Carte scolaire et ZEP : la position de congrès du Sgen-CFDT

13 juin 2007

Extrait du site du Sgen-CFDT, le 13.06.07 : Congrès fédéral Sgen-CFDT - 21 au 25 mai 2007

Extrait de la résolution

1.4 Mixité sociale : combattre la ségrégation sociale à l’école

1.4.1 Les émeutes de banlieues de l’automne 2005 ont mis sur le devant de la scène des jeunes qui se sentent traités de manière injuste par l’École et la société française, victimes des inégalités sociales et des discriminations de toutes sortes sur des territoires marqués par la « misère », des jeunes « largués par l’Éducation nationale, sans diplôme ni repère ». Plus récemment, les prises de position concernant la carte scolaire ont également replacé au cœur du débat public la question de la mixité sociale.

Les événements de novembre 2005 constituent un révélateur des problèmes de discrimination, de relégation territoriale, de précarité et d’accès inégal à l’emploi.
Les banlieues présentent le miroir brutal des inégalités et des injustices qui prévalent dans nos sociétés.
La crise sociale y pèse de tout son poids et contribue à faire éclater les cadres familiaux, les repères, les liens sociaux.

La loi sur l’égalité des chances de décembre 2005 n’a pas apporté de réponse aux questions cruelles et cruciales ainsi posées à la société française du XXIe siècle et à son modèle social.

1.4.2 La question première posée par ces événements à l’ensemble de la société française est celle de l’égalité des droits. Le problème fondamental pour les habitants des « cités », et notamment les jeunes, c’est que les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité ne sont pas appliqués et qu’ils vivent chaque jour l’écart entre ces valeurs et la réalité des contrôles policiers au faciès et des discriminations à l’embauche et au logement.
Cette revendication de l’égalité effective des droits appelle un projet politique de transformation sociale.

1.4.3 L’exigence de davantage de mixité sociale dans les territoires constitue une revendication légitime mais ne saurait constituer à elle seule le projet politique de transformation sociale. C’est dans le cadre d’une action générale pour l’égalité des droits favorisant la constitution d’une société plus juste et plus solidaire dans le refus du développement de l’« entre-soi », de la segmentation croissante de la société que prendra forme l’aspiration au vivre ensemble.
Il est indispensable de rappeler la nécessité d’engager une véritable politique de la ville, d’aménagement du territoire, de combat contre la ségrégation urbaine, de casse des ghettos actuels. Le Sgen-CFDT soutiendra cette exigence de l’action syndicale interprofessionnelle

1.4.4 La revendication de l’égalité des droits nécessite également une remise à plat des objectifs et du fonctionnement du système éducatif.

Le modèle de « l’égalité des chances » domine encore la façon de penser le rôle de l’École dans la société en France. « L’égalité des chances » est essentiellement une égalité d’accès à l’école laissant ensuite, au long du parcours scolaire, s’exprimer une concurrence et des inégalités d’un autre ordre.

Les constats récurrents du poids des inégalités précoces conduisent à privilégier non plus l’égalité des chances mais l’égalité du droit à l’éducation.

Cet objectif de démocratisation effective suppose un engagement beaucoup plus volontariste de L’École pour compenser les inégalités initiales en ne tolérant aucune inégalité dans la qualité de l’offre pédagogique et en allant beaucoup plus loin dans la politique des ZEP.
L’exclusion scolaire ne relève pas de la seule responsabilité de l’École, mais l’échec massif de 15 % d’une classe d’âge relève de la responsabilité d’une école qui peine à passer d’une démocratisation d’accès à une démocratisation de la réussite. Ce sont aujourd’hui les questions du sens de l’école, de sa capacité à permettre la réussite de l’ensemble d’une classe d’âge qui sont posées (comme nous le rappelons au paragraphe 1.3).
Au regard de cette ambition de véritable égalité des droits et de lutte contre les déterminismes sociaux, le système éducatif a une responsabilité particulière par l’attention qu’il doit porter aux processus d’orientation : égalité filles-garçons, éducation au choix, égalité d’information doivent être au cœur des missions des COP et de tous les acteurs du système éducatif.

