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La situation des ZEP devient banale en matière de violence (le rapport de l’INSERM)

24 mars 2005

Extrait de « La Croix » du 23.03.05 : violence ordinaire dans le secondaire

Un rapport que révèle « La Croix » analyse pour la première fois la violence dans les collèges et lycées à partir des paroles des élèves. La violence ordinaire augmente et s’étend à tous les établissements

Des élèves attendent devant un lycée de Fresnes où un garçon de 16 ans a été blessé à l’oeil, par le projectile d’un flashball tiré par deux hommes masqués ayant fait irruption dans la classe où il assistait à un cours, le blessant légèrement. C’était à l’automne 2002. Cette violence extrême a tendance a laisser place à des actes plus ordinaires mais plus nombreux (photo Guez/AFP)
La violence scolaire n’explose pas mais se banalise. Les agressions de la vie quotidienne, dégradations des biens et vols d’objets augmentent beaucoup plus que les actes spectaculaires, comme les agressions de professeurs ou l’utilisation d’armes. Mieux canalisée dans les collèges et lycées réputés sensibles des cités, cette violence que l’on pourrait dire « ordinaire » progresse en revanche sur tous les terrains, des établissements de milieu rural à ceux des centres-villes.

Une enquête que révèle aujourd’hui La Croix apporte un complément d’information extrêmement précieux sur l’augmentation, attestée mais mal identifiée, de la délinquance dite juvénile. Trois chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Marie Choquet, Christine Hassler et Delphine Morin, ont décortiqué les résultats de l’enquête « Espad » réalisée à l’échelon européen en 1999 et 2003. Les résultats avaient déjà été exploités et rendus publics en ce qui concerne les volets toxicomanie ou suicide des adolescents (lire La Croix du 5 novembre 2004). En revanche, les questions portant sur les violences n’avaient pas encore livré leurs secrets. Alors que les analyses du ministère portent sur les actes graves déclarés par l’administration (lire Repères ci-contre), le rapport de l’Inserm, lui, présente pour la première fois un état des lieux à partir des réponses fournies par 16 500 collégiens et lycéens - dont 18 % scolarisés dans le privé - dans 400 établissements publics et privés.

Première leçon de l’enquête : la violence scolaire a certes augmenté entre 1999 et 2003, mais cette évolution est variable selon les types de violence. Près de la moitié des types de comportement étudiés (5 sur 11) connaissent une augmentation et, parmi eux, les dégradations de biens publics ou privés se hissent largement en tête : 22 % des jeunes déclarent en 2003 avoir « abîmé exprès » des biens contre 16 % quatre ans plus tôt. Soit une augmentation de 40 %. Arrivent ensuite les vols d’objets d’une valeur supérieure à 15 € : la proportion de jeunes avouant cette conduite progresse de deux points, passant de 11 % à 13 %, soit une augmentation de 20 %. Le développement d’équipements tels que les téléphones portables ou les lecteurs de musique explique certainement ce résultat, commentent les auteurs de l’enquête.

C’est la violence ordinaire qui gagne du terrain
En revanche, les violences les plus graves comme l’agression d’un professeur, l’utilisation d’armes, les pratiques incendiaires ou la revente d’objets volés ne progressent pas ou faiblement. Les faits divers tragiques et les récits spectaculaires qu’en font certains médias exacerbent la sensibilité de l’opinion publique à la délinquance juvénile. Ainsi, vendredi dernier, le grand frère d’une élève du collège d’Alès (Gard) a fait irruption dans une salle de classe, avant de rouer de coups le professeur de français. Lundi, c’est un élève de Saint-Étienne qui a été poignardé en pleine cour du lycée Saint-Louis. Des événements gravissimes mais qui ont tendance à tronquer la représentation de la violence à l’école. Les enquêtes Espad montrent en effet que c’est la violence ordinaire qui gagne du terrain.

Une conclusion directement liée à la nature des actes commis, mais aussi au profil des publics concernés. Les chercheurs de l’Inserm révèlent sur ce point une vraie surprise qui nuance sérieusement les statistiques de l’éducation nationale. Ces statistiques tendent à montrer que la violence scolaire se concentre sur certains établissements : pour l’année 2003-2004, 10 % des 7 900 établissements du second degré signaleraient à eux seuls la moitié des 81 000 incidents graves recensés. Autrement dit, les collèges classés en ZEP auraient en quelque sorte le quasi-monopole de la violence scolaire. Or, c’est faux, estiment les chercheurs de l’Inserm. Si l’on prend en compte non pas seulement les actes graves signalés par l’administration mais les déclarations des élèves, la différence entre établissements apparaît très faible.

Par exemple, entre collèges ruraux et urbains, « les faibles différences qui existent disparaissent en ajustant sur le sexe et l’âge (les élèves des établissements urbains étant plus âgés). Seule différence significative : la revente des objets volés plus fréquente en milieu urbain. » De même, entre 1999 et 2003, c’est en milieu rural que la violence augmente le plus. Les auteurs relèvent aussi qu’il y a peu de différences entre collèges ZEP et non ZEP ; que les élèves du public ne seraient pas en moyenne plus concernés que les élèves de l’enseignement privé par les violences verbales et les dégradations. « En 1999, des différences existaient encore nettement entre les établissements sensibles et les autres, explique Marie Choquet. Mais, depuis, c’est hors ZEP que la violence a le plus augmenté. Ce constat montre indirectement les effets positifs des actions de prévention et des dispositifs particuliers mis en place localement, qui ont permis de contenir la violence dans les zones sensibles.

(...)
Bernard Gorce.

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