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L’école maternelle en ZEP ou REP (Rencontre OZP, février 2007)

8 mars 2007

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires
www.ozp.fr

n° 64 - mars 2007

L’école maternelle en ZEP ou REP

Compte rendu de la réunion publique du 14 février 2007

La longueur inhabituelle de ce compte rendu s’explique en grande partie par la participoation de quatre intervenants, qui ont apporté le témoignage de leurs pratiques ou de leurs recherches.
Après une présentation de la problématique générale, les thèmes suivants ont été développés :
 les modalités pratiques d’une vraie relation de l’école maternelle avec les familles populaires qui puisse amener ces familles, qui ont bien compris l’importance de l’école, à s’impliquer réellement (Sylvie DEMETZ, p. 2) ;
 les différentes logiques qui sous-tendent historiquement les pratiques de l’école maternelle (Christophe TOUNY, p. 6) ;
 une analyse de la prédominance de la logique du « faire » sur la logique d’apprentissage dans certains exercices (Joce LEBRETON, p. 7) ;
 une réflexion sur l’importance de l’estime de soi à l’école maternelle et sur les conditions pédagogiques de l’intégration (Jacqueline RIOULT, p. 9).

Enfin le débat (p. 11) a fait ressortir le rôle fondamental des ATSEM et la complexité de la question de la scolarisation à deux ans, qui est un objectif spécifique en ZEP.

Présentation par l’animateur, Jean Rioult (IA/IPR vie scolaire)

L’Ecole maternelle dans les quartiers populaires ou une école pour apprendre.
Pour reprendre un mot lancé par l’une d’entre vous, pour apprendre, il faut utiliser son cerveau. Certes, nous nous retrouvons au niveau des évidences et la question demeure : dans une ZEP ou dans un REP, comment aider les enfants à apprendre ?
Je constate à partir de statistiques déjà anciennes de la DEP que les enfants des quartiers populaires entrent plus tard à l’école maternelle que dans les milieux aisés. Ceux-ci ont bien compris le rôle fondamental de l’EM. En revanche, on cite le cas de mamans d’origine africaine qui n’acceptent pas facilement de se séparer de leurs jeunes enfants de deux ou trois ans. A cet âge les enfants restent à la maison ! Nous voyons apparaître pour les enseignants et les membres des associations un aspect fondamental du travail d’explication de l’EM aux parents des quartiers en difficulté. La première intervenante va développer ce thème.

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Je souhaiterais évoquer un autre aspect, celui des savoirs, à l’aide d’un exemple : au sortir de l’EM, donc à l’entrée au CP, en milieu plus aisé, il est fréquent qu’un élève possède plus de 1000 mots alors que dans les quartiers populaires nombreux sont les élèves qui ne possèdent qu’une centaine de mots, voire moins pour certains.
Nous savons aussi que la grande pauvreté fait perdre les capacités à s’exprimer, à communiquer, à échanger. Les enfants sont aussi victimes de cette pauvreté linguistique. D’autres exemples peuvent être empruntées aux notions mathématiques et surtout à la logique (connecteurs logiques). Trouver le complémentaire de 3 dans 5 est courant chez des élèves qui entrent au CP mais souvent non maîtrisé par nos élèves.
Dois-je évoquer les activités artistiques et faire le parallèle entre les différentes catégories d’élèves, entre ceux qui ont accès aux moyens artistiques et ceux qui n’ont accès qu’à la grisaille de leur quartier ? L’équilibre recherché entre les connaissances, les conduites intellectuelles, motrices, artistiques, manuelles ne sont pas à l’avantage des élèves de ZEP.

J’arrête là mon propos, nos intervenants vont développer certains de ces aspects mais je me pose encore une question. Les élèves des quartiers populaires à leur entrée à l’EM ont moins d’acquis : que faut-il faire ?
 accepter la situation mais alors nos élèves échoueront, tout du moins pour une partie (25 ou 30%) d’entre eux.
 ou être plus dynamiques, militants et se demander ce que l’EM peut faire ? C’est cette question qui m’intéresse :
. puisque les élèves ont moins, l’EM en ZEP doit apporter le meilleur aux élèves. Attention, il ne s’agit pas pour moi de résoudre cette question en réduisant les effectifs ou en apportant des crédits supplémentaires. Il est bien sûr important d’avoir un nombre d’élèves plutôt réduit et de solides crédits mais ce n’est pas par ces deux moyens que seront réglées les questions d’apprentissage.
. « Apporter le meilleur » oblige l’EM et ses maîtres à s’adapter au plus près de ses élèves.

Nous ne pouvons pas non plus faire l’impasse sur la formation des maîtres des EM. Juste une réflexion. : Quand je vois tout ce qui est fait en classe, dans l’école et autour de l’école, je regrette que toutes ces pratiques ne soient pas théorisées. A mon sens, un axe fort à développer se trouve dans la théorisation des pratiques des enseignants de l’école maternelle. Mais ce travail n’est ni spontané ni connu a priori. Il convient donc que les maîtres puissent être écoutés, questionnés, invités à échanger, aidés dans la mise en mots, incités à approfondir leur réflexion. Nous voyons combien cette formation serait à la fois utilitaire et immédiate mais aussi de progrès. C’est bien sûr un travail d’équipe qui sous-tend une telle formation à la fois par les pairs et par les spécialistes de haut niveau.

