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Une étude du CERC sur le soutien scolaire privé

24 février 2008

Extrait du site du Cerc, le 19.02.08 : Le soutien scolaire

Les rapports du CERC

N° 8 : « Les services à la personne »

La Documentation française, 2008

Sommaire

Introduction

Partie I : Les services à la personne

Chapitre I - Le secteur des services à la personne aujourd’hui

Chapitre II - La réglementation sociale et fiscale

Chapitre III - La structuration en cours des services à la personne

Chapitre IV - Quel soutien au développement des services à la personne ?

Partie II - Les grandes familles d’activité

Document A - Services à la personne, handicap et dépendance

Document B - Les services de garde d’enfants

Document C - Les activités de ménage et repassage

Document D - Le soutien scolaire

Bibliographie et glossaire

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Un extrait : le soutien scolaire

Les utilisateurs

Dans le champ des services à la personne, le soutien scolaire englobe deux activités de nature différente.

La première, la plus répandue, est celle des cours particuliers à domicile dans les disciplines scolaires. Elle concerne surtout les lycéens et les étudiants. Dans ce cas, il s’agit d’équiper les jeunes pour la compétition scolaire (remise à niveau, préparation aux tests, examens, à l’orientation vers une section prestigieuse ou une classe de bon niveau). Les cours particuliers peuvent aussi concerner des enseignements non liés à l’école, pour les enfants, les adolescents voire les adultes, mais cette activité n’est pas décrite ici.

La deuxième activité consiste à accompagner les jeunes enfants de leur sortie de l’école à leur domicile, puis à superviser leurs devoirs. Pour les parents, il s’agit alors de déléguer l’aide quotidienne aux devoirs. Les raisons de cette délégation sont multiples : manque de temps, d’aptitudes, ou souhait de ne conserver que les échanges agréables avec les enfants.

On ne dispose pas (encore) de données statistiques sur les familles consommatrices de prestation d’accompagnement et de supervision des devoirs pour les plus jeunes. Cependant, même si les enquêtes spécifiques et travaux de recherche sur ce sujet sont rares, contrairement à d’autres pays, notamment au Royaume-Uni (encadré), l’enquête « Education et famille » de l’INSEE, réalisée en 2003, fournit des informations sur les utilisateurs des cours payants dans l’enseignement secondaire.

1. Le soutien scolaire privé payant

(...)

2. Les différentes formes d’aide au travail scolaire

Les cours payants ne sont qu’une forme minoritaire des aides aux devoirs reçues par les élèves. L’aide aux devoirs est avant tout le fait des parents, et en premier lieu de la mère (Gouyon, 2004). Viennent ensuite les aides de l’entourage (frères et soeurs, famille élargie, amis). Les cours de soutien gratuit dispensés dans le cadre scolaire occupent la troisième position jusqu’au niveau du collège. Les cours payants sont alors la modalité d’aide la moins fréquente. La hiérarchie entre cours de soutien gratuit et payant s’inverse au lycée général et technologique (tableau 1, in Rosenwald, 2006).

Les parents accordent en moyenne 15h par mois à aider leurs enfants, mais l’intensité de cette aide fléchit lorsque l’enfant avance dans sa scolarité.

A l’école primaire, les enfants sont aidés par leurs parents en moyenne 19h par semaine, 14h au collège et 6h au lycée.

En primaire, 95 % des enfants sont aidés par leur mère. C’est aussi le cas de plus de 80 % des collégiens, de 50 % des lycéens (mais seulement 40 % en lycée professionnel). Plus le niveau d’études s’élève, plus les mères qui aident sont elles-mêmes diplômées.

Alors que l’aide des parents diminue lorsque la scolarité avance, celle du reste de l’entourage prend de l’importance. Un collégien ou un lycéen sur cinq reçoit l’aide de frères ou de soeurs, plus de 30 % des lycéens, dans les séries générales ou technologiques, sont aidés par des amis.

De plus, en moyenne, 9 % des élèves reçoivent des cours de soutien dans le cadre scolaire, en majorité sur le lieu même de l’établissement (80 % des cas). Dans 60 % des cas, l’initiative en revient aux enseignants de l’élève, dans 25 % des cas aux parents, et dans 15 % à l’élève lui-même. Dans 80 % des cas, l’élève était jugé faible ou très faible dans la matière des cours de soutien.

