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Présidentielle. Ce qu’ont écrit les deux candidats sur les ZEP

4 mai 2007

Extraits de deux ouvrages, le 03.05.07 :

1. Nicolas Sarkozy, « Témoignage », Editions XO

Page 113

« Les ZEP, reconnaître l’insuffisance, proposer d’autres solutions.

« La question des zones d’éducation prioritaire est une autre illustration exemplaire des difficultés de la pensée autorisée à réagir autrement que par la caricature, la dénonciation et l’indignation à toute tentative de penser et d’agir autrement.

« A la fin du mois de novembre 2005, très peu de temps d’ailleurs après la fin de la crise des banlieues, j’ai déclaré qu’il fallait « déposer le bilan » des ZEP ». C’était en conclusion de la convention de l’UMP sur les injustices. L’expression était incisive. Mais au moins elle était claire. Ce fut une levée de boucliers, à gauche comme à droite. On m’accusa de vouloir supprimer les moyens supplémentaires dont bénéficient les ZEP, bien que je n’ai rien dit de pareil. On m’accusa de vouloir en donner moins à ceux qui ont déjà si peu, comme si j’étais assez primaire pour penser que c’est à Henri IV ou à Louis-le-Grand qu’il faut mettre les priorités de l’Education nationale.

« On m’accusa de dénigrer le rôle de l’éducation et de la formation dans l’égalité des chances et la promotion sociale. Je pense exactement l’inverse. Je pense que l’une des principales causes de l’échec des ZEP, c’est qu’on y a abaissé le niveau des exigences alors qu’il fallait l’augmenter. Un enfant de cadres ou d’enseignants a tout ce qu’il faut dans son environnement. Familial pour se forger un bagage intellectuel et culturel. En revanche, c’est à l’école qu’un enfant issu d’un milieu social défavorisé peut avoir la chance de croiser la route de nos grands écrivains, de nos grands philosophes, de prendre conscience de l’importance de l’histoire, de découvrir qu’au bout de l’effort nécessaire pour entrer dans les sciences exigeantes, il y a aussi du plaisir. Cette forme de rudesse, cette rigueur avec tous les élèves, filles et garçons, enfants de médecins, de paysans ou d’ouvriers, cette conviction que c’est par l’exigence qu’on tire le meilleur de l’enfance, pas par la facilité, fit le succès des instituteurs de la troisième République.

« Enfin, scandale suprême, en m’en prenant aux ZEP, je dénigrais « les milliers d’enseignants qui font dans ces établissements un travail remarquable avec un dévouement admirable ».

« Malheureusement les faits sont là, implacables, résista,nts : la politique des ZEP a échoué. Créée en 1982, elle devait durer quatre ans. Vingt-trois ans plus tard, il existe plus de sept cents ZEP ! Le niveau des élèves y est très inférieur à celui des autres établissements. Cette différence de résultats ne vient pas seulement du fait que les enfants scolarisés en ZEP ont en moyenne plus de difficultés que les autres. En effet, l’écart de niveau s’accroît avec le temps. Les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes issus des quartiers sont majeures, il n’est guère besoin de le souligner. Enfin, les ZEP sont devenues des ghettos scolaires. Les familles informées, ou qui ont les moyens, les évitent, ce qui aboutit à concentrer ensemble les élèves qui ont le plus de difficultés alors qu’il faudrait au contraire les disperser. Osons même dire les choses jusqu’au bout : d’une part, les enseignants des ZEP sont les plus jeunes et les moins expérimentés et le taux de rotation y est beaucoup plus élevé qu’ailleurs. D’autres part, très peu d’enseignants de ZEP scolarisent leurs enfants en ZEP. Si les ZEZP étaient ce succès éducatif que j’ai eu l’audace de critiquer, on y stabiliserait les enseignants et on y trouverait leurs enfants.