Intervention de Sylvie Demetz, directrice d’école maternelle

Les relations avec les parents en quartier prioritaire
Je travaille en école maternelle depuis de nombreuses années (plus de 20 ans) et dans des quartiers situés en zone d’éducation prioritaire. Depuis 4 ans, je suis directrice d’une école maternelle d’application (8 classes) dans le quartier des Bosquets à Montfermeil (93).
Les écoles du quartier sont les seuls lieux institutionnels qui fonctionnent dans une cité qui est dans un état de délabrement physique, économique et social important.
Il est indispensable dans ce contexte que l’école, et pour ma part l’école maternelle, joue son rôle de service public d’éducation et s’efforce de créer du lien social.

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L’école doit être clairement identifiée par les parents, ce doit être un lieu qui leur est accessible, qui les écoute, qui les aide, les guide, qui leur demande de respecter des règles, qui met tout en œuvre pour la réussite de leur enfant, qui explique ce qu’on y fait.

On sait que l’implication des parents dans la vie scolaire de l’enfant est un facteur déterminant dans la réussite des jeunes. Mais toutes les familles ne sont pas égales devant l’école. L’école et la famille sont deux mondes où les logiques et les valeurs sont différentes.

Que constatons nous ?

 La plupart des familles ont compris que l’école était le moyen de réussite pour leurs enfants ;
 la majorité des familles inscrivent leur enfant à l’école maternelle et ont une demande de scolarisation avant 3 ans ;
 les familles font une entière confiance à l’école mais sont plus dans une attitude de délégation (image positive de l’école mais pas d’implication) que dans une attitude de collaboration ;
 elles ont des difficultés à respecter certaines règles (notamment les horaires, les absences) ;
 la plupart des familles ont un projet pour leur enfant qui n’est peut être pas clairement exprimé mais qui existe ;
 elles n’ont pas une lecture pointue de l’école.

Dans ce constat, on s’aperçoit que les familles ont saisi l’importance de l’école mais que, pour différentes raisons, elles n’ont pas les moyens d’être de véritables partenaires. Mais en aucun cas il n’y a d’indifférence des familles vis-à-vis de l’école et de la scolarité des enfants, même s’il peut y avoir désorientation et difficulté.
Dans ces quartiers, l’école doit accomplir son rôle de réussite scolaire envers les enfants et leurs familles : elle doit réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour faire que l’implication des parents soit une collaboration et conduise à la réussite de leur enfant.

La lisibilité de l’école
Les parents doivent connaître les règles implicites de la réussite à l’école :
 comprendre comment fonctionne le système éducatif français, quel va être le parcours scolaire de leur enfant ;
 connaître le rôle de l’école et plus encore de l’école maternelle qui ne doit pas être perçue comme un moyen moins onéreux de garde mais comme un lieu d’apprentissage : pour cela l’école maternelle doit expliquer ce qu’elle fait, pourquoi elle le fait et comment elle le fait.

L’accueil à l’école
L’école pense souvent à l’accueil des élèves, notamment des nouveaux élèves (les petits) mais ne se pose pas toujours la question de l’accueil des parents, alors que l’entrée à l’école maternelle est la première séparation entre l’enfant et sa famille. Cette séparation n’est facile ni pour l’enfant ni pour le parent, elle peut être une souffrance. Il faut que chacun ait sa place et son rôle dans cette séparation et que l’école laisse de la place aux parents : ils doivent se sentir accueillis et reconnus. L’école, comme la famille, doit aider l’enfant à devenir un élève prêt à apprendre, prêt à grandir.

L’information
L’école doit se soucier de la diffusion des informations auprès des familles pour avoir le retour attendu : c’est-à-dire leur implication. Il s’agit de réfléchir à la diversité des moyens d’information afin que celle-ci soit accessible à toutes les familles. N’oublions pas que l’école est un monde très fermé avec un langage particulier qui n’est pas forcément identifié par tous les parents.

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Les rencontres
Il est essentiel que l’école organise des rencontres régulières avec les familles afin qu’elles sentent que l’école est un endroit où elles ont une place et où leur parole est entendue. C’est la diversité des rencontres qui conduira l’école à toucher toutes les familles et à les amener progressivement à s’impliquer dans la scolarité de leurs enfants.

Ces quatre points nous semblent essentiels à travailler tout au long de l’année afin que les relations école-famille se développent et aillent dans le sens d’une plus grande réussite scolaire des élèves.
Je tiens à préciser que, même si le rôle de la direction d’une école est primordial dans le lancement de ce travail avec les familles, il est indispensable que l’ensemble des maîtres de l’école adhère et contribue à la mise en place des actions en direction des familles. C’est pourquoi la place des familles dans l’école a été retenue comme un axe prioritaire du projet de notre école.

Quelles actions ?