Au collège et encore davantage en primaire, les élèves concernés ont le plus souvent redoublé. Au lycée, ils sont fréquemment en difficulté scolaire.

Les élèves suivant des cours de soutien gratuit sont plus fréquemment issus de milieux socialement défavorisés : leurs parents sont souvent peu diplômés, inactifs ou ouvriers. Les familles monoparentales sont surreprésentées. Les parents sont satisfaits du résultat du soutien dans 80 % des cas.

Les parents des élèves bénéficiaires de cours de soutien gratuit les aident moins que la moyenne des autres élèves de même niveau. Ils se déclarent plus souvent dépassés. Ils ont aussi moins d’ambition scolaire pour leurs enfants : seuls deux sur trois désirent les voir aller jusqu’au bac, contre 85 % en moyenne.

Enfin, alors que d’autres cumulent plusieurs types de soutien, certains élèves ne bénéficient d’aucune aide. C’est surtout le cas au lycée. Environ 40 % des lycéens professionnels et 20 % des autres lycéens sont dans cette situation (Rosenwald, 2006).

Des dispositifs individuels et collectifs de prévention de l’échec scolaire se sont développés depuis les années 1990 (Peretti, 2004). Leurs résultats sont mitigés.

Il semblerait cependant que des formes de compensation directement articulées au travail scolaire (cf. encadré « coup de pouce » lecture) donnent de meilleurs résultats.

Cependant, en 2002, l’éducation prioritaire concernait 1,7 million d’élèves, dont 570 000 collégiens (un sur cinq), alors que 8 % seulement étaient concernés dans les premières années du programme. Comme le remarquent Armand et Gille (2006), la carte des ZEP est hétérogène et a connu une tendance qualifiée par les auteurs d’« inflationniste ».

Dans leur évaluation quantitative, Bénabou, Kramarz et Prost (2004) montrent un effet faible de l’accompagnement en ZEP sur la réussite scolaire des élèves, mais les auteurs soulignent que les moyens supplémentaires accordés à chaque établissement ont été modestes. A dépense constante, une concentration des moyens sur les établissements en ZEP, en y réduisant les effectifs des classes, aurait des effets sensibles sur les scores d’acquisition des élèves, d’autant plus que cette mesure interviendrait tôt dans la scolarité, dès le primaire (Piketty et Valdenaire, 2006).

Une autre voie complémentaire à la concentration de moyens sur les établissements des zones les plus défavorisées, proposée par le rapport Moisan et Simon (1997), consisterait à stimuler les pratiques pédagogiques innovantes des établissements de ces zones et à généraliser les « bonnes pratiques ». De son côté, Gurgand (2004) suggère plutôt de laisser plus d’autonomie aux établissements pour innover et d’ajuster les moyens complémentaires accordés en fonction des résultats obtenus en matière d’acquis des élèves.

Certes, l’orientation actuelle est de concentrer les moyens sur certains établissements (249 réseaux de collèges et établissements primaires associés, dits réseaux « ambition réussite »). Néanmoins, le budget d’ensemble de l’éducation prioritaire reste important (environ un milliard annuel, selon Armand et Gille).

Les résultats décevants sont apparemment liés au ciblage insuffisant des établissements aidés. Par ailleurs, la dotation très favorable des établissements de centre ville, où enseignent les professeurs les plus chevronnés, n’a pas été remise en cause, comme le suggéraient Piketty et Valdenaire.

Enfin, même si le volume financier de l’aide publique au soutien scolaire privé n’est pas connu avec précision, son ordre de grandeur n’est pas du tout négligeable par rapport à l’effort consenti pour financer le soutien scolaire public et l’éducation prioritaire (encadré).

De quoi s’interroger sur la cohérence de l’aide publique en matière scolaire. Cherche-t-on à aider les élèves en difficulté scolaire (par le soutien scolaire gratuit), à réduire le désavantage de ceux qui vivent et étudient dans des zones socialement défavorisées (objectif des ZEP), ou à laisser les familles régler les difficultés des élèves en faisant appel à l’offre de cours privé, au risque de financer davantage les cours donnés aux élèves déjà favorisés dans la compétition scolaire (financement SAP) ?
Le crédit d’impôt pour les dépenses de services SAP, et le soutien scolaire gratuit mis en place en novembre 2007 dans les collèges de ZEP, appelé à être étendu ensuite aux autres établissements, devrait toutefois modifier l’équilibre actuel.

