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L’évolution des métiers d’inspection : être IEN en ZEP ou REP, par Philippe Quentin, membre du CA de l’OZP

8 juin 2007

L’évolution des métiers d’inspection :
être Inspecteur de l’Education Nationale dans l’éducation prioritaire

Philippe Quentin, IEN, responsable de REP à Montpellier

Plus qu’ailleurs encore, c’est dans l’approche de l’éducation prioritaire - que l’on raisonne en termes de territoires ou de publics prioritaires - que sont le plus interrogées les postures professionnelles de chacun des métiers de l’Education Nationale. J’avais eu l’occasion en novembre 2006, dans le cadre d’un master de Sciences de l’Education, de faire une intervention sur l’évolution des métiers de l’inspection, d’une manière générale.

Le propos est ici de situer cette analyse dans le contexte de l’éducation prioritaire d’une pratique professionnelle d’Inspecteur de l’Education Nationale (IEN), chargé de circonscription, ayant vocation à être responsable ou co-responsable de Réseau d’Education Prioritaire (REP), au rôle plus flou dans le cadre d’un Réseau Ambition Réussite (RAR).

Ceci s’inscrit bien entendu dans le champ plus vaste des évolutions actuelles du management au sein de l’Education Nationale.

Le REP, la circonscription d’IEN et les écoles, réalités virtuelles

Il faut tout d’abord situer l’IEN comme responsable territorial d’une circonscription, à laquelle s’intègre, comme un sous-ensemble, le dispositif d’éducation prioritaire. Il est intéressant ici de partir du cœur de métier de l’inspecteur du premier degré, pour mieux ensuite le situer en responsable et acteur de l’éducation prioritaire.

Les IEN, comme on les nomme avec affection, présentent la caractéristique originale dans notre système d’associer des responsabilités territoriales et pédagogiques, d’être en somme à la fois administrateurs, chefs de service, formateurs et contrôleurs, toutes choses somme toute assez contradictoires. Ce sont les seuls à être définis de manière aussi schizophrénique.

Pour donner une image assez juste du métier, l’IEN est au regard des enseignants de sa circonscription à la fois chef d’établissement et inspecteur pédagogique. Mais il est chef d’un établissement virtuel, ce qui ne simplifie rien :

 un établissement géant regroupant jusqu’à plusieurs dizaines d’écoles, qui n’ont pas de personnalité juridique propre,

 un établissement qui ne bénéficie pas d’une autonomie affichée comme c’est le cas des EPLE,

 un établissement nain en ce qui concerne les moyens propres dont il est doté (pas de dotation globale, pas de marge de manœuvre définie administrativement comme c’est le cas pour les EPLE...).

Et pourtant elles tournent, les circonscriptions d’IEN : ces écoles sans statut aux directeurs aux contours flous et ces circonscriptions tout aussi romantiques maillent le territoire, scolarisent quasiment tous les enfants, sont immergées dans leur réalité sociale et rencontrent la diversité des situations complexes qu’engendre notre société.

Les territoires que sont ces circonscriptions sont sous la responsabilité, par délégation de l’Inspecteur d’académie, d’IEN qui, donc, les administrent (gestion des personnes et des moyens, contrôle), les pilotent, les animent.

Accompagnement, facilitation, des dynamiques des enseignants, des équipes pédagogiques ? Pilotage plus incitatif ? On le verra, probablement les deux, voire plus...

Mais quel est donc ce métier d’IEN, dont on pressent déjà qu’il ne se limite pas - comme d’ailleurs c’est le cas pour ce qui concerne tous les corps d’inspection - à l’acte d’inspection ? Quel est-il en particulier dans un contexte de pilotage local de l’éducation prioritaire ?

IEN, un métier à l’image floue, évoluant avec l’histoire du système éducatif...

J’ai préparé le concours d’IEN en me procurant, au vu de son titre, un livre rencontré par hasard, dans un centre de documentation des touts récents IUFM de l’époque, plutôt grand public : « L’inspecteur et son image ». Un livre dont j’ai même oublié l’auteur...

