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"Qu’a-t-on appris des ZEP ?", un très intéressant bilan : succès, échecs, perspectives, par Françoise Lorcerie dans "Fenêtres sur cours"

13 juin 2009

Extrait de Fenêtres sur Cours du 12.06.09 : Qu’a-t-on appris des ZEP ?

Quel bilan dressez-vous des politiques
d’éducation prioritaire depuis 1981 ?

Le bilan des ZEP est mal connu. On manque d’évaluations. Quatre formules se sont succédé depuis 1981 et ce qu’on sait c’est qu’elles n’ont pas apporté les résultats espérés en terme de réduction des inégalités sociales. Le message d’Alain Savary ne s’est pas transformé en résultats des élèves. Les évaluations PISA nous montrent même qu’en réponse à l’utopie républicaine, à la philosophie de la création d’un citoyen bien formé, notre école ne donne pas des résultats satisfaisants, loin de là.
(...)

Comment expliquer ces résultats ?
On n’a pas trouvé une formule qui enrôle tous les professionnels concernés, pas seulement les enseignants mais aussi le reste du système dans son épaisseur - inspecteurs et bureaux - dans une orientation commune du travail. Car si l’appareil scolaire est centralisé, que fait l’institution à tous les niveaux pour soutenir les enseignants qui sont mis devant de nouveaux enjeux ? A chaque étape de l’évolution des ZEP, les conditions ont été changées mais les moyens techniques donnés aux acteurs n’ont jamais été réellement travaillés.
Cette question de la technicité de l’acte d’enseigner n’a pas été mise au centre des politiques ; or elle aurait dû l’être pour concrétiser la philosophie.

Lydie Heurdier a montré dans sa thèse (Vingt ans de politique d’éducation prioritaire dans trois départements français, dec 2008) que cette question a été éludée et déléguée par les cadres aux personnels de terrain

Les ZEP en tant que lieu d’’innovation pédagogique ne seraient-elles qu’un mythe ?
Non, ce ne sont pas que des mots. Les politiques d’éducation prioritaire ont donné l’occasion aux enseignants de faire autrement et il existe beaucoup d’initiatives sur le terrain.
Le problème c’est l’absence d’évaluation. Quel impact ces innovations ont-elles sur les parcours scolaires ? Quelle correction pourrait-on y apporter ? Une innovation, ça s’accompagne, ça se discute, ça se rationalise.
Qu’a-t-on appris des ces expériences ? On peut citer le rapport Moisan-Simon paru en 1997 sur les déterminants de la réussite scolaire en ZEP, le rapport de l’inspection générale coordonné par Anne Armand et Béatrice Gille d’octobre 2006 sur la contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves. Mais c’est trop peu. Le système n’a pas su capitaliser ce qui s’est passé en ZEP.

Quel regard portez-vous sur les derniers dispositifs mis en place ?
De l’avis des praticiens, la mise en place des Réseaux ambition réussite accompagnée de l’arrivée d’enseignants supplémentaires dits « enseignants référents » est une décision intéressante. La présence de ces maîtres oblige les personnels des établissements et des écoles à se poser des questions pédagogiques.
Et là où ces enseignants peuvent travailler, ils font des choses. Les chefs d’établissement sont satisfaits. Changeront-ils les manières de faire en profondeur ? Je crains que non, car cette impulsion reste à une échelle trop réduite et sans coordination. En ce qui concerne les Projets de réussite éducative (PRE), l’idée que l’école peut et doit se coordonner avec ses partenaires est essentielle. Une évaluation du dispositif est actuellement en cours. Cette enquête, précipitée, donnera-t-elle des pistes ? On peut l’espérer.

Quels sont les leviers sur lesquels il faudrait agir ?
Plutôt que de considérer les ZEP comme des « pauvres zones » marginales, il serait temps qu’elles engagent le système dans sa globalité. Je plaide pour la mise en place de Recherches/actions au niveau des établissements et des écoles pour repérer les problèmes et tenter d’agir dessus. Ces recherches doivent s’envisager dans la durée et associer chercheurs, inspecteurs et personnels des ZEP. Les équipes sont trop seules face à leurs difficultés.

L’Observatoire des zones prioritaires (OZP) le dit depuis longtemps. Les recherches en sciences de l’éducation, comme l’a écrit Antoine Prost, ont sous-estimé les échanges entre enseignants et enseignés. Il faut libérer les initiatives pédagogiques des acteurs tout en les analysant. La liberté pédagogique laissée aux enseignants est une manière bien commode de se désintéresser du problème.
Malheureusement la suppression des IUFM montre bien que l’acte pédagogique est envisagé de manière idéologique. A cette liberté pédagogique je préfère l’idée d’une responsabilité pédagogique, la responsabilité des apprentissages.

Propos recueillis par Lydie Buguet

Lire l’article (page 30 du numéro)

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