1.4.5 C’est dans ce contexte de crise politique et éducative que se trouve posée la question de la carte scolaire. La carte scolaire reflète et cristallise les inégalités sociales qui se sont creusées entre les territoires.

Aujourd’hui, le phénomène de contournement de la carte scolaire est réel et profite aux catégories sociales les plus aisées et/ou les mieux informées. Cependant ce phénomène ne concerne pas de la même manière une grande partie du territoire, et ne se traduit pas de la même façon dans le premier et dans le second degré.
L’Éducation nationale favorise cette ségrégation en concentrant de fait l’offre scolaire d’excellence dans certains établissements situés le plus souvent au centre-ville ou dans les banlieues favorisées.

1.4.6 La suppression de la carte scolaire présentée comme la mesure permettant à toutes les familles d’exercer également leur libre choix conduirait à coup sûr au renforcement des inégalités et des ségrégations.
Cette mesure, induisant la mise en concurrence des écoles et des établissements signifierait à terme « la privatisation » de l’école publique.

1.4.7 Si la suppression de la carte scolaire constitue un remède pire que le mal, il ne saurait être question d’en rester au statu quo.

Le maintien du principe de la sectorisation doit s’accompagner de l’égalité des droits de chacun devant l’offre éducative.

1.4.8 Le système éducatif doit être réorganisé en bassins de formation (voir au 1.2.2). Ces bassins de formation constituent des lieux privilégiés pour construire une politique territoriale dans des objectifs de complémentarité, de cohérence et de solidarité.

1.4.9 Le maintien d’une politique de sectorisation doit également s’accompagner d’un certain nombre de mesures favorisant la mixité sociale :

 1.4.9.1 - redécoupage de périmètres scolaires et organisation des transports,

 1.4.9.2 - choix du lieu d’implantation des établissements scolaires,

 1.4.9.3 - constitution d’écoles et de collèges regroupant les élèves par cycles,

 1.4.9.4 - répartition des élèves : chaque établissement public ou privé serait tenu de respecter un profil moyen d’établissement défini par bassin et en fonction des populations qui vivent sur ce territoire,

 1.4.9.5 - fermeture de certains établissements ghettos,

 1.4.9.6 - maintien de l’hétérogénéité des classes et rejet de l’organisation de filières,

 1.4.9.7 - développement de lycées polyvalents,

 1.4.9.8 - rééquilibrage des options sur les bassins de formation pour permettre l’égale attractivité des établissements. Cette politique de bassin devra tenir compte des caractéristiques sociologiques et géographiques (rural/urbain, temps de transport, etc.) afin d’assurer à tous les élèves les mêmes possibilités de choix.

1.4.10 La mise en œuvre de cette nouvelle politique de sectorisation doit s’effectuer dans la concertation et la transparence.

1.4.10.1 A cet effet, une commission consultative, émanation du CDEN et du CAEN, sera mise en place aux niveaux départemental et régional.

Cette instance sera notamment consultée sur :

 la carte scolaire géographique,

 la carte des options afin qu’elles soient distribuées équitablement entre les établissements,

 la carte des formations professionnelles et technologiques

 la politique des dérogations.

1.4.10.2 Les propositions de cette instance seront validées par le CDEN ou le CAEN.

1.4.11 L’enseignement privé sous contrat sera concerné par ces mesures.

1.4.12 Pour une répartition différente des moyens

 1.4.12.1 Cette nouvelle répartition doit concerner l’ensemble des écoles et des établissements qui ne seraient pas retenus dans le dispositif de refondation des ZEP.

 1.4.12.2 Dans le cadre des CTP, il est nécessaire de revoir complètement les critères de dotations en pondérant celles-ci en fonction du public accueilli.

L’attribution des moyens doit comporter :

 une part fixe prenant en compte le nombre d’élèves relevant du secteur,

 une part attachée aux projets,

 une part modulable en fonction des caractéristiques du public scolaire accueilli.

 1.4.13 Dans l’état actuel des choses, afin de donner sens et réalité à la revendication d’égalité des droits, il est nécessaire de refonder la politique de l’éducation prioritaire.

1.4.13.1 Depuis sa création en 1981, la politique des Zep a été marquée par la discontinuité des pilotages ministériels, succession de périodes d’engagements, de latences, de silence et de laisser-aller.