Il évoquait l’historique de ce glorieux corps, depuis les inspecteurs primaires du XIXe siècle, qui administraient un département, jusqu’aux inspecteurs départementaux de l’Education Nationale, qui, eux, comme leur nom ne l’indique pas, administraient un sous-ensemble du département - la circonscription -, sous l’autorité d’un inspecteur d’académie qui lui exerce une responsabilité sur... l’ensemble d’un département.

Si les termes collaient si mal aux fonctions, cela traduisait probablement une sédimentation, une succession de définitions plus ou moins implicites, au fil du développement du système éducatif, de cette hiérarchie intermédiaire : partant d’une volonté nationale, descendante, de constituer un système éducatif hyper centralisé mais capable de scolariser tous les enfants de France, en détrônant au passage le quasi-monopole de l’Eglise ou d’initiatives privées dans ce domaine, il a fallu très vite tout à la fois encadrer, contrôler mais déjà aussi conforter dans un environnement parfois hostile les « hussard noirs de la République ».

Le propos n’est pas ici de retracer un historique de ce corps d’inspection primaire qui a commencé à mailler le territoire, passant progressivement du département à des circonscriptions regroupant quelques milliers d’enfants et quelques centaines d’enseignants. Il est plus intéressant de s’attarder sur les évolutions les plus récentes de ce métier d’inspecteur.

Un peu d’histoire : contrôle et illusion de l’omnipotence

On peut toutefois revenir rapidement sur quelques points saillants d’une pratique dominante de ce type de responsabilité, probablement jusque dans les années 70 : l’organisation est très descendante, l’inspecteur exerce en permanence un contrôle de conformité, l’inspection est l’acte central de son métier, il sanctionne, préconise, conseille, le curseur entre ces trois postures variant selon l’époque, son style personnel et les situations rencontrées.

Il est vécu le plus souvent, à juste titre, comme l’alliance d’un missi dominici et d’une courroie de transmission. L’image est-elle parlante ?

On ne lui prête pas d’autonomie, il n’agit que par délégation du niveau supérieur, il n’en prête pas plus aux enseignants.

Mais la réalité est tenace !

Et pourtant... ce style de management se révèle bien évidemment illusoire : les enseignants construisent progressivement une définition de leur métier qui associe de fait une certaine liberté pédagogique, une certaine autonomie dans la classe et une responsabilité qu’ils vivent au premier chef au quotidien, face à leurs collègues, aux parents, au maire du village...

L’inspecteur, quant à lui, fait vite appel à bien d’autres leviers que le contrôle strict. Il s’auto-érige, toujours dans les faits, par sa pratique, en « baron », en notable qui tend à se définir comme une autorité locale en elle-même, effaçant partiellement la définition initiale de sa fonction, absolument descendante, déléguée d’un niveau supérieur.

Nul n’échappe à son époque, et à ses modèles de management : l’IEN sera successivement autoritaire, paternaliste, rationaliste, pilote par objectif, participatif... les nouvelles pratiques dominantes n’effaçant jamais complètement les anciennes, me semble-t-il...

A ce propos, une information : c’est sous le ministre Monory, à la fin des années 80, alors que le terme de « pilotage » était employé pour la première fois aussi clairement dans un rapport touchant à l’EN (LESOURNE), que les IEN sont décrits pour la première fois comme des « managers ».

Il me semblait important de pointer ce décalage entre la définition théorique des métiers de l’EN et leur réalité, afin de ne pas tomber dans des simplifications excessives.

Les évolutions actuelles

En fait, nous sommes sur des carrefours complexes entre « métiers d’aide à autrui », institutions ( cf. DUBET), service public et pratique de métiers qu’on exerce en très grande partie à partir de ce qu’on est, car on est confronté à la complexité de situations réelles et d’enjeux professionnels qui ne se laissent pas facilement enfermer dans un référentiel métier prédéfini - tout comme le médecin, le juge, l’assistante sociale.

