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Retour sur l’histoire des ZEP de 1981 à 2000 dans 3 départements, dont la Seine-Saint-Denis (Rencontre OZP du 03.06.09)

22 juin 2009

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires

n° 77 - juin 2009

Retour sur l’histoire des ZEP de 1981 à 2000
dans 3 départements, dont la Seine-Saint-Denis

Compte rendu de la réunion publique du 3 juin 2009

A partir de l’étude spécifique de trois départements (Eure-et-Loir, Ille-et-Vilaine et Seine-Saint-Denis), Lydie Heurdier-Deschamps, auteure d’une thèse récente sur les ZEP de 1981 à 2000, traite plus précisément des questions suivantes :
 l’évolution de la carte des ZEP entre 1981 et 2000 ;
 les temps forts et les liens avec la politique de la Ville ;
 la spécificité de chaque politique académique, en particulier la
situation des années 1998-1999 ;
 la situation particulière de la Seine-Saint-Denis et de Clichy-Montfermeil.

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Intervention de Lydie Heurdier

En juillet 1981, Alain Savary, ministre de l’Education nationale du premier gouvernement socialiste du président François Mitterrand, décide d’introduire une politique de
différenciation, la politique d’éducation prioritaire. Il reconnaît ce faisant le décalage existant entre les discours officiels sur la prétendue unité et uniformité du système éducatif, et la réalité de certains territoires. Mais la rénovation du système éducatif pour Alain Savary et son équipe passait aussi par une généralisation progressive des pratiques innovantes
expérimentées dans les laboratoires pédagogiques que devaient être les zones prioritaires, et
s’appuyait sur la responsabilisation du système et des personnels. Cette volonté politique s’inscrivait cependant dans la continuité des projets précédents d’amélioration de l’enseignement obligatoire et d’élévation générale du niveau de formation de la population entrepris depuis les années 60.

Curieusement, cette politique éducative n’a fait l’objet jusqu’alors d’aucun travail historique
conséquent sur ses applications locales, sa mise en oeuvre par les autorités de tutelle, alors
qu’elle a fêté, en quelque sorte, ses vingt ans. Des jugements péremptoires et des propos
passionnés tiennent lieu le plus souvent de seuls arguments.

La méthodologie de cette recherche universitaire
Ce travail universitaire (thèse dirigée par Claude Lelièvre à Paris V, soutenue en décembre
2008) s’est donc attaché à constituer la politique ZEP en objet de recherche historique, bien
qu’il ait émergé à partir de questionnements sociologiques liés aux inégalités sociales et
scolaires. Parmi les hypothèses initiales figuraient le lien supposé avec la carte scolaire et la
sectorisation, la place et le rôle de l’enseignement privé. Questionnements qui renvoient à la
question centrale de l’offre de formation locale.

La perspective retenue a été institutionnelle et comparative. Trois territoires contrastés aussi
bien socialement que scolairement ont été choisis : trois départements (Eure-et-Loir, Ille-et-Vilaine, Seine-Saint-Denis) de trois académies (Créteil, Orléans-Tours, Rennes). Les sources ont été multiples, croisées, peu ou pas utilisées habituellement (archives des inspections
académiques, des rectorats, des inspections primaires, archives départementales, comptes rendus des Conseils Départementaux de l’Education Nationale (CDEN), procès-verbaux des conseils d’administration des collèges classés), toutes sont des sources institutionnelles.
Quelques témoignages d’acteurs éclairent et nourrissent la réflexion mais n’ont pas servi strictement d’archives.

Il s’est agi de rechercher les mouvements, les processus en oeuvre localement dans un contexte de décentralisation (lois de 1983) et de renforcement de la déconcentration. Dans ce contexte politique et administratif nouveau, quel a donc été le pilotage des politiques éducatives par les services déconcentrés de l’Education nationale ? Comment ont été mises en oeuvre les circulaires fondatrices de 1981 par les autorités déconcentrées ? Quels territoires
ont été retenus ? Vingt ans plus tard, après deux relances, que constate-t-on alors que la
seconde relance a vu une extension importante des établissements classés et que de nouveaux
textes ont progressivement remplacé les textes officiels initiaux ?

Ici ne sera abordé que le seul aspect de l’évolution de la carte de l’éducation prioritaire. Très
vite, cette question est apparue comme centrale car, d’une part, elle a conditionné l’affectation
des moyens et, par conséquent, à la fois la perception que pouvaient en avoir les acteurs et la
marge concrète dont ils pouvaient disposer pour mettre en oeuvre leurs projets, et, d’autre part,
elle a influé sur le pilotage des autorités intermédiaires et donc le fonctionnement des zones
prioritaires.

