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L’éducation prioritaire et le volet éducatif des CUCS (Rencontre OZP)

avril 2007

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires
www.ozp.fr

n° 66 - avril 2007

L’éducation prioritaire et le volet éducatif
des Contrats urbains de cohésion sociale

Compte rendu de la réunion publique du 4 avril 2007

Il n’est plus possible de parler d’éducation prioritaire sans traiter de la politique de la Ville : au moment où 439 Contrats urbains de Cohésion Sociale (CUCS) sont signés, l’OZP a organisé, pour la sixième fois en deux ans, une rencontre sur l’articulation entre la politique de la Ville et l’éducation prioritaire.
Dans le département de l’Essonne, le sous-préfet à la Ville et l’inspecteur d’académie adjoint avaient, dès le printemps 2005, entrepris d’inciter les communes du département à travailler sur la conception des Programmes de Réussite Educative (PRE) institués par la Loi de cohésion sociale. Ces projets sont bien sûr au centre du volet éducatif des CUCS .

L’OZP a donc invité Thierry TESSON, IA adjoint dans l’Essonne, puis dans le Val-de-Marne, Annie SEVESTRE, chargée de mission pour l’éducation prioritaire dans l’Essonne et Alexandre STIEVENARD, coordonnateur du RAR de Corbeil (Essonne).

Intervention d’Annie Sevestre

13 CUCS ont été préparés dans l’Essonne. Dans toutes les villes où il y a de l’éducation prioritaire, il y a un CUCS, de même dans des villes où il y des secteurs fragiles.

Apprendre à faire travailler ensemble services de l’Etat, collectivités et associations
A. Sevestre décrit le long travail nécessaire pour que chacun trouve sa place et apprenne à travailler avec les autres institutions. Cela a commencé par une évaluation de toutes les actions existantes, évaluation quantitative (fréquentation des dispositifs) et qualitative.

L’inspection académique a donné son avis sur le volet éducatif de tous les contrats. Toutes les actions proposées (plus de 200) ont été examinées avant d’être validées ou non en comité technique à la préfecture. Cet examen a été l’occasion d’amener les partenaires, associations et collectivités à prendre contact avec établissements scolaires et à exposer leur projet, ce qui a permis des recadrages. Ainsi, toutes ces actions se situent désormais hors temps scolaire et toute action touchant à l’enseignement doit être coordonnée avec l’Education nationale.

On partait de très loin ; certaines associations et municipalités avaient pris l’habitude de travailler sans même se faire connaître des établissements. C’est ainsi que des municipalités n’utilisaient pas les données de l’inspection académique pour se constituer des indicateurs de résultats scolaires.
Le préfet à l’égalité des chances (l’Essonne est l’un des quelques départements qui ont un préfet et non un sous-préfet pour cette fonction) a d’ailleurs mis sur pied deux groupes de travail, l’un pour élaborer des indicateurs complétant ceux de la loi de 2003 et l’autre pour estimer le coût d’un parcours de réussite, ce qui introduit une problématique nouvelle dans le service public.

Par ailleurs une évaluation sera menée par un cabinet de consultants pour disposer d’un regard extérieur. Comme certains personnels de l’Education nationale étaient réfractaires aux Programmes de réussite éducative, disant « si vous nous aviez donné ces moyens, nous aurions su faire », il s’agissait de vérifier que les moyens engagés ont bénéficié aux élèves. D’ailleurs, certains directeurs d’école ont pu signaler les premiers résultats positifs des PRE.
Un travail a été entrepris pour amener tous les chefs de projet Ville à toujours impliquer l’Education nationale dans toutes les actions relevant du volet éducatif et pour rapprocher les équipes de réussite éducative (ERE), créées par la loi de cohésion sociale, et les PPRE (programmes personnalisés de réussite éducative), instaurés par la loi d’orientation de l’Education nationale.

Intervention d’Alexandre Stievenard

L’intervenant décrit le travail d’élaboration mené dans la commune de Corbeil (Essonne) et l’analyse fine de toutes les fiches actions (15 pour Corbeil), transmises par la préfecture, qui a permis de nouer les liens avec les services municipaux et les associations. Un objectif atteint est que les actions proposées n’empiètent plus sur le temps scolaire.