Il me semble que c’est ce type de prise de conscience, comme cela a été le cas dans toutes les organisations complexes, qui a « boosté » la réflexion théorique et l’ouverture des pratiques des métiers de l’Education.

Une certaine idée du métier..

Je tiens à ce que ce témoignage reste concret, et reviens donc à mon expérience : malgré le livre sur l’image de l’inspecteur, j’ai donc passé le concours de recrutement, après avoir enseigné trois ans comme instituteur et trois ans comme professeur. C’était il y a 16 ans, au moment où sortait la Loi d’Orientation pour l’Education (dite loi Jospin) dont j’avais retenu trois points essentiels :

 l’ouverture de l’école aux parents, aux élus, aux partenaires associatifs,
 la promotion du travail en équipe des enseignants,
 la mise en place des cycles, qui cassait l’unité temporelle de base dans laquelle étaient censés entrer tous les élèves : l’année scolaire.

Il est important de considérer que c’est par adhésion intellectuelle, éthique, à ce très nouveau cadrage institutionnel que j’ai envisagé d’élargir au-delà de la classe mon champ professionnel. Cela m’intéressait de contribuer, concrètement, à ce que ces évolutions se traduisent dans la réalité.

Je suis aussi entré dans ce métier avec une expérience critique vis-à-vis de l’inspection : en tant qu’inspecté, j’y avais perçu un genre de rituel, assez inefficace tant il pouvait être détourné, contourné, faussé par les deux parties, à la fois ou non !

Enfin, je n’avais aucune fascination, ni crainte particulière, vis-à-vis de l’autorité que je serais censé incarner, ne reconnaissant de crédibilité qu’à l’autorité reconnue par ceux qui la subissent au nom d’une légitimité fondée sur l’utilité, la complémentarité des compétences et positionnements institutionnels. On n’est crédible, entendu, que si l’on s’inscrit dans une vraie relation entre professionnels, dans laquelle chacun trouve son compte.

J’ai aimé, en formation d’inspecteurs, cette image de l’IEN « chef d’orchestre », qui serait en quelque sorte expert sur un rôle bien précis, de mise en synergie, en cohérence, de valorisation de musiciens, qui seraient ici les enseignants experts. Il n’est écrit nulle part que le chef d’orchestre doive avoir la maîtrise de chaque instrument de l’orchestre, et encore moins une maîtrise supérieure à chacun de ses musiciens...

Par contre lui est reconnue l’autorité, si besoin est, d’identifier, corriger, voire sanctionner les couacs, au nom d’un projet collectif (l’exécution d’une symphonie ou d’une mission institutionnelle..).

Une réalité plus complexe...

Parti sur ces bases dans le métier, j’ai eu enfin la bonne surprise de constater que vis-à-vis de sa hiérarchie, l’IEN pouvait être plus que je ne le croyais associé au pilotage d’un département, d’une académie, d’un groupe de travail ministériel.

A l’inverse, très vite s’est révélée la complexité de la réalité. Quelques exemples :

 la sédimentation des pratiques professionnelles, que j’évoquais plus haut, de la baronnie au kolkhoz, parfois chez le même IEN selon les situations,

 les représentations dominantes de l’IEN chez les enseignants, cet autre côté de la barrière qui semble être le corollaire d’une vision non unifiée, un peu schizophrénique du système éducatif et concerne aussi les postes d’enseignants déchargés d’élèves. Le chef d’orchestre était souvent vécu comme un sergent-chef, la défiance l’emportant sur le dialogue professionnel que je revendiquais,

 les représentations variées qu’avaient des IEN les inspecteurs d’académie, renvoyant là aussi à une sédimentation allant de la courroie de transmission au conseiller technique,

 la pollution par la notation des fonctions que je prêtais à l’IEN de formateur, d’accompagnateur/facilitateur de projets, de collègue positionné aux côtés des enseignants, pour faciliter l’interface quotidien de la classe/cadre institutionnel de référence ; les deux dimensions étant condamnées à s’enrichir mutuellement... ,

