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Entretien avec Marie Digne, chargée de mission à la DIV (Bulletin OZP n° 3, mai 1993)

13 mai 1993

Bulletin de l’association OZP, n° 3, mai 1993

Entretien avec Marie Digne,
chargée de mission à la DIV (Délégation interministérielle à la Ville)

OZP : Pouvez-vous nous dire quelques mots des nouvelles procédures de la politique de la Ville ?

M.D. : Toutes les procédures qui concernaient jusqu’à présent la politique de la Ville - DSQ, DSU, Conventions Ville-Habitat, etc. - se fondent en une seule et même procédure qui est celle du Contrat de Ville. Cela explique la difficulté qu’il y a eu à choisir les sites. Il a fallu affiner les critères et faire en sorte qu’il n’y ait pas un trop grand émiettement. Il en va des contrats de ville comme des ZEP : l’enveloppe et la dynamique ne sont pas extensibles à l’infini et, si l’ on veut vraiment être efficace, il faut travailler dans les secteurs qui en ont le plus besoin.
Dans la géographie des contrats de ville, dans les 187 sites qui ont été arrêtés, on travaille toujours pour des quartiers en difficulté bien identifiés, mais sans le label " DSQ " qui n’a pas toujours été très positif. La démarche est plus globale. Ce qu’on attend, c’est une plus grande solidarité de la ville au profit de ces quartiers. Pour l’éducation, cette solidarité pourrait se manifester, au-delà de la prise en charge des difficultés par l’établissement lui-même ou par la zone, au niveau du district par exemple.

Bien entendu, les sites qui étaient en DSQ ne vont pas être abandonnés du jour au lendemain, on va les " accompagner " en mettant en place ce qu’on appelle des " sorties de DSQ ". Mais notre politique pour les années à venir va vraiment se recentrer sur les sites en contrat de ville.

OZP : Cette année, la carte des ZEP va être redéfinie. Quelle articulation voyez-vous avec la politique de la Ville ?

M. D. : Les géographies de la politique de la Ville et des ZEP devraient coïncider, ou être harmonisées le plus possible. Nous, notre géographie, dans le cadre du XIème Plan, c’est celle des 187 sites en contrat de ville. A partir du moment où il y a une véritable politique de la Ville qui se met en place, on ne peut pas imaginer que les services de l’Etat inventent chacun une géographie propre, même si ailleurs, à la marge, il y a nécessité de travailler sur d’autres secteurs.

Il faut qu’une clarification soit faite au niveau de l’Éducation nationale, mais il n’y a pas lieu d’être pessimiste sur ce point : il y a une volonté politique et, même avec des concepts apparemment disparates, celui de ZEP et celui de politique de la Ville, nous avons trouvé un terrain d’entente. En termes de partenariat, on a fait des progrès : on peut s’entendre, à travers des concepts différents, sur un même objectif et un enjeu commun, l’obligation de réussite. On voit que, au-delà des dispositifs, sur le terrain, se nouent des solidarités d’individus, qui font avancer les dispositifs.

OZP : Est-ce que cette vision ne s’applique pas uniquement dans les académies où le dispositif ZEP est bien réel, alors que dans d’autres il est inexistant ?

M. D. : Il ne m’appartient pas de faire l’évaluation des dispositifs ZEP. Mais pour réussir, il faut se donner du temps. Ce qu’on est en train de mettre en place, à travers les dispositifs ZEP et les dispositifs politique de la Ville, c’est une nouvelle façon de concevoir son rôle dans la cité. Cela implique une remise en question de certaines certitudes, tant professionnelles que personnelles. Tout le monde n’avance pas à la même vitesse ; certains ont besoin de voir d’abord ce que les autres font. Il n’est pas bon de forcer les gens à s’impliquer. Notre plus grande réussite sera celle de la persuasion. Il y a eu aussi des erreurs dans des implications trop fortes, avec des projets trop nombreux et peu réfléchis faute d’avoir pris le temps de définir de véritables objectifs. Dans l’implication, la politique de la tache d’huile n’est peut-être pas la plus mauvaise.

OZP : N’y a-t-il pas un danger, par le fait que la politique de la Ville est très liée à l’accord des maires, que l’Éducation nationale voie ses missions d’État soumises à la volonté des élus ?

