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La suite du dossier sur l’éducation prioritaire dans « Fenêtres sur cours »

6 juin 2007

Extrait de « Fenêtres sur cours » n°299 du 4 juin 2007 : L’éducation prioritaire se fait RAR

Pour le SNUipp, la réussite de tous exige une politique volontariste. Le dispositif « Ambition réussite », tel qu’il s’est mis en place, n’est pas une relance. Les écoles maternelles et élémentaires doivent être au coeur d’une véritable politique ambitieuse. Dans les ZEP, cela passe par la création de postes supplémentaires, pour une prise en charge à plusieurs de la difficulté scolaire et pour, en maternelle, assurer la scolarisation dans de bonnes conditions des enfants de 2, 3 ans. Il est aussi indispensable de prévoir du temps de concertation entre les maîtres et avec les partenaires de l’école. Enfin, le SNUipp demande des actions spécifiques de formation continue et de formation initiale, la création de postes d’enseignants maîtres formateurs en lien avec la recherche pédagogique. La discrimination positive doit encourager les expérimentations pour que les ZEP restent des laboratoires de l’excellence pédagogique.

Les pratiques,

c’est classe

Un rapport de l’Inspection générale sur l’éducation prioritaire insiste sur la pédagogie comme élément de réussite dans un contexte difficile. En lumière, un fort besoin de formation de qualité et d’accompagnement des équipes.

Quelle pédagogie dans et pour l’éducation prioritaire ? » interroge le rapport de l’Inspection générale de novembre 2006 sur « la contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves ». La question n’est pas neutre et prend le parti d’affirmer qu’ « il n’existe pas de fatalité à l’échec scolaire ».

Certaines organisations et pratiques pédagogiques produisent des résultats efficients. En analysant leurs conditions, le rapport pointe divers facteurs : continuité des apprentissages régulée par un travail d’équipe, enseignement structuré, temps d’apprentissage préservé, niveau d’exigence élevé, animation et gestion par le directeur du travail collectif et des relations avec l’environnement de l’école.

Pour autant ces réussites ne vont pas de soi, elles ne tiennent pas non plus du miracle. « Elles dépendent en partie de la qualité de la formation continue, en partie de l’encadrement de proximité » analysent les IG. Comme pour mieux pointer les manques actuels, le rapport préconise alors différentes pistes pour « une relance pédagogique de l’éducation prioritaire ».

Côté classe, des orientations sont dégagées : équilibre entre les temps clés d’apprentissage (phase de recherche et de manipulation, moments de construction, activités d’entraînement), exploitation de l’évaluation « en évitant un trop grand nombre sous des formes sophistiquées et complexes », transmission d’enseignements et de connaissances culturelles. Pour cela, les équipes pédagogiques ont besoin d’aides « jusque dans des aménagements pratiques de leur travail (organisation du temps de l’apprentissage, choix d’outils, instauration de rituels pour amener les élèves à travailler dans la sérénité...) ». Ce soutien doit également favoriser la « construction d’une cohésion d’équipe ». Les enseignants ont besoin d’être épaulés par « un encadrement pédagogique de proximité ».

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A Saint-Etienne

l’équipe joue pédago

A St Etienne, le quartier Montreynaud, s’est ghettoïsé au fil des années. Pour s’opposer à cet environnement de difficultés et de misère sociale, les enseignants du seul réseau Ambition réussite du département de la Loire s’investissent pédagogiquement.

Développé en pleine campagne dans les années 70, en réponse aux besoins de l’époque en logements, Montreynaud, véritable quartier champignon se trouve aujourd’hui en total décalage avec le nouveau contexte démographique et les attentes des stéphanois.

Ainsi la forte baisse de la population - de 15 000 habitants en 1975 à 9 000 en 2006 - la crise de l’emploi et l’attraction des petites communes limitrophes confèrent au quartier l’image d’un ghetto privé de toute mixité sociale. « Seuls restent, ceux qui n’ont aucune possibilité financière de quitter un quartier qui évoque plus des images de guerre civile que de douceur de vivre » constate Jean-Yves Durousset, le directeur de l’école élémentaire Gounod. L’une des dix écoles primaires qui scolarisent les quelques 1 250 élèves restants -contre plus de 3 000 il y a 20 ans- quasiment tous issus de l’immigration ou du centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) de Saint-Etienne.

Dans cet environnement de difficultés et de misères sociales, Montreynaud perché à l’écart du centre-ville et seul réseau ambition réussite (RAR) du département de la Loire, n’offre plus à ses habitants que ses écoles comme outil de confiance et d’espoir. A cela le voeu de nombreux chercheurs dont Gérard Chauveau « L’une des voies pour s’en sortir est donc l’excellence pédagogique » trouve ici toute sa raison d’être. Une tâche à laquelle les enseignants de la maternelle Gounod s’attellent depuis plus de dix ans.