 une crispation, de tous côtés, autour des questions scolaires, une surcharge d’enjeux autour de l’Ecole, clé réputée unique de la réussite, de l’insertion, de l’épanouissement individuel... ce qui est un peu exagéré et surtout destructeur pour bien des enseignants et bien des élèves,

 de tous côtés, dans les inspections, dans les fonctionnements administratifs, des rituels improductifs : à titre d’exemple, que fait-on des 1000 rapports d’inspection produits chaque année dans le premier degré dans un département de taille moyenne ? Rien, d’une part parce qu’on ne cherche pas en faire quelque chose en termes de pilotage, ni même de meilleure connaissance de la réalité de l’école primaire, d’autre part parce que de ce fait ils n’ont pas grand-chose à apporter, sinon que 1000 enseignants se voient proposer une note.
Le contrat n’est pas clair : quand un inspecteur va inspecter, l’idée est que ses observations seront par définition pertinentes (on est loin de l’humilité du chef d’orchestre fédérateur de talents). Si cela était, il ne resterait plus qu’à les analyser, en tirer des besoins de formation, etc. Comme on ne le fait pas, c’est probablement que l’inspection n’a pas cette fonction..

 dans les classes aussi, le rituel est roi : c’est un exercice intéressant de traquer ces rituels, qui donnent parfois l’impression que l’on joue à l’école. Quel sens peut avoir une séance de langage en maternelle à 25, en regroupement sur le tapis ? Que font ces centaines de milliers d’enseignants qui corrigent donc dans des millions de cahiers, tous les soirs, des erreurs des élèves ? Surtout, que font les élèves le lendemain matin de ces appréciations, corrections... ? Sait-on par ailleurs sortir de sa préparation de cours pour rebondir sur l’imprévu qui survient, sait-on le transformer en un enrichissement pédagogique ?

J‘interromps là cette énumération. A ce stade de ma réflexion, je mesure qu’en fait - tout comme l’enseignant dans sa classe - c’est à partir de cet ensemble de ressentis, d’analyse, d’identité professionnelle bricolée et provisoire, comme toutes les bonnes identités, que j’ai cherché à pratiquer ce métier.

Une pratique...

Je vous en propose quelques illustrations.

Il va de soi que je n’ai jamais renoncé à tenir deux bouts d’une ficelle qui me semble renforcer la légitimité du métier d’inspecteur : d’un côté refuser d’être d’un autre côté de barrière vis-à-vis des enseignants, leur être utile, être exigeant et respectueux à leur égard en leur proposant d’en faire autant vis-à-vis de moi, de l’autre se poser en professionnel bien positionné auprès des responsables départementaux et académiques, loyal et constructif, revendiquant une autonomie qui ne soit pas une indépendance.

Travailler en équipe... aider à travailler en équipe

Une autre dimension importante se situe dans le travail en équipe : l’inspecteur n’exerce pas son métier de manière isolée, il est d’ailleurs, dans le premier degré, pourvu d’une équipe assez importante (conseillers pédagogiques, animateurs langues vivantes, informatique, enseignant référent, secrétariat). Les meilleures décisions sont collectives, même si du point de vue de la responsabilité formelle, celle-ci relève toujours de l’IEN.

Aujourd’hui, piloter une circonscription me semble être en premier lieu avoir la responsabilité d’un territoire sur lequel l’Ecole sera identifiée clairement dans ses missions, son rôle, ses avancées et ses difficultés. Il est important que les équipes pédagogiques des écoles soient en situation de définir en toute confiance l’utilisation des moyens en postes qui leur sont attribués.

Cela doit se faire de manière très professionnelle c’est-à-dire pour nous, aujourd’hui, en ayant travaillé dans chaque école plusieurs entrées afin d’aboutir à un projet professionnel à la fois individuel et partagé, qui sera formalisé sous forme de projet d’école :

 un consensus sur les missions et valeurs de l’Ecole,

 le cadre institutionnel,

 des finalités précises (la réussite des élèves, la mise en place d’une palette de stratégies d’aide et de soutien, etc.),

 une réflexion collective, partagée, sur des évolutions actuelles (intérêts et limites de l’individualisation des parcours des élèves, de la contractualisation en interne ou avec les parents, de l’ouverture aux partenaires, du pilotage de l’école par des objectifs, des indicateurs chiffrés, des résultats attendus, du socle commun...),

 une analyse fine des caractéristiques, contraintes et ressources, et de la marge de manœuvre de l’école.

