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Extrait de « L’Expresso » du 16.11.07 : L’Assemblée adopte le budget de l’éducation nationale
L’Assemblée nationale a adopté le 15 novembre le budget de l’éducation nationale, c’est-à-dire, par exemple, la suppression de 11 200 postes d’enseignants. Le budget ne prévoit pas le remplacement des emplois aidés, à l’exception des auxiliaires de vie scolaire assistant les enfants handicapés.
Le débat a été particulièrement riche. On en retiendra par exemple cette intervention de Sandrine Mazetier (PS). "Votre copie se caractérise par un double renoncement. Vous renoncez d’abord à atteindre les objectifs de Lisbonne visant à faire de l’Europe le lieu de l’économie de la connaissance la plus dynamique d’ici à 2010. L’essentiel des suppressions de postes est concentré sur le second degré... Or ce sont les bacheliers de 2010. Vous ne respectez pas non plus la loi d’orientation sur l’école de 2005 et l’objectif de porter 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence. Vous condamnez la France à rester durablement en marge de la croissance. Votre budget est donc, à court et moyen terme, inefficace sur le plan économique. En second lieu, vous renoncez à attaquer les inégalités de destin scolaire à la racine.
La scolarisation à deux ans est en chute libre. Elle est passée de 35 % en 2000-2001 à 24 % en 2005-2006 et le budget 2008 n’inverse en rien la tendance, alors que le groupe d’étude sur la maternelle, que vous avez créé, préconise d’assurer en priorité la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les secteurs défavorisés".
Les débats
(...)
Mme Sandrine Mazetier
(...) Dogmatique enfin le silence sur l’éducation prioritaire. Par un formidable déni du réel, la majorité a commencé par dire que les zones d’éducation prioritaire créaient les inégalités scolaires et non que cet outil tentait d’y remédier.
M. Benoist Apparu - Dans quel film avez-vous vu cela ?
Mme Sandrine Mazetier - Puis, ne pouvant plus longtemps occulter les difficultés qui se concentrent sur certains établissements, vous avez fait disparaître l’appellation ZEP.
Dans votre « novlangue », on parle désormais de RAR, réseau ambition réussite. Mais il y en a moins, et ils ne font l’objet d’aucune priorité budgétaire. C’en est donc fini de l’éducation prioritaire. D’ailleurs les établissements concernés ont les mêmes effectifs par classe qu’ailleurs à deux élèves près !
En somme, votre copie se caractérise par un double renoncement. Vous renoncez d’abord à atteindre les objectifs de Lisbonne visant à faire de l’Europe le lieu de l’économie de la connaissance la plus dynamique d’ici à 2010. L’essentiel des suppressions de postes est concentré sur le second degré. Les 4 268 000 collégiens et lycéens sont victimes d’un véritable massacre à la tronçonneuse...
M. Benoist Apparu - Que de subtilité !
Mme Sandrine Mazetier - ...Or ce sont les bacheliers de 2010. Vous ne respectez pas non plus la loi d’orientation sur l’école de 2005 et l’objectif de porter 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence. Vous condamnez la France à rester durablement en marge de la croissance. Votre budget est donc, à court et moyen terme, inefficace sur le plan économique.
En second lieu, vous renoncez à attaquer les inégalités de destin scolaire à la racine. La scolarisation à deux ans est en chute libre. Elle est passée de 35 % en 2000-2001 à 24 % en 2005-2006 et le budget 2008 n’inverse en rien la tendance, alors que le groupe d’étude sur la maternelle, que vous avez créé, préconise d’assurer en priorité la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les secteurs défavorisés. Et pour corriger les inégalités de destin, il ne fallait pas renoncer à l’éducation prioritaire.
Vous affichez des intentions louables : faire que tous les élèves maîtrisent la langue française et diviser par trois le nombre d’élèves en grave difficulté. Habilement, vous présentez la suppression des cours du samedi matin comme une mesure en faveur de ces 15 % d’élèves en difficulté. Cela ne trompe que M. Apparu. Ce pourcentage moyen est une abstraction. Ces élèves sont pour 25 % des enfants d’ouvriers et pour 45 % des enfants d’inactifs. En certains endroits, dans les territoires perdus de la République, ils forment donc 50 % ou 60 % des effectifs. Et ce ne sont pas les professeurs des écoles de centre ville de Périgueux ou de Neuilly qui iront faire du soutien scolaire à Hénin-Beaumont, Vaulx-en-Velin ou Vitrolles !
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M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale
(...)Tous ceux qui connaissent l’éducation nationale savent d’autre part - même dans l’opposition - que nous avons des marges de manœuvre significatives dans le système des remplacements, en particulier dans les zones prioritaires.