D’emblée, le secteur scolaire a été choisi comme unité constitutive de la zone prioritaire, avec
association explicite des acteurs locaux dans un projet de zone qui devait être interdegrés et
partenarial. En fin de période d’étude, l’introduction des REP a complexifié le dispositif et rendu difficile toute comparaison stricte entre le national et les configurations départementales et académiques, les recteurs ayant organisé l’articulation ZEP/REP comme ils le souhaitaient.

Des évolutions très différents selon les académies
Les profils d’évolution des trois académies retenues sont très disparates. Rennes a vu son
nombre de ZEP diminuer ; Orléans-Tours a suivi le mouvement national ; quant à Créteil,
l’augmentation a été exponentielle avec plus du doublement du nombre de ZEP, sans compter
les REP. Cet indicateur est pourtant insuffisant pour saisir au plus près les évolutions
académiques ; il faut observer aussi le nombre d’établissements classés et le nombre d’élèves
concernés.

L’académie d’Orléans-Tours, qui compte en 1982 environ 5 % d’élèves scolarisés en ZEP, a
connu une augmentation progressive. Le palier le plus visible correspond à la relance de
1998/1999. En fin de période, 13 % des écoliers et 16 % des collégiens de l’académie sont en
zone prioritaire. Dans l’académie de Rennes, l’évolution est originale puisqu’il s’agit d’une
des rares académies à présenter une légère baisse au long de la période, baisse d’autant plus
notable qu’elle s’oppose au mouvement national d’évolution. Quant à Créteil, ses effectifs de
collégiens, tout comme ceux de ses écoliers, ont été multipliés par 3,5 (de 10 % à 35 %).
En 2001, pour un taux moyen national d’environ 20 % de collégiens scolarisés en zone
prioritaire, soit un sur cinq, Rennes scolarise moins de un sur dix de ses collégiens en zone
prioritaire, Orléans-Tours en scolarise environ un sur six, tandis que Créteil culmine, avec
plus de un sur trois.

Des disparités également entre départements d’une même académie : l’exemple de Créteil
Mais les comparaisons interdépartementales à l’intérieur des académies mettent également en évidence des disparités. Dans l’académie de Créteil par exemple, à la relative homogénéité de 1982 (nombre de zones prioritaires et proportions d’élèves concernés par le dispositif sensiblement équivalents dans les trois départements), s’est substituée à partir de l’année
scolaire 1998-1999 une situation où la Seine-Saint-Denis voit plus de la moitié de ses élèves classés en zone d’éducation prioritaire. Depuis 1999, plus de 50 % de ses collèges et plus de 40 % de ses écoles sont inclus dans le dispositif et bénéficient des avantages afférents. Le
Val-de-Marne, bien qu’ayant lui-même connu une extension, a choisi de classer en REP quelques établissements ; en 1999-2000, 25 % des collèges et 30 % des écoles sont en ZEP (respectivement 29 % et 34 % en zone prioritaire, en incluant les REP). Quant à la Seine-et-
Marne, le contraste avec la Seine-Saint-Denis est encore plus saisissant : environ 20 % des
collèges et 11 % des écoles sont en ZEP.

La Seine-Saint-Denis, un « département prioritaire » mais une conversion tardive à la
politique d’éducation prioritaire

Il faut également souligner qu’à l’intérieur de la Seine-Saint-Denis la répartition n’est pas
homogène. La partie Nord-Ouest, correspondant au bassin administratif 1, présente en 2000 la
plus forte concentration d’établissements classés : la moitié des collèges classés du
département est située dans ce sous-ensemble géographique. En 1982, cinq des huit collèges
classés dans le département se situaient déjà dans cette zone géographique. Ce qui correspond
de fait aux territoires en prise avec les plus grandes difficultés sociales, certaines communes
de ce bassin étant d’ailleurs intégralement classées depuis 1999. Il n’y a donc pas
d’homogénéité départementale et les moyennes départementales cachent elles-mêmes des
disparités fortes.

Du point de vue de l’éducation prioritaire, le point de basculement dans ce département se
situe bien en 1998, après les grèves du printemps qui voient un classement massif en deux
temps (mars et septembre), mouvement conforté l’année suivante au moment de la révision
officielle de la carte.