Le rôle de l’équipe de circonscription me semble être d’accompagner cet important travail, en proposant d’y être associé, en étant garant du soutien de l’administration quant à sa mise en œuvre -par un dialogue et une validation du projet d’école conçue comme une contractualisation, dimension qui resterait à clarifier dans les faits-. Ceci correspond à l’idée d’une véritable coopération entre professionnels différents, complémentaires, tous reconnus légitimes au sein de ce travail commun.

L’inspection...

J’ai évoqué une « pollution » par la notation, ou encore la dimension négative de ce que je nomme « rituels » dans les pratiques professionnelles : ceci invite à réfléchir à l’acte même d’inspection, dont je rappelle qu’il est très minoritaire dans la pratique professionnelle de l’inspecteur.

Si elle peut à la marge conserver une dimension de contrôle, le postulat de base est que la quasi-totalité des enseignants effectuent un travail de qualité. Toujours perfectible, bien sûr, et ce qui sera intéressant sera d’aider à prendre du recul, à interroger les pratiques, à promouvoir des projets collectifs, à expérimenter, à innover, à mesurer des écarts entre ce qu’on pense faire et ce qui est observé, le tout dans une démarche de collaboration à égalité.

J’ai proposé aux enseignants un Groupe de Réflexion sur l’Inspection et l’Evaluation Formative (GRIEF), plusieurs années de suite, qui constituait un laboratoire d’idées, un lieu d’échanges. Ceci a permis d’affiner une pratique d’inspection contractualisée qui traduit en actes un souci de rencontre professionnelle, moins voire pas du tout déséquilibrée, entre l’enseignant et l’inspecteur.

C’est une démarche non encore aboutie, la situation d’inspection, sa désignation même, restant déséquilibrée, fondamentalement infantilisante. Comparant souvent la complexité du métier d’enseignant à celle du métier de médecin, par exemple, j’en tire la conclusion que la seule situation de visite acceptable serait celle qui serait vécue comme une rencontre consentie entre deux professionnels, sur la base d’un objectif précis ou d’un projet partagés.

La formation, les animations pédagogiques...

Nous sommes passés, là aussi, par toutes sortes de logiques : l’offre, descendante, puis dans les années 90 la promotion d’une logique de la demande en formation. Pour finalement en arriver à un compromis faisant leur part à plusieurs entrées :

 une offre de formation liée au pilotage institutionnel (les priorités nationales, académiques, départementales),

 une offre cohérente avec une dynamique spécifique liée à la circonscription, plutôt dans une logique de projet lié à l’analyse des besoins de ce territoire,

 une logique de réponse à des demandes formulées par les équipes des écoles,

 des possibilités de « capital-temps » afin de mener des projets ou de se former, individuellement ou en équipe.

L’offre de formation dans ce cadre évolue d’ailleurs dans sa nature : formation au fonctionnement en réseau (une circonscription est-elle un réseau, une équipe, un conglomérat, un tas... de professionnels ?), conception d’un cycle de formation partenarial permettant d’offrir autre chose qu’un entre-soi, des conférences associant enseignants, professionnels du médico-social, personnel associatif, etc.

La proximité, symbolique et géographique...

Nous avons eu, très concrètement, à affirmer, à la création de cette circonscription en 2001, notre volonté, d’équipe, de disposer de locaux sur le territoire même de la circonscription, et non à l’inspection académique, comme c’était le cas pour la quasi-totalité des équipes d’IEN intervenant sur Montpellier.

