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"Coordonnateur de ZEP, tuteur d’espoirs ?", par Catherine Lavauzelle (ZEP de Soyaux, Charente, 2002)

13 mai 2008

Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Instituteur-Professeur d’Ecole-Maître Formateur,
Session 2002

Coordonnateur de ZEP : tuteur d’espoirs ?

La ZEP de Soyaux soufflera en 2002 ses 20 bougies.

En quoi la nomination d’un coordonnateur depuis 1994 a-t-elle permis un étayage du système et comment sa médiation peut-elle être au service des apprentissages et de la réussite scolaire ?

Un an après, quoi de neuf ?

 

Quoi de neuf ? , comme on dit quotidiennement dans une classe Freinet..

" Quoi de neuf ", quelle nouvelle écoute du dispositif dont on m’a confié, en septembre 2001, la coordination à plein temps ? Comment, en une année, s’est rempli mon réservoir d’idées pour assurer ce rôle " d’ami-critique " défini par Agnès Van Zanten ?

Coordonnateur, tuteur ...

L’analyse des évènements décrits dans le document rédigé l’an passé, m’a permis d’identifier quatre tâches qui font le quotidien du coordonnateur :

 La première est l’écoute, l’identification des besoins et la proposition de réponses adaptées (par la concertation, la diffusion d’informations, la mise en place de formations...)
 Le second est la négociation, la recherche et la gestion des moyens, principalement financiers.
 La troisième est de convaincre de l’intérêt de l’appartenance à une zone d’éducation, (avec toute la cohérence que cela implique de la maternelle à la troisième, et de prouver l’opérance des dispositifs par des évaluations et des régulations.)
 La quatrième consiste à tisser une toile partenariale efficace en affirmant la spécificité pédagogique de la communauté éducative.

On voit bien ici apparaître l’ambiguïté entre les termes de tuteur et de coordonnateur. Tuteur apporte une notion d’armature, d’ancrage. Mon statut me permet d’être reconnue comme l’interlocuteur privilégié pour tout ce qui intéresse l’école, au sein même du quartier, mais aussi dans les réseaux de ses partenaires institutionnels ou associatifs.

Coordonnateur sous-entend la notion de lien, donc de mouvement. Le fait d’être enseignante de terrain, sans fonction hiérarchique ou administrative spécifique facilite les échanges. La décharge d’enseignement direct permet une mobilité dans le temps et dans l’espace.

En six années, le tuteur semble assez solide : les sollicitations pour participer aux réflexions partenariales se sont élargies, par la mise en chantier du Contrat éducatif local (niveau municipal) ou par l’intégration au processus de Contrat de ville (niveau préfectoral).

La coordination est devenue plus efficace auprès des collègues du second degré mais moins essentielle pour la plupart des écoles primaires. La prise de risque face aux élèves me manque pour justifier de la faisabilité d’un certain nombre de principes que je souhaite défendre mais me rend plus sereine pour soutenir leur mise en oeuvre.

Malgré leur ambiguïté, je reste profondément persuadée que l’attachement de ces deux termes définit au mieux cette tâche.

En quoi la nomination d’un coordonnateur a-t-elle permis l’étayage du système...

Alors, pour tenter d’étayer le système, j’ai essayé, avec le soutien de l’équipe d’animation, de développer divers outils. Qu’ils permettent la mise en action, l’évaluation ou la mémorisation des actions, ils concourent tous à valoriser, instaurer la confiance, fédérer, permettre une reconnaissance des efforts accomplis. Ces outils peuvent être classés en quatre domaines :

 Ceux à vocation pédagogique :

charte de suivi de l’élève, conseils d’enfants, pôles d’excellence...

 Ceux à vocation socio-culturelle :

journées droits de l’enfant ou patrimoine, semaine de la presse, défis lecture, défis math, festival ZEP’dit, opération " école ouverte "...

 Ceux à vocation de communication :

logo, bureau, tableaux de bord, guides divers, site WEB...

 Ceux à vocation partenariale :

participation régulière aux assemblées générales, comités de pilotage, commissions de contractualisation...