La circulaire est datée du 24 mai 2006 et la première réunion d’information à la préfecture s’est tenue le 7 septembre. Au départ, il fallait rendre les projets un mois plus tard. Dans ce département de l’Essonne où le terrain avait été « labouré » auparavant, où la conception des programmes de réussite éducative avait donné lieu à une phase de diagnostic partagé, les municipalités et leurs partenaires ont pu respecter le calendrier officiel très serré sans que les projets soient bâclés. [Note du rédacteur : C’est une observation de portée générale de constater que, lorsqu’il faut répondre à une impulsion venue des ministères, les services locaux et les collectivités territoriales sont prisonniers de calendriers politiques qui ne permettent pas de respecter une vraie démarche de projet. Seuls les services qui étaient déjà prêts parce qu’ils avaient déjà travaillé en partenariat sur le domaine concerné peuvent concevoir de vrais projets. C’est pourquoi l’OZP souhaite que services et collectivités prennent l’initiative de travailler au rythme des acteurs de terrain et n’attendent pas les impulsions nationales pour entreprendre une démarche de projet, qu’il s’agisse d’éducation prioritaire ou de politique de la Ville.]

Après s’être mis d’accord sur les indicateurs à utiliser, fournis par l’inspection académique, l’ensemble des dispositifs existants ont été « reclassés » dans le nouveau projet. Le CUCS doit en effet instituer une cohérence (un mot-valise dont il convient de se méfier, dit Thierry Tesson) dans le foisonnement des dispositifs. Le projet de CUCS a donc été l’occasion d’une évaluation de l’existant, d’un toilettage, d’un recentrage, parfois d’un nouvel appel à projets. Mais, à cette occasion, le niveau d’exigences vis-à-vis des partenaires s’est élevé fortement, on ne se contente plus de données sur la fréquentation. Certaines actions ont été rejetées, d’autres ont beaucoup évolué.

De nouvelles actions spécifiques à l’éducation prioritaire ont été proposées pour se substituer aux anciens projets financés par les crédits Ville et entrer dans la procédure du guichet unique : par exemple une action intitulée « Développer un environnement de réussite avec les partenaires de l’école » en direction des familles, une action d’alphabétisation des adultes et une opération « Ecole ouverte » en partenariat avec la ville.

La priorité a été de ne pas compromettre ce qui marchait, de ne pas ébranler les équipes constituées, de sorte que la simplification du dispositif institutionnel, qui est un objectif des CUCS, ne se fasse que progressivement. Dans l’attente de cette simplification, l’animation des actions transférées de la municipalité au chef de projet de la politique de la Ville ne peut être assurée.

Intervention de Thierry Tesson

L’intervenant fait remarquer le contraste qu’il a pu constater entre l’Essonne et le Val-de-Marne. Contraste géographique entre d’un côté des communes de vielle culture ouvrière qui n’attendent pas que l’Etat vienne leur dire ce qu’elles doivent faire, mais qui en attendent cependant des ressources, et de l’autre des communes d’urbanisation plus récente, plus périphériques, aux populations plus démunies, où les difficultés se sont accumulées et qui sont plus volontiers « preneuses » des initiatives de l’Etat. Il y a dans l’Essonne 6 dispositifs « Ambition réussite » et 14 ZEP contre 2 RAR et 25 ZEP dans le Val-de-Marne, ce qui traduit bien la différence d’intensité des difficultés. A la rentrée 2006, il y avait, dans le « 94 », 3 PRE, il y a actuellement 9 CUCS, peut être bientôt 11 ou 12, à comparer aux 18 de l’Essonne, ce qui traduit une moindre attente. Dans l’Essonne, il fallait presque retenir les maires de se lancer trop vite ; dans le Val-de-Marne, il faut les convaincre.

Thierry Tesson s’est construit son propre tableau de bord, dans lequel une faible fréquentation de la cantine, une proportion élevée de boursiers au taux maximum et une faible ancienneté des personnels dans l’établissement sont des indicateurs fiables de difficulté sociale. La santé lui semble aujourd’hui un problème essentiel à faire repérer à l’école, d’où l’importance de la médecine scolaire dans ces quartiers et celle de ce thème dans les PRE. La question qu’il se pose maintenant porte sur les retombées de l’accompagnement à la scolarité.