Nous sommes capables de résorber les surnombres d’enseignants dans les disciplines qui n’attirent que peu d’élèves. Je ne stigmatise personne, Madame Mazetier, lorsque je constate que des professeurs d’allemand n’ont pas de classe. Je le déplore. Je veux simplement que les professeurs que nous avons recrutés puissent enseigner dans leur discipline et que le système soit cohérent. La combinaison de ces deux mesures permettra d’économiser 2 000 emplois, dont 340 dans le privé. En ce qui concerne d’ailleurs le privé, Monsieur Mathis, nous n’avons pas à diminuer les moyens de l’enseignement sous contrat, où des dispositions spécifiques existent pour assurer les remplacements.
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Madame Mazetier, je ne suis nullement indifférent à l’éducation prioritaire, bien au contraire. Nous allons créer à la rentrée prochaine de nouveaux collèges « ambition réussite », labelliser 25 lycées ; mais nous ne soulignons pas trop un zonage qui est stigmatisant et provoque un évitement.
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Mme Marie-Hélène Amiable - On distingue désormais deux types de réseaux d’éducation prioritaire : les 203 « réseaux ambition réussite », mis en place en 2006 et les « réseaux de réussite scolaire », expérimentés depuis cette rentrée.
Dans un contexte d’aggravation des inégalités économiques et sociales, les quartiers défavorisés seraient en droit d’attendre des moyens supplémentaires et supérieurs à ceux que recevaient les ZEP, dont les analyses ont montré qu’elles n’avaient pas été dotées suffisamment pour créer les conditions de la réussite scolaire.
En outre, la mise en oeuvre de la réforme Fillon de 2005 a dénaturé le sens de l’éducation prioritaire en renvoyant l’échec scolaire à des causes individuelles. Nous déplorons cette logique, qui prévaut aussi dans l’assouplissement de la carte scolaire.
À quelques jours de la mise en place de l’accompagnement éducatif dans les RRS, quel bilan tirez-vous de ces réseaux ? Alors que l’OCDE place la France parmi les plus mauvais pays pour l’ascension sociale - en détaillant par exemple sa faiblesse à amener les jeunes dont le père exerce une profession manuelle à faire des études supérieures -entendez-vous lutter pour la réussite scolaire de tous les jeunes ? Pouvez-vous garantir aux établissements scolaires des moyens proportionnels aux situations observées, afin que les projets portés avec courage par les équipes éducatives puissent assurer la réussite de leurs élèves ?
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale - C’est parce que le zonage ne correspondait plus à la réalité des territoires - et, dans le cas de certaines ZEP rurales, n’avait jamais été légitime - et que le système s’était figé, que j’y ai renoncé, préférant que l’on parle d’« éducation prioritaire ».
La notion de réseau est importante : un établissement « ambition réussite », lorsqu’il noue des relations avec les écoles primaires, les partenaires sociaux, éducatifs et culturels, lorsqu’il fait venir des intervenants - organisant en quelque sorte sa politique éducative - cela marche ! C’est une autre manière de travailler, et les établissements eux-mêmes ne réclament plus le zonage.
Nous y mettons beaucoup de moyens : un établissement d’éducation prioritaire coûte 25 % de plus en moyenne qu’un établissement normal ; l’encadrement, avec un adulte pour six élèves, est renforcé ; on compte un collège « ambition réussite » pour trois collèges « classiques », et nous allons en créer d’autres.
Toutefois, cela n’est pas suffisant. Les établissements doivent être inscrits dans un contexte global, intégrés à une politique de la ville : la réussite scolaire dépend aussi d’une opération de rénovation urbaine, de la construction d’un stade, de la proximité d’un foyer culturel ou de la possibilité, Monsieur Lachaud, d’effectuer des voyages.
Quant à la carte scolaire, ce sont des jeunes filles d’origine maghrébine issues d’un département difficile qui m’ont donné l’idée d’y toucher. Elles me demandaient, en 2002, de créer des écoles pour filles car elles voulaient pouvoir étudier tranquillement. J’ai bien sûr refusé, et pas seulement par peur de passer pour un réactionnaire...
Mais je me suis dit que l’assouplissement de la carte scolaire leur donnerait la possibilité d’aller voir ailleurs, de prendre du champ. S’il est bien géré et que les moyens sont maintenus pour les établissements qui perdent des effectifs, il sera un instrument de justice social.
(...)
M. Louis-Joseph Manscour - Monsieur le ministre, je veux vous parler de l’échec scolaire outre-mer, notamment à la Martinique. La situation est grave, comme en témoigne le nombre de Rmistes et de chômeurs. Cet instrument d’émancipation qu’est l’école, qui a formé tant d’illustres Antillo-Guyanais, tels Aimé Césaire, Gaston Monnerville ou Saint-John Perse, est aujourd’hui mis à mal. Je ne doute pas de votre volonté de combattre l’échec scolaire, mais en avez-vous les moyens ?