Les arguments mis en avant (disponibilité, réactivité, ouverture aux enseignants, parents et partenaires institutionnels ou associatifs) ont été entendus en ce qui nous concerne. Depuis, il est intéressant de remarquer que l’inspection académique et la mairie se sont rapprochées pour chercher à implanter la quasi-totalité des équipes d’IEN sur le territoire de leur circonscription. C’est là aussi une évolution intéressante..

L’innovation, les expérimentations...

Surtout, à la fois institutionnellement mais aussi en cohérence profonde me semble-t-il avec les évolutions de nos métiers, nous sommes amenés à promouvoir - et si possible pratiquer ! - l’initiative, l’innovation, l’expérimentation. Aider les enseignants à oser interroger les pratiques, les organisations, tout ce qui semble aller de soi sans être questionné, associer démarche de projet et contractualisation pour expérimenter de nouvelles pratiques constitue le volet le plus stimulant de notre action.

Classes de cycle, samedis d’accueil et d’échanges pour les familles nouvellement arrivées en France, semaines banalisées (semaine de la santé à l’école, des arts, etc.) ont pu être valorisées, mutualisées en étant retenus comme projet innovants validés au niveau académique.

Tant il est essentiel de mesurer que face à la complexité, face à un incertain instable, il est nécessaire de sortir des réponses standardisées, tout en conservant de solides références aux missions de l’Ecole, et au cœur même de ses « métiers » : enseigner pour les enseignants - mais reste à définir ce qu’on entend par là -, apprendre pour les élèves, sans aucun doute.

Piloter, accompagner

Quant aux inspecteurs... non pas prioritairement inspecter, mais piloter : combiner autonomie et rigueur, curiosité et créativité, responsabilité et solidarité.

Avoir à l’esprit que les enseignants sont experts en enseignement, ce qui induit de la part de l’inspecteur à la fois respect de leurs choix a priori et exigence quant à leur justification et leur mise en œuvre.

Accompagner les enseignants dans leur pratique, c’est aussi être à leur disposition en cas de tension, de difficultés (échecs scolaires lourds, élèves ingérables, conflits interpersonnels...) : chaque situation est singulière, complexe, chacun de ses acteurs détient une part de la situation et de sa solution.

On ne peut réduire la complexité, ce qui a conduit à proposer un très nouveau concept, la simplexité (Jean-Pierre QUENTIN, 2006), assez opérationnel ici : rechercher l’essentiel, combiner écoute, rigueur dans la référence aux valeurs et à l’éthique professionnelle, et pragmatisme.

Face à des situations professionnelles humaines complexes, vive les solutions élégantes qui, à l’instar du design, combinent la simplicité de la forme et la performance des fonctions, c’est-à-dire l’efficacité !

L’inspecteur peut être en ce sens un véritable designer en matière de pilotage !

Et l’éducation prioritaire ?

Ce détour par la pratique ordinaire, de droit commun, est important, car l’approche de l’éducation prioritaire, des pratiques professionnelles qui y sont efficientes, ne peuvent prendre leurs racines à la fois que d’une part dans une conception ordinaire des métiers (les REP, les RAR ont avant tout besoin de vrais professionnels, d’enseignants et d’inspecteurs et chefs d’établissements qui soient au clair sur leur pratique), d’autre part dans une pratique réflexive, créative, imaginative, innovante...

J’insiste sur ce « à la fois » : l’éducation prioritaire, c’est le droit commun de l’école, mais avec des enjeux de réussite pour tous qui impliquent plus qu’ailleurs rigueur professionnelle, prise de risque, dynamiques collectives et partenariales, créativité, recul sur sa propre pratique. Pour tous les métiers de l’Education Nationale...

Face à la complexité, aux situations contre-intuitives souvent rencontrées en éducation prioritaire, le bon positionnement de l’IEN me semble être celui du « designer », ou encore celui du chef d’orchestre, tels que décrits plus haut.