Après les assises nationales de Rouen de 1998, moment fort de la mobilisation de l’ensemble des acteurs de ZEP, le dispositif d’éducation prioritaire s’est dévoyé par l’extension du nombre de Zep et la création des REP, et concerne aujourd’hui un élève sur cinq.

1.4.13.2 Le sens même de dispositif dérogatoire et prioritaire disparaît, et avec lui la notion de projets locaux adaptés de réussite scolaire, projets nécessairement interdegrés et interpartenariaux, se trouve remise en cause.

Depuis 1999, les ZEP-REP concernent des territoires très variés regroupant à la fois des zones en déshérence où l’échec scolaire est dramatique et d’autres en grand nombre caractérisées essentiellement par les difficultés de l’école à prendre en compte les enfants et les jeunes de milieux populaires, alors qu’il s’agit d’une des fonctions principales de l’Éducation nationale depuis qu’elle existe.

Dans ce dispositif, qui n’a plus grand-chose à voir avec le projet initial des ZEP, tout le monde est perdant : les territoires en déshérence sont noyés dans un vaste ensemble, repérés simplement par un pourcentage au-dessus de la moyenne d’élèves issus des milieux populaires, ces élèves eux-mêmes découvrant les effets de la stigmatisation.

1.4.13.3 A cette dilution des ZEP se sont ajoutés deux éléments nouveaux : le débat sur la discrimination positive et l’intervention d’autres ministères.
Le débat sur la discrimination positive a servi essentiellement à une instrumentalisation politique menée par le courant libéral, remettant en cause les discriminations politiques territoriales.

À cette confusion s’est ajoutée celle de la politique engagée dans le cadre de la « loi de cohésion sociale ». Affichant une volonté de centrer l’action publique sur la réussite individuelle au détriment des politiques sociales et territoriales, cette politique conduit, comme celle de la loi Fillon pour l’École, à faire reposer la responsabilité de la réussite ou de l’échec sur l’élève et sa famille.

1.4.13.4 Au moment où l’approche individualisée de la difficulté scolaire est privilégiée, il est nécessaire de réaffirmer le projet politique des Zep relevant d’une volonté de transformation sociale et non d’une idéologie de la réparation.
Il est donc nécessaire de distinguer aujourd’hui ce qui relève de l’éducation prioritaire et ce qui relève d’une loi d’orientation pour l’École, à savoir prendre en charge et faire réussir l’ensemble d’une classe d’âge.

1.4.13.5 La refondation de la politique Zep doit permettre de cibler les territoires où les établissements scolaires et les écoles sont les plus éloignés des situations de réussite pour leurs élèves.

Les critères utilisés (ZUS, Éducation nationale) doivent être pertinents et transparents. Cette inscription dans une politique Zep doit être limitée dans le temps.

Cette refondation se fera dans le cadre d’une politique d’impulsion nationale. Elle mettra en œuvre des projets locaux, projets inter-degrés et inter-partenariaux.
Cette politique bénéficiera d’un effort considérable, dans le cadre notamment d’un engagement pluriannuel de l’État en termes de moyens.

1.4.13.6 Ces moyens doivent permettre la réussite des projets engagés par :

 des créations d’emplois statutaires supplémentaires :

. pour abaisser les effectifs,

. pour accueillir les enfants de 2 ans en école maternelle dans des conditions spécifiques (ex : classe passerelles) et engager fortement l’action de prévention des difficultés dès le cycle 1 de l’école,

. pour l’amélioration de la prise en charge collective des élèves : groupes de besoin et de projet, dédoublements, politique des cycles, suivi individualisé, tutorat,

 des crédits nécessaires aux projets,

 une formation collective intégrant pédagogie différenciée, travail en équipe et en partenariat, analyse de pratiques,

 un accompagnement des équipes.

1.4.13.7 Toutes ces actions en faveur des zones d’éducation prioritaires n’ont de sens que si les territoires où se situent ces écoles et établissements font dans le même temps l’objet d’une préoccupation et d’une intervention économique et sociale repensée et active de la part de la puissance publique en partenariat avec les acteurs économiques notamment.

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