Ces outils doivent aussi contribuer à rendre lisibles les moyens pour apprendre mis à disposition des familles. C’est à mon avis un moyen de compléter la mission de l’école. Si l’élève est à la recherche d’une qualification avec l’espoir d’une promotion sociale, l’enfant doit aussi acquérir des compétences en vu de la construction d’une responsabilisation individuelle. Et une meilleure connaissance de l’engagement de l’état, des collectivités mais aussi des personnels ne peut que contribuer à son éducation citoyenne.

...et comment sa médiation peut-elle être au service des apprentissages...

Pour tenter de développer une professionnalisation au service des apprentissages et de la réussite scolaire, je me suis appuyée sur deux fondements de l’éthique de l’École publique :

 l’enfant doit être au centre des préoccupations
 la liberté pédagogique doit être respectée.

Ainsi, comme on peut le voir dans le récit de l’an passé, les activités que je prépare pour les classes dans la dynamique du " contrat de réussite " sont majoritairement destinées à faciliter la conception des temps d’apprentissage. Elles sont autant que possible proposées dans une double dynamique inter-degré et ZEP/hors ZEP.

En diversifiant les modes de relation, les thèmes de réflexion, les supports de diffusion, les formes d’action, je cherche à faire vivre aux enseignants eux-même des formes d’organisation au service de leurs besoins, transposables aux besoins de leurs élèves.

Je suis amenée régulièrement à co-produire diverses actions socioculturelles. Au sein de l’établissement scolaire, ces actions doivent rester facteur d’efficacité pédagogique. . Induites par la paupérisation du quartier, elles sont toujours aussi nécessaires pour les enfants et leurs familles. Au sein de la mission du coordonnateur, elles doivent conduire à des contractualisations réfléchies. Ainsi, je permets une décharge pour les équipes pédagogiques de cette dérive quelques temps trop marquée des projets d’école.

Néanmoins, ni la mise à disposition de ce poste de coordination, ni les vingt années de vie du dispositif n’ont permis d’instaurer durablement au sein de la communauté éducative un fonctionnement solidaire et démocratique, un rapport au milieu local systématiquement positif, une stabilité des équipes permettant la reconnaissance mutuelle des compétences, une motivation sans faille.

... et de la réussite scolaire.

Et pour ce qui est de l’accompagnement au-delà de l’école, les différentes politiques locales ne prennent pas encore assez en compte la problématique de la réussite scolaire comme facteur d’inversion de certains effets pourtant largement stigmatisants. La montée des violences urbaines ou des incivilités ne relève pas entièrement de la responsabilité de l’école.

La seule réponse du soutien scolaire, de la redite de l’école hors de l’école est inacceptable dans les quartiers populaires. Les parents effectuent souvent une décharge consciente sur l’école : pour eux, ce n’est pas l’école mais la motivation qui conditionne la réussite. Il s’agit alors de donner à l’ensemble des partenaires socio-culturels (dont l’école) les moyens de démultiplier les acquis solaires, de rendre motivant leur appropriation. Actuellement, aucune discrimination positive n’est réfléchie, ni dans l’attribution des moyens de fonctionnement, ni dans l’apport intellectuel et culturel lié à l’aménagement du territoire, ni même dans l’élaboration de la carte scolaire.

La ZEP de Soyaux soufflera en 2002 ses vingt bougies.

Ce vingtième anniversaire est à Soyaux, comme sur l’ensemble du territoire, l’occasion d’évoquer des résultats mitigés. Gérard Bouveau, aux assises académiques du 27 février 2002 mais aussi au séminaire national des 4 et 5 mars, insiste sur le fait suivant : une des raisons de l’échec relatif de la politique d’éducation prioritaire serait que l’école qui y est proposée n’est pas conforme au modèle majoritaire. "L’éducation prioritaire " ici s’opposerait alors à "enseignement " ailleurs.