Externaliser pour se concentrer sur le « cœur de métier »
Pour Thierry Tesson, le principe de la réussite éducative est d’externaliser les difficultés sanitaires et sociales pour permettre à l’Education nationale de se concentrer sur son « cœur de métier », l’enseignement, mission qui lui revient en exclusivité. La cantine, les problèmes dentaires, etc. peuvent devenir envahissants et empêcher un directeur d’école de faire son travail d’enseignement (voir sur le site de l’OZP, dans la rubrique « Libres propos », le témoignage de V. Decker, directrice d’école à Bobigny).

Il fait aussi remarquer qu’il ne faut pas confondre le mot et le concept : la réussite éducative qui est mise en œuvre est ce qui est défini dans la loi de cohésion sociale et non pas ce que chacun peut imaginer en réfléchissant sur ce termes de « réussite éducative.
L’Ecole est une institution tellement importante en milieu défavorisé que tout partenariat avec l’école est déséquilibré. Le PRE, à l’interface entre l’Ecole et son environnement, rééquilibre les relations.
L’Etat parle désormais d’une seule voix, la préfecture fédère des services qui s’ignoraient : c’est un contrecoup positif de la décentralisation d’obliger ces services à travailler ensemble.

Débat

[Les intervenants reviennent sur un thème central de la politique de la Ville : missions de droit commun et politiques dérogatoires. Pour eux, les dispositifs de droit commun prennent en charge normalement toute les difficultés lourdes et il n’y a pas de raison que d’autres s’y substituent.
Il s’agit surtout, comme le soulignera une coordonnatrice d’Orly, d’instituer un lien : que les travailleurs sociaux ou les soignants qui ont en charge ces dispositifs de droit commun fassent connaissance avec ceux qui travaillent avec le même enfant dans le cadre de la « réussite éducative ».
Pour une part, la mission des Equipes de Réussite Educative (ERE) est donc d’orienter des enfants vers ces dispositifs de droit commun. Mais leur mission centrale est de compléter les dispositifs de droit commun en repérant et en signalant les enfants mis en danger par l’accumulation des obstacles de toute nature, mais seulement quand aucun de ces obstacles pris isolément ne relève d’une prise en charge par les dispositifs de droit commun.

Un membre du bureau de l’OZP s’étonne : l’action culturelle était un levier important de l’éducation prioritaire. On parlait de pédagogie du détour et on voulait éviter de refaire du scolaire après la classe.
A. Sevestre cite des exemples d’actions culturelles (musées, théâtre) impliquant les enfants et leur famille pour leur faire découvrir les ressources culturelles locales.
T. Tesson reconnaît cependant que l’action culturelle n’est pas encore la priorité. Que signifie la culture quand on ne sait pas lire ?

Question : Vous avez bien montré que l’Etat parlait d’une seule voix, mais les collectivités locales deviennent-elles vraiment le pivot du nouveau système ?
A. St. : Celui qui finance pèse plus lourd. Les communes cherchent à transférer des activités sur la politique de la Ville ; c’est l’occasion d’être exigeant sur la qualité et d’instaurer un vrai partenariat. Par exemple nous avons pu, à Corbeil, impliquer les établissements scolaires dans l’activité culturelle de la ville : ainsi un collège participe à la programmation du cinéma du Centre social du quartier aidé par la ville ainsi qu’à la programmation des sorties organisées par le Centre. Ensuite il s’agit de trouver dans les établissements les personnes volontaires pour s’impliquer dans ces activités.
T. T. : L’Essonne a bien de la chance d’avoir un centre de ressources de politique de la Ville qui peut réunir les chefs de projet par commune !

Une coordonnatrice : On apprend tous ensemble à faire ce que séparément on ne savait pas faire. L’important est que tous les acteurs se connaissent. Les enseignants ont à se persuader que la réussite ne passe pas seulement par eux. On ne peut accepter un partage des tâches entre d’un côté l’Ecole qui se chargerait seule des apprentissages fondamentaux et de l’autre les centres de loisirs ou les associations éducatives. On ne peut négliger les compétences et les ressources de l’éducation populaire. Ecole, famille, temps libre, il faut un lien.
A. Sev : Quand j’étais directrice d’école, je faisais participer le directeur du centre de loisirs aux conseils d’école.
T. T. : Ne pas oublier cependant que la réussite c’est d’abord la réussite scolaire, les apprentissages fondamentaux.