« Dire cela n’enlève rien au mérite de tous ceux qui enseignent en ZEP. Ce n’est pas leur dévouement ou leur compétence qui sont remis en cause. Cela n’enlève rien non plus au succès de certains établissements comme ce lycée de Saint-Ouen-l’Aumône dans le Val-d’Oise qui mène une politique remarquable de réussite pour tous ses élèves, en coopération notamment avec Sciences Po et l’ESSEC. Mais au prix de quelle détermination, de quels efforts de la part des enseignants, de l’équipe de direction, des services académiques pour changer les habitudes, avoir le courage d’innover, trouver des partenariats ! Ce qui est en cause, c’est la manière dont la politique des ZEP a été mise en œuvre au fil du temps, rien d’autre.

« Les moyens supplémentaires accordés aux ZEP ont été insuffisants (1,2 % du budget de l’Education nationale pour une politique prioritaire - il faut oser - concernant 20 % des élèves) et saupoudrés sur trop d’établissements. Surtout, ces moyens servent quasi exclusivement à réduire le nombre d’élèves par classe (22 contre 24 dans les établissements hors ZEP), une réduction uniforme et beaucoup trop faible pour qu’elle ait de l’influence sur la réussite des élèves. C’est à moins de 15 élèves par classe que la réduction des effectifs commence à avoir une portée. Les facteurs de la réussite scolaire sont connus : l’environnement familial ; les conditions de logement, en particulier le fait d’avoir une chambre individuelle ; la mixité sociale ; enfin et surtout les qualités pédagogiques des enseignants. Les ZEP, telles qu’elles sont mises en œuvre depuis vingt-cinq ans, ne s’attaquent à aucun de ces facteurs.

« Mon ambition n’est pas de supprimer l’éducation prioritaire, qui est indispensable. Mais elle ne se borne pas, non plus, à lui consacrer plus de moyens qui aboutiront aux mêmes échecs si nous ne changeons pas de méthodes. Plutôt que de raisonner par zone stigmatisante, plutôt que de concentrer tous nos moyens sur la réduction uniforme des effectifs par classe, je veux qu’on élargisse la palette de nos outils et qu’on raisonne par enfant, comme aux Pays-Bas ou comme en Suède. Les moyens de la politique d’éducation prioritaire doivent servir à donner à chaque enfant qui en a besoin, qu’il soit ou non d’ailleurs scolarisé dans une ZEP, un accompagnement adapté à se difficultés. Ce ne sont pas les idées qui manquent : prise en charge précoce et renforcée entre dix-huit mois et quatre ans, parce que c’est à cet âge que s’acquiert une bonne partie des capacités cognitives ; soutien scolaire ; tutorat ; internats d’excellence pour être plus au calme le soir... Et tant d’autres solutions encore.

« Je souhaite aussi que nous encouragions les établissements privés sous contrat à s’implanter dans les quartuiers défavorisés. Ils le demandent. Ils ont des projets. Tout est fait depuis de longues années pour les en dissuader. Qu’on le veuille ou non, qu’on le déplore ou non, les établissements privés d’enseignement sont actuellement prisés par les familles. Les listes d’attente sont importantes. Les parents y sont rassurés par une présence plus forte de l’encadrement et par leur meilleure association au devenir scolaire de leur enfant. »

(...)

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2. Ségolène Royal, « Maintenant », Hachette Littératures

Cet ouvrage est composé de 190 questions auxquelles répond Ségolène Royal. Les problèmes existant dans les ZEP et les solutions que la candidate propose se retrouvent dans un certain nombre de ces « entrées » : Banlieues (page 26), Carte scolaire (43), Ecole (103), Internats éducatifs (167), Pauvreté (231), etc.

Seules deux questions l’amènent à citer explicitement les ZEP :

a. Discrimination positive (page 97) :

Question : « En dehors du fait que Nicolas Sarkozy aurait la paternité du terme discrimination positive, pourquoi préférez-vous l’expression égalité réelle ? »

Ségolène Royal : « La paternité du terme revient aux Américains qui appellent cela affirmative action. La traduction française n’est pas très heureuse. La mise en place à grande échelle de la discrimination positive à la française, c’est-à-dire sur des bases géographiques et sociales, pas sur des critères ethniques comme outre-Atlantique, ce sont les ZEP, une politique de gauche qui visait à donner plus à ceux qui ont moins.