Au moment de l’inscription
 Réunion des parents des nouveaux élèves : présentation de l’école, horaires, règlement, différents services, attentes de l’école, visite des locaux, présentation du personnel. Faire que l’école ne soit plus un lieu inconnu.
 Entretien individuel en présence de l’enfant : informations administratives, connaissance de l’enfant (place dans la fratrie, déroulement de ses premières années, ses habitudes, ses jeux), attentes de la famille vis-à-vis de l’école, la journée de l’enfant à l’école (cantine, qui l’accompagnera ?), la rentrée de l’enfant à l’école (calendrier, présence d’une personne dans la classe avec lui les premiers jours).
  Remise d’un livret d’accueil qui apporte des informations sur les objectifs de l’école maternelle, le déroulement d’une journée, les apprentissages abordés, les horaires, les personnels, les règles de vie de l’école, les locaux... Il sert d’appui aux familles pour préparer la rentrée avec leur enfant, pour donner envie à l’enfant de venir à l’école et pour lever des inquiétudes. Ce livret est personnalisé avec des photos de l’école.

Au moment de la rentrée scolaire
Organiser la rentrée au rythme de chaque élève : assouplir les horaires la première semaine de la rentrée, demander aux parents d’avoir une personne disponible pour l’enfant pendant cette semaine, autoriser les parents à rester dans la classe, organiser la présence de l’enfant à l’école de façon progressive (1/2h,1h...), permettre aux parents d’endormir leur enfant au dortoir, proposer rapidement des activités (jeux d’eau, de manipulation, peinture...) pour mettre l’enfant en activité et lui donner envie de rester et de faire.

Au moment de l’accueil du matin
 Accueillir les enfants dans les classes avec les parents, laisser du temps à chacun pour « se quitter » : permettre aux parents de s’asseoir faire un puzzle, un dessin, regarder un livre,...
 Veiller à accueillir chaque élève et chaque parent par un petit échange verbal.

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Tout au long de l’année :
- diffuser l’information :
 par le cahier de correspondance regroupant les informations administratives en veillant à le réclamer, à demander la signature et à l’accompagner d’explications orales si besoin est au moment de l’accueil du matin ou de la sortie ;
 par les affichages à l’entrée de l’école à chaque porte de classe illustrés de photos ou d’illustrations permettant une lecture plurielle.

- expliquer ce que l’on fait à l’école
 par la mise en place du cahier de vie individuel : reflet de la vie de la classe, des apprentissages de l’enfant, du lien entre l’école et la famille. Il contient des évènements collectifs (visites, sorties) ou individuels (anniversaire, naissance), des observations, des expériences, des problèmes, des recherches sous forme de dessins, de photos, de textes, de reproductions, mais il ne regroupe pas toutes les productions de l’enfant ;
 par la mise en place du cahier de vie collective de la classe qui circule dans les familles ;
 par la réalisation d’albums photos ;
 par l’affichage de photos ;
 par la réalisation d’un journal d’école.

- expliquer l’école
 par l’organisations de rencontres institutionnelles : réunions de rentrée, rendez-vous individuel pour la remise des livrets qui ont été constitués en direction des élèves et des familles. Il a une fonction d’évaluation formative : l’enfant le remplit avec l’enseignant. Les compétences y sont répertoriées sous forme d’actions ;
 par l’organisation de rencontres-débats, une par trimestre, autour des thèmes suivants : l’organisation de l’école dans le système éducatif ; comment aider mon enfant ? Les besoins de l’enfant...
 par l’organisation de moments conviviaux : fêtes de l’école, spectacles, expositions...

- impliquer les parents
 par la mise en place d’un prêt hebdomadaire de livres ;
 par l’accompagnement lors des sorties scolaires ;
 par la participation au conseil d’école (élection des représentants des parents d’élèves) ;
 par l’organisation hors temps scolaire d’une animation autour du livre et des jeux de société (ouverture BCD le soir) pour les parents volontaires.

Quand l’école maternelle essaie de mettre en place tout ce travail en direction des familles, elles investissent plus facilement l’école : elles savent qu’elles peuvent y trouver une écoute, une aide, qu’elles peuvent faire part de leurs difficultés et de leurs besoins. Ce n’est pas pour autant que l’école doit s’abstenir d’imposer ses règles de fonctionnement : il est important de fixer un cadre, de demander à tous le respect des règles afin que les différents acteurs de l’école aient les mêmes repères.
Il s’agit de donner du sens à l’école pour les enfants comme pour les parents. A partir de ce postulat, nous savons tous que notre engagement devient plus fort quand on sait pourquoi on le fait et comment on peut le faire.
Je doute fort que les nouvelles dispositions pour traiter de la difficulté scolaire mises en place récemment contribuent à renforcer le lien école-famille, quand il s’agit de donner à des dispositifs extérieurs à l’école des listes de noms d’élèves et de familles en grande difficulté. J’ai du mal à croire que la confiance des familles envers l’école puisse s’installer avec ce genre de dispositif où on utilise l’école comme indicateur.

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Intervention de Christophe Thouny

Je suis à la fois praticien, enseignant spécialisé (maître E) en RASED en banlieue parisienne, à Noisiel (Marne-la-Vallée) (77). Je suis également chercheur depuis quelques années. Je travaille à Paris 8 dans un groupe de recherche appelé Escol. Je participe également à un autre groupe de recherche appelé RESEIDA.
Mon intervention d’aujourd’hui repose sur les résultats de sept années de recherche qui ont donné lieu à la publication d’un livre « Apprendre à l’école, apprendre l’école - Des risques de construction d’inégalités dès la maternelle » (Ed. Chronique sociale, 2006) qui rassemble des travaux de chercheurs menés sous la direction d’Elisabeth Bautier.