L’offre de services

En 2003, les cours particuliers payants donnés aux lycéens étaient dispensés dans 34 % des cas par un enseignant à titre personnel, dans 31 % des cas par un enseignant d’un organisme privé, dans 31 % des cas par un étudiant, dans 4 % par une autre personne. Au collège, les enseignants délivrant des cours à titre personnel étaient plus nombreux, ceux dépendant d’un organisme privé l’étaient moins (Rosenwald, 2006).

Ces chiffres sont récents et pourtant déjà en retard sur la situation présente. Depuis 2003, la réduction d’impôt ouverte aux dépenses de soutien scolaire à domicile a en effet dû modifier cette répartition, comme elle a probablement modifié à la hausse le nombre d’élèves concernés présenté dans le paragraphe précédent. De plus, la demande de soutien scolaire à domicile s’est étendue aux élèves de classes préparatoires aux grandes écoles et aux étudiants inscrits à l’université.

Il est encore trop tôt pour savoir quel sera l’impact du crédit d’impôt et du CESU préfinancé, mesure qui devrait aussi stimuler la demande de cours particuliers payants.

Il est à noter que si le soutien scolaire privé se développe dans de nombreux pays (Bray et Kwok, 2003), la France est à notre connaissance le seul pays où son coût est financé à hauteur de 50 %.

Le soutien scolaire public (gratuit pour les familles) représenterait un volume financier de 100 millions d’euros, pour un coût moyen de 6 euros par heure et par enfant en 2006, contre 28 euros pour une heure de cours particulier privé (INRP, 2006).

Le soutien scolaire privé est une des activités où les entreprises de services à la personne se sont le plus développées, avec l’assistance informatique et le jardinage/bricolage (Chol, 2007).

Le marché du soutien scolaire privé se partage entre un marché formel4 et un marché informel, supposé aujourd’hui encore plus important en volume d’affaires par les observateurs et les professionnels du secteur.

Dans la période récente, le marché formel s’est développé rapidement. Il est très atomisé, mais dominé par quelques grandes entreprises, dont les principales fonctionnent sur le mode mandataire, spécialisé dans la mise en relation élève-professeur5.

Acadomia est l’entreprise leader du marché formel, avec 66 millions de volume d’affaires au premier semestre 2007. Acadomia investit fortement dans la publicité pour faire connaître sa marque. Elle dispose d’un réseau d’agences locales plus développé que ses principaux concurrents, et de quatre centres de recrutement interrégionaux. Récemment, elle a diversifié son offre pour consolider son avantage (nouveaux produits pédagogiques, association avec un éditeur, stages d’orientation, cours de méthode, ...). L’entreprise affiche un développement de 50 % en 2007 (Le Figaro, 6/9/2007), et le suivi de 100 000 élèves.

Le second opérateur par le volume d’affaires, Complétude, également mandataire, mise sur sa certification qualité (ISO, 9001). Les cours Legendre (troisième rang) proposent également des cours par correspondance et totalisent 30 000 élèves.

De son côté, Domicours (financé par des mutuelles : MACIF, MATMUT, Mutualité Française et par Chèque Déjeuner) fonctionne en mode prestataire.

Souvent, l’intervenant qui dispense le cours est un étudiant, quelquefois un enseignant (dans 20 % des cas chez Acadomia, 6 % chez Complétude et 90 % pour les cours Legendre ; source : rapport Hetzel, 2007, pour la conférence de la famille).

A l’opposé, les cours Sylvan, entreprise nord-américaine, proposent des cours privés collectifs sur site, qui ne donnent pas lieu à réduction d’impôt.

Les entreprises sont tenues d’investir en publicité et en innovations pour attirer de nouveaux clients. Recruter des intervenants de qualité et les fidéliser n’est pas toujours simple, d’autant que l’existence de ces frais fixes rend leur salaire peu attractif. En effet, la rémunération nette de l’entreprise (ses frais de structure et son revenu) serait presque du même ordre que le salaire net du professeur qui donne le cours (INRP, 2006).

Perspectives

Le soutien scolaire privé n’atteint pas, en France, le niveau de certains pays, notamment d’Asie. Ainsi, en 1999, à la fin du premier cycle du secondaire, équivalent à la troisième en France, 70 % des jeunes japonais vivant en milieu urbain avaient suivi des cours payants (Bray et Kwok, 2003). En Corée, les dépenses des parents en soutien scolaire privé ont atteint, en 1996, un montant équivalent à 150 % du budget de l’État (Bray, 1999).