Nicolas Renard, président de l’OZP, demande quelle est la lisibilité du dispositif pour les responsables de ZEP. Sans une forte réactivité de leur part rien d’important ne se passe.
T. Tesson en convient : Nous prenons notre bâton de pèlerin pour informer et essayer de convaincre tous les intéressés mais nous ne mettons en place le dispositif qu’avec ceux qui en veulent. Il faut que tous les acteurs s’en emparent. On peut craindre un « effet Potemkine », « faire semblant » en dépensant beaucoup d’argent ; c’est pourquoi l’évaluation sera décisive. Je mise sur les rapports entre le coût et le nombre d’élèves suivis.

N. R. : Comment êtes vous sûr qu’il existe un véritable projet ?
T. T. : Nous allons voir sur le terrain, nous y sommes constamment. La réussite éducative résout des problèmes en surmontant les cloisonnements. Par exemple, une principale de collège a un problème parce que ses terrains de sport sont envahis hors temps scolaire. Eh bien, nous allons monter des activités sportives pour ces jeunes.
A. Sevestre cite un exemple de décloisonnement de deux activités gérées par des institutions différentes : l’étude du soir pour faire les devoirs, qui s’arrête à 18h, et le centre de loisirs qui finit à 19h30 et qui intéresse davantage les enfants. On est parvenu à ce que les enfants fassent leurs devoirs avant d’aller jouer.
A. Stievenard ajoute que c’est à l’Education nationale d’être une force de proposition et que, même si les indicateurs et les tableaux de bord signalent les situations à examiner, on ne fera jamais l’économie de l’analyse.

Le débat va se nouer autour de deux questions. D’abord, comme lors des rencontres précédentes, sur l’opposition entre individualisation et/ou action collective, puis sur la définition du cœur de métier de l’Education nationale.

Une nouvelle fois, il est rappelé que c’est le suivi qui est individualisé mais que l’action est collective. Cette explication a déjà été donnée plusieurs fois lors de précédentes Rencontres. Elle semble cependant contredite, selon un participant, par l’ensemble du discours du gouvernement actuel, qui renvoie la réussite à la responsabilité individuelle isolée.
A. Sevestre : Plutôt qu’ »individualisé », on devrait dire « personnalisé ».
T. T. : La démarche d’individualisation, inscrite dans le temps, permet de traiter les problèmes en profondeur.
A. Stievenard décrit comment des enfants suivis individuellement peuvent voir leur participation à des activités collectives financées par la réussite éducative sans que rien ne puisse les stigmatiser.

Arnold Bac (Ligue de l’Enseignement) : Qu’entendez-vous par cœur de métier  ?
T. T. : Le cours, l’emploi du temps, le maître et sa classe. L’accompagnement scolaire n’a pas de sens s’il se fait sans coopération avec les enseignants.

A. Bac : Dans le PRE, j’ai l’impression qu’on oublie la lettre P, le projet. Le projet d’école ou le projet d’établissement définis par la loi de 1989 débordent l’enseignement, les cours ou le cœur de métier et la définition un peu réductrice que vous en donnez. [Note du rédacteur : la lettre P du sigle PRE désigne d’abord les Programmes, institués par la loi, mais elle peut désigner aussi les « projets » et les « parcours ». Les programmes sont fondés sur un projet, qui se décline en actions ; un parcours personnalisé pour chaque élève signalé se traduit par la participation à plusieurs actions.]
Je suis gêné par l’externalisation, la césure préjudiciable qu’elle introduit et qui peut produire de la stigmatisation, de la mise à l’écart et l’effet d’aubaine autour de la manne de crédits, alors que l’école souffre d’un manque de crédits pédagogiques. Ce que j’ai entendu ne correspond pas du tout à ce qui nous avait été dit au Ministère sur les rapports entre l’Ecole et ses partenaires à l’intérieur d’un projet commun.
T. T. : Plutôt que de projet, je parle de dispositif. Je parle de cœur de métier pour désigner ce qui relève des seuls enseignants et ce que l’Ecole doit absolument faire. Il faut clarifier les rôles. Ceci admis, l’Ecole fait plus que son cœur de métier.
A. Bac : L’air du temps, c’est de réduire l’Ecole à « lire, écrire, compter », c’est faire porter le chapeau de l’échec aux familles et aux enfants, c’est oublier le développement de la créativité, de l’esprit critique.
A. St. : : Les équipes de terrain partagent vos préoccupations, c’est le vrai garde-fou.

Compte rendu rédigé par François-Regis Guillaume

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