Je vais donc vous parler de l’école maternelle et des différentes logiques qu’on y trouve, une question que nous avons travaillée très vite puisque notre souhait était d’étudier, après tout un travail qui a été fait par Escol sur le secondaire et sur la différenciation sociale, scolaire, etc., comment les enfants entrent dans l’univers de l’école à l’école maternelle. Nous sommes allés sur le terrain et nous sommes vite rendu compte qu’il était impossible d’étudier le travail des élèves si on n’étudiait pas le travail des enseignants. Nous avons rassemblé lors de ces sept années de travail un important corpus (sur le plan méthodologique, ce qui est important c’est la temporalité). Nous sommes restés longtemps dans les écoles pour découvrir les récurrences, les cumuls qui nous ont ensuite servi de matière mise très souvent en débat dans l’équipe. C’est ainsi que les énoncés ont pu se faire.

Le premier constat c’est que les enfants ne sont pas égaux quand ils entrent à l’école maternelle. C’est un constat que l’on fait tous. Il y a des différences dans leur rapport à l’école, au savoir, à l’apprentissage. Il y a de grosses différences entre eux quant à leur manière de faire, d’apprendre, les perceptions qu’ils ont de ce qu’on va faire dans cette école, les attentes.

Le deuxième constat tient à l’hétérogénéité des représentations et des manières de faire dans les classes à l’école maternelle. C’est un sujet très difficile à étudier parce qu’il est très varié, très divers. Nous nous sommes interrogés sur l’école maternelle actuelle. Nos la considérons comme un mille feuilles, c’est-à-dire qu’il existe un feuilletage, une accumulation de manières de faire dont les origines sont multiples. Nous avons observé des pratiques qui sont liées à l’histoire de l’école maternelle. Ce qui a donné lieu à des recherches sur les textes et sur l’histoire de celle-ci et sur toutes les influences multiples qui ont traversé cette école maternelle et dont on trouve les traces encore actuellement.

Ces traces ce sont les prescriptions officielles avec leur lot d’ambiguïtés, c’est aussi la formation des enseignants, qui a évolué, la formation initiale et la formation continue, cette dernière n’étant pas obligatoire, ce qui donne une formation très hétérogène chez les enseignants. Ce sont également « les cultures écoles », ces écoles qui au niveau local ont une culture très marquée dans laquelle on se moule ou à laquelle parfois on s’oppose. On retrouve également différentes interprétations des théories en sciences de l’éducation ou en psychologie. On peut repérer sur le terrain ces interprétations à travers les pratiques. Nous avons donc une multiplicité de logiques qui sont parfois concurrentes, parfois contradictoires mais qui cohabitent à l’école maternelle. Ces logiques se retrouvent partout et parfois, chez un même enseignant, elles sont entremêlées.

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Notre but n’était pas de stigmatiser ou d’organiser une typologie d’enseignants mais d’essayer de comprendre quelles étaient les logiques à l’œuvre à l’école maternelle et de distinguer ce qui pouvait être favorable et ce qui pouvait être néfaste à la réduction des écarts entre les élèves que nous avions pointés.
Nous avons déterminé un axe avec un pôle extrême où on trouve dans les représentations et les manières de faire des enseignants une maternelle dans une bulle, c’est-à-dire une maternelle qui est un lieu d’épanouissement, d’expression, de libre développement qui favorise le « vivre ensemble », la socialisation. On y évalue peu, l’enfant est valorisé au détriment de l’élève. On s’aperçoit que les contenus d’apprentissage sont minorés. Cet extrême peut être rattaché aux instructions officielles de 1977 où il est beaucoup question d’une école maternelle expressive.

A l’autre extrémité, on trouve une école maternelle qui est confondue avec l’école élémentaire et où les enseignants veulent permettre aux enfants d’accéder le plus rapidement possible aux comportements supposés attendus à l’école élémentaire. Cette logique de plus en plus prégnante à l’heure actuelle est une logique qui favorise un apprentissage précoce, très souvent individualisé : c’est l’élève cette fois qui est favorisé au détriment de l’enfant, l’apprentissage collectif est minoré, avec une prédominance de l’écrit et de l’évaluation.
Le problème dans la première logique c’est que l’écart entre les élèves ne diminue pas, voire s’accroît. Dans la deuxième logique, on retrouve le même fait, avec les écarts qui se creusent, mais on donne une explication du phénomène qui se rattache à un certain déterminisme social par rapport à l’échec rencontré face à certains enseignements.

Entre ces deux logiques, il y a une logique plus difficile à définir parce qu’elle est en tension ( la force d’attraction des pratiques est plus grande vers les deux pôles extrêmes parce que ce sont des pôles plus familiers). Parfois, on peut identifier cette troisième logique comme celle où l’école maternelle est une école à part entière : l’idée directrice est de prendre en compte à la fois le développement de l’enfant - on y parle d’enfance et moins d’enfant - avec une volonté de l’inscrire dans une temporalité et dans une forme scolaire en le faisant devenir un élève.
Cette fois-ci, les contenus d’apprentissage ne sont pas minorés, les objets du monde sont scolarisés, il n’y a pas seulement mise en présence comme on peut le voir dans d’autres logiques. L’idée c’est que l’enfant, l’élève, transforme son regard sur ces objets. On apprend en s’exerçant, c’est-à-dire que les tâches ne sont pas morcelées, il y a une temporalité, une progressivité des apprentissages.