M. D. : Il est vrai que les situations sont très disparates sur le terrain, mais je ne pense pas : à partir du moment où il y a une décision de travailler ensemble sur un terrain, où il ne s’agit plus de négocier action par action mais où l’on met en place un véritable projet - il est de cinq ans dans le cadre du contrat de ville - dans une dynamique cohérente et partenariale, la négociation devient alors de fait possible, et l’on ne voit pas comment l’un pourrait bloquer l’autre.

Pour cela il faut une conception du partenariat où l’on vient pour apporter quelque chose ; on ne peut être bloqué dans son action que quand on réduit son rôle de partenaire à celui de demandeur de fonds. A partir du moment où le partenariat s’inscrit dans une autre dynamique, qui est celle d’une élaboration commune des projets, on n’est plus tributaire, puisque c’est dès la base que les projets ont été conçus en commun.

OZP : Le maire d’une ville ne sera-t-il pas porté à favoriser les quartiers dans lesquels il aura des électeurs ?

M. D. : Non, je ne pense pas. Au niveau des contrats de ville, on n’en reste plus aux clivages politiques. Il y a un fort consensus sur cette politique de la Ville qui est portée par des élus de toutes tendances. On est là face à des problèmes cruciaux qui sont des enjeux pour la société, c’est une priorité nationale. On ne travaille plus pour " son électorat " ou telle et telle partie de sa population, on travaille au niveau de la dynamique de sa commune et même, dans le cadre du contrat de ville, dans le cadre de sa commune et des communes environnantes.
Il s’agit donc là de développement du lien social, d’une cohésion que l’on rétablit sur la ville, et non plus d’un travail sur un quartier qu’on labellise comme étant la cause de tous les problèmes de la cité et sur lequel on est obligé de mobiliser des sommes énormes.

Il s’agit de reconstruire la ville, de faire en sorte que la cité fasse un tout : c’est pour la cité qu’on travaille. Il y a là un pari, c’est vrai, mais on voit se mettre en place une dynamique beaucoup plus forte que celle de la politique des DSQ. Et cela parfois même dans l’intercommunalité, alors que les maires sont de tendances politiques très différentes. Tout le monde est obligé de se poser la question de l’obligation de réussite.

OZP : En cherchant à solidariser les établissements du second degré avec des partenaires extérieurs à l’Éducation nationale et avec les autres établissements du district, en développant la politique des " établissements sensibles ", n’est-on pas en train de détacher le second degré du premier - qui pose moins de problèmes pour la tranquillité publique - et de liquider les projets de zone ?

M. D. : Ce n’est pas notre façon de voir les choses. Pour nous, on ne peut pas dissocier école maternelle - et nous insistons beaucoup sur la petite enfance - enseignement primaire et enseignement secondaire.
Nous cherchons à ce que l’enfant soit pris dans sa globalité. Notre souci c’est la cohésion. Le temps passé à l’école est une partie importante, mais ce n’est qu’un des aspects du citoyen en devenir Pour nous, les problèmes de santé, d’éducation, etc. forment un tout. C’est ce qui fait la difficulté de notre tâche et c’est ce qui fait notre raison d’être à nous, la D.I.V. Notre objectif est de réconcilier les différents acteurs de la cité.

OZP : Quelle est, pour cela, votre démarche actuelle ?

M. D. : En termes de politique de la Ville, nous avons maintenant un passé. Cette action peut être évaluée. On a d’abord réagi en termes d’urgences, en se basant sur les bonnes volontés. Mais ces problèmes ne peuvent être réglés en un temps très court. Lorsqu’auront été réglés les problèmes qui sont encore des problèmes d’urgence, on se posera davantage la question suivante : comment améliorer la ville ? Mais dès maintenant il va falloir faire évoluer nos problèmes d’urgence vers des problèmes de priorités, c’est-à-dire classifier, quantifier, faire des choix.

Notre démarche a été celle d’un travail interministériel. Dans cette perspective nous avons essayé de mettre en place un premier guide, modeste sans doute, mais qui peut aider à la réflexion, et que nous avons appelé " dossier-ressource contrats de ville ".
Il a été envoyé dans toutes les administrations. Il s’agit d’une série de fiches qui traitent de différents thèmes, dont l’éducation ; je pense notamment aux deux fiches intitulées " l’École " et " La sécurité dans les établissements scolaires ", cette dernière étant faite dans une optique de prévention. Une deuxième version va sortir début novembre. Elle donne non pas des recettes, mais des pistes de partenariat, pour les gens sur le terrain, pour la négociation locale.