En dehors des revenus supplémentaires qu’ils procurent aux enseignants, Bray distingue d’autres motifs au développement des cours privés : pallier les lacunes du système scolaire (selon ses termes, les cours privés se développent à l’ombre du système éducatif), armer les élèves dans la course aux diplômes, leur permettre d’accéder à des carrières prestigieuses.

Dans ces conditions, le marché ne peut pas s’autoréguler, puisqu’il s’agit pour le preneur de cours de faire mieux (aux tests et examens) que les autres. C’est plutôt une fuite en avant qui est constatée. Selon l’auteur, dans les pays où le soutien est très intensif, tels le Japon, les cours privés dévalorisent l’enseignement classique et créent un surmenage fréquent chez les élèves.

De plus, le développement important du soutien scolaire privé entretient, et même accentue, les inégalités sociales et les disparités spatiales (au détriment des zones rurales, par exemple). A ce propos, le Conseil Économique et Social (Vérollet, 2007), dans son avis adopté le 24 janvier 2007, considère que « le niveau intolérable de l’échec scolaire nécessite, d’une part, que l’Éducation nationale intègre l’aide aux « devoirs prescrits » dans l’activité normale de chaque enseignant et s’investisse, d’autre part, dans un partenariat actif avec les autres ministères, les collectivités, les associations, les acteurs de terrain, pour développer l’accompagnement scolaire. »

Bray se penche sur les stratégies possibles des pouvoirs publics. Écartant les stratégies extrêmes de laisser-faire et d’interdiction totale, il envisage la possibilité de contrôle et de réglementation, et même d’encouragement maîtrisé. Dans ce dernier cas, il s’agit notamment d’aider les élèves issus de milieux sociaux moins favorisés à participer à la compétition scolaire.

D’autres façons de limiter le développement excessif des cours privés, plus délicates à mettre en pratique, consistent à réduire les inégalités de revenus liées au diplôme, et à rendre le système scolaire moins élitiste, plus ouvert et innovant.

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Coup de pouce lecture

Ce dispositif est mis en place sous la responsabilité des communes, qui le financent. En 2003, il existait 327 clubs coup de pouce, dans 30 villes, pour 1 635 élèves concernés.

Il s’agit d’activités autour de la lecture et de l’écriture, pour favoriser l’apprentissage d’élèves « à la traîne » en fin de premier trimestre de CP. Ce programme vise à compenser, pour ces élèves, l’absence d’un travail réalisé pour les autres dans leurs familles.

L’enseignant choisit les élèves qui participent au programme. Celui-ci se déroule dans les locaux de l’école, quatre fois par semaine, de 16h à 17h30, de novembre à juin (soit une centaine de séances).

Les enfants sont encadrés par un adulte (enseignant, étudiant, retraité) par groupes de cinq. La séance démarre par 25 minutes d’accueil-détente, avec un goûter fourni par les parents, puis une aide aux devoirs (15 minutes), puis des jeux de lecture, en séquences brèves (5 minutes) et ludiques.

Les parents s’engagent à parler avec leur enfant de l’activité du club, à l’encourager, à faire relire les textes, à participer à deux ou trois réunions.

En fin d’année, la plupart des élèves ne sont plus en position fragile par rapport à la lecture.

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Le soutien scolaire privé

et le soutien dans le cadre scolaire :

ordre de grandeur des budgets publics

Les dépenses publiques au titre des SAP ne sont pas ventilées par fonction. En particulier, le chiffrage de l’aide publique au soutien scolaire privé n’est pas disponible. Une estimation très grossière peut être établie à partir de l’estimation du volume d’affaires estimé par le XERFI : 600 millions d’euros en 2005 (INRP, 2006). Le soutien public dépasse 50 % des sommes éligibles engagées par les ménages, puisque les entreprises bénéficient d’un taux réduit de TVA et de charges sociales allégées. En supposant que 80 % du chiffre d’affaires du secteur correspond à des dépenses déductibles de l’impôt, l’aide publique dépasserait 240 millions d’euros annuels, soit presque deux fois et demie le budget du soutien scolaire public et presque le quart de celui des ZEP.

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Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la Cohésion sociale (CERC)

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