Cette école en tension est exigeante, elle demande beaucoup aux enfants comme aux enseignants. Elle représente un changement d’optique parce qu’elle prône l’adoption d’une attitude réflexive. Si l’on veut réduire les inégalités, les écarts, il faut agir sur deux causes que nous avons repérées.
Les enfants qui sont en difficulté, les enfants de milieu populaire qui n’ont que l’école comme repère scolaire, ont énormément de difficulté à identifier les objets d’apprentissage. Qu’est-ce qu’il y a à apprendre derrière ces situations, ces objets d’apprentissage qu’on leur propose ? La deuxième difficulté qu’ils rencontrent c’est la manière dont ils se mobilisent : très souvent, ils se mobilisent dans le mauvais registre d’activité face aux tâches qui leur sont prescrites, ils ne restent que dans un « faire » et ce « faire » ne leur permet pas d’apprendre.

Intervention de Joce Lebreton

J’ai été enseignante de maternelle très longtemps, directrice d’école maternelle pour l’essentiel dans les Yvelines, à Chanteloup-les-Vignes et à Sartrouville. Je suis maintenant coordinatrice de REP avec quelques activités annexes autour de cette mission et j’appartiens à l’équipe Escol, je travaille avec Elisabeth Bautier depuis de très nombreuses années.

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Je pense que c’était essentiel de pouvoir repérer des fondements, des logiques importantes de l’école maternelle qui éclairent un certain nombre de pratiques et permettent d’identifier des choses pour nous en tant qu’enseignant.

Christophe a parlé de cette troisième logique qui est une logique en tension entre deux pôles : un pôle d’anticipation des attentes scolaires avec un vrai souci de faire réussir les élèves dans leur scolarité, et un autre pôle qui est un refus de se confondre avec l’école élémentaire, avec un respect du développement de l’enfant.
Il me semblait que c’était cette logique que l’on trouvait dans le texte de présentation du débat d’aujourd’hui : « une école maternelle indispensable pour bien commencer les apprentissages fondamentaux ». Si l’on adhère à cette conception de l’école maternelle, il faut se demander ce qu’offre l’école maternelle aux élèves et en particulier aux élèves de ZEP. Qu’est-ce qui est en place dans la classe pour leur permettre d’entrer dans les apprentissages ? J’ajouterais « quelles que soient les caractéristiques sociocognitives de ces élèves ». On pourrait se poser la question autrement en mettant en avant le cadre de travail qui est construit dans la classe par l’enseignant pour permettre à tous ses élèves de bien commencer leurs apprentissages fondamentaux.

Le cadre de travail est une notion assez large qui comprend l’organisation matérielle de la classe avec des coins jeux , le point de regroupement avec ses différentes fonctions au cours de la journée. Mais ce sont aussi les modes d’interaction entre l’enseignant et les élèves ainsi que les supports de travail qui sont donnés aux élèves tout au long de la journée. La question fondamentale est alors de savoir si ce cadre de travail permet aux élèves de comprendre les attentes de l’école, les enjeux d’apprentissage qui se trouvent dans toutes les activités, ou tout du moins dans une bonne part, que l’enseignant va donner aux élèves.

Je me suis plus particulièrement intéressée au travail sur fiches et de photocopie d’une G.S. Je vais prendre rapidement appui sur un travail d’analyse pour illustrer le propos de Christophe et le mien.
La photocopie constitue une forme relativement récente si l’on regarde l’histoire de la maternelle mais qui est devenue extrêmement récurrente et que l’on retrouve absolument partout. C’est pour cela qu’elle est intéressante à étudier, et encore plus si l’on se dit qu’elle constitue l’introduction insidieuse de certaines modalités de travail de l’école élémentaire et du collège. La photocopie est conçue sur le modèle du manuel scolaire : travail sur feuille, individualisé, évalué, archivé, remis aux parents, même s’il peut garder des aspects très ludiques dans l’iconographie et dans les thèmes.
J’ai observé ces photocopies dans des cahiers d’élèves. Qu’est-ce que ce type d’activités pouvait construire comme habitudes scolaires et cognitives chez les élèves qui soient des ressources pour réussir sa scolarité future ? Une précaution : l’observation de ce document papier ne dit pas tout ce qui se passe en classe, en particulier comment l’enseignant va introduire et accompagner ce travail, avec notamment la capacité à tisser des liens avec ce qui s’est passé avant, à rebondir...On sait là que ce sont des domaines tout à fait essentiels pour aider les élèves à réussir à l’école.

