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Ile-de-France : Avec les conventions ZEP et les classes expérimentales, l’Education nationale commence à gommer la frontière Paris / banlieue

28 janvier 2008

Extrait de « Libération » du 26.01.08 : L’éducation en finit avec le périphérique

Les initiatives visant à intégrer

les meilleurs élèves des ZEP

se multiplient à Paris et en banlieue

Souvent avec succès

Costume et cravate noirs, chemise blanche, Antony, en première professionnelle au lycée de Bondy, paraît d’abord un peu emprunté au micro : « Je ne suis pas tous les jours comme ça, mais c’est jeudi, la journée professionnelle au lycée où l’on doit avoir une tenue impeccable. » Puis il raconte tout l’intérêt d’être dans une classe expérimentale : « L’an dernier, on a fait un voyage d’études au Sénégal, on a eu des journées d’orientation avec des responsables d’entreprise qui venaient présenter leur secteur, on a fait aussi des visites sur le terrain et une simulation de recherche d’emploi, et puis le 11 juin, on a présenté le Bourgeois gentilhomme au Théâtre des Champs-Élysées. Jouer devant nos familles, on n’aurait jamais imaginé. »

Sciences-Po. Antony, en section techniques de vente, fait partie du millier de lycéens de Seine-Saint-Denis engagés dans des classes expérimentales, la plupart de seconde mais aussi de première. Cinq lycées de l’académie de Créteil (plus celui de Creutzwald, en Moselle) participent à l’expérience mise en place à la rentrée 2006. L’idée a été lancée par le président de Sciences-Po, Richard Descoings, au lendemain des événements de novembre 2005 dans les banlieues : les lycéens issus des quartiers peuvent réussir aussi bien que les autres. Mais sans accès aux lieux de culture, ils n’ont pas les mêmes chances. Aussi faut-il leur proposer des pédagogies innovantes.

Vingt-quatre entreprises et sept universités et grandes écoles organisent aujourd’hui des conférences dans ces lycées expérimentaux, fournissent des tuteurs, financent des sorties et des voyages d’élèves jusqu’en Chine, etc.
La banlieue parisienne, plus exactement les quartiers défavorisés, est aujourd’hui un lieu d’innovation pédagogique, et à bien des égards d’excellence.

En 2001, Sciences-Po y a lancé les Conventions d’éducation prioritaire : elles ouvrent aux bacheliers issus des ZEP une voie d’accès parallèle à l’IEP (Institut d’études politiques) de Paris. L’initiative a d’abord été critiquée. On prend les meilleurs éléments des cités et on ne fait rien pour les autres, reprochent les uns. C’est de la discrimination positive, accusent les autres.

Aujourd’hui ces Conventions ne font plus débat. Depuis 2001, 133 lycéens de Seine-Saint-Denis ont intégré Sciences-Po. Deux promotions sont même déjà sorties. « Imaginez le retour des diplômés dans leurs quartiers et l’effet d’exemple », souligne Cyril Delhaye, chargé du programme à Sciences-Po.

Verrou. Chaque année, de nouveaux lycées demandent à entrer dans le dispositif. Ceux qui y sont cherchent à ouvrir des classes prépas, souvent liées à des écoles proches, comme si un verrou avait sauté et avec lui tous les complexes. Dans les lycées expérimentaux, les équipes ont noté plus d’assiduité, moins de redoublement, un meilleur rapport élève-professeur, « avec de grands bonjours dans les couloirs ». « Ça ne sert pas à grand-chose d’ouvrir de vastes campus à la périphérie et de les entourer d’une barrière, il faut travailler dans le tissu local », explique Richard Descoings.

Sans vouloir faire la fine bouche, certains tempèrent toutefois cet auto satisfecit, rappelant que toutes ces expériences restent très minoritaires et largement emblématiques. Aux côtés de l’Etat, la région Ile-de-France joue un rôle clé : depuis 1998, elle consacre un milliard d’euros par an à l’immobilier et à l’équipement des lycées - ordinateurs et clés USB, amphis et salles de sports, machines ultramodernes pour les sections professionnelles, etc.

« Quand on leur donne quelque chose de bien, ils le respectent, souligne Elizabeth Gourevitch, chargée des lycées au conseil régional, parfois je fais même choisir la couleur des couloirs. » La région soutient aussi des programmes contre l’échec scolaire. Pour les plus méritants, elle accorde aux boursiers qui ont décroché une mention Très bien au bac une bourse de 2 600 euros par an sur cinq ans.

Projets

L’enseignement supérieur progresse aussi en banlieue. Sciences-Po - encore une fois - projette d’ouvrir un second campus à Créteil qui accueillerait 2 000 élèves. Les candidats à l’IEP de Paris passeraient un examen unique et se retrouveraient rue Saint-Guillaume ou à Créteil, selon la spécialité choisie et l’année d’études. Mais il faudra attendre un peu. Le dossier est entre les mains du ministère de l’Enseignement supérieur qui va statuer sur la faisabilité et surtout sur les moyens alloués pour réaliser un tel projet.

Plus ambitieux encore, une Cité des sciences sociales et des humanités devrait voir le jour à Aubervilliers, sur le site des anciens Magasins généraux. La région y a alloué 40 millions d’euros dans son contrat de projets Etat-région. « Nous sommes très intéressés dans le cadre du Pres Nord [Pôle de recherche et d’enseignement supérieur, ndlr], explique Marc Lipinski, chargé du supérieur au conseil régional, nous avons déjà à Saint-Denis la Maison des sciences de l’homme et le Cnam [Conservatoire national des arts et métiers], les universités de Paris-VIII-Saint-Denis et de Villetaneuse. Et bientôt une antenne de Paris-II viendra à la Chapelle. Tout cela pourrait constituer un pôle reconnu au plan international ».

Véronique Soulé

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