Voir à gauche les mots-clés liés à cet article
Extrait de « 20 minutes » du 25.10.07 : « On éduque aussi les parents »
« Quand un gamin va mal, généralement, c’est qu’il y a un problème familial. » En une phrase, Laurence a résumé une grande part de son métier d’assistante sociale. Ce mercredi matin, elle travaille sur le cas de Lamine*, une « Cocotte-minute permanente ». Laurence vient d’apprendre qu’une éducatrice de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) lui a enfin trouvé un foyer, à Taverny (95). Lamine va donc être placé, comme une quinzaine d’élèves de l’établissement. « C’est la meilleure solution », assure Laurence. L’an passé, alors qu’il n’était qu’en 6e - « c’est jeune pour commencer à poser de tels problèmes » -, Lamine est devenu violent : bagarres à répétition, coups, jeunes filles bousculées... Laurence, les CPE (conseiller principal d’éducation), les profs : tout le monde a discuté avec le gamin. En vain. « Il écoutait, on y croyait, et puis patatras. »
Pour avoir suivi sa grande soeur quelques années plus tôt, Laurence connaissait la situation familiale. La mère de Lamine a décohabité d’une polygamie. Analpha¬bète, elle fait des ménages à Paris et se lève à 4 h du matin. Elle comprend à peu près le français, « mais ne le parle quasiment pas », selon la CPE, qui raconte : « Au début, elle n’osait pas nous dire qu’elle ne savait ni lire ni écrire. Et puis, elle a compris qu’on ne la jugeait pas. » Les contacts deviennent alors plus fréquents. La soeur, aujourd’hui à la fac mais elle-même placée en foyer lorsqu’elle était au collège, accompagne sa mère pour une meilleure communication.
Mais les rendez-vous n’y changent rien. Sorti du bureau, Lamine oublie les règles, cède à ses pulsions, frappe sans raison. « En même temps, il aime bien travailler », raconte Laurence, qui revient sur la mère : « Elle a six enfants. Elle ne dort pas, croule sous les problèmes et pleure beaucoup. Ce n’est pas facile de régler l’administratif quand on ne sait pas lire. Alors on éduque aussi un peu les parents, on leur donne des clés. » Selon Laurence, « cela peut paraître paradoxal, mais il faut les déculpabiliser, les revaloriser. Leur dire qu’on sait qu’ils aiment leurs enfants. Et puis, apporter une aide pratique : leur dire d’acheter un réveil à leur enfant, de surveiller à quelle heure il se couche... » Tout ça prend du temps. « Avec Lamine, ça a pris près d’un an. Mais un an, ce n’est rien dans une vie si ça permet de se reconstruire. »
Cet été, le juge a décidé d’un placement à titre préventif. « Il sera cadré, et ça l’empêchera de tomber dans la délinquance, estime Laurence. Il reviendra le week-end. La mère adhère et c’est donc beaucoup mieux qu’un placement autoritaire qu’il aurait fallu gérer plus tard dans l’urgence. » Depuis quelques semaines, Lamine ne rate plus les cours. « Preuve qu’il va déjà beaucoup mieux depuis qu’il sait qu’il va être placé », assure Laurence.
Michaël Hajdenberg - ©2007 20 minutes
Lire l’article suivant
Lire les articles précédents