Arrivés tous en même temps, il y a une dizaine d’année -« par hasard » précise Yves Scanu, le directeur de cette école devenue, il y a deux ans, école d’application-, ils ont au fil des années tissé des liens entre l’école et les familles. « Nous avons mené de nombreuses actions en direction des parents. Ils ont acquis une meilleure lisibilité de l’école et ont une grande confiance en l’équipe enseignante. Même si nous n’avons pas d’indicateur pour l’attester, nous avons le sentiment que ces bonnes relations ont un effet facilitateur pour l’entrée dans les apprentissages des élèves » note Yves. Des parents que l’on retrouve dans les quatre classes le matin lors de l’accueil, installés avec leur enfant et l’aidant à écrire son nom pour le tableau des présents ou à coller l’étiquette du goûter choisi pour la collation.

Des parents qui participent aussi depuis de nombreuses années à la semaine « portes ouvertes ». Un moment où ils voient leurs enfants en activité pendant le temps de classe, où les enseignants montrent les situations de travail proposées pour aider les enfants à construire leurs apprentissages. Mais également, comme l’explique Yves, pour « mieux leur faire connaître l’école, les aider à mieux comprendre ce qui s’y passe car nous avons la conviction que le soutien des parents est indispensable pour la réussite scolaire des enfants ». « Faire réussir tous les élèves », une volonté que l’on trouve également dans la liaison entre la grande section et le CP de l’école élémentaire mitoyenne. En effet, à raison d’une séance par semaine les élèves des deux classes décloisonnent en trois groupes : atelier mathématiques, jeux coopératifs et lire écrire. Des groupes où le tutorat est de mise et qui se démultiplient grâce à la présence des enseignants libérés par le temps de la sieste mais également, depuis cette année, par celle des assistants pédagogiques et des maîtres supplémentaires issus du dispositif RAR. Ce lien profond entre les deux écoles est par ailleurs développé par les deux équipes avec la mise en place d’un conseil d’école commun, une fois par an, et, depuis cette année, d’une BCD unique aux deux écoles.

En plus des projets développés par les équipes, les élèves des écoles Gounod, comme ceux de l’ensemble des écoles du quartier, bénéficient des actions pédagogiques développées à la fois pour les classes maternelles ou les classes élémentaires, voire pour les deux, par Dominique Joubert, l’ancien coordonnateur du REP devenu depuis cette année, RAR oblige, secrétaire du comité exécutif. Du « Grand Méchant Lu », à la fois défi lecture et atelier d’écriture autour de la littérature de jeunesse, avec la présence importante dans les classes de nombreux auteurs et illustrateurs, au « Mathulu » qui voit les conseillers pédagogiques proposer des défis mathématiques aux élèves, en passant par « citoyen de demain » une action comportementale autour des délégués de classe et de conseils d’élèves... La liste est importante. Mais l’action dont Dominique est peut-être le plus fier est celle initiée avec le collège, à savoir la création d’une mare pédagogique. « Encadrée par un animateur, chaque classe de CM2 se rend à quatre reprises sur la mare située au collège, indique Dominique. Ils effectuent des mesures, recensent et identifient la vie aquatique, lisent le paysage ». Le laborantin mis à disposition par le collège envoie chaque semaine les résultats par messagerie électronique et assure l’accueil en salle de SVT pour l’observation des espèces.

Depuis cette année, le passage de REP en RAR n’a fondamentalement pas changé les actions menées dans le quartier. Seul élément nouveau et apprécié, comme le note Jean-Yves Durousset, « avec 7 assistants pédagogiques et 2 maîtres supplémentaires pour les dix écoles, cela permet la mise en place de moments avec un fort encadrement et le montage de projets d’excellence même s’il existe une certaine complexité dans la gestion des emplois du temps ».

Des moyens humains qui viendront encore améliorer des évaluations « dans la norme des ZEP mais pas satisfaisants par rapport à l’investissement déployé par les équipes » note Yves. Mais d’excellents résultats quant à la relation à l’école et à la quasi disparition de la violence. Reste à comparer ce qui est comparable car comme l’exprime Dominique Joubert « la population scolaire d’il y a quinze ans et celle de maintenant n’ont rien de similaire ».

Cette forte ghettoïsation du quartier entraîne même un contournement de la carte scolaire de près de 60% après le CM2. Fuite d’un collège de 250 élèves, sans cantine, à plus d’une demiheure en bus de certains HLM du quartier, mais surtout une volonté des familles de faire connaître autre chose à leurs enfants. Comme quoi, pour plagier Gérard Chauveau, l’autre voie pour s’en sortir est la mixité sociale.

Dossier réalisé par Lydie Buguet, Philippe Hermant, Arnaud Malaisé, Pierre Magnetto, Sébastien Sihr.

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Nous continuerons demain, jeudi 7 juin, la publication de cet important dossier

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