Cette précaution étant prise, quand on observe ces photocopies, on peut repérer un certain nombre de risques du point de vue de l’élève parce qu’on s’aperçoit qu’il y a une focalisation très importante sur les aspects les plus extérieurs de la tâche. Ce qui mobilise d’abord les élèves ce sont les activités de découpage, de coloriage, de collage, d’entourage... Dans des observations filmées on a pu voir que pour certains tout le temps de travail était dévolu à cette activité motrice ou graphique au détriment de l’activité intellectuelle, reléguée au second plan, qui est pourtant l’objectif de l’enseignant qui a donné la fiche mais cet objectif n’est pas forcément repéré par l’élève qui est « emberlificoté » dans la réalisation matérielle.

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Il y a aussi un écrasement des différents temps d’apprentissage. Les temps de découverte, les temps d’entraînement, les temps d’évaluation, les temps de contrôle sont confondus dans un seul moment, celui de réaliser la fiche, d’effectuer le travail prévu sur la fiche. Or, on sait bien que l’apprentissage s’inscrit dans un processus lent. Du coup, ce temps très réduit, d’autant plus réduit dans la classe que j’ai observée qu’il n’y avait qu’une seule photocopie par élève et que tous les jours cela changeait, avec donc pour conséquence l’impossibilité pour les élèves de s’exercer, de réutiliser, de stabiliser les apprentissages, les savoirs.
Le fait aussi de travailler sur ce type de support valorise énormément le produit fini et conduit les élèves - et peut-être aussi l’enseignant - à se mobiliser sur une réussite immédiate et à ne pas inscrire l’apprentissage dans quelque chose d’un peu plus long. Quand on prend le temps de regarder dans la durée un cahier d’élève, on s’aperçoit que le choix des photocopies est très souvent fait par rapport au thème de vie de la classe et l’adéquation entre ce que l’on souhaite illustrer ne relève pas d’une cohérence pédagogique, d’une cohérence didactique et de la progressivité dans les apprentissages.

Il ne s’agit pas de faire un réquisitoire contre les photocopies mais de s’interroger sur ce que l’on construit chez les élèves à l’école comme représentations des attentes scolaires quand on utilise ce type de support, même si chez l’enseignante il existe au départ un réel souci de faire réussir ses élèves et de les inscrire dans des modalités de travail qu’ils vont retrouver tout au long de leur scolarité. Mais l’observation montre qu’il y a un risque de renforcer chez les élèves des « logiques du faire » sans leur permettre d’identifier ce qu’il y a à apprendre
dans le faire. Or, pour l’enseignant, ce qui est réellement en jeu dans le faire scolaire c’est l’apprentissage. Mais on voit que ce passage-là est rarement travaillé par l’enseignant, les implicites ne sont pas levés auprès des élèves, alors qu’on sait bien que c’est une difficulté majeure pour la plupart des élèves scolarisés en ZEP.
Il convient de réfléchir aux implicites, aux évidences dans lesquelles fonctionnent les enseignants pour aider les élèves qui nous intéressent plus particulièrement, ceux de ZEP, de quartiers populaires, de RAR...

Intervention de Jacqueline Rioult

(ex-directrice de l’école maternelle et élémentaire Louise Michel de Pavillons-sous-Bois 93)

Un patrimoine culturel pour tous à l’école maternelle
L’école maternelle doit apporter le meilleur aux enfants de la pauvreté, encore faut-il expliciter ce que l’on entend par « le meilleur » afin d’éviter des dérives.
En effet, en éduquant un enfant selon les critères de la classe moyenne, on finit en général par obtenir un enfant de la classe moyenne. Mais c’est surmonter alors la « privation culturelle » qui blâme la victime, même indirectement. On ne s’intéresse pas ainsi au douloureux problème : que veut dire être pauvre ?
Le racisme, les handicaps liés à la classe sociale et les préjugés, toutes choses qui sont amplifiées par la misère qu’ils créent, ont des effets ravageurs sur la manière dont nous éduquons ces jeunes et sur le degré d’instruction qu’on leur donne. Tous les milieux frappés par la pauvreté, le désespoir et la délinquance semblent annihiler ou dévoyer les capacités mentales des enfants qui y vivent.

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Le succès et les échecs sont les aliments principaux du développement de l’individualité. Nous ne sommes cependant pas les arbitres qui jugent, en dernier ressort, du succès ou de l’échec. Ceux-ci sont souvent définis de l’extérieur, selon des critères culturellement spécifiés. L’école est précisément le lieu où l’enfant rencontre pour la première fois ces critères, souvent avec l’impression qu’ils sont appliqués arbitrairement. L’école juge les performances de l’enfant et l’enfant y répond en s’évaluant à son tour.

L’estime de soi.
La gestion de l’estime de soi n’est jamais simple ni stable, et son état est profondément affecté par la présence ou non d’aides extérieures. Ces aides incluent des choses aussi simples que le fait de donner une seconde chance, ou de saluer un essai même infructueux. Par-dessus tout, elles concernent la possibilité d’avoir recours au discours, qui permet de trouver pourquoi et comment les choses n’ont pas fonctionné comme on l’avait prévu. L’école est souvent assez sévère pour l’estime de soi des enfants.
L’école maternelle doit mettre en place des démarches qui vont vers plus de responsabilité dans la mise en place et la réalisation d’objectifs dans tous les aspects de la vie scolaire.
Le projet d’école définit explicitement ces démarches et les buts fixés.