Combattre, analyser les rituels qui sclérosent, travailler en équipe, aider à travailler en équipe, faire le pari de la formation, de l’innovation, de la mise en réseau, vivre la proximité, accompagner les enseignants, ne pas accepter les barrières artificielles qui stérilisent l’action commune, interroger même cet acte d’inspection pour qu’il devienne véritable rencontre, travail, entre professionnels, tout cela est plus qu’ailleurs indispensable face aux situations complexes, au croisement de problématiques scolaires et sociales souvent difficiles, qui caractérisent par définition les réseaux de l’éducation prioritaire.

C’est ici que l’expérimentation, la prise de risque, l’ambition d’un système éducatif équitable et efficace pour tous prennent tout leur sens.

A titre d’exemple, nous avons avec l’équipe du REP conçu un contrat de réussite organisé en trois colonnes, au titre des actions à mener : celles qui relèvent du droit commun, celles qui correspondent à des expérimentations, des dérogations, des innovations, celles enfin qui induisent des collaborations entre réseaux d’éducation prioritaire (de cette même commune de Montpellier).

C’est affirmer que l’espace d’un REP est un territoire scolaire comme un autre, mais aussi un laboratoire où vont se construire des solutions pragmatiques aux situations rencontrées de besoins spécifiques des élèves, de risques de malentendus entre enseignants et parents, de violence autour et parfois dans l’école, de volonté des professionnels que l’école soit ici plus qu’ailleurs soucieuse des apprentissages de chacun.

Pour l’inspecteur, le postulat selon lequel piloter c’est à la fois accompagner et donner des repères précis, combiner respect et exigence, faciliter avec son équipe la vie concrète des écoles et des enseignants (projets, partenariats, tensions) est encore plus vrai en REP, et probablement en RAR, qu’ailleurs.

Je n’évoquerai pas ce dernier dispositif, que je connais mal, même si je dois en devenir co-responsable... dans un avenir proche ! J’ai toutefois eu à en élaborer, au sein du comité exécutif, le projet, à en recruter les postes spécifiques avec le chef d’établissement, à échanger avec les enseignants sur sa mise en place à venir. Je sais qu’à l’origine mon corps (de métier, rien de personnel ici !) semblait souffrir d’une relative mise à l’écart des IEN de ces nouveaux dispositifs. Cela s’est dans les faits régulé, semble-t-il, tant il est clair, au vu d’ailleurs de l’analyse du rôle de l’IEN dans le premier degré que j’ai exposée plus haut, qu’il était illusoire en l’état actuel des choses de piloter sans l’IEN un réseau intégrant plusieurs écoles autour d’un collège.

Au moins autant à mon avis au titre de son statut de chef d’orchestre/designer, que de celui de responsable hiérarchique...

Ce métier, cette fonction d’IEN, aux positionnements entrecroisés, à la fois d’autorité et d’accompagnement, aux postures diversifiées, de l’évaluateur au contrôleur, du formateur au catalyseur d’auto-formation, de l’interlocuteur de chacun à celui des équipes pédagogiques, me semble prendre toute sa dimension, tel que je le conçois, face à la complexité des métiers de l’Education Nationale en éducation prioritaire.

Enfin, notre positionnement, institutionnel cette fois, nous rend crédible dans deux grandes dimensions essentielles dans des réseaux ou face à des publics prioritaires : les partenariats (politiques éducatives locales, autres services de l’Etat, associations...), et les collaborations avec les chefs d’établissements et les autres corps d’inspection.

Voilà, me semble-t-il, tout ce qui fait la richesse de cette fonction d’IEN d’une manière générale, et tout particulièrement face aux enjeux et caractéristiques de l’éducation prioritaire. Ce schéma me paraît valable pour tous les métiers de l’Education Nationale : ce qui est bon, efficace, efficient dans un REP l’est partout, mais hors éducation prioritaire on peut tenter de faire sans ! On ne peut mieux démontrer que l’éducation prioritaire est par définition le laboratoire, le lieu d’expérimentation et d’amélioration, par la marge, de l’ensemble du système éducatif.

Une sorte de zoom, de loupe, en forme de coin, même s’il est un peu difficile de se représenter cet objet étrange mais indispensable...

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