On remarque aussi très bien un alignement systématique en 1990 entre la politique de la ville
et les décisions de classement en éducation prioritaire : tous les collèges classés lors de la
première relance étaient dans un quartier en DSQ ou une commune en DSU. En 1998 et 1999,
le fait d’être en contrat de ville depuis 1994 a entraîné généralement un classement en
éducation prioritaire (seuls sept collèges sur quarante-et-un ont été classés en zone prioritaire
sans avoir été préalablement classés en contrat de ville).
De nombreuses questions surgissent des constats sur l’évolution de la carte : pourquoi cette
conversion si tardive et si massive à l’éducation prioritaire ? Pourquoi, alors que certaines
communes de la partie occidentale du département ont intégré le dispositif dès 1982 et ne
l’ont jamais quitté, comme La Courneuve, une commune voisine comparable d’un point de
vue sociodémographique, Aubervilliers, n’entre-t-elle en zone prioritaire qu’à partir de 1998 ?

S’il se dégage bien une temporalité spécifique à ce département, avec une brutale expansion
du dispositif en 1998, la situation socio-économique s’était, elle, dégradée de manière
progressive et différenciée.
C’est la crise du printemps 1998 qui a transformé la Seine-Saint-Denis en un « département
prioritaire ». Après deux mois de grèves, de manifestations, le 30 avril 1998, ce sont trois
mille postes, sur trois ans, qui sont finalement accordés par le ministre dans une troisième et dernière version du plan de rattrapage. A la rentrée de septembre, trente-trois collèges et cent quatre-vingt-seize écoles classés en deux temps sont regroupés dans une seule ZEP.

Le dispositif donne une visibilité officielle aux établissements connaissant des difficultés, voire
devient leur synonyme, alors même que ce qui caractérise cette politique n’a été en aucune
façon mis en avant : partenariat, collaboration interdegrés, projet de zone devenu désormais
contrat de réussite.

Intérêt des histoires locales de ZEP : l’exemple de Clichy-sous-Bois/Montfermeil
Enfin, il était intéressant d’observer l’évolution dans le temps d’une ZEP historique : celle de
Clichy-sous-Bois/Montfermeil, emblématique dans les représentations. Les deux communes,
à l’Est du département, en limite de Seine-et-Marne, constituent une enclave dans un territoire
plutôt caractérisé par une certaine aisance. L’étude des indicateurs sociaux et scolaires sur la
décennie 90 prouve davantage l’accentuation des ségrégations sociales et ethniques sur un
territoire restreint, une tendance à l’entre-soi marquée, que l’existence de corrélations entre
indicateurs sociaux et indicateurs scolaires. Ainsi, le collège Romain Rolland a fait front, a
résisté, n’est pas marginalisé par ses résultats scolaires, malgré un très haut niveau de
difficultés sociales.

Aujourd’hui, il est indispensable d’établir des histoires locales de la politique d’éducation
prioritaire, d’effectuer un retour sur les vingt ou vingt-cinq années d’existence de cette
politique. Ce qui implique de conserver les traces du fonctionnement ordinaire de l’institution,
d’archiver, quel que soit le niveau hiérarchique, les acteurs impliqués. La question de
l’éducation prioritaire ne peut être détachée du contexte politique et social. La détermination
de la carte elle-même a été soumise à des histoires locales, à des contraintes liées au territoire.
La politique d’éducation prioritaire engagée en 1981 était résolument territoriale, à juste titre.

Débat

L’animateur, Alain Bourgarel, salue la qualité d’un travail d’historien où toute assertion
s’appuie sur un texte d’archives.

Dans ce débat assez bref, plusieurs intervenants du 93 ont contesté que le classement en
éducation prioritaire se soit fait sans exigence d’une démarche de projet.
En fait les arguments apportés ont plus porté sur la réalité des critères de classement que sur
l’idée de projet.

Les réticences des élus communistes et aussi de syndicalistes de même culture vis-à-vis de
l’éducation prioritaire (et de la politique de la Ville) ont été commentées : on a relevé la levée
de ces réticences à partir de la seconde « relance » en 1998 mais leur retour lors de la création
des RAR.

Un participant a déclaré que tout le département de Seine-Sain-Denis devrait relever de la géographie de l’Education prioritaire, position que ne partage pas l’intervenante.

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Ci-dessous une version du compte rendu à la mise en page plus élaborée.

Documents joints

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