OZP : Quelle place l’École peut-elle prendre dans ce partenariat ?

M. D. : Je suis souvent frappée de voir que dans chaque instance qui discute de la politique de la Ville, des problèmes de prévention par exemple, l’Éducation nationale fait partie de ces instances. Mais force est de constater que souvent elle écoute, et peut-être n’a-t-elle pas pris encore conscience que là aussi elle a son rôle à jouer là-dedans, que sa place n’est pas seulement dans les murs de l’école.
Nombreux sont les domaines où l’École peut s’ouvrir sur la ville et sur le quartier, mais nombreux aussi sont les domaines où l’École a quelque chose à dire aux gens de la cité, y compris dans des domaines qui ne sont pas de sa compétence directe, comme le logement, les transports...

C’est en développant des territoires communs d’intervention qu’on peut d’abord apprendre à se connaître, à travailler ensemble, et faire en sorte que sur la cité les problèmes soient gérés par tous, et j’entends par là aussi la prévention. Car il me semble que si l’École a un défi à relever, c’est bien celui de la prévention.

Cependant, on voit bien la dynamique qui se met en place dans l’école. Et elle est peut-être beaucoup plus sensible sur le terrain qu’elle ne l’est au niveau des instances ministérielles ; celles-ci, peut-être, ne sont pas toujours bien au courant de tout ce qui existe de véritablement vivant dans certains endroits.
Dans le cadre des projets de zones, il y a vraiment une dynamique très positive qui s’est mise en place dans certains lieux, et qui fait avancer les autres établissements qui ne sont pas en ZEP. Je pense par exemple à ce collège de l’académie de Versailles qui a demandé à pouvoir s’associer, pour l’opération " école ouverte ", au collège ZEP de la même commune, pionnier en la matière.

Il y a aussi quelque chose qui me semble important, c’est de mettre en place une véritable information-communication. Il est nécessaire de mettre en réseau les informations sur ce qui ce fait.

OZP : C’est une des constantes de l’OZP de souhaiter que cela soit fait. Quels sont vos projets en ce domaine ?

M. D. : Il y a en France différents centres de ressources sur la politique de la Ville. Celui de la DIV - qui sera commun à la DIJ et à la DIV - n’a pas vocation à être universel et exhaustif, mais il se fixe comme objectif de faire connaître ce qui se fait, faire réfléchir et orienter les démarches des uns et des autres. Il a une vocation de conseil et de réflexion.
En fait, nous avons pour ce centre de ressources un projet très ambitieux. Nous travaillons également à la liaison avec le centre de ressources de l’INRP, qui traitera de l’éducation. Il y aura aussi des salles de réunion, et nous proposerons des stages. De façon très symbolique à mon sens, le premier stage portera sur Éducation et politique de la Ville.

Notre idée c’est aussi de faire en sorte que les acteurs de la politique de la Ville soient de moins en moins seuls sur le terrain, de rompre cet isolement qui engendre la crainte et le désenchantement. Car la réalité du travail dans certains quartiers reste très difficile.

OZP : Est-ce que, dans le secteur éducation, il y a une thématique " adultes " ?

M. D. : Le volet " adultes ", est pris en compte, mais indirectement, et ce n’est pas sous la forme de recettes ou de consignes. On parle par exemple de l’alphabétisation des parents, mais à travers la relation École et familles, ou le domaine social. On veut seulement donner des pistes de réflexion.

OZP : Vous parlez avec enthousiasme et conviction...

M. D. : C’est une cause qui vaut la peine qu’on milite pour elle, d’autant plus que c’est le terrain qui nous incite à cela par sa dynamique propre. On peut là réconcilier ce qui se fait à la base et ce qui se fait au sommet.
Il n’y a au fond pas tellement de questions à se poser, il y a simplement à agir, et à s’appuyer sur ce qui est fait, sur ce qui marche et aussi sur ce qui ne marche pas, dont on peut retirer des enseignements. Soyons à la fois modestes et ambitieux...

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