Nous déplorons l’absence d’ambition de votre gouvernement, qui conduit à des dérives sociales et à une inquiétante montée de la violence. Nous déplorons aussi les suppressions mécaniques de postes, y compris dans les établissements classés en ZEP, elles ne peuvent qu’aggraver les inégalités. La maîtrise de la dépense publique ne peut se faire au détriment de la réussite des élèves.
En Martinique, le taux de réussite au bac est de six à dix points inférieur au taux national, et le nombre d’établissements situés en ZEP est nettement supérieur à la moyenne. Plus de 50 % des chômeurs ont moins de 26 ans...
Que comptez-vous faire pour permettre aux écoles d’outre-mer de rattraper le retard ?
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale - On ne peut pas contester la spécificité de l’outre-mer, mais on ne pas dire qu’il ait été abandonné. Le taux d’encadrement dans le 1er degré y est nettement supérieur à la moyenne nationale, puisqu’il est de 15,5 % à la Martinique, 7,5 % à la Guadeloupe et 6 % en Guyane ; et l’on dénombre 43 réseaux « ambition réussite » dans les DOM, dont 8 à la Martinique. Cette politique a porté ses fruits puisque dans votre département, les collèges « ambition réussite » ont gagné en un an entre 10 et 30 points de réussite au brevet.
Évidemment, nous poursuivrons l’effort. Encore faut-il que les familles et les élèves considèrent bien l’école comme une voie de réussite, et peut-être aussi que les enseignants s’impliquent davantage. Diverses données chiffrées témoignent en effet d’un retard important, y compris le taux de réussite au baccalauréat - qui néanmoins progresse. Ce n’est cependant pas à l’école de régler tous les problèmes. Soyez sûr en tout cas que nous ne voulons nullement nous désengager - et la situation est d’ailleurs plus compliquée en Guyane, du fait des flux d’immigrants, qu’à la Martinique.
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M. Patrick Roy - Ce budget porte un bien mauvais coup à l’éducation nationale en supprimant 11 200 postes. Ne pensez-vous pas qu’un maintien des effectifs permettrait de favoriser des actions personnalisées, notamment dans le secteur de l’éducation prioritaire ?
J’ajoute que les collèges « ambition réussite » ont été sélectionnés à partir de critères particulièrement injustes, certains établissements ayant été exclus sans raison valable. Le recteur de mon académie le reconnaît bien volontiers... Que ne revoyez-vous donc ces critères ?
Par ailleurs, chacun reconnaît la nécessité d’organiser des sorties culturelles - représentations théâtrales, manifestations sportives, expositions -, mais il est bien difficile de trouver des financements pour le transport et les droits d’entrée. La plupart de ces sorties ne pouvant être programmées que le soir ou à la fin de la semaine, les enseignants volontaires travaillent en outre en dehors du temps scolaire sans être payés en heures supplémentaires et souvent sans bénéficier d’une véritable reconnaissance de la part de leur hiérarchie.
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale - Nous allons injecter des moyens considérables dans l’éducation prioritaire, mais je ne crois pas avoir besoin de le répéter.
Le dispositif actuel repose effectivement sur une logique d’établissements, dont la liste est évolutive - plusieurs nouveaux collèges ont ainsi rejoint le réseau « ambition réussite » cette année, qui compte 200 000 élèves dans le premier degré, 253 collèges publics, 11 privés et 1 715 écoles. Nous avons par ailleurs labellisé 25 lycées supplémentaires en 2007. Le réseau « réussite scolaire », quant à lui, concerne 620 000 élèves dans 5 426 écoles et 826 collèges. Ce n’est pas rien...
J’ajoute que les crédits de l’éducation prioritaire s’élèveront à 1,150 milliard d’euros en 2007, soit 50 millions de plus que l’an dernier. Cela permettra de recruter des assistants pédagogiques et de rémunérer des heures supplémentaires.
S’agissant de l’accès à la culture, j’ai pris l’engagement de prendre contact avec les entreprises de transports et nous envisagerons d’ouvrir des lignes de crédits s’il le faut. Par ailleurs, j’ai obtenu que les heures supplémentaires bénéficient des mêmes exonérations dans le premier degré que dans le second degré, même si elles sont versées par les collectivités locales. Beaucoup dépendra toutefois des collectivités, dont l’action est loin d’être uniforme dans ce domaine. Avec Christine Albanel, nous lancerons enfin un travail sur les activités culturelles dès le mois de décembre.
Permettez-moi toutefois de rappeler que c’est dans les établissements en difficulté qu’ont lieu les expériences les plus ambitieuses dans ce domaine. Je pense notamment aux classes à horaires aménagés « musique » et « danse ».
Dans le Café, sur le budget