> V- ACTEURS (la plupart en EP) > Enseignants : Identité > Enseignants : Identité (Témoignages d’) > Paroles de profs dans un collège RAR de Marseille

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Paroles de profs dans un collège RAR de Marseille

7 septembre 2007

Extrait de « La Marseillaise » du 05.09.07 : L’interro sans surprise des profs d’Elsa-Triolet

Des profs font leur rentrée au collège Elsa Triolet à Marseille. Partagés entre passion du métier et crainte pour l’avenir.

Ils ont l’air détendu, visiblement heureux de ces retrouvailles entre collègues, où l’on échange ses souvenirs de vacances. Premier sas d’immersion, avant de passer ce matin aux travaux pratiques.

Dans la salle des professeurs du collège Elsa Triolet, un établissement « Ambition réussite » de 400 élèves situé dans le 15e arrondissement de Marseille, la pré-rentrée est généralement le moment où se dessine les grands contours d’une année scolaire. Emploi du temps, projets pédagogiques. Il s’agit de remettre rapidement en route cette grosse machine éducative.

La moyenne d’âge ne dépasse pas 35 ans. Mais l’équipe est soudée et le turn-over pas plus important qu’ailleurs. Il règne dans la salle des professeurs un joyeux brouhaha, jusqu’à ce que Bernard Dunevon le principal invite professeurs et personnels à se retrouver dans une salle de classe, où ils seront rapidement à l’étroit. Un moment important pour le chef d’établissement. « Tout ce que je désire, c’est de les conforter dans leur mission de service public. Nous avons des jeunes professeurs qui mouillent la chemise, qui sont de vrais militants. » Dans cet établissement, 24 élèves par classe est un maximum. La question des effectifs revient souvent dans la bouche des professeurs, pour qui cela représente un préalable à la réussite scolaire. Elsa Triolet qui a la chance d’être implanté au cœur du noyau villageois de St-Antoine, a reçu cette année 51 demandes de dérogation pour la 6e et n’a pu en satisfaire que 27. La disparition à terme de la carte scolaire serait source d’inégalités. « Comment vais-je recruter les petits ? Sur dossier ? » Une sélection qui ne séduit personne à Elsa Triolet.

Alain Vernier, 35 ans, professeur de sciences physiques enseigne dans ce collège depuis 8 ans « où tout se passe bien ». Pour autant, il ne se considère pas comme un privilégié. « J’ai l’impression que les moyens que l’on a mis en place sont plus des coups de butoir que quelque chose de cohérent. » En l’espace de quelques années, il a vu les deux cours de récréation se réduire en une seule faute de surveillants et les pôles d’activité disparaître. Sera t-il prêt pour autant à faire des heures supplémentaires ? « Je passe déjà beaucoup de temps sur des projets. Là, on nous propose de nous payer sur du travail effectif, mais moi j’ai envie de faire plaisir à mes élèves. »

Le soutien scolaire pour mieux faire passer la pilule de l’échec, l’argument a du mal à séduire. A Elsa Triolet, où 80% des enfants sont issus de milieux défavorisés, la prise en charge des élèves après 16 heures existait déjà avant « Ambition réussite ». Beaucoup d’enseignants se disent dubitatifs et parlent d’effets d’annonce. Les profs ne veulent pas porter seuls la responsabilité de l’échec scolaire. « Que l’on nous donne des moyens. On est dans une politique du chiffre », s’inquiète Alain Verrier sensible à la politique de rigueur du gouvernement. Rigueur, un mot qui a fait beaucoup sourire lorsque l’intendante l’a utilisé pour parler de sa gestion du quotidien.

De quoi sera faite cette nouvelle année scolaire marquée de l’empreinte d’un ministre qui veut revoir le temps de travail des enseignants ? Isabelle Allione, 31 ans, professeur d’EPS qui comptait reprendre en douceur après un congé maternité se demande quel sera le sort réservé aux professeurs d’éducation physique, avec la mise en place d’activités après 16 heures. « S’il s’agit d’ouverture de postes pourquoi pas. » Associations sportives de quartier et profs de sports ne travaillent pas sur les même objectifs. « Il y a une pédagogie, une acceptation des règles derrière la pratique de l’EPS. Le sport est une matière à part entière. »

Le rôle du nouveau, c’est Stéphane qui s’y colle. Ancien ingénieur reconverti depuis quatre ans dans l’enseignement, ce prof de techno cherche l’enseignant en demi-poste qui partagera avec lui les heures de techno des seize classes du collège. Hier, il a fait connaissance avec le collège, mais se dit un peu angoissé à l’idée de se retrouver seul devant ses nouveaux élèves. Ce qui le gène dans cette rentrée, c’est qu’il ne pourra pratiquement pas faire de cours en demi groupe. Il livrera des cours théoriques qui ne feront pas l’unanimité dans la classe. Stéphane est tombé de haut quand il a fait ses débuts dans le métier. Frappé par le manque de moyen. « Tous les ans, ça écrème et l’ensemble des profs est plutôt inquiet pour l’avenir. A ce rythme, on se demande si l’ambition du ministre n’est pas de privatiser l’Education ».

Catherine Walgenwitz

Répondre à cet article