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Reportage dans le RAR de Stains (Seine-Saint-Denis) et ailleurs sur des enseignants issus eux-mêmes de ZEP

5 décembre 2007

Extrait de « 20 minutes » du 04.12.07 : « Je connais leur malaise, je suis armée pour leur répondre »

« Tu gênes tout le monde. »

« Non, j’gêne personne. »

La réplique claque dans la salle de classe. Socrate, 14 ans et une ravissante crête tecktonik sur le crâne, répond du tac au tac à sa prof de français.

« Je me suis battue pour travailler ici »

Dans cette 4e du collège ZEP Joliot-Curie à Stains (Seine-Saint-Denis), la scène semble banale. Mlle Lesaulnier, 25 ans, qui exerce depuis trois mois seulement, y est pourtant habituée. Elève, elle a été scolarisée en ZEP non loin de là, à Epinay-sur-Seine. « Je me suis battue pour venir travailler ici. J’ai même écrit au député pour qu’on ne m’affecte pas ailleurs ! », sourit la charmante jeune femme.

Face à ses vingt-trois élèves, elle enchaîne les « chut », crie, alterne les gros yeux et un sourire pour calmer les ados particulièrement agités aujourd’hui. « Elle est très courageuse, moi je serais allée ailleurs à sa place », souffle Assia, réfugiée au fond de la classe et qui tente de lire La Maison enragée au milieu des « ferme ta bouche ! » qui fusent entre ses camarades.

« J’ai grandi avec des jeunes comme eux, explique la prof. Alors je connais leur malaise. Quand ils me provoquent sur la police ou le voile, je suis armée pour leur répondre : je puise des exemples dans leur quotidien, dans la vie de la cité. » Craie à la main, elle s’évertue à ramener le silence. « C’est quoi l’omniscience ? », demande t-elle. « Quand tu lis les sentiments du gars », répond un gamin. « J’ai envie de les aider, ici. C’est mon devoir. Quand je les ai quittés pour un lycée parisien parce que je m’ennuyais et que je souffrais de l’insécurité, j’étais sûre de revenir. »

« Moral mis à rude épreuve »

Pourtant, la tâche est difficile. Pendant le cours, ils sont six maximum à noter ce qu’elle dit. Les enseignants qui ont grandi en ZEP ont beau être, selon le proviseur, « particulièrement conscients qu’il faut susciter une soif d’apprendre », leur moral est mis à rude épreuve. Le cours à peine fini, Mohamed sort de la classe en courant. « On a besoin d’elle », murmure pourtant celui qui a failli se prendre une heure de colle.

Laure de Charette

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Extrait de « 20 minutes » du 04.12.07 : Quand les profs sont des ex-élèves de ZEP

Certains voient en eux des « nouveaux hussards de la République », en référence à ces instituteurs du XIXe siècle issus de toutes les couches sociales qui répandaient dans les écoles leur savoir éclairé (et les préceptes de la laïcité).

Lire notre reportage à Stains

Trois mois après la rentrée scolaire, les profs de ZEP qui ont eux-mêmes effectué leur scolarité dans des établissements classés zones d’éducation prioritaire poursuivent leur tâche. Le ministère de l’Education ne les recense pas, contrairement à l’IUFM de Créteil (Val-de-Marne), qui les évalue depuis deux ans : environ 20% des nouvelles recrues de l’académie ont grandi en ZEP.

Particulièrement investis

« La proportion est sensiblement la même à Marseille, Lyon et Lille » assure Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM. Sont-ils pour autant plus nombreux ? En toute logique, oui, vu l’ampleur prise par le dispositif des ZEP. Surtout, ils sont particulièrement investis dans leur métier : d’après Florence Legendre, sociologue (lire ci-contre), la majorité de ces jeunes profs ont fait le choix de revenir s’occuper d’élèves réputés difficiles, dans des quartiers qui le sont tout autant.

« C’est positif de voir des réussites se construire en ZEP et de les voir de surcroît se tourner vers l’enseignement. Comme s’ils voulaient rendre à l’école ce qu’elle leur a donné », estime le directeur adjoint de l’IUFM. 

Mais tous les profs qui ont grandi en ZEP ne veulent pas forcément y enseigner. Ainsi Camille Bouteau, prof de physique scolarisé dans un établissement difficile de Rouen (Seine-Maritime), a été affecté cette année, pour sa première rentrée, au collège ZEP les Pyramides à Evry (Essonne). « Dès que je peux, je bouge vers un établissement plus calme », annonce le jeune homme. Il confie avoir du mal à gérer ses classes turbulentes, malgré son parcours. « Je n’ai pas l’impression d’avoir des ficelles en plus par rapport à mes collègues. »

« Les parents demandent de s’adapter à leurs enfants »

Souvent, néanmoins, ces jeunes se sentent plus proches de leurs ouailles que les néotitulaires parachutés de petites villes ou de quartiers aisés. « Mais du coup, les parents en profitent parfois pour leur demander de s’adapter à leurs enfants, de leur parler arabe ou de les aider à changer les menus à la cantine », note Alain Bourgarel de l’Observatoire des zones prioritaires.

Les hussards aussi ont la vie dure !

Laure de Charette

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