Intégration ? Que signifie cette idée dans le respect des cultures ?
Citons un passage des Ritals, de Cavanna : « Toutes les rondes on les connaît rue Sainte Anne, toutes : « Enfilons l’aiguille de bois », « Où est la marguerite ? »,« Qu’est-ce qui passe ici si tard ? »...Toutes les rondes françaises. Pas une italienne. Forcé : où s’apprennent les rondes ? A la maternelle. Tous les petits Ritals vont à la maternelle pendant que les mères font des ménages. Ils passent de la berceuse italienne à la ronde française, fchiaff, coupure. Petits Ritals vous serez des français moyens, pour vos gosses l’Italie ne sera qu’un pays sur la carte, comme la Belgique ou la Pologne, juste un peu plus chouette pour passer les vacances ».

L’intégration, c’est :
 des choix politiques : valeurs, respect, liberté, tolérance, hétérogénéité, savoirs pour tous..., gratuité de l’école ;
 des activités ;
.-des pratiques ;
 une certaine notion du temps : la construction de compétences et de savoirs prend du temps, l’école maternelle doit savoir prendre le temps et ne supprimer aucune étape ;
 des outils différents : bibliothèque, artothèque, vidéothèque, la musique : les chants traditionnels, les comptines, ... le « faire » pour développer le « dire » ;
 des relations, des partenariats sous projet ;
 des exigences professionnelles et culturelles devant la confiance aveugle des parents démunis ;
 la connaissance de la vie actuelle ;
 le langage au centre : l’oral et l’écrit (pas seulement le langage « utilitaire »). « Non, la faculté de parler n’est pas perdue, elle n’existe pas chez les enfants de la pauvreté et justement il faut la construire. » - la phonologie - du vocabulaire, des structures mais aussi du sens - mais quels langages ? celui de la maison (sans dévalorisation), celui du quartier ( idem), celui de l’école. Les langages, une richesse, il faut les maîtriser tous pour penser, pour comprendre et critiquer, pour analyser le monde, sortir de l’école, aller vers d’autres mondes, en découvrir les règles, pour raisonner, pour apprendre à lire.

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Quelques exemples : visite au musée et exposition culturelle à l’école pour les parents (expliciter ce que l’on a vu, compris, ressenti...), théâtre, littérature, piscine, classe transplantée, espaces de parole, vie coopérative, un projet : les sorcières (que je n’ai pas le temps de développer ici)...

En conclusion, éviter de se reposer sur l’oreiller pédagogique de la formule « avec ces enfants-là, de toutes façons, on ne peut rien faire... »

Débat

Les ATSEM
Question : vous n’avez pas parlé des ATSEM. Or, elles ont un rôle essentiel dans les écoles maternelles, qu’en pensez-vous ? Ne sont-elles pas transparentes ?
Jacqueline Rioult : Ce sont des personnes essentielles dans une école maternelle. D’une part parce qu’elles ont une relation privilégiée avec les enfants, elles ont un lien différent de celui des enseignants, elles ont notamment une complicité avec les enfants que n’ont pas les enseignants. D’autre part parce qu’elles sont aussi un lien avec les familles. Les enfants qui ont des difficultés d’expression ou des difficultés relationnelles vont plus facilement s’adresser à elles. Elles ne sont pas transparentes. En général ce sont des personnes qui font preuve de beaucoup de dévouement. Malheureusement, les ATSEM ne sont pas présentes dans toutes les classes, cela n’est pas obligatoire, cela dépend des municipalités et vas de une par classe à une par école.

Un participant : Les ATSEM sont des femmes du quartier, elles ont le même langage que les enfants et les familles. En cela, elles peuvent mieux comprendre les enfants, mais tout l’apprentissage du langage reste à faire, avec ses différentes formes.

Joce Lebreton : Il faut un travail d’équipe des enseignants, un travail constructif qui leur laisse un peu de temps de respiration pour travailler les questions de fond, tout en étant accompagné sur ces questions, par exemple pour la théorisation des pratiques. L’accompagnement est sans doute une des choses qui manque le plus en éducation prioritaire. Faute de formes d’accompagnement à long terme, il y a une difficulté des équipes à se mobiliser sur des objets de travail essentiels dans la réussite des élèves
Jean Rioult : Il existe un parallélisme entre l’accompagnement des élèves et l’accompagnement des maîtres.

Un participant : Dans la ville où j’exerçais était organisée une formation des ATSEM avec une préparation au CAP. Comme enseignante j’ai participé à cette formation que je trouve importante. Avec mes collègues nous avons fait un travail militant pour montrer que les ATSEM ne sont pas des femmes de ménage mais qu’elles ont un rôle éducatif auprès des élèves.

La scolarisation à deux ans
Un responsable syndical : Le thème de la réunion c’est l’école maternelle en ZEP, qui a une spécificité : la scolarisation des enfants de deux ans. J’entends autour de moi une interrogation sur cette scolarisation et sur la nécessité de s’orienter de plus en plus vers un service public de la petite enfance. Pourquoi plutôt l’école à deux ans notamment pour les enfants des ZEP qu’une structure intermédiaire, gratuite, publique ? C’est une question actuelle que nous devrions discuter.
Une directrice d’école de Paris centre le débat autour de l’apprentissage du langage et pense que des structures autres que l’école maternelle peuvent aussi aider les enfants de deux ans.