La recherche en éducation reconnaît que les ZEP ont été un vivier d’innovations pédagogiques voire même un moteur d’évolution de plusieurs systèmes éducatifs européens (Belgique, Angleterre...). Pourtant, la politique des ZEP a été douloureuse à mettre en place parce que, outre l’immédiateté de sa mise en application, elle a pris à rebrousse-poil tous les fondements de l’école traditionnelle : zonage, implication du local, partenariat, idée de sélectivité, notion de projet, liens entre niveaux d’enseignement.

Et très vite s’est posée la question du sacro-saint " niveau d’exigences ". La massification de l’enseignement et des savoirs, la lutte contre les ségrégations culturelles et les discriminations sociales a largement rehaussé ce niveau pour ce qui concerne le professionnalisme des enseignants en multipliant les challenges à relever.

Pour ce qui est de celui des élèves de la ZEP de Soyaux, la plus-value obtenue par la majorité d’entre eux au cours de leur cursus scolaire est réelle mais non entretenue par le quotidien.

Et les familles des quartiers populaires, dont les enfants ne sont pas préparés à devenir élèves et dont les adultes ne sont pas prêts à être parents d’élèves, s’interrogent néanmoins : Pourquoi dans une école " traditionnelle " parle t’on de l’élève par rapport à des normes (la note, les devoirs, la punition...) alors que dans l’école de ZEP, on parle de l’élève par rapport à l’enfant qu’il est (son projet, ses modes relationnels...) ?

Ce qui différencie actuellement la majorité des enseignants de ZEP de leurs collègues moins confrontés à la diversité des situations et des réactions, c’est qu’ " il (chaque maître) cherche sans cesse à établir une relation pédagogique et affective toujours originale, toujours singulière, ...cherchant toujours les solutions les mieux adaptées à chacun, ...avec pour objectif de développer les aptitudes et les talents... ". Cela réclame de la part des maîtres " un engagement à la hauteur de l’enjeu, (...) impliquant une pratique qui favorise des comportements respectueux, (...) pensant des projets plus nombreux et préparés avec un souci plus grand de coopération(...) ". Ces mots, extraits de la préface aux " nouveaux programmes de l’école élémentaire " signée par Monsieur Lang, Ministre de l’Éducation nationale semblent montrer la volonté de rétablir la notion éducative dans toutes les classes.

Et c’est sans doute ainsi que l’on pourra dépasser l’écueil décrit par Patrick Bouveau et contribuer plus fermement à la cohésion sociale de notre pays.

... tuteur d’espoirs ?

La logique, autrefois centrée sur le mythe de l’égalité des chances, est maintenant entrée dans une logique de lutte contre les exclusions. Il faut donc que tout le système soit convaincu que c’est " l’indifférence aux différences " (Pierre Bourdieu) qui reproduit les inégalités et participe à son amélioration. Pour cela, tous les enseignants, tous les acteurs de l’éducation doivent pouvoir

 développer un sentiment d’appartenance à un espace éducatif complexe et riche
 y opérer une cohérence entre les prescriptions des textes officiels et les pratiques
 y mettre en oeuvre des projets impliquant diverses triangulations : enfant-enseignants-parents ou enseignants-enfants-collectivités ou enseignants-parents-accompagnement socio-culturel...

Ces projets

 sont au service conscient d’un cursus scolaire complet
 favorisent la personnalisation des réussites tant des élèves que des enseignants
 facilitent la formation continue et l’intégration des nouveaux enseignants

... bref, tout ce qui singularise actuellement les écoles de ZEP.

Outre l’accompagnement institutionnel et pédagogique mené par l’équipe de circonscription, ces espaces doivent pouvoir bénéficier d’un appui très local réactivant régulièrement la vision globale de l’éducation à tous les niveaux du territoire concerné.

Une nouvelle fonction se dessine alors naturellement : Quand seront créés des postes de coordinateurs de zone d’éducation ?

Texte publié sur le site de l’OZP dans la rubrique "Libres propos" en 2002

Catherine Lavauzelle
École Célestin Freinet
16800 Soyaux
Tel/fax : 05 45 95 66 28
Mel : zep-rr-soyaux@ac-poitiers.fr

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