(...)

b. Education nationale (p. 109) :

Question : « C’est le premier budget de l’Etat, en augmentation de plus de 20 % en dix ans. Pourtant, l’Education nationale est en faillite. Quelles sont les trois premières mesures à prendre ? »

Ségolène Royal : « En faillite ? Non. Respectons les enseignants et épargnons-leur la caricature. Il faut casser ce lieu commun selon lequel « le niveau a baissé ». Mais les écarts se sont creusés. Il ne faut pas non plus faire croire que l’Education nationale est de plus en plus riche car, sur le terrain, elle est terriblement démunie, surtout là où il faudrait investir le plus pour que l’égalité des chances ne soit pas, comme aujourd’hui, un leurre : les quartiers populaires et le milieu rural. Si les municipalités, les départements et les Régions n’apportaient pas une aide au-delà de leurs obligations, les effets du désengagement de l’Etat seraient encore plus ravageurs. Sans parler de la paupérisation scandaleuse de nos universités !

« Cela dit, résoudre la crise profonde de l’institution scolaire suppose d’agir conjointement sur plusieurs fronts. Il faut d’abord refonder à tous les niveaux, le sens de l’école et dire clairement quel bagage de savoirs la République veut donner à ses enfants, à tous ses enfants, durant le temps de la scolarité obligatoire. Mobiliser ensuite tous les moyens qui ont fait leurs preuves, en finir avec l’orientation par l’échec et établir l’égale dignité de toutes les filières. Ne pas craindre aussi de corriger ce qui doit l’être et d’expérimenter des idées neuves. Arrêter les réformes qui s’empilent sans jamais être évaluées. Libérer les initiatives. Apporter une reconnaissance et un engagement de l’Etat au plus haut niveau.

« J’ai indiqué des pistes et j’ai fait, dans mon pacte présidentiel, des propositions précises. Pour attaquer l’échec scolaire à la racine, je mettrai en place un service public de la petite enfance et la scolarisation obligatoire à trois ans, afin de favoriser l’acquisition précoce des bonnes postures d’apprentissage et d’assurer la maîtrise de la langue parlée à la maternelle. Les élèves bénéficieront d’un soutien scolaire gratuit grâce à des répétiteurs. Dans les ZEP, le nombre d’élèves par classe sera limité à dix-sept en CP et en CE1 car c’est un facteur d’amélioration des performances scolaires. Pour leurs élèves en difficulté, les établissements recevront une dotation supérieure de 25 % à la dotation ordinaire. Contre les ghettos scolaires, la carte scolaire sera révisée, nous en avons parlé.

« Je renforcerai également la présence d’adultes dans les établissements en créant un nouveau métier, car c’est un des moyens les plus efficaces de prévenir les violences scolaires et d’apporter à chaque élève l’aide individualisée dont il peut avoir besoin. Je pense aussi qu’il faudra, là où c’est nécessaire et souhaité, la présence d’un deuxième adulte dans les classes. La suppression des aides éducateurs par la droite a été, sur le terrain, une catastrophe. La logique purement comptable qui inspire aujourd’hui les suppressions de postes d’enseignants est ravageuse. Il faudra partir des besoins et rétablir les moyens nécessaires.

« Il faudra aussi regarder comment améliorer la transition entre le CM2 et la 6ème, qui est souvent un moment où les élèves perdent pied. Et démocratiser l’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, encore très fermées aux bons élèves qui ne sont pas issus des beaux quartiers ou d’une famille d’enseignants. J’attache aussi beaucoup de prix à la qualité du dialogue avec les familles car les parents et l’école ont une responsabilité éducative partagée. Nous avons évoqué les états généraux des enseignants : c’est avec eux qu’il faut trouver les manières les plus efficaces de les épauler dans leur tâche.

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