ont pas la chance d’avoir des parents qui leur racontent des histoires le soir, pour les plus démunis, ceux qui ne disposent pas de l’environnement, de la sécurité, du bien-être, de l’hygiène, de l’affection et de l’écoute nécessaires à la croissance intellectuelle ? L’école maternelle va apporter une plus value éducative dans laquelle figurera une part de pédagogie ciblée de façon extrêmement précise sur les capacités, les besoins d’un enfant si jeune.

A 2 ans, l’école est utile, voire nécessaire, si ce n’est pas l’occasion d’une dramatisation affective, si l’accoutumance au grand groupe ( de 12 à 24 élèves) se fait dans de bonnes conditions matérielles.

L’école maternelle est-elle un facteur de réduction des inégalités ?

Elle peut être un facteur de réduction des sources d’échecs pour une partie des enfants, s’ils sont accueillis dans de bonnes conditions avec un vrai projet éducatif et pédagogique où toutes les sections se combinent et s’articulent pour ne pas tronçonner schématiquement l’enfant et les apprentissages en autant d’étapes que de classes d’âge. Réduire les inégalités, c’est ne pas placer trop tôt l’enfant dans un système de compétition, construire sa personne et les éléments de base sur lesquels il sera en sécurité, prendra confiance en lui et élaborera l’image positive du monde et des adultes, aura envie d’apprendre à l’école.

Une école qui ne soit pas un lieu de coercition ou de conditionnement mais d’écoute et d’ouverture.

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