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Joce Lebreton rapporte l’expérience des classes passerelles ; ce sont des classes qui n’ont pas un fonctionnement de classe ordinaire mais qui sont une entrée progressive, en accompagnement avec les parents et avec une compréhension des enjeux de l’école et de ses attentes. Cette classe peut se trouver dans différents lieux : un appartement désaffecté, une classe... mais ne constitue pas une entrée brutale dans une classe de deux ans sur la même modalité que celle des classes de trois ou quatre ans. Ce qui est important c’est le travail d’accompagnement.
La scolarisation des deux ans est une question compliquée : en effet, certains spécialistes de la petite enfance disent que les enfants de deux ans n’ont pas leur place à l’école d’un point de vue psychologique, affectif..., mais dans le même temps ces enfants n’ont plus vraiment leur place à la crèche où ils ont dépassé toutes les propositions qu’on pouvait leur faire. Question très difficile : il convient d’individualiser différentes réponses et d’offrir celle qui convient le mieux à cet enfant de deux ans.

Jacqueline Rioult : La difficulté c’est que les enfants de ZEP, en général, ne vont pas à la crèche ni au jardin d’enfants. Ils restent dans les familles. Il n’y a donc pas de choix possible. Si l’on veut donner un maximum de socialisation, il convient que l’école soit apte à le faire et la condition est qu’on ne crée pas de classe de 25 enfants de deux ans (classe ingérable) mais des groupes hétérogènes d’enfants de deux, trois, quatre ans où l’enfant va retrouver un repère : un voisin, un frère. D’autre part, qu’on ne les accueille pas en classe mais dans un espace conçu pour eux (aménagement de la salle avec, par exemple une mezzanine , un coin repos, une possibilité de mouvements, avec tapis...). Ce qui est important c’est que l’enfant de deux ans parvienne à s’inscrire dans un système de relations qui vont l’aider à aborder les apprentissages.

Francine Best (IGEN) fait référence à une expérience déjà ancienne de l’académie de Caen où systématiquement dans toutes les écoles maternelles étaient ouvertes des classes de « deux ans ». Cet accueil a eu des effets positifs (selon un suivi de cohorte) avec une augmentation des capacités à l’apprentissage au CP, une meilleure socialisation, une amélioration du langage..., mais il faut laisser du temps aux enseignants et aux enfants. Malheureusement, les IA dans chaque département se sont empressés de fermer ces classes, ce qui a été une régression.

Didier Bargas (IGAEN) : Les études statistiques les plus récentes ne vont pas dans le sens de ce qui est dit ici. Un panel de la DEP (1570 écoles, 8300 élèves, depuis 1977) permet de suivre le parcours scolaire des enfants de deux ans. Ce suivi montre deux choses importantes.
Premièrement, la réussite à l’école élémentaire est liée aux acquis de l’école maternelle. La moitié de la différence à la fin de l’école élémentaire s’explique par les acquis à l’entrée au CP, l’autre par le progression et le devenir au cours de l’école élémentaire. Il y a donc des possibilités d’action à l’école élémentaire, même si tout n’a pas été acquis à l’école maternelle.
Deuxièment, l’influence de la scolarisation à deux ans est démentie notamment sur les acquis en termes de résultats scolaires : les résultats de la scolarité à deux ans sont faibles par rapport à ceux qui ont été scolarisés à trois ans et ces résultats s’estompent au bout d’un ou deux ans d’école élémentaire. Donc le choix de la scolarité à deux ans peut se justifier mais pas en termes incontestables de réussite à l’école élémentaire.

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En fin de réunion est évoqué l’intérêt d’un travail de partenariat avec la PMI et les autres institutions qui s’occupent de la petite enfance, en « privilégiant » ceux qui en ont le plus besoin, notamment les familles qui ne possèdent pas la langue. Une anecdote nous rappelle que certains enfants ne parlent pas à l’école maternelle mais s’expriment chez eux.
La scolarisation à deux ans dans les milieux pauvres apparaît comme une nécessité, à condition que l’école maternelle sache s’adapter. Une directrice de Meaux dont l’école est en RAR fait parle de ses difficultés à offrir « le meilleur » à ses élèves ainsi qu’à trouver une place dans le groupe de pilotage du RAR, dans lequel l’école maternelle n’est pas comprise comme école fondamentale.

En conclusion, d’autres réunions consacrées à l’école maternelle sont demandées par les participants afin que l’école maternelle trouve vraiment sa place dans les dispositifs d’éducation prioritaire.

Adresses électroniques des quatre intervenants  :
Christophe Thouny et Joce Lebreton (reseau.bagnolet@free.fr)
Sylvie Demetz (sylviebd@wanadoo.fr)
Jacqueline Rioult (j.j.rioult@wanadoo.fr)

Compte rendu rédigé par Jean Rioult

Note de l’OZP : Voir en ligne l’article de la revue "Education & formations", n° 66 de juillet-décembre 2003 : "Faut-il développer la scolarisation à deux ans"

Voir ci-dessous une version PDF à la mise en page plus élaborée

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